Nayoung était persuadée qu’elle n’avait pu entrer à la Yonsei que parce que Hanjae avait été un super prof particulier. Si ça n’avait pas été pour lui, elle n’aurait probablement même pas réussi à passer le Suneung. Lui disait que ce n’était que grâce à elle et ses capacités mais la jeune femme n’était pas d’accord, absolument pas même. Après tout, elle avait raté pleins de cours et avait été en retard à cause de ce qui s’était passé et si Hanjae n’était pas entré dans sa vie, elle n’aurait pas pu réussir. Nana lui était donc reconnaissante à vie et ne saurait jamais comment lui rendre tout ce qu’il avait fait pour elle. Elle pouvait tenter de le faire, notamment en essayant de lui ouvrir les yeux sur le fait qu’il pourrait être un très bon professeur, si seulement, il se laissait la chance de le faire. Nayoung comprenait le fait qu’il devait aider le professeur Jung mais au bout d’un moment, il devait aussi penser à sa vie. Elle était assez grande pour se débrouiller seule ou trouver quelqu’un d’autre pour l’aider. La gymnaste espérait donc qu’il laisse de côté son boulot d’assistance pour demander un réel job de prof. Néanmoins, elle avait conscience qu’il ne le ferait pas du jour au lendemain et quand il acquiesça sur le fait que ça le détendrait, elle hocha simplement la tête, un sourire sur les lèvres. Qu’il sache que ce serait le cas, c’était déjà énorme pour elle. Elle était satisfaite de ça.

La conversation continua entre les deux et Nayoung le rassura sur le fait qu’il l’aidait à chaque fois et qu’il pourrait le faire encore. Elle ne doutait pas de lui et de ses capacités contrairement à lui. Nana sourit un peu plus à ses mots et hocha une nouvelle fois la tête sans rien rajouter. S’il l’aidait elle savait qu’elle réussirait c’était sûr et certain. Alors, elle rougit presque en entendant ses propos et écrivit aussi rapidement que possible. « Si je le fais pas, qui le fera à ma place pour que tu te rendes comptes que tu es un professeur exceptionnel ? » Elle sourit même un peu plus avant qu’ils n’en viennent doucement à discuter de la ville et de la campagne. Elle oubliait bien trop que Hanjae venait de la campagne coréenne alors qu’elle, elle n’avait connu que la ville. La vue qu’ils avaient de la fenêtre ne la dérangeait pas plus que ça. Elle était habituée au gris que le jeune homme à ses côtés décrivait et si de temps en temps des vacances à la campagne ne lui déplaisait pas, Nayoung était une fille de la ville. Elle sourit quand il la taquina légèrement et recommença à écrire avant de lui glisser son carnet. « Les insectes ont pleins de pattes et/ou des ailes et/ou rien du tout… et puis c’est tout visqueux. Et ça se met partout. Mais je compte pas aller vivre à la campagne… Pour des vacances, okay pourquoi pas. Mais plus, je pense pas que j’aimerai. » Nayoung se souvenait d’une colonie de fourmis qui lui était montée dessus et dont elle avait eu du mal à se débarrasser. Elle préférait mille foix la ville. « Ça te manque tant que ça ? T’y es pas allé depuis longtemps ? Tu voudrais repartir vivre là-bas ? » avait-elle ajouté à la fin de sa phrase en souriant désolée qu’il soit bloqué en ville. Elle comprenait que ça pouvait être compliqué de vivre dans un endroit qu’on avait pas réellement choisi. Mais s’il restait c’était qu’il était bien non ? Enfin, c’était comme ça que Nayoung pensait. Ce n’était peut-être pas le cas de Hanjae. Il n’était peut-être ici que parce qu’il n’avait pas le choix à cause du boulot. C’était aussi une hypothèse totalement recevable. Comme elle, n’avait pas le choix que d’apprendre les noms des muscles du corps humain ainsi que leur fonction. Elle fit la moue en voyant qu’il se moquait légèrement d’elle mais ne put rien dire parce qu’il répondit à sa question concernant son travail avec le professeur Jung. Elle l’écouta avec attention et fit la grimace plusieurs fois. Ce n’était clairement pas un domaine qui l’attirait ni même qui l’intéressait. Pourtant, elle écouta chaque mot que Hanjae prononça et hocha la tête avant d’écrire une