La blonde apprécie l’idée que nous sommes tous destinés à exercer un certain métier et pas un autre. Ce n’est pas forcément très réaliste, c’est même l’inverse mais sa rêverie et la poésie de sa théorie l’empêchent d’être logiques. Bien sûr, avec persévérance, on peut tous atteindre de multiples compétences mais nous n’avons pas tous les mêmes prérequis. La passion est un élément essentiel dans un domaine aussi dur que la pâtisserie. Tout le monde s’improvise cuisinier ou pâtissier mais certains ont un talent inné, qu’ils ont forcément travaillé bien entendu. A ses yeux, Rian a su innover, créer un projet en connaissant le goût de chaque ingrédient. Elle lui offre un léger sourire, ne rebondissant pas sur ses mots car au fond, elle se sent en mesure de comprendre son point de vue. Yujin se met à rougir à son commentaire et ne sait plus où se mettre. Si elle s’était moquée gentiment de sa patronne, c’est un vrai retour de flammes qui se passe en direct sur ses joues. “ Tu dis n’importe quoi ! “ La confiance en soi, c’est un concept qui échappe encore à la demoiselle. Elle ne saurait pas pourquoi les gens la trouveraient belle quand elle a horreur de son visage. Yujin esquisse un sourire touché. “ C’est génial d’avoir réussi à te détacher de l’avis des autres. Parfois, on oublie que nous sommes le réalisateur et l’acteur de notre propre vie. “ Elle retient un soupir. “ Je crois qu’on en a tous conscience et pourtant, on continue de s’imposer dans les choix des autres. C’est triste. “

Rian ne s'était jamais imaginée faire autre chose de sa vie le moment où elle était entrée dans l'univers de la pâtisserie, c'était comme une évidence alors même que son père biologique s'était entêté tant d'années à lui prouver le contraire, et ce qui expliquait clairement pourquoi leurs relations maintenant étaient invisibles. Ils partageaient le même sang certes, mais Rian ne lui avait plus parlé depuis des années, seuls quelques textes courts, obligatoires quand sa mère lui faisait la morale. Un merci, un bonne année du bout des doigts, impersonnels. Bref, ce n'était pas le moment de penser à lui, elle vivait très bien sans son ombre derrière elle, à lui dire qu'elle gâchait sa vie en n'ayant pas suivi sa voie. En attendant, comme elle le disait à Yujin, Rian restait persuadée que même si certains éprouvaient des difficultés à réaliser des tâches les plus simples, comme cuisiner par exemple, à force de pratiquer encore et encore on pouvait arriver à un résultat. Tout le monde ne partageait pas forcément cet avis, et elle le respectait. La confiance était une des matières premières pour y parvenir, mais tout le monde ne l'entendait pas forcément de cette oreille. « Non je suis sérieuse. » Elle rétorque dans un rire, avant de changer de sujet, hochant la tête aux paroles de son employée, ça n'avait pas été facile et elle avait mis du temps à se détacher pleinement de l'emprise de son père mais elle avait réussi. C'était tout ce qui comptait. « Malheureusement les gens s'imaginent trop qu'ils ont le pouvoir, et le droit, de se mêler de la vie des autres, comme si ils avaient quelque chose à combler en venant fourrer leurs sales nez dans ce qui ne les regardent pas. » C'était humain, et pourtant une habitude dérangeante, une curiosité presque morbide.

L’avis de l’employée est en totale harmonie avec le discours de sa patronne. Les autres, et plus particulièrement la famille, surveillent souvent le comportement de chacun et ne peuvent pas s’empêcher de donner des conseils, qui ressemblent finalement à des ordres. Chacun devrait être libre de mener sa vie comme il entend. Parfois, il faut comprendre qu’il s’agit d’une illustration de l’inquiétude. Parfois, il faut aussi comprendre que c’est lié à un caractère malsain, impulsif voire même jaloux. Yu Jin aurait bien aimé ne pas suivre les remarques, ni les écouter mais ce n’est pas si simple. Il faut avoir confiance en soi et connaître ce qui est bon pour nous. Ainsi, elle admire encore plus Rian de tenir ce genre de discours. Elle imagine que cette situation ne s’est pas construite en un jour. Elle a dû s’armer de patience en plus du courage. La cadette devrait prendre exemple sur elle mais pour l’instant, la blonde ne sait pas encore ce qu’elle veut réellement faire de sa vie. Si l’étudiante est certaine d’avoir choisi la bonne filière, elle se demande si les aléas feront qu’elle changera d’avis plus tard. Ce ne serait pas la première, ni la dernière fois. La belle songe pendant plusieurs secondes, la réplique de son aînée tournant en boucle dans sa tête. Si elle est effectivement d’accord avec Rian, la demoiselle reconnaît avoir dépassé les limites avec certains de ses proches. “ Après tous ces comportements ne sont pas forcément malveillants... Il faut comprendre l’objectif de cette personne aussi. Mais oui, nous sommes d’accord. Certains ont juste besoin de mettre leur venin quelque part. “ Elle pose sa joue contre sa main d’un air sérieux.  “ Quand on veut aider quelqu’un qui n’est pas en mesure de le comprendre, c’est souvent difficile. Enfin ! On ne va pas changer le monde mais c’est bien pour toi. “ Elle la gratifie d'un sourire.  

