Dans le brouillard. T'étais dans le brouillard, ces derniers jours. Tu avais l'impression que les cours avaient grimper en intensité. Ou bien ? T'avais l'impression de crouler sous les devoirs et sous les leçons. Tu révisais encore et encore mais t'avais pas l'impression d'avancer. Tu stagnais, tu observais mais tu bougeais pas. T'étais fatiguée. Mais c'était la dernière ligne droite. La dernière avant de pouvoir réaliser ton rêve. Tu te donnais du mal – mais tu voulais y arriver. Il t'était impensable de rater. Impossible de tout recommencer ou de changer de plan de carrière. Tu voulais aider les autres, les enfants, les adolescents. Tu voulais écouter, conseiller, soutenir. Tu voulais être là, une présence qui rassurait. Tu voulais comprendre là où les autres ne cherchaient pas. Tu voulais les sauver, ces gamins perdus dans cette société trop vaste. Tu aurais voulu que quelqu'un soit là pour ton frère. Eunhyuk. Tu pensais bien trop à lui ces temps-ci. Pas que ce soit une mauvaise chose mais tu te surprenais à penser à vos moments ensemble. Tu te surprenais à te perdre dans des souvenirs, le sourire aux lèvres mais les larmes présentes dans le regard. Tu te surprenais à vouloir refaire le monde, à imaginer des tas d'univers où il était encore là. Tu l'imaginais à tes côtés quand tu révisais. Tu l'imaginais à l'université, le croisant à la sortie des cours. Tu vous imaginais chez Yoona, pour une soirée entre vous, à rire et papoter. Tu imaginais tellement de choses et sur le moment ça te faisait du bien. Quand tu reprenais conscience, ça te faisait mal et tu te jurais de ne pas recommencer – mais tu le faisais encore. Et encore.
Comme en cet instant où tu t'imaginais ton frère à tes côtés alors que tu t'installais dans ta voiture. Tu devrais arrêter. Un souffle épuisé aux lèvres, tu passas tes mains sur ton visage. Tu soufflas bruyamment alors que tu démarrais, prête à t'en aller. Tu devais rentrer, et réviser maintenant. Ou peut-être que tu prendras d'abord un bain ou du moins une bonne douche. Tu te voyais presque déjà sur ton lit...

Presque. Le choc te tira soudainement de tes pensées, la surprise visible sur le visage alors qu'un son surpris t'échappait. Que venait-il de se passer ?? En alerte, la panique faisant tambouriner ton cœur, tu sortis du véhicule. Et ce fut en sortant que tu compris. « Oh mon dieu », soufflas-tu alors que t'approchais de l'autre véhicule. Dans lequel tu venais de taper, apparemment. Pas trop violemment non plus tu supposais que les dégâts n'étaient que matériels. Enfin tu espérais. « Oh mon dieu pardon je suis vraiment désolée. Vous allez bien ? », demandas-tu à te décalant, prête à aller t'excuser auprès de la personne. Prête à tout faire pour dire que oui, tout était de ta faute. « Bonj...our », murmuras-tu dans un chuchotement, observant le visage de l'homme de l'autre voiture. Un petit « Oh » vint contre ta bouche alors que tu te pinçais les lèvres. « Bonjour. Je suis.. désolée pour.. pour l'impact. Est-ce que ça va ? »

