outfit - Lui non-plus n’avait plus envie de vivre dans le passé. Pourtant, Chansol était un fantôme du passé lui rendant visite alors cette situation était ironique. Était-il un fantôme du passé pour Chansol ? En l’invitant boire un café, espérait-il expier ses fautes ? Aujourd’hui, il ne lui apparaissait plus comme l’enfant d’antan. Cet enfant sûr de lui et bagarreur. Chansol avait changé, il ne le nierait pas. Ses poings n’étaient plus crispés, ils tremblaient mais cela restait différent. Ses iris étaient mélangés de nouvelles nuances de couleur et son teint, encore blafard, était plus lumineux. Comment lui apparaissait-il à ses yeux ? Cette rencontre l’épuisait et il continuait de retenir ces larmes qui ne demandaient qu’à suivre leur propre chemin sur ses pommettes plus creusées par la fatigue des années que celles de son interlocuteur. Avec des spéculations, on serait capable de refaire le monde ; et s’ils étaient devenus amis au lieu d’avoir été ennemis ? Aurait-il eu la force de dénoncer la violence de son père à son encontre ? Sans le vouloir, son poing s’abattit sur la table et le surprit lui-même.

« Et quand bien même comment aurait-on pu me croire ?! Personne ne m’écoutait à l’époque ! Pas même toi !, s’emporta-t-il malgré lui de par la tristesse, Pas même toi tu ne t’écoutais ! C’est ridicule, souffla-t-il dans un sanglot, C’est complètement ridicule. Ce n’était pas à moi de parler, ce n’était même probablement pas à toi. Et tes amis, hein ?, planta-t-il son regard embué de larmes au sien, En quoi étaient-ils réellement des amis à ne pas voir ta détresse ? Moi, je n’en avais aucun, je n’avais même pas de famille mais, toi, tu avais tes amis. Quels amis ne voient-ils pas que le leur sombre ?! »

Derniers mots lâchés dans un élan de stupeur. Il fixa ses mains tremblantes et attrapa son sac pour se précipiter à l’extérieur. Les larmes déboulèrent à grands flots sur ses joues alors qu’il cherchait un endroit où se cachait. Plus que tout n’aimait-il pas pleuré en public. C’était honteux et indésirable. Il plongea son visage dans ses mains en essayant de ravaler avec fureur ses larmes mais il n’y avait rien à y faire alors, avec grande perplexité, il découvrit Chansol à ses côtés qui le protégeait des regards indiscrets. Il se retourna vite pour lui faire dos et le supplia de ne pas le regarder. Il était laid, il se haïssait de sa propre faiblesse.
Quand les dernières larmes eurent descendus ses joues rouges, il se laissa glisser le long du mur et ferma les yeux en attrapant doucement le mouchoir que lui tendait Chansol. Il tamponna avec ses yeux et serra fort ce qui n’était qu’un vulgaire bout de papier mais qui représentait aujourd’hui beaucoup plus à son coeur. Il rouvrit les yeux et regarda un point devant lui.

« Si je n’ai rien dit, c’est pour plusieurs raisons mais celle-ci n’en fait pas parti, dit-il en se redressant, Je ne souhaite le mal à personne, pas même à toi. J’espère même qu’aujourd’hui ton coeur est plus apaisé que le mien ne l’est. »

Il s’étira les bras et expira un bon coup. Depuis combien de temps n’avait-il pas versé de larmes ? À force de ne pas vouloir pleurer en public, il avait lui-même oublié que des fois cela faisait du bien de se laisser aller bien qu’il estimait qu’il n’était pas celui qui aurait dû pleurer à ce jour.

« J’ai des choses à faire donc tu m’excuseras mais je vais y aller, reprit-il, Si tu ne veux plus vivre dans le passé, laisse-le donc s’en aller. »

Et lui en ferait de-même. Il le regarda une dernière fois et s’en alla. Il était exténué mais il ne comptait pas rentrer au campus sans avoir fait ses achats. C’était les vacances mais il n’était pas question de lambiner. Il continuerait à travailler sa maîtrise parce que le dessin, c’était comme le reste, voire plus encore, il fallait travailler chaque jour pour espérer toujours s’améliorer. En plus, il travaillait ce soir au bar et il avait perdu assez de temps pour s’attarder une minute de plus. Ils n’avaient plus rien à se dire tous les deux.

@sun chansol