Imitant une étoile de mer desséchée sur son lit, elle jette une bouteille à la mer à toute personne susceptible de la sauver de cette rencontre imminente. Elle a passé sa matinée à regarder son téléphone dans l’espoir d’avoir un appel de son patron. Un remplacement à la dernière minute pourrait être une excellente excuse pour ne pas se présenter à la nouvelle demeure familiale. Mais par la même occasion, elle finit par prendre connaissance de l’heure, réalisant qu’elle ne devrait pas tarder si elle ne souhaite pas rater son bus. Marchant de façon nonchalante, l’étudiante décide de lancer une partie de jeu sur son téléphone pour passer le temps. Elle n’a pas envie de voir sa mère, encore moins que d’habitude. Il faut dire que c’est son anniversaire et qu’elle sera la star du jour avec un temps de parole susceptible de provoquer des crises d'angoisse à la plus jeune. Non, aucun rayon de soleil ne viendra à l’horizon.

Munie malgré tout d’un cadeau – le même que l’an dernier en guise de provocation -, Bomi aurait dû prolonger le tracé de son rouge à lèvres. Comme les clowns, elle aurait un sourire forcé tout le long du repas sans avoir besoin de faire d’efforts. Ce n’est pas qu’elle déteste les autres personnes présentes. Son beau-père est une belle personne et elle ne ressent aucun sentiment négatif à l’égard de l’union. Quant au fils de celui-ci, elle se montrerait moins clémente mais ça restait un bon garçon. Cette agressivité se dirige donc uniquement contre sa mère, et ce, depuis des années. La rancune et les blessures sont toujours trop vives. Bomi est en pleine crise d’adolescence et son immaturité ternit souvent l’ambiance des repas de famille. Une heure plus tard, elle le démontre une nouvelle fois de plus. Sa mère parle de son enfance, de Busan et des choses barbantes qui poussent Bomi à imiter des bruits de ronflement à bout de table. Elle sent le regard de sa mère la fixer, la poussant à afficher ce sourire faussement innocent. “ Oh pardon. Ce n’était pas dans le script ? “ Les hostilités désormais lancées, viennent ensuite les éternelles répliques. Sa mère dit qu’elle a tout sacrifié pour elle. La seconde répond qu’elle n’a rien sacrifié car d’après ses dires, strictement rien sa possession et que contrairement à ses croyances, elle ne garde pas bon souvenir de son enfance. Le même conflit, les mêmes cris et un départ de table soigneusement travaillé par Bomi. Sa tête est au bord de l’explosion et elle raisonne comme une enfant en s’enfermant dans sa chambre. C’est au même moment que son téléphone se met à sonner. Son patron ? Non, plutôt un client. “ Putain comme par hasard. “ Elle ne peut pas se permettre de décliner. Elle prend une grande respiration pour pouvoir jouer de sa voix séductrice. Comme quoi, les talents de comédien sont sûrement héréditaires.  

La famille. Voilà un sujet qui peut s'avérer assez délicat à aborder. Et pour cause, il arrive parfois que cette dernière soit source de pression et de conflits pour certaines personnes. Un boulet que l'on se traîne au pied pendant de nombreuses années, si ce n'est pour toute la vie... Non pas que cela soit ton cas. Toi, tu as toujours été quelqu'un de très famille. Du genre à toujours la faire passer avant tout, et même avant toi. La preuve étant, si ce n'était pas pour ton père, certainement que tu n'aurais jamais quitté l'Australie pour la Corée, il y a presque cinq ans de cela. Mais c'était important pour toi. Important d'être à ses côtés, après la perte que vous veniez de subir...

Toutefois, si d'aussi loin que tu t'en souviennes tu as toujours apprécié ces petits moments passés en famille et le plaisir de se retrouver ensemble autour d'un bon repas, tu dois bien avouer qu'aujourd'hui c'est presque à reculons que tu as fait le trajet jusqu'ici, bouquet de fleurs à la main pour celle avec qui ton père a décidé de refaire sa vie. Car, oui ! Aujourd'hui, vous fêtez l'anniversaire de la « nouvelle » femme de ton père. Et si tu n'as rien contre elle, ni même contre le fait de partager le couvert en sa compagnie – après tout, vous vous entendez plutôt bien, elle et toi – tu sais que ce repas ne sera peut-être pas aussi festif qu'annoncé. Quoique, pour dire vrai, t'en es même certain et c'est bien pour ça qu'avant de quitter ta chambre de dortoir, tu as jugé bon de parier avec l'un de tes colocs sur le temps qu'il faudrait avant que cela dégénère. Et autant dire que, pour le coup, tu as légèrement sur-estimé – ou sous-estimé, tu ne sais pas trop – ta sœurette par alliance en annonçant que cette dernière tiendrait au moins deux bonnes heures avant de lancer les hostilités puisque cela ne lui aura finalement pris que soixante petites minutes. Certainement un record, d'ailleurs, et tandis que les cris se mettent à fuser entre ta belle mère et sa fille, tu n'as d'autre choix que d'assister à la scène, sans rien dire.