Installé dans sa voiture, côté conducteur, le téléphone entre ses mains, le jeune homme écarquilla soudainement les yeux à cause du choc. Sur l’instant, il n’avait pas réalisé ce qu’il se passait, ayant simplement senti son véhicule bouger brusquement, son corps valsant légèrement en avant pour revenir en arrière… Surpris, Jun Wan se retourna par réflexe, abandonnant ensuite son portable sur le siège passager puis sortit immédiatement de la voiture. Toujours instinctivement, il se massait la nuque sans ressentir de douleur pour le moment néanmoins, il préférait prendre des précautions et prévenir tout éventuelle souffrance. Le choc avait été surprenant mais pas puissant donc, normalement, en problème physique, lui ne risquait rien ; il entretenait sa forme chaque jour, se muscler régulièrement et, avec son travail, il pratiquait aussi de nombreux sports. Par chance, de ce fait, il n’était pas quelqu’un de fragile toutefois même si lui se portait bien, il ne savait pas ce qu’il en était de sa voiture. La raison pour laquelle, sans prêter d’abord attention à la coupable, il fit le tour de sa carrosserie pour, finalement remarquer une bosse ainsi qu’une rayure – légère certes, mais rayure quand même. La jeune femme s’approchait de lui en même temps qu’il faisait le tour et ce fut à ce moment là qu’il posa enfin ses yeux sur elle, la fixant en silence avant de souffler. « C’est une blague ? » Pensa Jun Wan à haute voix d’un ton sarcastique. A part être une vilaine comédie ou une caméra cachée, il ne voyait pas d’autres explications à cette situation. Parmi toutes les personnes pouvant lui cabosser sa voiture, il avait fallu que ce soit elle… Elle qui connaissait depuis un certain temps à présent, elle qui l’avait pris pour ce qu’il n’était pas, qui lui avait infligé un trouble psychologique sans vouloir l’écouter, elle qui était bien trop son opposé pour qu’il puisse être à l’aise avec. Un soupir traversa ses lèvres, sincèrement blasé de ce hasard qui ne cessait de lui jouer des tours.

« Ça va. » Lui répondit-il finalement, de son ton habituel, alors qu’elle se répétait. « Vous avez eu votre permis en promo ou ? » Non parce qu’effectuer un créneau n’était pourtant pas ce qu’il y avait de plus compliqué, principalement sur une place comme la sienne où il y avait visiblement encore assez d’espace. « Vous devriez penser à le repasser, cela évitera des accidents. » Oui, il était cynique et le garçon s’en fichait complètement ; on l’avait éduqué comme ça et, malheureusement, il n’était pas prêt de changer facilement. Il ne faisait qu’exprimer le fond de sa pensée, tant pis si cela ne plaisait guère.  

Ta vie aurait été bien. Elle aurait été belle. Si Eunhyuk était toujours présent. S'il était toujours à tes côtés. T'étais sûre que tu n'aurais peur de rien. L'aventure, les sensations fortes, le risque. Tu aurais tout tenté s'il avait été à tes côtés. Et son absence n'était pas une excuse à ta lâcheté. Ou bien ? Peut-être que si. Mais ton frère avait toujours réussi à te donner la force qu'il te manquait. Le courage qu'il te fallait pour affronter les choses. Il avait toujours trouvé les mots pour te rassurer mais aussi t'encourager et te motiver à te surpasser. Aujourd'hui il n'était plus là et tu ne devais que te contenter des paroles du passé. Des mots soufflés à une époque révolue qui n'avaient plus leur effet sur le présent – mais qui te tenaient toujours terriblement à cœur. Tu ne pourras jamais oublier l'intention de sa voix et la musique qu'était son rire. Tu ne pourras jamais oublier son regard, ce miroir de ces émotions. Ces émotions que tu avais totalement loupées. Tu t'en voulais, un peu plus chaque jour, de n'avoir réussi à lire dans ses pupilles comme tu le faisais d'habitude. Ou bien avais-tu déjà réussi un jour ? Avais-tu déjà réussi à lire dans son regard comme tu le pensais, où t'étais-tu toujours trompé ? A l'époque tu n'aurais jamais douté de cette vérité – mais aujourd'hui tu doutais de chaque seconde passé à ses côtés. De chaque instant où tu avais cru lire – alors que peut-être, tu n'avais qu'imaginer.

Tu n'imaginais pas ce qu'il se passait actuellement cependant. Et tu aurais préféré. Tu aurais préféré simplement rêver de cogner dans cette voiture avec la tienne. Tu aurais préféré simplement imaginer tout ça et te réveiller dans ton lit. Mais non, c'était bien vrai, tu l'avais senti. Et même si le coup n'avait pas été fort, il avait été assez brusque pour te sortir de tes pensées. Tu ne te rendais pas encore totalement compte de la personne à qui tu parlais. Jusqu'à ce que ce soit le cas. Les épaules s'abaissant, un souffle fila contre tes lèvres. C'était pas du tout ton jour de chance. « Pardon ? », demandas-tu, les sourcils levés, confuse. Comment ça, t'avais eu ton permis en promo ? « Je l'ai eu du premier coup » marmonnas-tu, mécontente avant d'inspirer. « Si j'avais causé un accident plus grave, oui. Mais pour ça.. pas besoin de le repasser », indiquas-tu doucement en secouant le visage. Avait-il pensé à passer un test pour être plus agréable ? « Je suis désolée », tu désignas la bosse et la rayure. « Je paierai pour tout ça », tu lui lanças un regard avant de retourner vers ta voiture où tu fouillas dans ton sac à main. « Les coordonnées de mon assurance », expliquas-tu en lui tendant la carte, avant de désigner une nouvelle fois les dégâts. « Occupons-nous de ça rapidement », tu voulais juste remplir les papiers et t'en aller au plus vite.

