« Qu'est-ce que tu fais... », commenças-tu en inspirant lentement, levant un instant les yeux au ciel dans un air exaspéré. « … encore », rajoutas-tu dans un nouveau souffle, les épaules basses et l'air totalement dépassé. Blasé, aussi. Une tasse entre les mains, tu le fixais, le visage un peu baissé, tes prunelles l'observant au-dessus de tes lunettes pendant plusieurs secondes, la frimousse neutre. Tu te redressas quelque peu, humectant tes lèvres en fermant les yeux, retenant un autre souffle de soulever trop bruyamment ton torse. Tu le fixas à nouveau, avalant une gorgée de ton thé, calme, patient, attendant la réponse même si tu t'en doutais déjà un peu.
T'étais étonné de ne pas avoir de cheveux gris par sa faute – mais t'étais plus vraiment étonné par le personnage. T'étais même habitué. Tristement habitué... En gros t'étais blasé et ça se voyait.

T'avais pas compris que t'allais devenir père en signant ce contrat. T'étais même sûr que ce n'était pas inclus dans les qualifications requises pour le job – parce que tu avais lu le contrat, en long, en large et en travers. Ou peut-être que c'était une compétence qui venait avec le temps. Compétence que tu avais acquise grâce à la jeune femme mais aussi grâce au garnement face à toi que tu observais toujours, ta tasse entre les mains, comme un père fixerait son gosse qui venait de faire une bêtise. En soit il devrait presque te remercier d'être aussi calme et patient. Peut-être qu'un autre l'aurait déjà viré à coup de pieds au derrière ou l'aurait enfermé quelque part pour être tranquille. Non. T'étais pas comme ça. T'étais plus du genre blasé, tout dans les mots et rien dans les actions. Tu arquas un sourcil, te penchant quelque peu pour mieux observer l'ensemble. Tu avalas une autre gorgée, redressant tes prunelles vers lui, le silence aux lèvres. Tu le jugeais sans rien dire. « T'as quel âge déjà rappelle-moi... », soupiras-tu lentement, secouant le visage de gauche à droite dans un air désapprobateur. Tu tendis ta main libre vers lui, agitant faiblement les doigts pour qu'il te donne ce qu'il avait entre les doigts, afin d'éviter qu'il ne commence ou termine sa bêtise et qu'il laisse le thé d'Ae Ra tranquille. Enfin tu supposais que c'était le sien. Tu savais plus si tu t'adressais à un homme, à un gamin ou à un chiot à force mais tu supposais que ça faisait son charme. Sans doute. Vite fait. « Tu me déçois Eui Geon », articulas-tu doucement, les sourcils quelque peu froncés. « Je te pensais plus créatif que ça »

Son plan était infaillible. Il le savait. Il n’avait pas de doute dessus. Euigeon avait tout prévu. Le thé, le tabasco et il ne lui manquait plus qu’une façon de le donner à Aera. Mais après réflexion, il en était venu à la conclusion qu’il allait simplement lui poser sur son bureau. Comme elle perdait la vue, elle ne le verrait pas, c’était certain. Son plan était parfait en tout point. La seule chose qu’il n’avait pas prévu était de se faire pincer par Hanjae. Il sursauta en entendant sa voix. Il manqua de faire tomber le café brûlant sur lui et se retourna en râlant. Il ne manquait plus que ça. « Je fais rien du tout ! » lâcha-t-il avec un sourire innocent sur le visage, comme un enfant pris la main dans le sac. Seulement, Euigeon était loin d’être innocent. En effet, la bouteille de tabasco dans les mains le rendait plus coupable que n’importe quel autre objet. Cependant, c’était pour la bonne cause, pour emmerder Aera.

Il n’aimait pas Aera et ce pour une raison bien simple. Ils avaient eu un différend à l’école. Il ne savait plus quand exactement ça avait commencé, mais c’était pour une histoire d’exposé. Ils avaient tous les deux pris le même sujet et leur professeur avait pensé à une tricherie de leur part. Ils avaient tous les deux reçu une mauvaise note et leur haine l’un de l’autre avait alors commencé. Des années plus tard, elle était toujours présente et se retrouver à travailler au même endroit n’aidait pas à apaiser les tensions.

Euigeon soupira en entendant les mots de Hanjae. « Roh ça va. Épargne moi ta morale. » Il n’était clairement pas d’humeur à entendre ses leçons de morales, pas plus que le sarcasme qu’il semblait percevoir dans les mots de son collègue. Il fut obligé de renoncer à emmerder Aera avec son thé en donnant la bouteille de tabasco au plus jeune. Euigeon haussa les épaules quand il reprit la parole. « C’est pas assez créatif à ton goût ? Et pourtant, j’avais encore jamais fait ça… Mais c’est bon, j’ai rien mis dans son thé. T’es arrivé avant. » Et pour une fois il était sincère. Il n’avait rien fait avec son thé, il n’en avait pas eu le temps, malheureusement. Il soupira en le regardant. « Tu peux garder tes réflexions… Je sais que c’est pas digne d’un prof, mais c’est elle aussi. Elle me cherche. » Un vrai comportement de gamin et il le savait. Cependant, il ne pouvait pas faire autrement, sa haine de la jeune femme était bien trop présente.