Puis finalement, au bout de quelques minutes qui te semblent durer une éternité, le bruit d'une chaise grinçant sur le sol vient mettre un terme à cette petite joute verbale. Et, tandis que les pas de Bomi se font de plus en plus lointain, un silence légèrement pesant s'installe dans la pièce. Ce genre de silence, de petit moment de flottement pendant lequel vous vous contentez simplement d'échanger quelques regards, toi, ton père et ta belle-mère, avant que tu ne te décides enfin à prendre la parole. « Je vais lui parler... » Et, dans un soupir, tu te lèves aussitôt de ta chaise, empruntant le même chemin que la jeune femme avant toi. T'as pas l'intention de l'engueuler. Certainement pas ! Après tout, ce n'est pas ton rôle et encore moins ton genre. Mais t'aimerais savoir pourquoi... Pourquoi elle est comme ça. Alors, une fois arrivé devant la porte de sa chambre, tu prends une grande inspiration, prêt à affronter la bête. Mais alors que tu t'apprêtes à frapper, tu te stoppes au dernier moment quand la voix de la jeune femme te parvient aux oreilles. Celle-ci semble parler au téléphone avec quelqu'un et autant dire que ce tu entends te laisse quelque peu perplexe et bouche bée. Pour autant, une fois la surprise passée, tu frappes finalement à sa porte et un léger sourire un brin moqueur vient doucement étirer le coin de tes lèvres quand tu l'entends congédier, de façon assez précipitée, la personne à l'autre bout du fil... Plusieurs secondes s'écoulent alors, avant que la jeune femme ne t'autorise enfin à rentrer, et tu finis par demander, appuyé contre l'encadrement. « Je te dérange ? » Évidemment que tu la déranges. Tu le sais d'ailleurs très bien, et encore plus après ce que tu viens d'entendre. Mais tu ne peux pas t'empêcher de jouer de ce petit air innocent, pourtant trahis par le sourire que tu arbores...

Elle ne devrait plus venir aux repas de famille si elle est incapable de garder son calme. Elle n’est pas à sa première crise mais sa mère ne parvient pas à la congédier. Celle-ci a l’espoir de voir le temps soigner les maux qu’elle partage avec son unique fille. Elle a déjà fait part de son comportement à son ex-conjoint mais personne ne parvient à la comprendre. C’est aussi le cas de la principale concernée qui se laisse envahir par ses émotions. Bomi se sent parfois coupable de ruiner un repas, de jeter un froid autour d’elle avant d’abandonner les invités. Bomi en a conscience mais elle ne sait pas comment faire autrement. Et puis, elle se rassure en disant que sa mère reproduit le même schéma d’erreur. Comme quoi, les deux ont finalement des points en commun. La communication étant coupée, l’étudiante se demande combien de temps encore elles vont pouvoir continuer à faire semblant et à se supporter. Cela prouve une chose : c’est que malgré le mépris, elles sont toujours dans le cœur de l’autre. Ce constat pourrait dégoûter la plus jeune.

Désormais, dans sa chambre, elle ne peut pas ressasser car elle est subitement dérangée par un appel. Bomi devine rapidement son interlocuteur. Concentrée sur son travail, son esprit bien agacé devrait pouvoir chauffer son fameux client rapidement. Deux-trois grossièretés plus tard, la demoiselle parvient à répondre à ses attentes. Lui qui aime se faire malmener, il devrait être content de se faire raccrocher à la figure. Soufflant un bon coup, Bomi réalise qu’on vient de frapper à sa porte. Merde ? La jeune femme s’agite pendant plusieurs secondes avant d’ouvrir et de faire face à Daewon. La demoiselle fait mine de rien. “ Tu n’es plus à table ? “ Question bête pour gagner du temps. Elle scrute son visage et ses expressions, n’appréciant pas ce sourire sur ses lèvres. “ Depuis combien de temps tu es là ? “ Qu’est-ce qu’il a pu entendre derrière cette porte ? Elle lui adresse un sourire forcé alors que son téléphone se remet à sonner.  