Pourquoi fallait-il que cette fille soit toujours dans les parages ? Dire qu’il ne l’appréciait pas serait sûrement exagéré hors Jun Wan ne l’aimait pas spécialement non plus. Chacune de leur rencontre n’avait pas été bénéfique pour lui, elle ne lui avait pas fait bonne impression non plus et ce, même si elle s’entendait avec son frère. Hors, c’était vrai aussi que lui peinait à bien s’entendre avec les gens en général, il y avait toujours quelque chose chez eux qui le dérangeait, parce qu’il était incapable de se lier. Yu Jin et lui étaient réellement le jour et la nuit cependant, pour sa défense, il n’avait certainement pas eu la même vie, pas reçu la même éducation puis, en réalité, leurs personnalités avaient toujours été différentes. Alors non, la situation à laquelle il faisait face, le cascadeur ne parvenait pas à l’accepter ; le pourquoi il ne pouvait s’empêcher d’être risible puis faire preuve d’autant de sarcasme. Etait-ce si compliqué que ça de se garer ? Effectuer un créneau n’était pas ce qu’il y avait de plus difficile. Certes, lui pouvait se le permettre parce qu’il avait reçu un entraînement particulier, qu’il s’entraînait encore chaque jour et qu’il était en mesure de faire des cascades hors du commun. Mais c’était son métier, il ne pouvait pas reprocher à une civile quelconque de savoir faire les choses aussi bien que lui, c’était impossible. Pourtant, la jeune femme certifiait avoir eu son permis du premier coup ; elle avait sûrement eu juste beaucoup de chance, ce n’était pas croyable autrement. « Ce n’est pas grave mais qui dit que ça ne le sera pas plus tard ? Vous n’êtes même pas fichue d’effectuer un créneau correctement. » Ô ça suffit la mauvaise foi maintenant. C’était plus fort que lu de râler, à croire que Jun Wan ne savait faire que ça néanmoins, n’avait-il pas de bonnes raisons de le faire ? C’était sa voiture qu’on venait d’écorcher.

« Encore heureux. » Manquerait plus qu’en prime, il devait payer de sa poche ; c’était la moindre des choses. Ses excuses, le garçon ne les releva pas puisque, après tout, cela n’effaçait pas les dégâts causés et lui ne se fiait jamais à des paroles prononcées. Sans chipoter, sans la remercier, hochant simplement la tête, le jeune homme se saisit des coordonnées de l’assurance, les rentrant aussitôt dans son téléphone. A son tour, il s’échappa un bref instant dans sa voiture, cherchant dans sa boîte à gant afin d’en sortir un constat, papier qu’il remplit ensuite en silence. « Tenez, vérifiez si c’est bon et remplissez votre partie. » Ajouta-t-il en lui tendant la feuille ainsi que le stylo ; non, l’amabilité, Jun Wan ne paraissait pas connaître et, en réalité, il se foutait bien de ce que cette jeune femme pensait de lui.

