C’est un aspect dont j’avais conscience, quand j’ai accepté ma place de président, mais je dois avouer que j’ai parfois du mal à me faire au désir de bavarder de certaines personnes. Ils me rendent nerveux, m’empêchent de faire les choses que j’ai à faire, et ce bien malgré eux, et surtout malgré moi. Sena est tellement plus douée pour ça. C’est elle qui gère l’aspect relationnel. Moi, je suis là pour l’administratif, la gestion… L’humain, je ne suis pas très doué pour ça, alors forcément, quand j’entends les réactions de Renji, je ne peux pas m’empêcher de me demander à quel moment j’ai pu merder. « Désolé. » Et celui-là, il est sincère, au moins. C’est pas ce que j’ai envie de le faire chier. C’est juste que je ne sais pas. Je n’y arrive pas. « Je sais juste… pas quoi répondre. » Et ça fait bizarre de l’avouer, ça. Ça fait mal de devoir dire aux gens qu’on n’arrive pas à savoir quoi leur dire, soit parce qu’ils ne s’intéressent pas aux mêmes choses que nous, soit parce que, tout simplement, les autres sujets nous semblent indigne d’intérêt. J’ai souvent été dans cette situation, alors je ne peux pas le blâmer. Ce n’est pas pour rien que j’ai perdu l’habitude de parler. « C’est pas que tu me saoules, j’ai juste du mal avec le bruit. » Ma parole, il va vraiment finir par me détester, à ce rythme…

Non, je ne réalise pas forcément la portée que mes mots peuvent avoir, et très souvent, ceux-ci me reviennent au nez parce que j’ai été trop direct et que je n’ai pas pensé à tous les sens qu’ils pouvaient avoir. Sur le moment, je pince les lèvres en l’entendant reprendre la parole. Aimable. Je ne suis pas là pour être aimable, je suis là pour sauver des vies, mais j’imagine qu’il a ses raisons de dire ça. Alors je hoche la tête en réprimant une envie de soupirer avant de l’entendre prendre la parole. « Oui, je pense. » Je me demande parfois comment Namsuns parvient à me supporter depuis plus d’un an… Après tout, nous sommes différents. Je décide d’essayer de me concentrer sur Renji. « Pourquoi tu ne me trouves pas aimable ? » Je repose les yeux sur lui avant de reprendre la parole. « Et c’est une question sérieuse. » Au cas où il lui prendrait l’envie de rire de moi en pensant que je me moque de lui. Je n’ai pas exactement la même notion de l’amabilité que les autres, et je dois bien avouer que, pour ma part, je n’ai rien contre un médecin sérieux et professionnel. Alors je suis curieux.

J’écoute ce que Renji me raconte, sans colère, plein de questionnements. Froid… Je ne peux même pas en vouloir à mon camarade de cultiver de telles pensées, car j’ai bien conscience d’être… différent, dans ma façon d’envisager les choses. Namsun me l’a très souvent fait remarquer, et au début de notre relation, c’était parfois assez difficile. « Et toi tu te permets beaucoup de familiarité, à juger du comportement des autres sans même les connaître. » Car s’il me parle aussi directement, je ne vois pas pourquoi je devrais l’autoriser à faire de telles choses. « Mais au moins tu en as conscience, c’est une très bonne chose. » C’est ce qui compte, au final. « Je fais des efforts quand cela est nécessaire. J’imagine que chacun est influencé par le comportement des autres. » Non, je ne vais pas faire un effort pour masquer mon inconfort quand une personne me dérange dans un moment où j’avais prévu d’être seul et tranquille. Encore une fois, il n’est pas habilité à me faire ce genre de commentaires. D’ailleurs, je l’ai bien remarquée, cette envie de parler, et si je prends soin de dresser un petit dossier sur sa personne dans ma tête, afin de savoir à quoi m’en tenir, je ne suis pas moins mécontent à l’idée qu’un individu se permette de faire des commentaires sur moi. « J’ai un copain, depuis un peu plus d’un an. » J’ai attendu encore un peu, avant de reprendre la parole. « Il m’aide à gérer des gens comme toi. » Des gens qui, de toute évidence, sont à l’opposé de moi et de mon fonctionnement. Namsun a toujours été comme ça, et je l’aime profondément. Mais les débuts étaient durs, et je me les rappelle encore.