Pour être honnête, tu ne sais pas trop pourquoi tu t’es porté volontaire pour aller parler à la jeune femme. Après tout, ce n’est pas comme si toi et elle étiez suffisamment proches pour qu’elle se confie à toi sur ses états d’âme. Qui plus est - et c’est là que tu pourrais peut-être passer pour le petit égoïste que tu n’es pourtant pas - t’aurais plutôt tendance à penser qu’une fin de repas sans ta sœur par alliance n’est pas forcément une mauvaise chose. Alors pourquoi avoir décidé de te lever de table pour aller la voir ? Bonne question ! Peut-être voulais-tu accomplir ta bonne action de la journée en tentant d'apaiser les choses. Ou alors peut-être était-ce ce petit air triste sur le visage de ta belle-mère qui t'a poussé à suivre la jeune femme. Toujours est-il que, maintenant que tu te trouves devant la porte de sa chambre, tu te dis que, finalement, tu as peut-être bien fait de faire le déplacement. Après tout, si ça n'avait pas été le cas, tu n'aurais pas pu jouir (sans mauvais jeu de mot) de la vision de ta sœur, tentant tant bien que mal de dissimuler ce sentiment de panique et de malaise qui l'anime. D'ailleurs, à ses questions, le petit sourire moqueur que tu arbores depuis que la jeune femme se tient devant toi finit par s'agrandir et tu hausses légèrement les épaules, avant de répondre : « Tu sais, tu n'es pas obligée de tourner autour du pot... » De toute façon, vu comment tu sembles amusé par la situation, il ne faut clairement pas être Einstein pour comprendre que ce qui semblait être son petit secret n'est plus vraiment un secret à présent. Pas pour toi, en tout cas... « Tu veux savoir si je suis là depuis assez longtemps pour apprendre que ma petite sœur chérie chauffe des mecs au téléphone ? Si c'est le cas, alors la réponse est oui ! » Toujours ce petit sourire accroché aux lèvres, tu jettes un regard vers le téléphone de la jeune femme qui se remet à sonner, apercevant brièvement un numéro non répertorié, et tu reprends de plus belle : « Je crois que quelqu'un a encore besoin de tes services ! » C'est qu'elle a l'air très demandé, la petite ! Deux appels en l'espace de même pas dix minutes ?! C'est pas rien, dis donc ! « Va s'y, je t'en prie, décroche ! Je peux patienter quelques minutes... » Et sur ces mots, tu viens simplement t'appuyer contre le mur de sa chambre, bras croisés sur ton torse...

Sa profession est bien trop délicate pour pouvoir s’en vanter. Elle devrait songer à mettre un terme à cette activité mais elle gagne pas mal de billets, en offrant du rêve à des parfaits inconnus. Sa posture n’est pas toujours simple car certains de ses clients ont des préférences assez spécifiques. De quoi dégouter la jeune femme pour le restant de ses jours, par exemple. Dans sa malchance, elle est tout de même soulagée que la conversation du jour ne ressemble pas à celle d’hier. En effet, Bomi aurait pu couper l’appétit de son grand-frère avec des détails tellement croustillants. Pour autant, elle continue d’espérer qu’il bluffe mais qui pourrait inventer de tels mensonges ? Elle ne veut pas douter de son talent en improvisation mais la coïncidence est beaucoup trop forte pour éviter cette conclusion : c’est fini pour Hwang Bomi. Elle ne peut pas s’empêcher de grincer des dents quand elle le voit sourire. Il devrait plutôt s’inquiéter pour sa santé mentale au lieu de la juger ou de modifier la vérité. Elle ne chauffe personne... Pas volontairement, en tout cas. “ Des mecs au téléphone ? Tu crois que je suis aussi délurée ?? “ Il ne peut pas imaginer une seule seconde qu’elle était en ligne avec son mec ? Elle réfléchit déjà à un prénom pour pouvoir trouver une excuse jusqu’au moment où son téléphone se remet à sonner. C’était pourtant prévisible... Elle vient de raccrocher au nez de son maso. Forcément qu’il n’a pas eu sa dose et qu’il va la supplier de le pardonner ! Oh ciel... Voilà que Daewon est assez futé pour jeter un coup d’œil sur son téléphone et ce numéro non enregistré. L’excuse du mec ? Elle est déjà aux oubliettes et malheureusement, aucune autre idée se présente à sa porte pour lui prêter main forte. Il ne lui reste donc plus que la violence. Si elle est douée pour l’exprimer verbalement – la preuve -, elle n’a jamais eu l’occasion de faire une démonstration sur Daewon. Elle râle de rage, comme si la demoiselle se trouvait devant sa console de jeux. “ Rahhhh ! Tu ne peux pas faire comme tout le monde ? Genre, être dégouté et passer ton chemin ? “ Elle laisse son téléphone sonner. Au pire, le client pensera qu’elle joue avec sa patience, pas vrai ? Pour l’instant, il y a plus urgent et c’est pour cette raison qu’elle pose ses mains sur les épaules de Daewon, désormais à moitié posé contre le mur de sa chambre. “ T’es vraiment bizarre comme mec ! Sors d’ici ! On ne peut pas avoir d’intimité dans cette maison !! “ Elle le pousse de toutes ses forces avant de réaliser... Qu’elle ne devrait pas le foutre à la porte sans une promesse. Bomi s’arrête. “ Attends... Qu’est-ce que je dois faire pour que tu te taises ? “  