Ca n'arrivait qu'à toi ce genre de choses. Toi, si prudente d'habitude derrière le volant, tu t'étais laissée entraîner par les souvenirs. Toi-même tu ne supportais pas ces gens qui rêvassait quand ils roulaient, qui semblaient être ailleurs. C'était dangereux car la plupart du temps ces gens-là ne faisaient pas attention aux personnes autour. Et t'étais devenue comme eux aujourd'hui. Sans doute que dire que tu pensais à ton frère n'était pas une excuse. C'en était même une fausse, pas vrai ? T'étais juste distraite, tu devais l'admettre – et tu l'admettais. T'étais distraite, trop occupée par tes pensées plus ou moins vives, plus ou moins floues. Trop occupée à imaginer des choses, à vouloir en oublier d'autres. Comme si tes pensées s'étaient mises d'accord pour te rendre la vie difficile aujourd'hui. Comme si tes souvenirs s'étaient ligués contre toi pour te rappeler à quel point Eunhyuk te manquait. Comme si la vie elle-même se jouait de toi pour te dire, encore, que tu l'avais perdu. Et c'était bien ta chance, en plus, de tomber sur lui. Tu aurais apprécié tomber sur n'importe qui, son frère surtout, mais pas lui. Tout était déjà compliqué et tu te doutais bien que tout serait encore plus compliqué avec lui. Ce n'était pas que tu le détestais, tu détestais rarement les gens mais plutôt... tu ne le comprenais pas. Tu ne comprenais sa façon de faire, d'être, de parler. T'arrivais pas à saisir ses expressions, ou son manque d'expressions plutôt, ses mots, ses gestes. Il était comme une énigme et tu ne savais pas où te situer par rapport à lui. Tu ne savais pas où le situer par rapport à toi, non plus. Il était particulier, c'était le moins que tu puisses dire. Le regard allant vers lui, tu clignas des paupières avant de froncer des sourcils, confuse mais aussi quelque peu outrée. « Donc vous êtes ce fameux conducteur qui ne fait jamais de fautes, jamais d'erreurs, qui se gare toujours entre les lignes et qui sait faire ses créneaux du premier coup », dis-tu doucement dans un léger mouvement du visage. « Ce ne sera pas grave plus tard parce que ça n'arrivera plus », tu t'en faisais la promesse à ce moment même.

Les lèvres faiblement pincées, tu inspiras simplement avant de secouer le visage non sans lever les yeux au ciel dans un geste bref. Tu devais t'occuper de tout ça au plus vite. Tu l'observas faire, en silence, patientant sagement, avant de te pencher pour vérifier que tout soit bon. « C'est tout bon », déclaras-tu. Tu pris la feuille et le stylo, lui jetant un regard, avant de remplir ta partie, vérifiant trois fois. « Je vous laisse vérifier aussi », puisque c'était la moindre des choses alors que tu lui tendais le papier. « Votre stylo », soufflas-tu, lui tendant l'objet. Tu voulais pas être accusée de vol en plus du reste. « Bien... bonne journée », finis-tu dans un mouvement du visage, prête à partir et rentrer, retournant vers ta voiture. Tu soufflas à nouveau, jetant un bref regard autour de toi – mais tu n'eus pas le temps de réagir pour la suite, une voiture passant en trompe non loin de toi... Un cri surpris brûlant ta gorge, tu ne pus que baisser le visage, mais c'était trop tard. La voiture roulait trop vite et la flaque à côté était bien trop grande, l'eau et la saleté finissant sur ta tenue. Tu ne dis rien, fixant le sol dans un air ahuri, un frisson parcourant ton corps avant que tu ne te tournes vers Jun Wan, lui adressant un regard dépassé. Tes vêtements collaient de plus en plus à ta peau et tu sentais de plus en plus le froid. Ce ne fut qu'après de longues secondes que tu remarquas quelques regards vers toi et que tu constatas que ton haut était bien trempé. Si trempé qu'il était devenu transparent.

« Exactement. » Exactement ? N’avait-il rien trouvé de mieux à dire que « exactement » ?? Et on ne parlait même pas de cette expression particulièrement convaincue plaquée à sa figure. Jun Wan n’essayait pas de se montrer arrogant, encore moins de rabaisser sa vis-à-vis, cependant il ne se pensait réellement pas capable de commettre de telles erreurs. Probablement en avait-il fait par le passé, oui, néanmoins avec le métier qu’il exerçait, ses talents de conducteur étaient aujourd’hui décuplés. Si lui n’était pas en mesure d’effectuer ses créneaux du premier coup, qui le pouvait ? En tant que cascadeur, il était contraint parfois de rouler à vive allure avant de s’arrêter soudainement dans un tête-à-queue ; il lui était également arrivé de devoir se garer à une vitesse incroyable toutefois il ne jugeait personne là-dessus, il avait conscience de savoir le faire car il avait reçu l’entraînement pour. « Je l’espère pour vous. » Il ne serait pas là pour le voir de toute façon et il se doutait bien qu’elle ne repasserait pas son permis, simplement parce qu’il lui en faisait la remarque.