Arquant simplement le sourcil, ton visage resta impassible alors que tu le fixais avant de hocher quelque peu le visage. Rien du tout ? Tu laissas tes prunelles glisser vers ce qu'il tenait en mains. Rien du tout... Tu le connaissais à force, ce sourire innocent qui n'était pas si innocent que ça. T'étais plutôt content d'être patient, en vrai. Un jour ce serait déjà énervé... probablement.
Et t'en avais beaucoup, de la patience. T'étais aussi patient que t'étais calme – ou aussi calme que t'étais patient, tout dépendait comment on voyait les choses. Et tu supposais que c'était là une qualité, d'être patient. De pouvoir attendre sans broncher, sans râler mais aussi d'être simplement... patient avec les gens. Compréhensif et calme. Tu ne voyais pas l'intérêt de s'énerver ou de partir au quart de tour. Tu ne voyais pas l'intérêt de tout de suite montrer son ennui à l'autre ou son agacement. T'étais pas du tout genre à t'énerver. Du moins, c'était rare. Ta patience était grande. Pas autant que ta sagesse cela dit mais t'aimerais bien. De la patience, t'en avais à revendre et t'avais vu ça comme un signe pour être professeur. Enfin tu supposais que ça aurait fait de toi un bon professeur, plutôt. De la patience, t'en avais, beaucoup, et ça t'aidait à supporter les jeux ridicules d'Eui Geon et Ae Ra – jeux que tu ne comprenais pas, parfois, que tu ne voulais pas comprendre, d'autres fois. T'avais l'impression d'être le plus vieux des trois.
Ca faisait un bon entraînement cela dit, si un jour tu décidais de devenir professeur des écoles. Tu saurais gérer les enfants, t'en gérais deux quasiment tous les jours. Et si jamais tu devenais père un jour... ça t'entraînait aussi.

Le coin de tes lèvres se leva quelque peu dans un ton amusé tandis qu'aucun mot ne quittait tes lèvres. « Qu'il est mignon quand il râle », commentas-tu simplement, bougeant à peine les épaules. Tu fixas la bouteille de tabasco, l'observant un moment en se demandant pourquoi il avait cette idée. Non. Comment il avait cette idée. Non... « Tu tiens note de tout ce que tu fais ? », demandas-tu. « Et non, pas assez créatif. T'as déjà fait bien mieux », tu le réprimandais ou tu le félicitais ?? Le tabasco ou autre ingrédient versé dans le thé, c'était vu et revu. « Ha », fis-tu simplement. « C'est digne d'un adulte de verser du tabasco dans le thé de quelqu'un ? », tu haussas les épaules, l'esquisse discrète. « Je suis assistant... », digne d'un prof ou pas... ça te regardait pas vraiment. Mais t'étais un professeur dans ton cœur. Donc ça te regardait un peu. Vite fait. Tu voulais pas lui dire qu'il avait un peu raison. « Je la vois pas en train d'essayer de te trouver », tu avalas une petite gorgée de ton thé. T'étais un comique né... non ? Non. Pourtant ta frimousse était plutôt satisfaite et tu semblais assez amusé par ta propre vanne pourrie. T'allais devoir travailler là-dessus. « Qu'est-ce qu'elle t'a fait sinon ? », le questionnas-tu, te calant contre un meuble, prêt à écouter. « Vous comptez arrêter un jour ? », rajoutas-tu après une brève réflexion. Ca faisait leur charme dans le fond, de se comporter ainsi. Ca les rendait... attachants. D'un certain point de vue. Puis ça te préparer  la vie de père, encore et toujours. « Vous pourriez en parler au lieu de... », ta main fit un mouvement vague dans le vide, désignant tout et rien à la fois. « Non ? »

Se faire surprendre par Hanjae n’était pas dans les plans de Euigeon. Il avait pensé pouvoir faire en sorte de mettre son tabasco dans le thé de Aera avant de lui donner. Ça aurait été drôle de la voir cracher le breuvage en grimaçant à cause du piquant qu’il y avait à l’intérieur. Cependant, il n’aurait, pour le moment, pas la chance de voir ce spectacle parce que Hanjae, son assistant, était arrivé avant. Il mordit dans sa lèvre alors qu’il lui demanda de ne pas lui faire la leçon et son regard changea.« Epargne moi ce genre de commentaire. Jsuis pas un enfant. »  Et pourtant, c’était le cas. Il se comportait comme un enfant avec la jeune femme, comme elle le faisait avec lui et ce depuis des années. C’était ainsi d’aussi loin qu’il s’en souvenait, tout ça à cause d’un sujet d’exposé dont ils avaient eu la même idée et une mauvaise note parce que leur professeur avait pensé qu’ils avaient triché. Depuis, ils se vouaient une haine incommensurable.

Euigeon ragea encore un peu et le foudroya du regard. « Je tiens pas de note de tout ce que je fais, mais à elle oui. Comme ça je peux voir ce que j’ai fait ou non… T’es pas censé me réprimander au lieu de me faire comprendre qu’il faut que je devienne plus créatif ? » Un sourire moqueur s’afficha sur ses lèvres alors qu’il le regarda et aussi vite qu’il était arrivé, son sourire fana à cause de ses mots. Le nouveau professeur décida de ne pas répondre et grogna pour toute réponse avant de lever les yeux au ciel. « Actuellement non, elle fait rien pour me chercher, mais c’est quand même le cas généralement. C’est bon arrête de jouer au papa qui doit contrôler ses deux gosses… Ça te va pas. » Il prit le thé le fit glisser vers Hanjae, rangeant la bouteille de tabasco dans son sac avant de récupérer la serviette qu’il avait utilisé se dirigeant vers la poubelle ramassant par la même occasion un morceau de papier qui avait du tomber de sa poche et fourrant le tout dans les ordures., veillant à bien utiliser la bonne poubelle pour l'environnement.

Il revient vers son ami et leva les yeux au ciel en l’entendant. Qu’est-ce qu’elle lui avait fait ? Tout ! Elle vivait, c’était bien trop déjà. Il voulait répondre mais il continua de parler et de lui poser des questions. Euigeong attendit et secoua la tête tout en riant jaune. « T’as déjà essayé de parler à cette vipère ? Elle n’écoute qu’elle et personne d’autre. Puis pourquoi ce serait à moi de lui parler alors que c’est elle qui me pourrit la vie depuis des années ? » Il était rancunier, c’était un fait avéré, il ne pouvait pas le nier. Ça aurait été plus intelligent de briser l’abcès et recommencer à zéro, mais Euigeon n’était pas sûr de le vouloir. Aera était quelqu’un dont il n’appréciait pas la compagnie et ce n’était clairement pas le genre de femme avec qui il voulait être vu. « Sinon pour te répondre, ça date de l’école ! Elle a fait exprès de prendre le même sujet que moi pour un exposé. Le professeur a pensé qu’on avait triché ou une connerie dans le genre et à cause d’elle, on a eu une mauvaise note. » Il était toujours en colère même si ça faisait des années. Etait-ce débile ? Oui très certainement. « Depuis je la hais parce que je m’étais donné comme jamais pour cet exposé et à cause de cette connasse, j’ai eu une note de merde. » Il avait aussi déçu sa mère sur son lit de mort. Elle ne l’avait pas réellement dit ni même montré mais Euigeon l’avait senti. Elle attendait beaucoup de son fils sur ce sujet et au final, il ne lui avait ramené qu’une note bien en deçà de ses réelles capacités.