Parler de ce sujet particulier faisait remonter des souvenirs bien loin d'être agréables dans l'esprit de la jeune femme, Rian pinça les lèvres en songeant à tout ce que son géniteur avait pu faire parce qu'il pensait que ses choix seraient ce qu'il y avait de mieux pour sa fille. Il lui imposait sa vision des choix, la voie vers laquelle il voulait qu'elle se tourne, et même dans ses relations amoureuses. Se remémorant comment il avait brisé son couple avec Jeha, les harcelant à sa manière chacun de leurs côtés, jusqu'à ce que ça soit de trop, la belle avait envie de l'étrangler, il n'avait jamais supporter le non, tout devait aller comme il décidait. Dommage pour lui, ses enfants n'avaient jamais été les pions qu'il aurait aimé qu'ils soient. Voilà pourquoi Rian était aussi dérangée à l'idée qu'on vienne fourrer son nez dans ses affaires, et même si les paroles de Yujin avaient du sens elle devait bien le reconnaître, aux yeux de la brune ça n'excuserait jamais le fait de vouloir décider à la place de la personne principale. On pouvait donner son avis, oui, mais pas l'imposer. « Oui je le sais bien, mais personnellement j'ai du mal avec ça, je peux comprendre qu'on veuille donner son avis, tout le monde a le droit, ça je l'accepte, mais ceux qui veulent comme prouver que leur opinion c'est la seule possible ? Là non, je ne marche pas. » Elle soupire, passant une main dans ses boucles brunes. Elle avait trop souffert de ça. « Cela serait bien trop beau, Yujin, si c'était possible, tu imagines ? Rien qu'en un claquement de doigts tu peux changer les choses à ta façon ? Certains rêveraient de détenir un tel pouvoir. » Elle adresse un sourire amusé à son employé, bien qu'en réalité, si on y réfléchissait bien, ça serait terrifiant si ce type de pouvoir existait bel et bien. Dans les mains d'un pacifiste ça passait, mais autrement.. Rien que d'y penser, elle en a des frissons dans le dos. « Enfin bon, c'est la vie. »

Leur débat l’intéresse et la pousse à poser des questions sur son propre comportement. Comme tout le monde, la blonde s’est vue imposer certaines situations. Mais, de son point de vue, l’inquiétude de ses proches n’est pas forcément une erreur sauf si elle devient nocive. Elle se demande si elle n’avait pas dépassé les limites mais malheureusement, elle n’aura jamais la réponse. C’est compliqué les relations humaines et elle est heureuse de pouvoir suivre des cours à ce sujet. Du moins, tout ce qui se rattache à l’homme et ses émotions. Ce n’est pas une science exacte et ça rend l’exercice encore plus difficile et intéressant. “ Oui. Je ne suis pas sûre qu’avoir un tel pouvoir dans la rue arrange les choses au final. “ Elle lui offre un sourire, comprenant son point de vue. “ Mais bon, si je devais choisir un pouvoir, je prendrais autre chose. “ Yujin, rêveuse, prend un temps de réflexion sur son souhait. “ En dehors de vouloir vivre à Poudlard et de secouer du Gryffondor, je ne serais pas contre la possibilité de me téléporter. Ou pouvoir contrôler le temps. Comme ça, quand je suis heureuse, je pourrais faire durer cet instant plus longtemps. “ Si sa patronne ne décide pas de la couper, elle pourrait continuer à bavarder à ce sujet encore et encore. Il y a des sujets de conversation dont elle ne parvient pas à se lasser. “ Et quand l’heure de fermeture se fait attendre, une petite accélération rapide comme sur youtube. Et le tour est joué ! “ L’étudiante se met à rire avant de sentir ses joues rougir. “ Oh, ce n’était pas le meilleur exemple à dire. Oops. “  