Tu vois bien que ta sœur adoptive serre les dents. Que si elle le pouvait, elle t'étriperait certainement. Là, tout de suite... En témoigne l'expression sur son visage. Le regard qu'elle te lance... Mais c'est plus fort que toi, tu ne peux pas t'empêcher de sourire. Pourtant, c'est pas vraiment ton genre de te réjouir du malheur des autres, en temps normal. Mais là, c'est de Bomi dont il est question et tu dois bien avouer que voir ta petite sœur dans une position quelque peu inconfortable, ça te fait quand même un tout petit peu marrer. Et dire que tu avais hésité à venir à ce repas de famille... A présent, tu remercierais presque tes chers colocs de dortoir d'avoir su trouver les mots pour t'inciter à y participer. Sentiment certainement loin d'être partagé par la jeune femme ici présente. Pour sûr, elle est en train de s'en mordre les doigts... D'ailleurs, comme si ce n'était pas déjà assez humiliant pour elle, voilà que tu décides d'en rajouter une couche, et alors qu'elle tente de se justifier comme elle le peut, s'offusquant que tu puisses la penser délurée, tu finis simplement par t'exclamer : « En effet... C'est exactement ce que je crois... » Cela dit, pour être totalement honnête, tu t'en fous comme de ta première couche qu'elle le soit. Et tu t'en fous tout autant de savoir que la jeune femme a des échanges téléphoniques, pour le moins douteux, avec des mecs qu'elle ne connaît même pas. Comme le montre ce numéro inconnu qui s'affiche sur l'écran de son portable, et une nouvelle fois tu ne peux te retenir de rire quand la demoiselle se met à rager. « Pourquoi je ferais ça ? Ce ne serait pas drôle... » Là, tu peux jouer avec ses nerfs. C'est bien plus marrant... Et d'ailleurs, tu sens que ça chauffe. Beaucoup... A vrai dire, la jeune femme commence même à en venir aux mains, te bousculant pour que tu vires de sa chambre. Ce qui, une nouvelle fois, ne manque pas de te faire sourire et tu te contentes alors de lui répondre, sur ce ton à la fois moqueur mais également inquisiteur : « Et toi t'es vraiment pas fute-fute comme nana. Si t'étais un tant soit peu maline, tu saurais que passer ce genre de coups de fil ici n'est pas vraiment une bonne idée... » Ça aurait pu être ton père, à ta place. Ou pire encore... Sa mère. Et là, on aurait eu droit à l'escalade. A tel point que les petites prises de tête habituelles auraient paru bien mignonnettes à côté... « M'enfin, puisque c'est si gentiment demandé... » Haussant légèrement les épaules, tu commences à t'en aller. Mais, contre toute attente, t'es coupé dans ton élan lorsque la jeune femme reprend la parole et tu te retournes alors de nouveau vers elle, une expression mêlant à la fois étonnement et amusement sur le visage. « Pour que je me taise ? T'es sérieuse ? » Amusé, tu observes la jeune femme. Et, en effet, elle semble plus que sérieuse... « Hm, je n'sais pas trop. Laisse moi réfléchir... » Venant t'appuyer sur le mur du couloir, les bras croisés, tu fais mine de réfléchir. « Il y a tellement de choses auxquelles je pense mais... Ce serait peut-être un peu abusé... » C'est surtout que ce n'est absolument pas ton genre de tenir les gens au chantage. Pour autant, une petite ampoule finit par s'allumer au dessus de ta tête et tu finis par t'exclamer : « Je pourrais te demander d'aller t'excuser auprès de ta mère... » Et, là, tu la vois aussitôt s'installer, cette petite grimace sur son visage... « Ou alors, tu pourrais me dire pourquoi tu es comme ça ?! Ça t'a fait du bien de taper ta petite crise, tout à l'heure ? » Encore une fois, tu n'es absolument pas là pour lui faire la morale. Mais t'estimes quand même qu'elle te doit au moins quelques explications pour passer son temps à gâcher vos repas de famille...