Ton rôle n'était pas que de prendre des rendez-vous et organiser un planning, tu prenais aussi soin d'Ae Ra. Ca incluait surveiller Eui Geon aussi. Et la surveiller elle aussi, du coup. T'aurais pas cru que ce serait aussi éprouvant d'être assistant. Comme quoi... « Hmm », fis-tu simplement, les pupilles vers lui et le sourcil finement arqué. « Non, t'es un grand garçon, excuse-moi », murmuras-tu lentement clignant quelque peu des paupières. S'il n'était pas un enfant, pourquoi se comportait-il comme un ? Tu devrais lui écrire la question et lui laisser deux heures pour faire une dissertation pour expliquer que non, il n'était plus un gamin.
Justement, tu pensais qu'il aurait dépassé le stade des blagues vaseuses. Apparemment non. Chacun avait son rythme pour grandir, après tout. Tu jugeais pas. Ca avait un côté... attendrissant ? En quelque sorte. S'il n'était pas en train de vouloir empoisonner ta patronne et amie, t'aurais probablement ri. Empoisonner était un grand mot, tu le savais. « Je vois », dis-tu simplement. Alors que non, franchement, tu voyais pas. Il notait pas mais il notait quand même ? Pourquoi juste Ae Ra ? Qu'avait-elle fait d'aussi horrible pour qu'il veuille lui mettre du tabasco dans son thé ? Et qu'avait-il déjà fait, surtout ? C'était ça la grande question. « Je te réprimande à ma façon », tu haussas quelque peu les épaules dans une petite grimace. Tu lui disais d'être plus créatif surtout pour qu'il oublie l'idée de vouloir le faire. Maintenant ou plus tard. Tu le pensais plus malin que ça, aussi. Juste verser quelque chose dans le thé d'Ae Ra. C'était bas... Tu bougeas le visage, les lèvres pincées. Tu devrais plus souvent être là quand les deux étaient dans la même pièce. Ca devait être un sacré vacarme de gosses agacés. Puis t'étais curieux de savoir ce que Ae Ra faisait, aussi. Tu iras aussi la réprimander plus tard. La main sur le cœur, tu fis mine d'être blessé. « Je serai donc un mauvais père ? », quel acteur tu faisais. « J'aurais pas besoin de me comporter comme ça si vous ne vous comportiez pas comme des gosses... ça ne vous pas. Ca te va pas », repris-tu ses mots, le sourcil finement haussé et un sourire discret aux lèvres. Tu restais étrangement calme. Toujours. Comme si rien ne pouvait d'agacer ou te mettre en rogne. Pas même deux adultes qui se prenaient encore pour des mômes. Tu le remercias d'un signe de tête, attrapant le temps et suivant ses mouvements. Il fallait récompenser un enfant quand il faisait une bonne action. Donc tu le remerciais... t'avais pas de bonbons. Et t'étais pas sûr qu'il le prenne bien. Ni qu'il en veuille un, en fait.

Fixant Eui Geon, une expression neutre au visage tu levas les mains avant de te désigner. « Je suis son assistant », dis-tu. Donc oui, t'avais déjà essayé de lui parler. Plus d'une fois. C'était ton métier. Mais elle était aussi ton amie. Donc.. double oui. « Elle m'écoute », elle t'écoutait et toujours avec attention. T'étais sûr qu'elle faisait pas semblant. « Tu veux que je lui dise qu'elle arrête de t'embêter ? », mais non, t'étais pas leur père. Tu l'écoutas encore ensuite, gardant les yeux rivés sur lui, hochant quelque peu le visage pour montrer qu'il avait toute ton attention. T'avais pas été dans leur situation et t'avais appris à ne jamais juger une situation dans laquelle t'avais pas été. Et puis tu t'étais bien pris la tête avec Yu Ri à cause d'un débat puéril alors... t'étais vraiment personne pour juger. « Le professeur n'a pas vérifié avant que tout le monde avait un sujet différent ? », tu fronças les sourcils. « Il ne vous a pas écouté quand vous vous êtes expliqués ? », demandas-tu. Quel mauvais professeur... tu misais la faute sur lui. « Surveille ton langage jeune homme », commentas-tu simplement en lui jetant un regard. T'avais envie de tirer des oreilles... « Le professeur aurait dû vérifier que chaque sujet était différent. C'est ni sa faute, ni la tienne », donnas-tu ton avis. Mais tu supposais qu'il n'en voulait pas. « Je suis désolé que t'aies eu une mauvaise note. Et je peux comprendre la frustration », surtout qu'il n'avait fait aucune erreur. Et Ae Ra non plus, en soit. Mais ils avaient été punis tous les deux pour une faute du professeur. T'étais vraiment sûr de toi quand tu disais qu'il aurait dû vérifier le sujet de chaque élève. « Le sujet était un truc que tu maîtrisais ? Ou dont tu voulais parler ? », vu comment ça semblait le toucher, t'imaginais mal une haine naître sur un exposé sur les plantes carnivores – quoi que. « Ma grand-mère me disait toujours que c'était pas la note qui comptait mais le travail fourni », confias-tu, le ton bas et l'esquisse nostalgique. « Tu es fier de ce que tu as fait ? Tu trouves qu'il était réussi ? Alors la note ne compte pas tout comme l'avis du professeur », il ne devait retenir que le positif, non ? Plus facile à dire qu'à faire, tu supposais – et c'était ironique, venant toi, Monsieur le Pessimiste qui ne retenait jamais rien de positif à rien.