Rian ne disait pas que c'était une si mauvaise chose, partager ses opinions et dire ce que l'on pensait, n'importe qui préférerait cela qu'on lui mente ou lui fasse croire des trucs qui ne sont pas vrais. Non ce qui l'ennuyait en revanche, c'était si on venait imposer sa vision aux autres, comme son géniteur avait pu le faire de son côté, ça elle ne pouvait l'accepter. Pas après ce qu'il avait fait, à elle, à Jeha, à leur couple, tout ça parce qu'il avait décidé que ce n'était pas ce qu'il voulait pour sa fille. Résultat des courses, elle l'avait rayé de sa vie, encore plus qu'il ne l'était déjà, ses relations avec son père n'ont jamais été au beau fixe, mais maintenant il était plus un ennemi à ses yeux qu'un père. « Non, je dois avouer que ça me ferait presque peur, si quelqu'un avait un tel don. » Elle souffle, leur discussion avait pris un tournant un peu sombre, il fallait bien l'avouer. Les mots, et le changement de sujet au passage, de Yujin font naître un sourire amusé sur les lèvres de Rian, appréciant la légèreté revenue entre elles. Elle s'arrête plusieurs secondes, Rian, à regarder et écouter Yujin parler comme une maman écoutant les rêves de sa petite fille. « Haha, non ne t'en fais pas, Yujin, c'était bien trouvé. » Elle rit aux éclats, faisant mine de réfléchir, qu'est-ce qu'elle aurait aimé elle comme pouvoir ? « Petite je voulais pouvoir parler avec les animaux, je trouvais ça fascinant. » Mais maintenant, avec la vie qu'elle menait ? « Maintenant, je me dis que j'aurais adoré pouvoir voler, me prendre pour un oiseau, ça aurait été le paradis, et puis ça aurait bien été avec Serdaigle maintenant. » Dans les deux cas, le pouvoir aurait été magistral !

Ce temps d’échange avec sa patronne n’est pas désagréable. Elles n’ont pas une grande différence d’âge et ont plus d’un point en commun à leur actif. C’est ce qui motive aussi Yujin à travailler ici. C’est son premier travail et parfois sa maladresse lui fait dire des choses qu’elle ne devrait pas. Du moins, si elle était en face d’un boss beaucoup moins conciliant. De toute façon, quand on voit le thème de son restaurant, on imagine facilement Rian avec une ouverture d’esprit qui se rapproche de la cadette. Alors oui, elles forment une bonne équipe, y compris avec leurs autres collègues de travail. De manière générale, il y a donc une bonne ambiance dans le coin. La blonde échappe un léger rire. “ Tu as regardé Dr Dolittle, toi ? “ Mais elle la comprend. Secrètement, elle se dit peut-être que nous n’avons pas la possibilité de les comprendre oralement mais il est si agréable d’avoir un échange avec un animal. Elle aime bien s’occuper du hamster de son colocataire à défaut d’avoir son propre animal de compagnie. Peut-être que l’étudiante pourrait prendre un chien dans le futur mais le voir grandir dans un appartement sans jardin a tendance à lui briser le cœur. Compte tenu du montant de son loyer, elle serait toute aussi bête de déménager. Il y aurait toujours du bénévolat, une noble cause, c’est certain mais... Elle finirait par en adopter plus d’un, beaucoup trop sensible devant leurs regards malheureux. “ Que de bonnes idées... Nous sommes toutes les deux très inspirées ! “ Yujin regarde ensuite l’horloge un peu plus loin. “ Il commence à se faire tard. Je vais finir de ranger... C’est bon pour toi ? “ C’est que la nuit est tombée. Rien ne les empêche de poursuivre jusqu’à l’arrêt de bus, qui sait ?  

Le sourire ne sembla pas vouloir quitter son visage ce soir, parler avec Yujin lui faisait un bien fou, loin de toute l'activité en pleine journée de la pâtisserie et le besoin de donner des ordres, Rian appréciait cet instant pour ce qu'il était : un moment d'échanges avec la jeune femme sans qu'il y ait d'étiquettes entre elles. Même si Rian restait l'employeur, elle se moquait de son statut à l'heure actuelle, Yujin et elle n'étaient pas si différentes, et l'heure n'était plus à respecter ce que la société imposait dans le cadre du travail. Rian appréciait beaucoup de parler de tout et de rien avec Yujin, la jeune étudiante avait des idées et sa conversation était plaisante, elle apportait un vent de fraîcheur qui était accueilli à bras ouverts, cette pensée qui étira un peu plus le sourire sur le visage de la pâtissière, de partager sa passion et ses idées avec elle. « Un classique quand on est petit tu ne trouves pas ? » En tout cas, combien de temps elle avait dû pleurer quand sa mère lui avait dit que ce n'était pas possible de faire comme dans le film, que ce n'était que du cinéma. « Faut bien avouer que savoir ce que les chiens ou les chats peuvent penser de leurs maîtres, ça me titille. » Elle ajoute en riant. Au moins cela évitait de s'intéresser aux choses plus ennuyantes de la vraie vie, un peu de magie n'avait jamais fait de mal à personne après tout. « L'inspiration n'a jamais de limite ! » Elle rétorque en lui adressant un clin d'oeil, avant de jeter un regard à sa montre. « C'est vrai, on parle, on parle mais l'horloge tourne. Je finis un petit truc et je suis prête à partir. » Dernières vérifications pour voir que tout est bien éteint, pas de risques d'accident ou dieu sait quoi, et à peine dix minutes plus tard, les deux jeunes femmes sortirent dans la rue. « Je peux te faire une confidence ? Parfois ça me manque de sortir quand le soleil est encore là. » Elle sortait beaucoup trop tard maintenant.