nouvelle fois rapidement. « Ça a l’air fastidieux… Je sais pas comment tu fais. Ça m’intéresse vraiment pas. » Au moins, Nayoung était honnête avec lui. Ce genre de choses ne l’intéressait pas. Etait-ce parce qu’elle préférait faire du sport et donc qu’elle était plus idiote que la majorité des gens comme les clichés sur les sportifs le laissait penser ? Elle ne savait pas. Ce qu’elle savait, c’était qu’elle devait apprendre les muscles du corps humain. Elle sourit en l’entendant la questionner et commença à répondre à l’écrit, comme d’ordinaire. « On a un peu plus de 600 muscles dans le corps et ils forment 40% de notre masse corporelle. Le reste, c’est le squelette et la masse graisseuse. Y a les plus connus : le biceps, le triceps, le diaphragme et la langue (même si la langue est constituée de 17 muscles différents). » Elle couchait sur papier tout ce qu’elle connaissait même si ce n’était pas encore tout et surtout pas forcément exact. Elle pouvait se tromper mais elle tentait de ne pas le faire. « Tu as aussi le muscle le plus puissant du corps qui est le grand fessier. On pense souvent à tort que c’est la langue mais en fait c’est le grand fessier pour nous permettre d’avoir cette forme pour nos fesses… J’essaie de les apprendre par coeur dans l’ordre, le désordre mais aussi faut que je connaisse leurs fonctions. Bon après, je connaitrais jamais les 600, c’est sûr… Mais tu peux m’aider en me les faisant réciter sur papier… » C’était la seule façon qu’elle voyait. Ça aurait été plus simple à l’oral, mais ne pouvant pas communiquer grâce à ses cordes vocales c’était compliqué.

Na Young était trop modeste – et bien trop adorable. Sans doute manquait-elle de confiance en ses propres compétences. Tout le mérite lui revenait, même si elle ne semblait pas d'accord avec cette vérité. Tu n'allais pas insister, te contenant de l'observer dans un sourire. Tu lui souhaitais de réussir, à Na Young. Et tu étais sûr qu'elle en était capable, et qu'elle allait y arriver. Un rire léger contre les lèvres, tu secouas un peu le visage. « C'est vrai. Heureusement que tu es là alors », articulas-tu, l'esquisse amusée mais aussi attendrie. Tu ris faiblement, secouant le visage, touché par cette volonté qu'elle avait de te donner cette qualité fantastique d'être un bon professeur. Tu allais y croire, pour aujourd'hui. Non. Tu allais y croire. Tu supposais qu'elle ne le dirait pas juste pour te faire plaisir de toute façon. Elle n'était pas comme ça, Na Young. La discussion s'attarda sur le paysage – ou plutôt tu la fis tourner ainsi, décrivant ce que tu voyais – ou plutôt le manque de ce qu'il n'y avait pas. C'était trop fade, et trop désespérant, de regarder dehors. Mais tu aimais la nature, les paysages. C'était presque involontaire de laisser ton regard dériver vers la fenêtre quand tu te trouvais dans une pièce où il y en avait une. Mais il y manquait quelque chose à ce beau tableau : des couleurs, de la joie, de la liberté. Tu lis tranquillement ses mots, riant discrètement. « Tu ne les aimes pas du tout les insectes », tu fronças le nez, amusé. Ils n'étaient pas méchants. « Il y a plus effrayant cependant », dis-tu simplement, haussant brièvement les épaules, le monstre le plus horrible se dessinant dans tes pensées : l'être humain. « Tu es habituée à la ville alors c'est normal », supposas-tu, l'esquisse discrète. « C'est toujours reposant, les vacances à la campagne », et t'en rêvais de vacances à la campagne. Ou plutôt dans ton village. Celui qui était gravé dans tes souvenirs – celui qui n'existait plus désormais. Levant les prunelles, tu te pinças les lèvres, songeur. « Quand je peux j'y retourne avec mon grand-père. Mais comme c'est loin, je n'ai pas toujours le temps, donc on passe quelques heures dans des coins isolés par trop loin d'ici », pour se ressourcer, profiter de l'air, du calme, de la nature. « Pourquoi pas. Mais plus tard sans doute. Quand je serai vieux et aigri », plaisantas-tu dans un rire. « Je ne peux pas laisser tomber mon travail », laisser tomber Ae Ra et