Hanjae avait envie de lui faire la morale. Cela se voyait dans son regard et dans son attitude. Euigeon n’était pas prêt à recevoir ce genre de remarques de la part de son ami. Certes, son comportement n’était pas digne d’un professeur mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Aera lui pourrissait la vie depuis maintenant trop d’années pour les compter et ses petites farces n’étaient rien comparées à ce qu’il pouvait réellement faire pour se venger. Seulement, Euigeon avait conscience que si cela allait trop loin, il pourrait risquer gros, autant au sein de la Yonsei qu’avec la justice. Il se cantonnait donc au tabasco dans le thé, inoffensif en soi mais bien destructeur pour le palais et l’estomac de la jeune femme. Il serra les dents quand Hanjae reprit la parole, sentant l’ironie dans sa voix. Le professeur ne prit même pas la peine de lui répondre, dardant sur lui un regard plus noir que l’âme de Aera.
Son ami mit alors une nouvelle fois l’accent sur la puérilité de ce qu’il comptait faire et il leva les yeux au ciel tandis qu’il expliquait à nouveau les raisons qui le poussaient à se comporter de la sorte avec sa collègue. Il lui mentionna même le fait qu’il était censé le réprimander et pas lui donner plus de raison de penser à sa vengeance en étant plus créatif et en essayant de faire en sorte de ne pas faire de trop vues et revues. Euigeon leva les yeux et soupira, ne prenant même pas la peine de répondre. Il le réprimandait à sa façon, il n’allait rien dire de plus. Ce n’était pas ainsi qu’il allait le faire arrêter et même s’il l’avait réellement engueulé, l’ancien pyo n’aurait pas arrêté pour autant de se comporter ainsi. Il laissa échapper un grognement quand Hanjae reprit la parole et leva les yeux au ciel une nouvelle fois. « Un très mauvais père. » lança-t-il pour lui répondre avant de hausser les épaules. « Si elle n’était pas ainsi, je n’aurais pas à me rabaisser à son niveau et à faire de la merde simplement parce que madame arrêtait de passer sa vie à pourrir la mienne. » Le faisait-elle réellement ? Leur guerre durait depuis tellement de temps qu’il ne savait même plus si elle était légitime ou pas. Seulement, Euigeon était bien trop rancunier pour laisser passer et surtout arrêter son comportement puéril.

Le jeune homme leva à nouveau les yeux au ciel et haussa les épaules. C’était bien, elle écoutait quelqu’un. Cependant, il ne put s’empêcher de rire jaune et de lui répondre. « Normal qu’elle t’écoute, sinon elle se casse la gueule puisqu’elle n’y voit plus rien. Plus miope qu’une taupe tu meurs. » Euigeon grogna et secoua la tête. « J’ai pas besoin d’un babysitter pour m’aider à ce qu’elle arrête de me faire chier. » Il détourna les yeux avant de lui donner les informations qu’il désirait. L’ancien pyobeom se rendait compte que Hanjae ne connaissait pas l’histoire qui liait les deux jeunes gens. Il ne savait pas qu'ils s’étaient engueulés parce qu’ils avaient pris le même sujet et parce que leur professeur de l’époque n’avait pas jugé bon d’écouter ce qu’ils avaient à dire et avait conclu qu’ils avaient triché. Cependant, aucun de leurs travaux ne se ressemblaient et Euigeon avait trouvé ça injuste de se voir attribuer une aussi mauvaise note pour quelque chose dont il n’était pas le responsable. Il laissa Hanjae poser ses questions et le regarda outré quand il le réprimanda pour son langage. Depuis quand l’appelait-il jeune homme ? Il était plus vieux que l’assistant de Aera et il lui devait donc le respect. Euigeon laissa passer et continua d’écouter les questions qui déferlaient. La plupart, il n’avait plus assez de souvenirs pour lui répondre correctement. Pourtant, il essaya de le faire. « Non il n’a pas vérifié que tout le monde avait un sujet différent. Non il ne nous a pas écouté quand on a essayé de se justifier. Le sujet, je ne m’en souviens plus donc je peux pas te dire ce que c’était et encore moins si c’était quelque chose que je maîtrisais ou voulais. Tout ce que je sais, c’est que j’avais travaillé comme un dingue pour le faire et au final parce qu’ELLE a pris le même sujet que moi, je n’ai pas eu la note que je méritais et que j’aurais du avoir. » Ce n’était pas tant la note qui l’emmerdait. Certes, ça avait été un coup de massue parce que ça avait plombé sa moyenne et que Euigeon, même petit, visait l’excellence. Le pire avait été sa mère, déçue par la note que lui ramenait son fils alors qu’ils avaient travaillé sur le sujet ensemble. C’était quelque chose qui avait marqué le petit Im pour s’en rappeler des années après mais surtout parce qu’il n’aimait pas décevoir sa mère. « Elle s’est même pas excusée pour avoir pris le même sujet que moi et m’a même accusé de l’inverse. Comme si j’avais besoin de ça pour avoir une bonne note. J’ai pas besoin d’elle d’aucune manière. » Il le regarda et planta ses yeux dans les siens, le fixant sans chercher à le mettre mal à l’aise mais pour qu’il comprenne ce qu’il voulait dire et surtout, pourquoi il faisait tout ça. « J’aurais pu passer l’éponge avec des excuses mais là, son air hautain de princesse m’a juste donné envie de l’étriper et lui arracher les yeux avec les dents. » Et maintenant, si Aera lui présentait des excuses, il ne les accepterait pas et l’enverrait se faire cuire un oeuf.