En tant que fille unique, Bomi manque d’expérience pour entretenir une relation aimable avec celui qui est désormais son frère. Quand elle entend ses camarades, elle a l’impression que chacun accepte les différences de l’autre, que chacun s’occupe uniquement de ses affaires. Alors pourquoi ça ne fonctionne pas avec Daewon ? Est-ce que les autres se sont amusés à lui mentir ? Elle ne saurait dire pourquoi le jeune homme s’amuse autant de sa profession. Ses airs moqueurs l’agacent d’autant plus qu’elle n’a aucun contrôle sur cette situation. Une bonne journée de merde qui ne veut pas prendre fin.  “ Je ne pensais pas qu’on viendrait me voir. “ A force de casser l’ambiance, elle trouverait ça normal qu’on la laisse tranquille dans son coin. C’est d’ailleurs la meilleure stratégie à suivre pour qu’elle puisse calmer ses nerfs. Elle soupire. “ Et je ne choisis pas non plus l’heure où ils décident de me contacter. “ En fait, elle pourrait mais la jeune femme ne s’impose aucune limite. Plus vite elle gagne de l’argent, plus vite elle pourra quitter ce domicile. Elle ne se sent plus vraiment à sa place ici car toute pièce où les deux femmes se retrouvent, n’est plus viable pour la plus jeune. Déterminée à reporter ses nouveaux problèmes à plus tard, une illumination frappe la jeune femme. Elle ne peut pas prendre le risque de voir Daewon s’éloigner sans entendre une promesse : qu’il fera un vœu de silence. Bomi ne sait plus sur quel pied danser si ce n’est qu’elle est particulièrement douée pour se ridiculiser. Les enchaînements lui donnent des airs clownesques quand elle s’impatiente devant un Daewon perdu entre mille possibilités. Son visage se décompose d’autant plus quand il lui suggère de s’excuser auprès de sa mère. Bomi préfère crever. Elle tente de ne pas se braquer à l’entente de cette fameuse petite crise. Elle qui est d’habitude si mature, a complètement dérapé et elle ne peut plus faire machine arrière. Bien sûr que Daewon a raison d’utiliser de tels mots pour décrire sa réaction. Mais, ça reste un peu blessant. Elle est la méchante de l’histoire, n’est-ce pas ? “ Y a t-il vraiment des raisons pour faire une petite crise ? “ ironise-t-elle avant de lâcher un soupir. “ Ça t'intéresse vraiment ? “ Elle a comme un doute ou sent le piège arrivé. Elle ne parvient pas à en déceler la nature mais elle ne peut pas s’empêcher d’être méfiante. Elle tourne la tête pour ne pas croiser son regard. “ Je n’ai rien contre ton père. Je l’apprécie. Vraiment. Il est toujours agréable et j’imagine que c’est un bon père de famille. J’irai m’excuser auprès de lui, après. “ Un besoin de se justifier. “ C’est juste compliqué entre ma mère et moi, ça l’était déjà avant le mariage. Si ce n’est pas depuis toujours. “ Mais plus encore ? “ Je n’aime pas sa façon de parler de notre passé, d’extrapoler des choses juste pour se faire plaindre. “  