toutes les personnes qui comptaient sur toi. « Je suis pas totalement malheureux. Pas totalement heureux non plus », admis-tu à voix haute pour la première fois, le sourire triste sur le coin de tes lèvres. Il te manquait juste un petit quelque chose pour rendre la vie plus attrayante ici. Pour rendre l'air plus agréable – mais tu ne savais quoi. Tu ris face à son honnêteté. « Je suppose qu'il faut aimer faire ce genre de choses à la base », sinon, oui, ce serait long et ennuyant. « On s'y fait », ce n'était pas non plus le travail qui t'intéressait le plus au monde mais tu le faisais, tu aimais bien. « Ca vient avec l'habitude, je pense. Et tout dépend probablement de la motivation qu'il y a derrière, aussi », celle d'aider Ae Ra et d'être présent pour elle dépassait tout. Silencieux, tu l'observas avant de lire, une esquisse se formant sur ta bouche. « 17 muscles dans la langue ? », tu levas rapidement les prunelles vers elle, clignant des paupières, penaud. « Certains les utilisent bien trop », fut ta seule observation sur cette nouvelle information. Tu repris ta lecture. « Je pensais que le muscle le plus puissant se trouvait dans la cuisse », admis-tu dans un rire. « Ca fait beaucoup tout de même », soufflas-tu, t'installant un peu plus confortablement. « Je pense que si tu connais déjà les principaux, et les plus utiles, c'est déjà beaucoup », t'en connaissais aucun, tu les découvrais quand tu faisais du sport – et comme t'en faisais rarement... voire pas du tout. « Je peux faire ça », tu lui offris un sourire. « On peut commencer de haut en bas ? », suggéras-tu après quelques secondes de réflexion. « Tu me cites les muscles dont tu te souviens de haut en bas », agitant le doigt dans ce sens, tu penchas un peu le visage, le sourire toujours là. « Si ça te va. Et ensuite on verra pour faire un peu dans le désordre  », histoire que tu te familiarises aussi avec tout ça avant de commencer. Pour mieux situer, mieux comprendre aussi. « Tu as la liste dans ton livre ? », lui demandas-tu, car t'étais loin, très loin, de tout connaître pour t'assurer que tout soit juste. « Comme ça je peux m'en servir pour vérifier puis pour te poser des questions ensuite », tu hochas un peu le visage, attendant tout de même qu'elle confirme que cette méthode lui convenait. Tu restas muet un moment, la laissant se préparer de son côté, observant le livre puis Na Young, la détaillant, le sourire tendre grandissant sur les lèvres, le regard pétillant. Grâce à elle, et aux autres élèves que tu avais pu avoir à l'époque, enseigner t'avait paru comme une évidence. Et tu voudrais tous et toutes les remercier de t'avoir fait confiance. De te faire encore confiance. La meilleure façon que tu trouvais alors était de rester présent, d'être là quand ils en avaient besoin, en espérant pouvoir leur rendre tout ce qu'ils t'avaient apporté et t'apportaient encore. « Je suis prêt quand tu l'es »

Un sourire satisfait s’afficha sur les lèvres de Nayoung tandis que Hanjae confirmait ce qu’elle pensait. Il ferait un excellent professeur, si seulement, il le voyait et arrêtait de ne travailler que pour Aera. Nana n’avait rien contre le professeur Jung, mais elle aurait aimé que Hanjae se rende compte qu’il pouvait faire un aussi bon travail voire même peut-être meilleur, s’il acceptait de réellement devenir professeur. Mais, ce n’était malheureusement pas à elle de décider de ce qu’il devait faire ou pas. Il avait sa propre façon de voir les choses et ils avaient des points de vue différents. Et ce n’était pas le seul sujet pour lequel ils avaient un désaccord. Si Hanjae était un amoureux de la nature et de la campagne, ce n’était pas forcément le cas de Nayoung. Elle n’était pas une fille de la campagne et même si elle ne ferait jamais de mal à une mouche, le simple fait de savoir et de voir des insectes, lui donnait des frissons. Elle secoua la tête quand le plus vieux affirma qu’elle n’aimait pas les insectes. Ce n’était clairement pas son animal préféré. A choisir, elle préférait les chats. Mais ce n’était pas