Tu ne savais pas vraiment pourquoi tu essayais de lui faire la morale. Ou pourquoi tu te tuais à lui faire à chaque fois qu'il faisait un truc « bizarre » selon tes critères. Il était un adulte, il devait savoir quand s'arrêter. Tu savais qu'il avait posé la limite et qu'il ne la dépasserait. Mais toi, ça te dépassait. Peut-être parce que t'étais du tout du genre à faire ce genre de choses. Parce que t'étais plutôt le genre à taquiner – il n'y avait qu'à te voir avec Hae Jin. Ton comportement était totalement différent. Avec lui, t'avais pas la patience d'attendre, de vouloir écouter, entendre, comprendre. Tu voulais passer le moins de temps possible avec lui, le moins de temps possible en sa compagnie. Il n'y en avait pas beaucoup, des personnes comme Hae Jin. Des personnes capables de chambouler ta patience. Juste ta patience. Car tu restais toujours calme, même avec Hae Jin. Du moins jusque là, tu ne l'avais pas perdu. T'étais pas du genre à te lancer des fleurs, ou à te vanter... mais tu voulais tout de même appuyer ta qualité d'homme patient. Tu supposais que d'autres auraient déjà perdu leur sang froid face à Eui Geon et sa façon d'être, d'agir, de parler. De te répondre, aussi. Toi, tu t'en formalisais à peine, tentant de répondre au même niveau sans pour autant être méchant ou blessant. Tu ne voulais jamais blesser. Jamais froisser. Tu ne voulais pas mettre en colère, non plus. Tu voulais juste comprendre et peut-être faire prendre conscience que c'était tout de même ridicule. Et dépassé. Peut-être plus de son âge, non plus. Cependant t'étais qu'un ami. T'étais pas sa mère, pas son père – et il devait s'estimer heureux sinon tu lui aurais déjà tiré les oreilles à ce garnement. T'en revenais pas, parfois, d'être le plus jeune des deux. Pas de beaucoup mais quand même. « Ah », fis-tu simplement, haussant les épaules à ton tour, nonchalant. Tu ferais donc un mauvais père, selon Eui Geon – tu prenais compte de cet avis à environ... 12%. T'étais presque sûr qu'il était juste de ne pas avoir pu exécuter son plan. Comme un môme. « Je suppose que si je lui demande, elle me dira la même chose. Que si t'étais pas comme ça, elle aurait pas à être comme ça », cercle sans fin avec ces deux-là. Tu arquas le sourcil ensuite, te demandant simplement comment Ae Ra pouvait lui pourrir la vie.
Ils n'avaient qu'à ne plus se croiser ? Faire leurs vies chacun de leurs côtés ?

« Arrête de lever les yeux au ciel tu vas finir par être bloqué », ta grand-mère t'avait dit ça quand tu louchais mais tu supposais que ça comptait aussi pour ce geste-là. « C'est pas sympa de t'en prendre à elle sur ça », fis-tu simplement remarquer. « J'espère que tu sais courir vite. Elle te bottera les fesses quand elle ira mieux », rétorquas-tu, amusé à l'idée d'imaginer la course poursuite. « J'ai cru pourtant », tu le fixas un instant avant de hausser les épaules. Tu voulais bien faire en lui proposant tes services, ton aide... quelque chose. Tu ne pouvais t'empêcher de comparer Ae Ra et Eui Geon à des enfants quand tu les voyais ainsi. Pouvait-on te blâmer ? Non. Et ce n'était pas réducteur, d'après toi. Ou insultant. C'était juste la vérité. Ils ressemblaient à deux adultes se comportant comme des gamins. Parce que se comporter comme des grands semblaient rendre la chose plus difficile. Cela leur ferait sans doute voir le problème autrement et peut-être que leur égo clashait un peu avec cette idée. C'était dur, parfois, d'avouer qu'on avait tort. De reconnaître qu'on avait mal agi, qu'on agissait toujours mal. C'était plus simple de se mettre derrière un mur et de continuer. Plus simple de fermer les yeux. Cela dit si ça leur plaisait comme ça... Tu l'observas alors qu'il te répondait, secouant doucement le visage. Tu pensais toujours que c'était la faute du professeur – mais lui ne semblait pas vouloir l'entendre, alors que tu n'insisterais pas. « Qui te dit que c'est elle qui a pris le même sujet et pas toi qui a choisi un sujet similaire ? », demandas-tu simplement. Si personne n'avait vérifié... qui pouvait certifier qu'il ou elle avait eu l'idée en premier ? « Qui peut dire que c'est toi qui a eu l'idée en premier ? », tu l'entendais presque déjà te dire qu'il avait eu l'idée en premier, qu'il le savait, qu'il s'en souvenait – mais il ne se rappelait plus le sujet ni si c'était quelque chose qu'il maîtrisait. Mais l'avoir choisi en premier avant tout le monde, ça, oui. « Est-ce que tu t'es excusé toi ? », le questionnas-tu encore. « Pourtant t'as besoin d'elle pour porter le chapeau », soulignas-tu simplement, tes iris se plantant dans les siens, ton sourcil se levant quelque peu. « C'est imagé », commentas-tu, imperturbable... l'image te dégoûtait tout de même, d'où la petite grimace qui vint froisser ta frimousse. « Et si je m'excuse pour elle ? », proposas-tu. « Et j'irai m'excuser pour toi auprès d'elle », oh.. tu le sentais déjà.. comment on allait t'envoyer sur les roses d'un côté comme de l'autre. « Le pire dans tout ça c'est que vous auriez pu bien vous entendre. Vous vous ressemblez un peu, que tu le veuilles ou non », tu penchas un peu le visage, songeur, clignant doucement des paupières, imaginant les deux énergumènes s'entendre comme pas deux... tu écarquillas à peine les yeux. « C'est peut-être mieux comme ça, en fait », songeas-tu à voix haute, un regard presque horrifié vers le sol. En soit tu exagérais, tu les adorais, hein – mais avoir les deux face à toi et ensemble, contre toi et ta patience...  tu recalculais un peu ta vie. « Ca te tente de faire un tour à la campagne avec moi la prochaine fois que tu as du temps libre ? », proposas-tu, tes prunelles retournant vers lui, avant de sortir ton téléphone. « C'est toujours agréable de prendre un bon bol d'air frais », toi et ta campagne... Tu retins le soupir dévasté qui menaça de soulever ton torse. « Tu es occupé après ? Tu as faim ? Je t'invite »

