Ce que cette sortie est dérangeante… Non, je ne leurrerai personne : mes sentiments pour Narae sont inexistants, et plus le temps passe, plus mon intérêt pour elle diminue également. Après tout, elle a l’air bien trop intelligente et trop difficile à avoir, et en plus de tout ça, elle semble particulièrement alerte. Je n’arriverai pas à tirer ce que je veux d’elle. Enfin, ce n’est pas très grave. « Hm, le dernier en date était sur l’influence des imports culturels et linguistique sur le comportement des différentes cohortes. » Mais il était bien loin d’être terminé, ce bouquin, il fallait l’avouer. Mais j’aurais vraiment souhaité travailler dans ce genre de milieux. Devenir un sociologue reconnu, qui apportait des éclaircissements sur certains phénomènes sociétaux… « Ambitieuse, donc. » N’était-ce pas ce pourquoi les Serpentard étaient connus, au-delà de leur lien avec les forces du mal ? « Un café long, s’il vous plaît. » J’avais levé les yeux vers la serveuse, attendant qu’elle reparte pour continuer la conversation avec Narae. « Vous comptez travailler en Corée du Sud, une fois vos études terminées ? » Certes, rien ne disait qu’elle allait devenir neurochirurgienne, mais cela semblait cohérent avec ce que j’avais pu comprendre d’elle. Elle n’avait pas l’air naïve, et encore moins du genre à se laisser marcher sur les pieds. Quelque part, cela forçait l’admiration.

Parler de mes écrits était assez rare pour moi. J’aimais beaucoup ce que j’étudiais, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, et j’avais passé beaucoup de temps à travailler sur les différents textes que j’écrivais. J’étais tout simplement passionné par la façon dont les gens réagissaient autour de moi, et surtout, sur les phénomènes de société que l’on pouvait voir. « Certainement pas le seul. » Un léger rire avait filé entre mes lèvres avant que je ne réponde à la question suivante, lui expliquant brièvement (ou du moins, autant que je le pouvais, elle n’était pas là pour m’entendre monologuer des heures, après tout) ce que j’avais tiré comme conclusions du travail que j’avais réalisé pour l’occasion. À défaut d’avoir des parents très présents, je m’étais beaucoup renseigné. « Je peux vous le faire lire, si vous voulez. » Après tout, je n’avais pas peur de ce qu’elle pouvait en penser. Ce n’est pas comme si j’attendais qu’elle devienne ma petite amie ou quoi que ce soit. Mais j’aimais les conversations intéressantes au moins autant que j’aimais l’argent. « Oh, je vois. Ce doit être beaucoup de responsabilités. » Et je ne mâchais pas ses mots. La seule idée de devoir gérer deux hôpitaux, ne serait-ce qu’en tant que propriétaire, semblait effrayante autant qu’elle était impressionnante. « Sans doute de la recherche. Ou alors de l’enseignement, je n’en sais encore rien. » Je réfléchis encore un peu. « Je verrai bien si j’arrive à survivre jusqu’au bout d’un doctorat, mais je l’espère très sincèrement. » Après tout, c’était mon plan de carrière principal. « Vous avez hérité ? » J’avais finalement demandé, réalisant assez vite l’indiscrétion de ma question. « Désolé, je suis indiscret. Vous n’êtes pas obligé de répondre. » C’est juste qu’elle semblait très jeune pour être propriétaire de deux hôpitaux, cela semblait être la théorie la plus plausible.

Un sourire vint aux lèvres de l’étudiant, face à la proposition de la jeune femme. « Bien sûr. » Il avait hoché la tête avant de reposer les yeux sur Narae, qui confirmait son impression. Être propriétaire de plusieurs hôpitaux devait être vraiment très prenant, et s’il devait être honnête, voir une femme dans une position aussi importante était une chose très positive pour la société. Il n’avait jamais adoré les personnes qui avaient autant d’argent, mais cela pouvait très largement compenser. « Je l’espère, j’ai entendu dire que c’était une véritable torture pour certains. » Pour sa part, il était intéressé par le domaine dans lequel il étudiait, pour ne pas dire passionné, et il n’avait pas l’intention d’arrêter d’apprendre de sitôt. « Je vais tout faire pour ça, n’en doutez pas. » Même si la sociologie n’est pas ambitieuse à ses yeux, il faut de tout pour faire un monde, et il a déjà pu remarquer dans son entourage que les personnes qui travaillaient dans la médecine avaient tendance à dénigrer les autres sciences. C’était un peu triste, d’ailleurs. Mais il ne s’en souciait pas outre mesure. « Non, pas du tout. Je l’utilise comme tout le monde. » Se jouer des gens ? Très peu pour lui. Du moins, en présence de cette fille qui ne se serait de toute façon pas laissé faire. Il aurait pu l’utiliser, si elle avait été moins… Moins féroce, s’il voulait le dire ainsi. « Et vous ? » Après tout, elle aussi s’en servait, donc peut-être avait-elle des raisons plus sérieuses.

D’ailleurs, en parlant de sérieux, il avait très vite rebondi sur les hôpitaux. « Je vois… C’est vrai que vous semblez jeune, mais vous n’avez pas l’air incapable pour autant. » Pas du tout, même. « Les gens ne vous rendent pas la vie trop dure ? » C’est que certaines personnes devaient lui marcher sur les pieds constamment en se pensant meilleurs qu’elle. Cela arrivait si souvent.

Cette fille était vraiment intéressante. Certes, Minhyuk ne pourrait rien tirer d’elle, mais cela n’était pas très grave : discuter avec une personne digne d’intérêt était parfois mieux que remplir son portefeuille. Alors il avait hoché la tête en l’entendant parler, fronçant les sourcils. « J’aime le penser aussi. » Ceux qui travaillaient dur avaient toujours plus de chances que ceux qui ne faisaient rien, pas vrai ? Voilà des années que Minhyuk s’acharnait pour essayer d’améliorer la condition de sa naissance, mais il ne pouvait hélas pas faire de miracles. Cela n’était pas aussi réussi qu’il le voulait. Alors, les yeux posés sur la jeune femme, il avait hoché la tête en l’entendant. « C’est un des avantages de la technologie. » Un rire avait filé entre ses lèvres. Il est vrai qu’internet et les technologies actuelles avaient permis de faire des miracles en termes de société. Il n’était pas toujours facile d’élargir le cercle de personnes qui nous entouraient, mais lorsque cela arrivait, c’était toujours aisé avec internet. On postait un message en ligne et quelqu’un venait nous voir. Cela arrivait souvent, en tout cas.

« Oui, tout à fait. J’espère vraiment qu’il y aura de nouveaux progrès dans cette direction, parce que… » C’est le moment qu’avait choisi son téléphone pour se mettre à sonner, et il avait froncé les sourcils en l’entendant ainsi raisonner. Cela ne pouvait être qu’une chose : ses parents. Les autres sonneries étaient généralement en silencieux. « Désolé, je dois le prendre. » Après tout, ses parents l’appelaient rarement, surtout à cette heure. Il décrocha et entendit une voix peu familière à l’autre bout du fil. Son expression changea du tout au tout, et pour une fois, il ne jouait absolument pas la comédie. « Désolé, je dois y aller. Mes parents viennent d’avoir un accident. C’était un plaisir de discuter avec vous. » Et sur cette note d’une étonnante sincérité, le jeune homme récupéra ses affaires avant de s’éloigner.