Plutôt que perdre son temps à épiloguer sur un sujet inutile, Jun Wan s’attela à remplir le constat, faisant ensuite vérifier à la jeune femme avant de vérifier lui-même à son tour. Minutieux, ne souhaitait aucunement se faire arnaquer – oui, il était beaucoup trop méfiant pour son propre bien – il prit de longues minutes pour tout relire. « C’est parfait. » Commenta-t-il, récupérant alors son stylo, toujours sans faire preuve de la moindre politesse. Il faisait des efforts, parfois, néanmoins ce genre de chose était compliquée pour le jeune homme ; il n’avait pas grandi avec ce type d’éducation et il s’avérait probablement le premier surpris lorsqu’on le remerciait ou se montrait incroyablement avenant avec sa personne. Jun Wan n’avait pas l’habitude donc, face à une attitude, il était vite déstabilisé, bien plus que ce qu’il n’exprimait. Hors, même s’il ne prononça aucun mot à ses paroles, il acquiesça malgré tout d’un hochement de tête ; sa manière de lui renvoyer ses propos bien qu’il y avait peu de chance que cela soit compris par la demoiselle. Un dernier regard en sa direction, il s’apprêtait à ouvrir la porte de son véhicule quand un fou furieux en voiture arriva en trombe, éclaboussant avec intensité la jeune femme qui ne saisissait certainement pas ce qu’il venait de se dérouler. Et lui non plus. Tout d’abord, ce fut le choc, parce qu’il ne réalisa pas immédiatement la scène s’exécutant sous ses yeux. Ensuite, ce fut l’offuscation contre ce malade qui n’éprouvait visiblement aucun remord sur les conséquences de ses actes. Enfin, alors que ses iris s’égaraient sur sa vis-à-vis, ce fut la confusion, une lueur penaude brillant dans le creux de ses prunelles, sa main toujours posée sur la poignée de sa pote qu’il n’avait pas encore ouverte.

Gêné malgré lui d’avoir assisté à une telle scène, il retira ses doigts de la voiture afin de se gratter maladroitement la nuque. Devait-il dire ou faire quelque chose ? Les gens autour d’eux paraissaient fixés sur la jeune femme, lui-même parvenait à sentir leurs regards et entendre leurs chuchotements alors qu’il n’était pas concerné. Finalement, sans réellement réfléchir, il retira la veste sur ses épaules tandis qu’il s’avançait vers la jeune femme. « Vous allez bien ? » L’interrogea-t-il toujours de son ton habituel, un ton qui contrastait pourtant avec ses paroles mais également ses gestes, son vêtement ayant doucement rejoint les épaules de la pauvre victime. « Ce sera mieux si vous portez ça. » Peut-être avait-elle froid cependant ce n’était pas la raison pour laquelle Jun Wan lui prêtait sa veste ; il le faisait à cause de la transparence du haut qu’elle portait et des dessous qu’il voyait. C’était sûrement bête pour certains néanmoins, lui, cela le transportait à une douloureuse époque qui restait fermement ancrée dans son esprit et qu’il ne réussissait jamais à complètement oublier. Aucune femme ne méritait d’être humiliée de la sorte, aucune femme ne devait être regardée comme si elles n’étaient qu’un morceau de chair, et lui souhaitait protéger ça.      

Les pupilles se levant directement vers lui, tu inspiras... pour finalement retenir ce souffle exaspéré qui menaçait de te brûler les lèvres. Tu te contentas de bouger la tête de gauche à droite, comme si tu cherchais tes mots, les lèvres faiblement ouvertes. Tu choisis d'agiter la main, préférant oublier le commentaire, l'idée, son expression. Etait-il arrogant à ce point ? Fier à ce point ? Etait-il sûr de ne faire aucune erreur ? Jamais ? Ne disait-on pas qu'il ne fallait jamais dire jamais ? Tu plissas un peu les yeux, le nez à peine haussé dans un air bougon. Tu te proposerais bien de surveiller pour t'assurer qu'il ne fasse jamais aucune erreur – mais tu te doutais bien qu'il refuserait l'idée et toi-même, t'étais pas sûre d'apprécier l'idée. Parce que ça voudrait rester coincée avec lui. Dans une voiture. Pendant des heures – clairement une mauvaise idée. Tu préférais régler le souci au plus vite pour partir au plus vite et oublier ça au plus vite. Remplir le constat n'était qu'une formalité, tout allait généralement assez vite. Et après avoir vérifié ce qu'il avait écrit, ce fut à ton tour de remplir et de faire vérifier. A sa remarque, tu te contentas d'un sourire crispé. Evidemment, c'était parfait. T'allais pas mentir sur le papier, t'étais pas comme ça. Même s'il le savait pas – t'étais juste d'humeur contradictoire, comme une gamine mécontente. Hors t'étais plus mature que ça donc tu ne disais rien. Le silence était la meilleure réponse. Non ? Parfois. Pour quelqu'un qui souhaitait les enfants t'en avais le comportement en cet instant. Mais à part toi, personne n'avait besoin de le savoir. Le constat rempli, les formalités échangées, vous pouviez donc retourner à vos occupations. T'allais pouvoir rentrer et te détendre, tu le méritais bien selon toi.