Ferait-il un aussi mauvais père que Euigeon le prétendait ? Il n’en était pas sûr. Il n’avait dit ça que pour le faire taire parce qu’il avait réellement l’air d’être un père qui gérait ses deux enfants. En même temps, le comportement des deux adultes n'étaient pas vraiment une attitude que deux personnes majeures et responsables devaient avoir. Euigeon en avait conscience, mais malheureusement, sa haine de Aera n’était pas quelque chose qu’il contrôlait. Au contraire, c’était physique et comme elle aurait cette apparence pour le restant de sa vie, ce serait compliqué de ne plus la détester. Rien ne changerait entre eux et ils le savaient tous les deux. Alors, même si Hanjae se mettait entre eux, il ne pourrait pas faire grand chose. Il marqua un nouveau point quand il retourna la phrase de Euigeon contre lui. Ce dernier haussa les épaules et lui sourit légèrement.« Demande lui, tu verras bien. Mais en attendant, c’est elle qui me cherche le plus. » Etait-ce vrai ? Même le professeur n’était pas sûr de ce qu’il avançait. Cependant, il n’avait pas envie d’avouer que ce soit à son ami comme à lui-même que son comportement n’était pas digne d’un comportement adulte. Hanjae reprit d’ailleurs la parole et un rire s’échappa des lèvres du plus vieux. « Tu sonnes encore comme un daron. Vraiment va falloir que t’arrêtes ! » Autant parce que ça ne lui allait pas que parce que ses mots lui rappelait ceux que sa mère lui disaient quand elle était encore en vie.

Euigeon s’en prit ensuite à l’handicap de Aera et il haussa les épaules face à la réaction de Hanjae. Il rit même en répondant. « Arrête, c’est une mine d’or… Toutes les blagues que je peux faire à cause de ça. Tu sais pas à quel point c’est divertissant. Je cours plus vite qu’elle et sans vision, elle se cassera la gueule avant de me botter le cul. » Si ça avait été quelqu’un d’autre, bien sûr que le jeune homme n’aurait très certainement pas utilisé la cécité de la personne pour faire des blagues et des commentaires désobligeants. Ce n’était pas dans le caractère du jeune homme même s’il était quand même assez moqueur. Mais tout ce qui se rapprochait de près ou de loin d’un handicap, il n’y touchait pas. Avec Aera c’était différent. Elle lui pourrissait la vie depuis des années, il n’allait pas se gêner pour utiliser son handicap pour la rabaisser et l'humilier. C’était mal, mais ça l’amusait grandement. Il s’était habitué à leurs joutes verbales comme faisant partie de sa vie et serait probablement perdu sans elles dans sa vie. Euigeon finit par expliquer le fin mot de l’histoire à Hanjae, donnant sa version des faits. Il était persuadé que Aera en avait une autre, le prenant pour le fautif alors qu’il n’était clairement pas le seul dans l’histoire. Ça l’énervait d’ailleurs de penser qu’elle le faisait passer pour une ordure auprès des gens de leurs entourages. Hanjae ne semblait pas prendre partie mais ses questions lui donnaient l’impression qu’il était plus du côté de la jeune femme que du sien. Cette information eut pour résultat de le faire se renfrogner à mesure qu’il continuait de parler de ça. Il grimaça à chaque nouvelle interrogation de la part de l’assistant. « Parce que c’est clair comme de l’eau de roche que c’est elle qui a copié et pas moi. » Et ça, Euigeon n’en démordrait pas. Il avait été le premier à choisir son sujet, le premier à faire l’exposé et le premier à être sûr qu’il allait avoir une bonne note. Cependant, la réalité avait été toute autre. Tous les deux avaient eu une mauvaise note à cause d’une soi-disant triche de leur part. C’était Aera la fautive, pas lui. Puéril comme réaction, tout à fait ! Hanjae reprit la parole après que Euigeon lui ait expliqué ce qu’il voudrait faire à la jeune femme et ce dernier leva les yeux au ciel. « C’est pas à toi de t’excuser pour cette vipère. Et je n’ai pas à m’excuser non plus. » Jamais il ne le ferait. Elle ne méritait pas tant de sollicitude. La suite le fit halluciner et il grogna en entendant ses mots. Comment ça ils s’entendraient bien ! Jamais de la vie. « Plutôt crever que de bien m’entendre avec elle. » dit-il alors qu’il grimaçait de dégoût. L’espace d’un instant, une image de Aera et lui, assis paisiblement en train de discuter calmement lui vint à l’esprit. Euigeon eut plus envie de vomir que de la réaliser. C’était dire à quel point elle ne lui inspirait que du dégoût. Ça n’arriverait jamais, il ne le laisserait pas arriver. Heureusement, son ami changea de sujet, lui proposant de partir à la campagne avec lui. Avait-il fait exprès de passer à autre chose ? Sûrement. La conversation devait le peser parce qu’il était le cul entre deux chaises puisqu’il était ami avec les deux. Cette situation devait être lourde pour lui, mais malheureusement, elle ne changerait pas. « Oh un séjour à la campagne. Je signe où ? Ça fait longtemps que je n’ai pas pris de réelles vacances. Ça me ferait du bien. » Il prendrait son appareil photo et prierait pour pouvoir photographier des animaux et plus précisément des oiseaux. En ville, ça manquait de diversité. Il voulait donc passer du temps hors de la capitale coréenne et en profiter pour photographier le plus d'espèces possibles. « Oh me proposerais-tu un date ? Si c’est le cas, j’accepte avec grand plaisir Hanjae. » Il le taquinait bien sûr et lui fit un clin d’oeil. « Je suis dispo maintenant si jamais… Parce qu’à part emmerder Aera, j’avais pas d’autres projets. » Sa vie était si triste depuis le départ de Malia. Il se retrouvait seul à ne rien avoir de prévu. Avant, il aurait sûrement appelé son ex petite amie pour lui dire qu’ils sortaient quelque part. Maintenant, même ça, il ne pouvait plus le faire.