Elle hoche la tête. Ce film est effectivement un classique, parmi beaucoup d’autres. L’avantage d’être un enfant, c’est que le principe des contraintes leur échappe. Ils peuvent regarder autant de films qu’ils le souhaitent. Elle pouffe légèrement de rire. “ Comme nous. Ils doivent nous adorer comme nous détester par moment. “ Un monde bien imaginaire pour chaque d’entre elles. Beaucoup de rêves, de souhaits et surtout d’illusions. L’avancée de la technologie ne pourra jamais atteindre de tels objectifs et cela ne dérange pas la demoiselle. Laisser planer un tel mystère, c’est aussi ce qui renforce le lien avec les autres êtres vivants. Ça lui donne une sensation de magie !  

Il est désormais temps pour elles de quitter la boutique. Yujin vient de ranger les derniers couverts avec une rapidité déconcertante. Bien sûr, la belle a fait attention à ne rien casser autour d’elle. La fatigue commence à prendre possession de son esprit après cette journée de travail. Prendre une bonne douche lui fera du bien avant de se perdre dans les bras de Morphée. Elle esquisse un sourire à la remarque de Rian. “ Bientôt, tu vas devenir un vampire. “ Mais elle comprend son point de vue même si avec son planning d’étudiants, sa patronne ne lui demande pas de venir tous les jours. Alors, Yujin a le temps d’en profiter contrairement à elle. L’inconvénient quand on travaille à son compte. “ Tu devrais peut-être songer à prendre quelques jours de congés. Ça pourrait te détendre et tu auras l’occasion de profiter du soleil. “ Yujin attrape son téléphone dans son sac à mains et répond à quelques messages sur kakao. “ Tu vas dans quelle direction ? “ La plus jeune risque de prendre le bus.   

Comment le sujet avait fini par dévier sur ça, Rian ne savait pas trop mais ça l'amusait elle n'allait pas mentir, c'était toujours intéressant de voir les réponses d'autrui pour des questions qui pouvaient sembler parfois idiote. Mais cela permettait d'avoir une idée de la personne, sans pouvoir prétendre tout devenir d'une seule et unique réponse mais Rian appréciait ça. Et Yujin était de bonne compagnie, elle appréciait la jeune femme, ça lui faisait du bien d'échanger avec elle sur divers sujets, voir les différentes idées ou visions qu'elles avaient chacune. « Il doit y avoir de ça. » Elle murmure en réponse, un rire glissant entre ses lèvres, c'est vrai que parfois l'amour entre un maître et son animal de compagnie pouvait être vache. « Mais je me dis qu'on pourrait aider tellement de pauvres bêtes qui n'ont pas la chance d'être avec les bonnes personnes. » Savoir lequel n'allait pas bien, afin de les sauver. Trop d'animaux n'avaient malheureusement pas cette chance, d'être aimés par la bonne famille.

Changeant de sujet, parce qu'en réalité ça allait rapidement lui vriller le moral de penser à ça, Rian jette un coup d'oeil dehors, effectivement il se faisait tard, il faudrait qu'elles rentrent chacune chez elles. Rian n'était pas non plus une tortionnaire qui forçait à rester debout jusqu'au lever du jour, bien qu'elle-même était parfois tellement concentrée dans ses préparations qu'elle ne voyait pas le temps passer. « Je me le demande pour être honnête mais non je ne brûle pas encore au soleil et mes canines sont tout ce qu'il y a de plus normal. » Elle plaisante en retour, éclair malicieux dans le regard. « Cela fait tellement longtemps, j'ai l'impression que si je prends quelques jours je vais avoir du retard dans tous mes projets. » Elle souffle en passant une main dans ses cheveux. « Mais je devrais y songer j'imagine. » Avant de faire un burn out. Tournant son visage vers Yujin, elle laisse un léger sourire naître sur son visage. « J'habite à quelques rues d'ici, mais je peux t'accompagner si tu veux, tu dois prendre quelque chose pour rentrer ? »