le cas de son professeur particulier. Elle voyait bien à la façon dont il en parlait que la vie à la ville ne lui convenait pas du tout. Il semblait nostalgique de sa vie près de la nature et de ce qu’elle comprenait de son discours, n’était pas fan de la ville. Comme elle n’était pas une fan de la campagne. Chacun ses goûts et ça ne la dérangeait pas plus que ça. Elle écouta son ancien prof particulier lui parler de son grand père et de sa terre natale. Nana sourit et se mit à écrire sur son cahier avec frénésie. Sa tête se leva aux mots du plus vieux. La jeune femme perdit son sourire. Elle comprenait parfaitement ce qu’il ressentait. Nayoung pensait également la même chose et ce depuis qu’elle avait été agressée par son ex. La jeune femme détourna le regard du prof pour recommencer à écrire. Elle mit quelques minutes à le faire avant de tourner la page vers Hanjae pour qu’il puisse lire ce qu’elle avait inscrit. « Tu seras pas aigri quand tu seras vieux. Juste vieux. Et je comprends totalement le fait de ne pas être malheureuse mais de ne pas être heureuse non plus… Mais je pense que c’est la vie qui est comme ça pour beaucoup de personnes. » Nayoung se doutait que pas mal de gens étaient dans la même situation qu’eux. La vie n’épargnait personne et même si en apparence ils étaient heureux, ce n’était peut-être pas forcément le cas. Cependant, peu de personnes l’avouait aussi sereinement et facilement que Hanjae et Nana. Elle soupira discrètement et dès que l’occasion se présenta, elle changea de sujet, passant son boulot qu’elle ne trouvait pas spécialement intéressant à ses yeux. Mais si ça plaisait à celui qui le réalisait, c'était le principal. Nayoung n’était pas de ceux qui faisaient quelque chose qui ne lui plaisait pas. Elle préférait mettre sa motivation dans des activités qui lui procuraient du plaisir, comme le sport par exemple. Elle hocha la tête aux mots du plus vieux et inscrit quelques mots sur le papier. « C’est sûr, mais bon, si tu aimes, je pense que c’est le principal non ? » Elle lui sourit tendrement avant de passer à ses études. Elle avait besoin de l’aide de Hanjae pour lui permettre d’apprendre plus facilement ses cours. Elle était en plein dans les révisions des muscles du corps humain et comme elle venait de l’exposer à son professeur, il y en avait plus de six cents et elle n’était pas sûre de tous les connaitre. Elle connaissait les plus importants comme elle venait de lui dire, mais il y en avait plein qu’elle n’avait pas encore réussi à retenir. C’était un travail long et fastidieux. Mais Nayoung était une personne qui mettait tout son cœur à la tâche. Elle se mit à rire à la réflexion que beaucoup de personnes utilisaient leur langue trop souvent. La jeune femme ne pouvait pas être plus d’accord avec cette affirmation. Il n’avait que trop raison et la silla s’en rendait compte de plus en plus à chaque fois qu’elle ne pouvait plus parler pour dire ce qu’elle avait en tête. Elle laissa Hanjae se préparer pour lui faire réciter ce qu’elle savait. Le faire de haut en bas était quelque chose qu’elle n’avait pas pensé faire avant qu’il ne lui dise et elle hocha une nouvelle fois la tête avant de lui glisser le livre dans sa direction. Elle se doutait bien qu’il n’avait pas la science infuse et donc qu’il ne connaissait pas tous les muscles dont elle allait parler. Nana récupéra de quoi écrire, et s’installa correctement avant de lui sourire et commença à noter sur le morceau de papier tous les muscles qu’elle se rappelait. Elle partit de la tête pour arriver jusqu’aux pieds. Une fois fait, elle rédigea une petite note pour Hanjae. « Normalement, y a tout ce que je me rappelle. C’est clairement pas tous les 600, mais y en a pas mal… Après certains, je connais leur nom mais pas forcément leurs fonctions. Mais bon, c’est quelque chose que j’apprendrai avec le temps j’imagine. » Il lui restait encore pas mal de temps avant de passer l’examen. Elle laissa donc Hanjae corriger ce qu’elle avait écrit, patientant en silence, le regard rivé à l’extérieur.