T'étais pas vexé, ni perturbé. T'étais pas blessé ou agacé. Un léger son dans la gorge tu bougeas simplement le visage. Ils se renvoyaient la balle l'un l'autre. Ca n'en finira jamais. Une partie de ping-pong interminable. Des gosses. Tu faisais face à des gosses. Mais c'étaient les tiens, tu les adorais quand même. « Quand tu arrêteras de parler comme un enfant », rétorquas-tu doucement dans un petit mouvement d'épaules, lui adressant un regard. Tu commençais sérieusement à te demander si tu agissais vraiment comme un père, en fait. Tu t'amusais à dire que oui mais tu te surveillais pas pour être sûr. Peut-être bien, finalement, que tu sonnais comme un père qui tentait de rabibocher sa fille et son fils. Pour faire régner la bonne ambiance à la maison.
Clairement, tu foirais bien la mission que tu t'étais donnée.

Poussant un peu tes lèvres en avant, tu finis par secouer le visage. « Elle court vite », dis-tu doucement, les sourcils un peu froncés. Tu supposais, du moins. Tu supposais aussi que l'envie de lui botter le derrière serait si grande qu'elle serait capable de courir encore plus vite qu'à l'accoutumée. Il fallait, parfois, un peu de motivation pour donner le maximum de soi. Tu te doutais bien qu'elle rêvait de le faire – comme lui rêvait de continuer à se moquer de sa vision défaillante. « J'aurais pas dit divertissant », murmuras-tu lentement. C'était pas très poli – tu savais qu'il y avait à peine un degré de respect entre eux. T'avais pas peur pour Ae Ra cependant, tu savais qu'elle ne se laissait pas faire, qu'elle lui rendait la monnaie de sa pièce d'une façon ou d'une autre et qu'elle la lui rendra une fois qu'elle ira mieux. Qu'elle lui rendait même déjà un peu en lui pourrissant la vie apparemment. Au moins c'était donnant-donnant comme relation. Ils se tiraient autant dans les pieds l'un que l'autre. Il y avait tout de même égalité partout, selon ton point de vue. Tu tentais néanmoins de comprendre. De mieux comprendre. De poser les bonnes questions pour tenter de soulever les bonnes réponses. Y avait-il vraiment un ou une coupable dans cette histoire ? Le professeur, selon toi. Mais ni Eui Geon ni Ae Ra ne devait porter la faute. « Bien sûr », dis-tu doucement. « C'est clair », ajoutas-tu, clignant un peu des paupières, penaud. Tu voyais pas où c'était clair... mais encore une fois tu devais pas oublier que tu parlais à Eui Geon, ton enfant d'une autre vie sans doute. Ce n'était pas sa faute mais celle d'Ae Ra. Evidemment. T'en venais presque à comprendre qu'il n'y aura jamais moyen de mettre les choses à plat, de les avoir ensemble à une table pour discuter – calmement – des événements. C'était trop espérer, peut-être ? Tu supposais que ça faisait leur charme, cependant. Ca leur donnait un petit côté attendrissant – bien que sale gosse, aussi. « Mais elle oui, c'est ça ? », demandas-tu, relevant les prunelles vers lui. Parce que c'était elle qui était fautive. D'après lui. Donc la seule qui devait s'excuser. C'était plus très égal, là. « N'allons pas jusque là tout de même », tu fronças un peu les sourcils, les lèvres finement pincées. « Qui j'empêcherais de faire des bêtises si t'étais plus là ? », tu secouas doucement le visage de gauche à droite, amusé. Qui jouerait le rôle de ton fils s'il n'était plus là ? T'allais pas prendre le risque. En attendant tu préférais changer de sujet, le laisser fulminer dans son coin. Pas que ça te dérangeait mais que tu comprenais qu'il était possible de trouver un terrain d'entente. Peut-être, petit à petit, cela pourrait se faire. Tu ne voulais pas trop insister et l'agacer. T'étais pas non plus là pour l'énerver ou le fâcher. Tu l'appréciais, Eui Geon, et c'était pas ta place de lui dire ce qu'il devait faire ou non, il était assez grand. Normalement. La seule chose que tu pouvais faire c'était l'empêcher d'embêter Ae Ra quand tu le surprenais. Et lui parler de la campagne. Le regard illuminé, un sourire plus large vint soulever le coin de tes lèvres alors que tu hochais quelque peu le visage. « Tu signes où tu veux », tu ris quelque peu. « Mais ça pourrait te détendre de t'évader un peu, te détendre et te reposer. Il y a de bons coins pour juste s'allonger et profiter », t'étais bien bavard d'un coup. « Quel honneur me fais-tu là, je suis touché », la paume sur le cœur, ton visage restait pourtant neutre avant qu'un rire ne brûle tes lèvres. « Tu veux qu'on y aille tout de suite ? », demandas-tu, un peu surpris. Tu clignas des paupières, penaud. « Vraiment rien d'autre à faire ? », c'était un peu triste quand même... Se sentait-il seul ? Allait-il bien ? Tu le fixas un instant, silencieux, détaillant son expression à la recherche de quelque chose – mais tu ignorais quoi. Et à défaut de lui dire que tu serais là pour lui s'il en avait besoin, tu préférais le montrer, l'accompagner, juste être là. Même si c'était pas grand chose. « On peut aller faire un tour. Il y a un coin sympa pas trop loin, à environ une trentaine de minutes en voiture. J'y vais parfois quand je n'ai pas le temps de retourner à la maison. A défaut, c'est déjà pas mal », le temps que tu t'éloignais de la ville, ça t'allait. Tu avais du travail. Des dossiers à remplir, relire, le planning à vérifier. Mais tu feras ça plus tard. En rentrant. Ne pas laisser Eui Geon seul était plus important pour le moment. « La prochaine fois je t'emmène à la maison, si tu veux », tu souris doucement. Ta campagne - ta maison, te manquait. « Tu as besoin de quelque chose avant qu'on y aille ? »

