Une rencontre fortuite, quelques mots échangés, un aveu soufflé, un premier pas hasardeux qui provoqua les suivants… la scène repassait en boucle dans ma tête. Je revoyais son visage rougit par les quelques verres de trop et fendu d’un large sourire, celui qui semblait avoir disparu désormais. Si je souffrais encore de la sensation de ses pulpeuses sur les miennes, de ses mains dans mon dos dont le tissu n’avait pu atténuer la chaleur, de nos souffles mêlés… qu’en était-il pour elle ? Le visage bien plus sérieux, presque grave avait remplacé la mine enjouée. Et en dépit des reproches dont elle m’avait gratifié, jamais je ne lui avais connu telle expression. J’avais commis une erreur, de celle que je savais irrécupérable… Mon cœur qui faisait des bonds quelques secondes plus tôt se pinçait désormais tandis que je cherchais la parade pour nous permettre de fuir cette situation aux conséquences que j’imaginais déjà désastreuses… mais ô combien désirée.

Dès l’instant où j’avais apposé une paume sur son dos dénudé, dès le moment où j’avais effleuré le velours de sa peau alors qu’elle se voyait couronnée reine du bal, je n’avais eu de cesse de rêver cet instant. Même dans mes fantasmes les plus fous, je n’avais pu imaginer l’impact d’un tel baiser. Je réprimais le frisson qui remonta le long de mon échine, masquant la moindre réaction, le moindre effet qu’elle avait sur moi et d’une voix basse je suggérais le repos. Que chacun reprenne son chemin et peut être même reléguer cet incident au rang de simple songe… Sa voix rauque me tira de mes pensées douloureuses, de son timbre suave elle paraissait appeler à mélanger nos respirations une nouvelle fois, mais je fis taire le petit diablotin qui se jouait de moi et déformait chaque geste, chaque paroles. « Hmm… » acquiesçais-je. Dormir… revivre ce moment ou l’oublier… Peut-être n’aurait-elle pas à faire de choix, et je me surprenais à penser que l’oubli était sans doute la meilleure option pour elle. Pas besoin de se sentir gênée ou en colère, pas de ressentiment ou de rancœur alors que j’avais délibérément profité de son ivresse.

La question filtra ses carmines sans que je ne sache comment y répondre. L’affirmative aurait été logique, mais je restais persuadé qu’elle ne garderait aucun souvenir de notre échange…. Ou était-ce seulement ce que je souhaitais ? « On étudie dans la même fac… » tentais-je. Un semblant d’humour, une réponse évasive pour que je n’ai pas plus à rompre le serment que je m’étais fait à moi-même. « Bonne nuit… » lâchais-je. Impossible de rester plus longtemps alors que mon attention ne semblait se focaliser que sur un seul point. Lâchement, je l’abandonnais dans le couloir pour disparaître derrière le battant en bois de mon univers partagé. Mais au lieu d’aller m’effondrer sur mon lit, je m’adossais à la porte, plaquant une main sur un cœur encore déchaîné. « Qu’est-ce que j’ai fait… » Comment lui faire face après avoir ainsi abusé sa confiance ? Comment réparer le mal qui venait d’être fait ? Comment pourrait-elle seulement me pardonner et accepter de retrouver cette complicité qui avait eu tant de mal à fleurir ?



@Choi Sae Hee