Je ne suis pas quelqu’un qui va aller chercher des problèmes aux autres. En fait, c’est même tout le contraire : j’aime être tranquille, ne pas me prendre la tête et travailler sans qu’on vienne me déranger alors que je suis paisiblement installé… Mais hélas, certaines personnes semblent avoir beaucoup de mal à comprendre cette partie de l’équation. C’est ce que je réalise quand une personne s’approche de moi et vient passer son bras autour de mes épaules. Je. Quoi ?

« Je… » Il a de la chance de ne pas avoir une personne violente à côté de lui. « Salut Renji. J’étudie, et toi ? » Ah, j’ai bien fait d’apprendre le nom de tous les étudiants qui se trouvent dans notre fraternité. J’aurais eu des problèmes de conscience, si je ne l’avais pas fait. Cependant, je dois bien avouer que je me sens un peu mal à l’aise maintenant. Parler avec les autres, ça n’a jamais été mon fort. Namsun était un président bien plus bavard et sociable que je ne le serai jamais… Mais heureusement, j’ai Sena pour compenser mon manque d’envie de communiquer, hein. Dans tous les cas, j’espère que Renji va très rapidement me laisser tranquille, sinon ça risque d’être compliqué.

Bien. Face à cet être qui a de toute évidence décidé de me coller aux basques, je n’ai pas d’autre choix que celui de l’accepter et d’être le bon président de fraternité que je dois être en me montrant… Brr. Sociable. Quelle joie. Quel bonheur. Il n’y a bien qu’avec Namsun que je suis particulièrement avenant et sociable, et avec Sena qui est une personne tout simplement adorable quoiqu’un peu trop idéaliste à mon goût.

« Tu as révisé quoi d’intéressant ? »

Parce qu’au moins, les études, c’est un sujet que j’apprécie, nous allons peut-être, je dis bien peut-être, trouver un terrain d’entente tous les deux ? Enfin, ça pourrait l’être si je ne sentais pas son regard se poser sur moi avec autant d’insistance… Autant dire que je ne suis pas particulièrement heureux à cet instant.

« Les différents effets des traumas crâniens sur la mémoire et la perception. »

Un professeur nous avait donné différents articles à lire sur le sujet, l’année précédente, et j’étais particulièrement intéressé par ce qu’ils racontaient. Je me suis simplement dit qu’il était temps de m’y mettre.

« Non, pas encore, pourquoi ? »

Je commence tout doucement à me dire que ce cher Renji n’a pas sa langue dans sa poche et utilisera chaque occasion pour me faire parler ou pour me montrer qu’il est lui-même en possession d’une bouche. Autant dire que ce n’est vraiment pas la façon dont j’avais prévu de passer ma journée.

Bon. Visiblement, il n’a pas envie de m’expliquer ce qu’il a étudier… Je trouverai bien une autre façon de lui faire la conversation, même si ça n’est pas mon fort. Je hoche la tête ne l’entendant reprendre la parole.

« Assez, oui. »

Parce qu’à mes yeux, c’est très intéressant. Savoir comment le cœur peut être affecté, de manière différente, par des choses différentes, est une chose que je trouve tout simplement fascinante. Alors forcément, je suis sincère quand je lui réponds.

Ce n’est qu’en l’entendant reprendre la parole que mon expression change du tout au tout. J’aurais dû répondre que j’avais déjà mangé. J’aurais dû répondre n’importe quoi d’autre, en vérité, que le ‘non’ que j’ai répondu à Renji. Je regrette absolument tout, désormais.

« Ah… Oui, en effet. »

Puis-je simplement lui dire que je n’en ai pas envie ? Non, certainement pas. Il paraît que ça fait partie de mon devoir de président de la fraternité, d’être ami avec tout le monde. Enfin, avec une bonne partie du monde. Namsun est bien plus doué que moi à ce niveau.

« On peut rester ici, s’il te plaît ? J’aimerais pouvoir recommencer étudier dès que possible. »

C’est que j’ai un planning bien ficelé auquel j’aimerais me tenir, alors si je peux éviter de prendre trop de retard, je saisirai cette occasion sans la moindre hésitation.

« Tu sais ce que tu voudrais manger ? »

La grande histoire d’un homme qui n’est pas foutu de faire la conversation à quelqu’un d’autre, c’est bien la mienne. J’avais reposé les yeux sur lui, perplexe face à son explication.

« Mais je fais des pauses, ne t’en fais pas pour ça. »

Une taquinerie qui me passe totalement au-dessus, une fois encore, et le pire, c’est que je serais même capable de me sentir offusqué par ce sentiment qu’on essaie de me faire la leçon. Je réfléchis encore à ce qu’il me demande.

« Je ne sais pas, probablement quelque chose de rapide. »

Mais où est Namsun pour éloigner de moi les personnes bavardes qui me donnent l’impression d’être totalement surmené ? Il n’y a pas à dire, il me stresse beaucoup plus que mes lectures ou mes travaux.

« Va pour une pizza. »

Je ne sais pas si j’en ai envie ou si j’ai juste envie qu’il s‘en aille, mais dans tous les cas, j’ai espoir que mon approbation l’éloigne un instant de moi.

« Aaaah, je sais pas. »

Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait pour qu’on me colle un type pareil dans les pattes ? Voilà qu’il continue à me poser des questions. Est-ce que c’est vraiment quelque chose qu’il ne peut pas réprimer, cette curiosité débordante et, laissez-moi vous le dire, profondément agaçante ? Je me demande si la curiosité pathologique existe.

« Je danse et je lis. » Je laisse filer un léger soupir entre mes lèvres. « Tu es toujours aussi bavard ? »

Et je l’écoute parler encore et encore, réagissant de temps à autre à ce qu’il me dit, jusqu’au moment où il reprend la parole, visiblement interpelé par ce que je lui raconte. « Oui, je sais, c’est surprenant. » Après tout, je ne suis pas très dégourdi, de ce qu’on pourrait penser. Mais laissez-moi vous dire que je suis aussi appliqué en danse que partout ailleurs, et que je m’estime bon danseur. Les avis à ce sujet sont subjectifs ; mon style est un peu carré, un peu ‘classique’ comme diraient certains, je n’ai jamais été dans le romantisme outrancier que certains peuvent mettre en avant, mais ça me convient comme ça. Le romantisme, c’est pour Namsun. Il fait ça très bien, et ça convient totalement à mon profil laminaire.

« Oui, c’est parfait. » Je continue à essayer d’étudier avant de froncer les sourcils. « C’est pas de bol, en effet. » Enfin, il n’est pas méchant, c’est le principal, non ? Je repose les yeux sur lui pour l’écouter avec une grande attention. Quel deal va-t-il donc pouvoir me proposer, hm ? « Ah… » Ai-je vraiment le choix. « C’est d’accord. Mais quel genre d’effort tu attends de moi, au juste ? » Parler et se montrer sympathique, c’est pas mon dada. J’ai jamais été doué pour ça, en vrai. Je pense trop, je parle peu, et il va devoir s’y faire.