C’était presque triste que Aera et Euigeon n’arrivaient pa à enterrer la hache de guerre. Aucun des deux ne voulait admettre qu’ils avaient tort et continuaient de se tirer dans les pattes comme si c’était normal. Hanjae était le cul entre deux chaises à regarder le match qui se jouait entre les deux et arbitrant comme il le pouvait et surtout quand il le pouvait. Il ne pouvait malheureusement pas être derrière eux tout le temps et parfois, des farces comme celle qu’il avait arrêté à l’instant se faisait. Mais cette fois-ci, Hanjae avait été trop rapide pour Euigeon et ce dernier n’appréciait pas réellement la pseudo morale qu’il lui donnait. Il sonnait comme un père de famille tentant de raisonner ses deux enfants. Ça ne plaisait pas forcément au professeur parce qu’il revoyait sa tendre mère et ça l’énervait plus qu’autre chose. Il soupira en détournant les yeux quand il lui avoua qu’il arrêterait de se comporter comme un père, le jour où Euigeon arrêtera de faire l’enfant. Ce jour-là n’était pas prêt d’arriver parce qu’il s’amusait encore de l’handicap de la jeune femme. Elle ne verrait pas devant elle si elle courrait et finirait sûrement par se casser la gueule. « Si si ! C’est très divertissant… Et crois moi, elle a beau courir vite. Avec ses yeux pourris, elle tomberait. A coups sûr. » Et bien entendu le nouveau professeur serait là pour la voir s’étaler au sol et rirait grassement parce que ce serait une vision qu’il ne pourrait pas forcément voir tous les jours.

Euigeon entreprit alors d’expliquer les raisons de leur querelle qui durait maintenant depuis bien trop d’années. Il ne s’attendait pas à ce que Hanjae comprenne. Personne ne comprenait à part les deux concernés. C’était quelque chose de puéril, de complètement con même, ils le savaient sûrement tous les deux, mais ni Aera, ni Euigeon n’avaient envie d’arrêter ça. Le faire reviendrait à dire qu’ils avaient eu tort pendant toutes ces années et, ils étaient bien trop fiers pour le faire. Malheureusement pour leur ami, il allait devoir subir ça encore pendant longtemps. Les deux jeunes gens se pourrissaient mutuellement la vie et ça en était presque beau. Presque parce qu’il y avait quand même quelques dommages collatéraux et notamment en la personne de Hanjae. D’ailleurs, il mentionna le fait qu’ils se seraient probablement bien entendu s’il n’y avait pas eu cette histoire et tout le corps de Euigeon se mit en position de défense, réfutant cette affirmation. Comme il lui avait dit, il préférait mourir que de devenir son ami. Réaction un peu extrême, il s'en rendit compte, mais c’était ce qu’il ressentait. Sa fierté l’empêchait de mettre de côté toutes ces années de haine pour qu’ils puissent se tenir la main et sautiller dans les champs comme deux amis. « Justement, si j’étais plus là… T’aurais plus besoin de faire le gendarme. » lança-t-il avant de rire légèrement. « Mais t’en fais pas. Tout va bien. Je compte pas me donner la mort pour elle… » Non, il comptait bien rester sur terre le plus longtemps possible pour bien l’emmerder encore jusqu’à ce que ce soit elle qui rende les armes. Heureusement, le sujet changea rapidement et ils se retrouvèrent à parler de la campagne de Hanjae. Ça leur ferait du bien de se retrouver ailleurs que dans cette ville bien trop polluée et surtout près de la nature. Euigeon avait beau être né et n’avoir vécu qu’en ville et notamment à Séoul, la capitale, il aimait beaucoup partir se ressourcer en campagne, loin des building et du béton. Alors, il ne pouvait qu’être heureux que Hanjae lui propose de partir loin de tout ça. « Effectivement, ça me ferait du bien. Je commence à en avoir marre de voir du béton et un ciel toujours plus pollué par les voitures et les câbles électriques. » C’était devenu un véritable parcours du combattant pour avoir un ciel plutôt dégagé de toute cette pollution visuelle. Le jeune professeur avait besoin de voir autre chose, de pouvoir apercevoir un bout de champ vert et une colline. Il rit quand Hanjae répondit à sa boutade sur le fait qu’il acceptait le date. « C’est pas grand chose ! Après tout, tu sais me parler donc… T’es le match parfait pour moi. Plus besoin d’aller sur tinder et je laisse tomber les femmes… Trop de problèmes avec elles. » Il repensa alors à Narae et Malia, les deux femmes qui avaient brisé son coeur et l’avaient laissé devenir l’homme aigri qu’il était avec les relations amoureuses. Euigeon avait fermé son coeur à toute forme d’amour et il n’était pas prêt à le rouvrir. Bien entendu, il avait eu des relation de courte durée avec des femmes depuis ses deux ex. Mais jamais aucune n’avait trouvé grâce à ses yeux. Il voulut donc presque y aller de suite et hocha la tête en entendant la répétition de ses mots alors que Hanjae le regardait presque comme s’il était fou de vouloir partir sur le champ. « Non rien d’autre à faire. » confirma-t-il en haussant les épaules. Ce n’était pas comme si ses amis étaient disponibles pour faire quelque chose. Alors, autant mettre à profit ce temps pour une activité qui lui donnait envie. Il écouta Hanjae lui proposer une alternative et il hocha la tête. Tant qu’il se trouvait à l’extérieur de Séoul, ça lui convenait parfaitement. « Bah écoute, allons là-bas à défaut de pouvoir réellement aller dans ta campagne. » Il lui sourit avant de réfléchir quelques instants. « Mon appareil photo. Comme ça si je vois une espèce je peux la prendre en photo… Puis même les paysages. » Prendre toutes les espèces d’oiseaux qu’il voyait était le but de la vie de Euigeon. Il voulait voyager partout sur le globe pour le faire et ensuite mettre toutes ces photos dans un livre et le publier pour faire découvrir les volatiles au plus grand nombre et surtout à ceux qui ne pouvaient pas forcément se déplacer pour les observer. Parce qu’il avait conscience que tout le monde n’avait pas son budget et qu’il avait réellement de la chance pour ça. « Et toi ? T’as besoin d’un truc ? On prend quelle voiture ? » Cela ne servait à rien de prendre plusieurs voitures puisqu’ils allaient dans la même direction.