Apparemment, ce n'était pas de l'avis de ce conducteur qui passa à vive allure. Ce n'était pas l'avis de cette flaque qui vint te câliner d'un peu trop près. Tu ne savais même pas comment réagir, les habits trempés, le regard perdu et l'air totalement perturbé. T'étais même pas sûre d'avoir totalement compris ce qu'il venait de se passer. Tu ne pouvais que regarder en silence, ahurie – l'air bête, aussi. Les mots coupés, tu ne dis toujours rien, envoyant ton regard vers celui de Jun Wan. Qui paraissait tout aussi perplexe que toi. T'étais pas la seule à n'avoir rien compris, au moins. Les passants autour de vous semblaient avoir compris eux au moins – ils avaient compris avant toi que ton haut était devenu transparent. Un petit « Oh mon dieu » quitta tes lèvres alors qu'une rougeur prenait place sur tes joues, tes bras se croisant timidement. Tu redressas le visage vers Jun Wan, gênée, confuse, honteuse. « J'ai froid », articulas-tu simplement, le rougeur chauffant de plus en plus sur tes joues, sa veste sur tes épaules. Tu restas un instant bête – encore – le regardant fixement sans bouger, l'embarras glissant sur ta nuque. Dire que t'étais surprise était un faible mot mais tu trouvais son geste réconfortant. « Mais je vais la mouiller », les doigts accrochés à la veste. Même si tu venais de dire ça, tu refusais qu'il la retire, c'était trop gênant. La lèvre inférieure tremblant à peine, tu murmuras un petit « Merci » de plus en plus gênée, les pupilles tentant quelques voyages vers les visages des personnes autour. « C'est humiliant. Tout le monde me regarde...», vins-tu te plaindre, t'enroulant un peu plus dans la veste. « Est-ce que.. », que tu commenças, cherchant tes mots, la logique – quelque chose. « Vous pouvez me suivre jusqu'à chez moi ? Je vous rendrai votre veste », tentas-tu, timide, les pupilles le suppliant presque d'accepter.

Jun Wan ne souhaitait pas la mettre mal à l’aise, il ne la jugeait pas non plus, malgré son attitude qui pouvait certainement laisser croire le contraire. Oui, il avait remarqué la transparence de son vêtement, hors il ne lui donnait pas sa veste pour l’embarrasser plus que de raisons. C’était parce qu’il connaissait la toxicité du monde, qu’il connaissait la perversion de l’être-humain et qu’il pouvait aisément deviner la gêne éprouvée par la situation. Ce n’était pas de chance, elle ne portait pas la bonne tenue, néanmoins comment aurait-elle pu deviner qu’un conducteur fou l’éclabousserait ? Ce n’était pas de sa faute et elle n’avait rien à se reprocher, vraiment. Il n’était malheureusement pas l’homme le plus agréable pour lui tenir compagnie, pour la réconforter, toutefois il pouvait au moins l’aider à se sentir moins humiliée et lui prêter sa veste. Ce n’était pas comme si lui risquait quelque chose et le froid ne l’effrayait pas tant, il avait connu pire qu’un vent frais ; il n’était pas le plus à plaindre ici. « Ce n’est pas grave, gardez-là. » Comme il le pensait déjà plus tôt, il ne la lui donnait pas parce qu’elle avait froid, c’était uniquement à cause de la transparence de ses vêtements. Peut-être lui aurait-il passé quand même car elle semblait frigorifier, néanmoins son intention première était réellement de la protéger de toute humiliation. Elle n’avait pas à s’inquiéter, il ne comptait pas la lui reprendre si tôt, elle pouvait même l’enfiler correctement si elle le désirait.