Au fond, tu t'en fous un peu des activités auxquelles la jeune femme s'adonne. Tout comme tu te moques bien du métier qu'elle exerce. Après tout, c'est pas comme s'il s'agissait de ta « vraie » sœur... Et puis, de toute façon, même si c'était le cas, il est presque certain que tu n'en aurais eu cure. Elle fait bien ce qu'elle veut de sa vie, et si gagner de l'argent en excitant des mecs au téléphone lui convient, alors grand bien lui fasse. Tu n'as clairement pas ton mot à dire. Pour autant, cela ne t'empêche pas d'apprécier la taquiner sur ce sujet, comme tu aurais pu la taquiner sur n'importe lequel à vrai dire. Et cela ne t'empêche pas non plus de trouver cela absurde qu'elle fasse ses bails dans la maison familiale, pour ensuite faire la choquée quand quelqu'un découvre ce qu'elle fabrique. Mais là encore, elle fait bien ce qu'elle veut. Elle a juste de la chance que ce soit toi et pas l'un de vos parents qui l'aient entendu gémir au téléphone. Car, t'as beau t'amuser de la situation, jamais ô grand jamais t'ira dévoiler son petit secret à vos darons. Sauf que ça, la jeune femme ne le sait pas et quand celle-ci se dit presque prête à faire n'importe quoi pour que tu ne révèles rien, t'as quand même ce court moment de bug pendant lequel t'as du mal à savoir si elle est sérieuse ou non. Mais oui, apparemment elle l'est, et si au début tu ne peux t'empêcher d'en rire, tu finis toutefois par reprendre un ton un peu plus sérieux, haussant les épaules à sa question. « A partir du moment où ça nous affecte aussi, mon père et moi, oui ça m’intéresse... » Car, qu'on se le dise, t'es personne pour juger de sa relation avec sa mère ou lui reprocher d'en vouloir à cette dernière. Après tout, tu n'as pas grandi avec elles et tu ne sais pas ce qu'il s'est passé entre elles. Cependant, tu es totalement en droit de lui reprocher de vous faire subir toutes leurs disputes, à toi et ton père. Surtout à ton père, à vrai dire... Car, de ton côté, même si sur le moment ça à tendance à te gonfler, tu n'es pas souvent là contrairement à ton papa qui lui ne rate absolument aucune miette de ce qui se passe sous ce toit. Alors, quand Bomi finit par te dire qu'elle ira s'excuser auprès de lui, tu esquisses un léger sourire. « C'est déjà ça... » Et toi ? Honnêtement, tu t'en fous ! Encore une fois, tout ce qui t'importe actuellement c'est ton padre et la jeune femme semble au moins avoir compris cela. Du moins, tu l'espères... Mais en attendant, toi, t'aimerais bien comprendre pourquoi la jeune femme en a autant après sa mère. Et à sa réponse, tu hausses une nouvelle fois les épaules. « Après, tu n'es pas obligée de l'écouter parler... » Ça te semble plutôt évident. Et, pourtant, tu sais aussi que ce n'est pas si simple que ça de rester là à écouter une personne déblatérer des conneries sans rien faire ou dire. Ça demande un certain entraînement... « Sinon, t'as déjà essayé d'en discuter avec elle ? Ou vous passez juste tout votre temps à vous gueuler dessus quand vous êtes dans la même pièce ? » Tu tentes, sait-on jamais. Et c'est vrai que tu peux paraître un peu trop direct ou brut du décoffrage dans ta façon d'aborder la chose. Mais t'es pas certain que ce soit en tournant autour du pot que tu pourras tirer quoique ce soit de la jeune femme.

