Est-ce que la mort ne lui irait pas ? Le film préféré de Seizan était Corpse Bride. Elle trouvait la beauté de la mariée surréaliste et malgré la réalité qui les a rattrapés, Seizan ne comprenait pas pourquoi Victor ne l’avait pas choisi … Amère de cette fin qu’elle aurait rêvée autrement, Seizan avait toujours été fasciné par Emily. Elle méritait tant une autre vie, une seconde chance, d’être aimé, pleinement, pour ce qu’elle était vraiment … pour ce qu’elle aurait dû être … Peut-être qu’aujourd’hui elle aurait aimé une autre vie pour elle aussi. Le teint pâle et les lèvres bleus. Seizan n’était pas de l’avis de Beom Gyu. Elle se trouvait ravissante portant la mort sur elle. Elle aurait l’allure de ces poupées de cires. De celles qu’on trouve aussi belles qu’inquiétantes. Elle pouffe de rire à la remarque de son ami et lance un coup d’œil derrière elle pour échanger un regard complice avec son démon. Il sourit en coin, de cette façon que la jeune femme apprécie particulièrement. Son cœur manque un battement alors que son image disparait, pour laisser à la jeune femme l’occasion de garder son intérêt sur son ami. Elle ne remarque pas le changement dans le comportement de Beom Gyu, surprise imperceptible pour ce garçon portant tant de lourds secrets. Des choses qui n’appartiennent qu’à lui. Une vérité que la jeune femme est bien loin de connaitre, et bien loin de se douter. Elle se glisse à ses côtés en s’asseyant au sol, veillant à ne pas le toucher car elle savait qu’il n’aimait pas ça même si elle rêvait de pouvoir poser sa tête contre sa cuisse. « J’en sais rien » admet-elle pour la danse. « Peut-être pas. Peut-être que j’aurais trouvé ma liberté autrement. Ailleurs … » elle marque une pause et réfléchis à ce qu’elle aurait aimé être « Changer d’identité c’est s’offrir de nouvelles chances … Si je n’étais plus Seizan je serais autre chose que cette danseuse étoile à la carrière brisée. Je serais autre chose que cette femme bafouée, trompée et humiliée … Je n’ai pas envie de rester cette gosse qu’on a abandonné. » Mais si recommencer à 0 voulait dire tout changer, perdre ces peu de choses qu’on aimait, est-ce que ça valait la peine. « Je ne sais pas » répond-t-elle à haute voix avant de poser son regard sur le garçon « Est-ce que ça vaut le coup de perdre ce à quoi on tient ? parce que pour recommencer à 0 … » dit-elle laissant la fin de sa phrase en suspend … elle pince ses lèvres et pose sa joue sur son avant-bras fixant le vide pour réfléchir. « Si je changeais d’identité, tu resterais dans ma vie Beom Gyu ? » demande-t-elle comme une enfant perdue.

Son amie était clairement folle et dérangée. Mais le genre de folie dans laquelle Beomgyu arrivait encore à trouver de la beauté. C’était la tristesse derrière ses mots, ses envies de s’évader, de pouvoir pousser un bouton reset et se dire que tout pourrait que mieux se passer. Bien sûr que le musicien lui-même s’était déjà posé ces questions. Il avait eu l’envie de recommencer ses vies, maintes et maintes fois, avait tenté de le faire, avait plus ou moins réussi. Cependant rien ne changeait concrètement dans les faits. On ne pouvait changer le passé et celui-ci vous rattrapait toujours. Si sa première vie était celle qui avait vécu retiré dans la montagne avec cet oncle, il avait tenté une deuxième vie lorsque l’homme âgé s’était fait arrêter. Ainsi de suite, il s’était bien rendu compte qu’il resterait toujours Hwang Soli, ce petit garçon qui n’avait ni parents, ni origines. Beomgyu n’était qu’une façade, certes avec une base tellement solide qu’elle ne risquait pas de s’effondrer de si tôt, néanmoins elle ne restait pas réelle. Au final, toute sa vie n’était que fiction. La musique était ce guide qui lui permettait de garder la tête hors de l’eau, sûrement la seule réalité qui marquait sa vie. Car c’était lui qui produisait cette musique, bien qu’immatérielle, c’était la preuve de sa vie et son passage sur terre. « Si tu n’étais plus Seizan, ta cheville ne se réparerait pas par magie pour autant. » C’était ça, la réalité des choses. Il était facile de s’amuser à changer de visage, c’était possible. Les gens changeaient lorsqu’ils grandissaient, voire simplement car ils devaient se protéger alors une belle mascarade démarrait. Néanmoins, les faits restaient présents et ce n’était pas parce que la jeune femme n’était plus danseuse que sa santé physique irait mieux. « Tu es idiote, vraiment. » Il ne pouvait cependant lui dire qu’il savait. Qu’il vivait cette même situation depuis des années et qu’il avait pourtant essayé, peut-être sans réellement y mettre du sien. Peut-être ne cherchait-il pas à se détacher de son passé. Peut-être voulait-il simplement continuer les enseignements de son oncle et se prouver qu’il avait cette chose en plus que les autres n’avaient pas. Il l’écoutait poser toutes ses questions, jusqu’à la dernière qui lui fit relever la tête. Son regard planté dans celui de son amie, il n’hésita pas une seule seconde. « Non. » Il n’aurait aucune raison d’être dans la vie de la jeune femme si elle était quelqu’un d’autre. Elle, qui avait débarqué rapidement dans son quotidien pour y prendre plus de place qu’il ne lui avait accordé. « Le passé est cruel, mais est-ce que ton présent l’est tout autant ? » Elle souffrait bien physiquement, et mentalement à cause de cet empêchement de pouvoir proprement danser. Il le savait, mais elle n’était plus réellement abandonnée car il était là si le besoin se faisait ressentir. Il ne le dirait jamais ouvertement, mais elle n’était pas seule. « Je peux te dire que changer d’identité ne règle rien. » Il lui donnait une réponse sans trop en dire. Il ne pouvait pas trop en dire. « Au contraire, ça empire les choses. » Car on ne se détachait jamais de son identité, et les problèmes n’étaient au fond que multipliés. « Et je ne serai pas là pour toi. »