Son remerciement, il ne le releva pas, justement parce que lui n’avait pas l’habitude de ce genre de propos et qu’il ne savait jamais comment réagir. Après tout, il ne faisait pas ça dans le but de recevoir une quelconque reconnaissance, il le faisait parce qu’il le voulait bien. Toutefois, en ce qui concernait sa proposition, même si Jun Wan ne montra rien, celle-ci le déstabilisa plus que de raison. Pourquoi ? Comment ? Qu’est-ce que cela voulait dire ? C’était bien la première fois, après tout, qu’une inconnue – pas si inconnue que ça certes – lui proposer de la suivre jusqu’à chez elle, uniquement pour lui rendre sa veste. Pourquoi ne prenait-elle pas son numéro – il était écrit sur le constat soit dit en passant – et ne lui rendait-elle pas plus tard ? Effectivement, c’était une première… Mais elle avait l’air confuse, perturbée, par toute la situation, le garçon pouvait comprendre puis, qui savait, peut-être était-elle rassurée de ne pas être entièrement seule après tout ça. « Vous habitez loin ? » L’interrogea-t-il, la gêne se reflétant dans ses gestes, sa main grattant une nouvelle fois sa nuque avec maladresse. « Je peux vous accompagner si vous voulez, oui. » Hors, il laisserait sa voiture ici, il avait déjà eu beaucoup de peine à trouver une place donc, dans le pire des cas, en revenant, il prendrait le métro.

Humiliée. T'étais juste humiliée. T'avais pas d'autres mots en tête à part celui-là, et tu ne ressentais rien d'autre à part la gêne qui coulait sur tes joues et ta nuque. Tout comme l'embarras qui coulait dans tes veines. Tu ne ressentais que ça. Tu ne ressentais que les regards sur toi, les questions dans l'air. Tu remarquais les autres, les visages qui se figeaient, les traits tirés dans la curiosité. T'étais juste humiliée – et ce conducteur qui ne s'était pas arrêté. Ce conducteur qui avait continué. Il avait probablement remarqué mais il s'en fichait et toi tu restais là, comme bloquée, incapable de bouger. Trop gênée mais aussi trop surprise. Tu te sentis soudainement bête, aussi. De ne pas être capable de dire quelque chose ou de faire quoi que ce soit. Tu fus surprise du geste de Jun Wan. Si on te l'avait dit, tu ne l'aurais pas cru. Et même si tes mots disaient le contraire, tu priais tout et n'importe quoi pour que la veste ne quitte pas tes épaules. Les regards étaient encore tournés vers vous mais au moins tu étais protégée. Au moins ton haut était caché. Tu secouas tout de même le visage, l'idée de le garder sans la rendre t'étant inadmissible. « Je peux pas faire ça », articulas-tu doucement, lui lançant un regard, décalant faiblement tes pupilles sur les passants.

Et c'était alors naturel de le remercier. Il aurait pu partir, faire comme s'il n'avait rien vu. Il aurait pu fermer les yeux comme d'autres autour de vous. Tu ne réfléchis pas vraiment en lui demandant de t'accompagner jusqu'à chez toi. Ton seul but était de lui rendre sa veste. Tu ne pouvais pas la garder, tu t'en voudrais. « Non, pas très loin », affirmas-tu, l'index montrant une direction dont tu n'étais pas certaine. « Merci », soufflas-tu, soulagée. Car rester seule aurait été quelque peu déroutant. Arriver devant ton immeuble dans cet état, seule, aurait été déroutant. Tu te raclas quelque peu la gorge, toujours aussi gênée, désignant ta voiture, grimpant sans attendre après avoir bien fermé la veste. Tu patientas qu'il en fasse de même, attachant ta ceinture, jetant quelques coups d’œil vers les alentours. « Ca a rendu tout le monde curieux... A croire que personne n'a jamais vu de sous-vêtements », que tu chuchotas alors que tu démarrais. Tu disais ça mais dans le fond t'avais tellement honte que tu pourrais en pleurer. Le moteur ronronna et tu pris la route, les pupilles filant à peine vers Jun Wan alors que tu te concentrais sur la route. « Désolée pour... le détour. Ca ira pour vous pour rentrer ? », lui demandas-tu, tournant brièvement le regard vers lui avant de fixer la route à nouveau. « J'arrive pas à freiner », lâchas-tu après quelques secondes de silence, l'index désignant ton immeuble dans un air penaud. « C'est ici mais j'arrive pas à freiner. Pourquoi j'arrive pas à freiner ??? » et tu prouvais ton argument en appuyant à plusieurs reprises sur le frein.