Une prise de conscience est nécessaire. Elle ne peut pas continuer à se comporter comme une gamine capricieuse et égoïste. Bomi a besoin de faire le point et d’ouvrir les yeux sur cette situation qui dure depuis trop longtemps. Si sa mère est également incapable de renouer le contact avec sa fille, c’est finalement son demi-frère qui tente de la secouer un peu. Il n’est pas méchant mais sa maturité lui fait grincer des dents. Il a raison, il a malheureusement raison. Peut-on lui en vouloir de perdre toute logique quand elle est braquée ? Ses souffrances ne doivent pas impacter les autres. Daewon fait peut-être désormais partie de sa famille et pourtant, il est loin d’être un vrai proche à ses yeux. C’est peut-être pour cette raison qu’elle doute de ses intentions et qu’elle finit par l’écouter. Il est neutre dans cette histoire et souhaite protéger son père de toutes ses mauvaises ondes. C’est tout en son honneur. Sa prise de parole est légitime mais pour l’instant, sa culpabilité se dirige plus vers son paternel que pour lui. C’est difficile de devoir s’excuser envers tout le monde et comme un enfant fier, il lui paraît plus évident de s’excuser auprès d’un adulte… Cela prouve son niveau de maturité mais c’est déjà un premier pas de reconnaître ses erreurs.  Bomi se sent ridicule et le voir hausser les épaules n’arrange pas ce point de vue. C’est tellement facile à dire. “ Je sais bien… Mais je ne peux pas m’empêcher… Ça me fait péter les plombs. “ Daewon l’a bien remarqué. “ On a essayé d’en parler mais comme tu le dis si bien, ça part tout le temps en vrille. “ C’est à son tour de hausser les épaules. “ Quand mes parents se sont séparés, elle n’a pas arrêté de l’accabler et comment dire… J’ai l’impression qu’elle s’est beaucoup accrochée à moi, à me reprocher de ne pas être aussi bonne en cours ou quand je faisais de la musique. Alors qu’elle ne faisait aucun effort elle de son côté. “ Elle soupire. “ Alors oui, je m’emporte quand elle se dresse en victime quand tout le monde a sa part de responsabilité dans cette histoire. Mais comme elle ne veut pas reconnaître ses torts, ça tourne en rond. “ Comme des hamsters, elles deviennent presque folles dans leur cage. “ Et encore maintenant… Elle n’est jamais contente. Je pense que ça sera plus simple, le jour où j’arriverais à déménager. “ Ce qui explique les appels téléphoniques +18. “ J’ai conscience de me plaindre aussi mais je n’arrange pas les choses à ma sauce et je ne mens pas aux gens que j’aime. “ Elle regarde l’australien. “ Qu’est ce que tu veux que je lui dise ? Si je lui dis que je ne peux plus supporter sa pression, elle me dira simplement qu’elle fait ça pour moi. Et si je lui dis qu'elle exagère, elle va me faire passer pour une menteuse. “
 

Tu n'as clairement pas la prétention de dire que tu détiens la solution miracle pour arranger les choses entre Bomi et sa mère. Et tu n'as pas non plus pour ambition de te poser en thérapeute spécialiste des relations familiales. Cependant, l'idée même de savoir que ton père doit supporter tous ces crêpages de chignons incessants te peine un peu, et a également tendance à t'agacer. C'est qu'il commence à se faire vieux, le p'tit père. Ce n'est plus de son âge, tout ça... Alors, même si ça te fait un peu chier et que tu ne te sens pas forcément légitime dans cette histoire, tu veux bien essayer de les aider. A ton échelle... Ça vaudra ce que ça vaudra mais, au moins, tu auras tenté quelque chose. Et cela commence d'abord par essayer de comprendre d'où tout ça est parti. Qu'est-ce qui a été l'élément déclencheur. Et alors que tu écoutes la jeune femme t'expliquer que sa relation avec sa mère a commencé à se dégrader quand ses parents ont divorcé, tu ne peux t'empêcher de tilter quand cette dernière évoque l'idée de déménager. « Tu comptes déménager ?! » Cela pourrait être une solution, en effet. Enfin, solution... Tout est relatif... Alors, toujours les bras croisés, tu finis par reprendre en haussant légèrement les épaules : « Ma foi, pourquoi pas... Au moins, tu n'auras plus à la croiser tous les jours... » Cela dit, quand on y pense, cela ne fera qu'éloigner le problème un temps mais ça ne le résoudra pas. Quand la jeune femme devra assister aux événements familiaux, elle sera bien obligée de croiser sa daronne... « Et sinon, vous avez pensé à faire une thérapie de famille ? » que tu finis par demander. Et tu sais qu'en Corée, c'est pas toujours bien vu d'aller consulter un psy. En fait, les coréens considèrent même ça comme une honte et, si cela tend à évoluer un peu à ce niveau avec le temps, tu sais que beaucoup – et surtout les générations avant les vôtres – sont toujours assez réticentes à cette idée. Mais sait-on jamais... « De ce que tu me dis, il s'agit surtout d'un gros problème de compréhension et de communication entre vous. Peut-être que si vous trouvez quelqu'un pour jouer les médiateurs, ça pourrait vous aider à échanger de façon plus saine ?! » Dae Won, le sage. Voilà un surnom qui t'irait bien...