La jeune femme semblait trop déstabiliser pour qu’il cherche à lui répondre hors, non, il ne lui offrait pas sa veste ; il lui rétorquait de la garder parce qu’elle déclarait avoir peur de la mouiller, parce qu’elle paraissait angoissée à l’idée qu’il puisse la reprendre, c’était uniquement pour ça. Bien sûr qu’il souhaitait la récupérer, même si ce n’était pas aujourd’hui ni demain, il y tenait… Puis surtout, il n’était pas assez riche pour se permettre de se débarrasser de ses vêtements à tout bout de champs, sans parler de la valeur sentimentale du vêtement. Toutefois, là n’était pas le sujet, et Jun Wan n’était pas stupide au point de lui faire la morale sur une histoire aussi futile. Le principal était qu’ils étaient sur le même terrain d’entente et que, tôt ou tard, la demoiselle souhaitait lui rendre sa veste. Ceci dit, le garçon n’avait pas pensé que cela se passerait maintenant, qu’elle lui demanderait de l’accompagner jusqu’à chez elle afin de la lui rendre et, dans sa tête à lui, cela tournait dans tous les sens. L’être-humain était trop compliqué pour qu’il puisse saisir comment il fonctionnait, sûrement le pourquoi il accepta la proposition puisque, vraisemblablement, un « non » n’aurait pas été apprécié. C’était ce que l’expression de la jeune femme lui laissait songer, cette dernière semblait vraiment déboussolée et lui se sentait mal de refuser, alors qu’il pouvait deviner ce sentiment d’humiliation à des kilomètres. Elle ne voulait pas être seule en cet instant hors, d’une certaine manière, il s’agissait d’un comportement inconscient. Le connaissait-elle ? N’avait-elle pas peur du mal que Jun Wan pouvait lui faire ? Inspirait-il autant la confiance ? Et franchement, était-ce le moment de penser à ce genre de choses ? Non.

Certainement la raison pour laquelle, sans un mot de plus, il contourna le véhicule de la jeune femme avant de s’installer à l’intérieur, côté passager. Incapable de savoir comment réagir, pas même ce qu’il était censé répondre à sa remarque, ses yeux vaquaient tout autour de lui, ses mains ignorant où se mettre alors qu’il souhaitait s’attacher avant de s’apercevoir qu’il l’avait bêtement déjà fait. Le silence, c’était probablement mieux, oui. Et regarder la route qui défilait autour de lui aussi. « Oui, pas de souci. » Devait-il préciser qu’à la base, lui, il était déjà arrivé ? Mais, mis à part la culpabiliser d’avantage, il n’obtiendrait rien donc autant se taire et porter son attention sur autre chose. Sauf que la jeune femme n’avait pas l’air d’être d’accord avec ça – à moins que cela soit le karma – puisque, à peine déclara-t-elle que le frein ne fonctionnait pas, que Jun Wan reporta immédiatement ses yeux sur elle. Comment ça elle ne parvenait pas à freiner ? Les pupilles écarquillées, il ne pouvait s’empêcher de songer quels genres de péripéties allaient encore lui arriver aujourd’hui ? « Ce n’est pas possible. » Soupira-t-il, désespéré par tout ce qui se passait. Hors, était-ce réellement le moment de râler ? « Laissez-moi le volant ! » Ce n’était pas une demande, peut-être un conseil, mais surtout un ordre alors que sur ses dires, il attrapa l’objet de sa main afin de le tourner brusquement ; une voiture roulait dans le sens opposé, en voulant l’éviter, il n’avait pas eu le choix. « Poussez-vous, laissez-moi la place ! » Insista-t-il, haussant un peu plus le ton cette fois-ci. Probablement que, de plus bel, son attitude laissait penser qu’il la prenait de haut, qu’il se croyait mieux que tout le monde hors, si la jeune femme souhaitait avoir une petite chance de finir saine et sauve, elle devait lui donner la main. Au contraire d’elle, Jun Wan était un professionnel dans le domaine.