Humiliée. Evidemment, ce n'était pas très intelligent de proposer à un inconnu de venir chez toi. Mais tu le connaissais – plus ou moins. Tu ne savais pas ce qu'il aimait manger, s'il avait des allergies ou sa couleur préférée mais tu connaissais son nom et son prénom. Et tu avais les informations sur le papier à cause du petit accrochage. Tu connaissais son frère et tu avais confiance en son frère. Alors tu supposais que tu pouvais aussi avoir confiance en Jun Wan aujourd'hui. Et puis, ce n'était pas comme si tu avais réellement réfléchi à l'idée ou à la proposition. Tu voulais juste lui rendre son bien au plus vite sans attendre trop longtemps. Ca te gênerait de garder la veste chez toi en attendant, sans trop savoir quand la rendre ou encore comment. Ca te gênerait de le revoir pour la lui rendre, aussi, car c'était là la meilleure façon de se souvenir de tout. Et tu serais bien contente de pouvoir tout oublier une fois rentrée chez toi. Le plan était simple, tu devais rentrer, lui rendre la veste et tu irais directement au lit. La journée avait été longue et elle te semblait interminable maintenant. Tu voulais faire au plus simple – tu pensais faire au plus simple. T'étais juste perdue et gênée, humiliée aussi, que rester seule t'aurait mise encore plus mal. Il n'était pas la meilleure compagnie, certes, mais il n'était pas la pire non plus. Sur le moment. Il ne parlait pas et même si ça pouvait être dérangeant, ça ne l'était pas vraiment. Tétais juste rassurée de ne pas être seule. T'aurais eu peur que quelqu'un te suive en te voyant partir seule. Ca aurait été possible non ? Le monde était fou.

Hochant le visage, tu semblas contentée de la réponse, ne cherchant pas à en savoir plus. Car plus tu en saurais, plus tu culpabiliserais. Tu t'en voulais déjà de lui faire faire le détour, si en plus tu allais dans les détails, t'allais pas t'en sortir. T'allais donc te contenter de ça, et ça tombait bien puisque tu voyais ton immeuble. Tu voyais ton immeuble mais ta voiture ne voulait pas s'arrêter. T'étais pas mécanicienne mais tu savais que c'était pas bon signe. « C'est pas ma faute », dis-tu, la panique dans le regard, ne sachant plus vraiment où regarder alors que tu tentais toujours de freiner. C'était pas comme si t'avais prévu le truc. « Pardon ?? », tu lui lanças un regard, confuse et surprise. Lui passer le volant ? Un léger son quitta tes lèvres à son geste alors que tu gardais toujours les mains sur le volant, le regard allant et venant entre ton volant et Jun Wan. « Pardon ?? », t'avais une impression de déjà vu. « Mais comment je peux... Pourquoi ! Mais qu'est-ce que... », tu ne savais vraiment plus où regarder, ni quoi faire. Ta vision se brouillait alors que tu lâchais enfin le volant, totalement paniquée, le souffle court. « C'est n'importe quoi. Juste... n'importe quoi », que tu marmonnas, le cœur affolé, les mains tremblantes alors que tu basculais sur la banquette arrière. Et quand tu le pus, tu passas sur le siège passager, t'attachant sans hésiter. « Et maintenant ? Et maintenant ? », il était hors de question que tu racontes ça à Yoona. « Pourquoi ça freine pas ??? », toi ? Paniquée ? Totalement. Ton dos collé au siège, tu t'agrippais où tu pouvais, persuadée que vous alliez y rester, tremblant de tout ton corps, une larme roulant sur ta joue.

A partir de quand sa journée avait mal commencé ? Jun Wan s’interrogeait franchement puisque la liste de péripéties semblait s’agrandir de plus en plus, au fil du temps qui défilait. L’humiliation, il n’était pas celui qui la vivait néanmoins il pouvait facilement la comprendre ; le pourquoi il ne parvint pas à détourner le regard devant cette demoiselle désemparée. Il aurait pu partir, la laisser se débrouiller cependant ce n’était pas dans ses habitudes d’agir ainsi, contrairement à ce qu’on pouvait s’imaginer. Le garçon avait mauvais caractère, il n’était pas en mesure d’exprimer ses émotions correctement parce qu’on lui avait toujours dit de ne rien montrer, rester impénétrable. Probablement qu’il était juste de dire qu’on l’avait formaté, on avait tenté de lui retirer toute bonne chose, toute bonne valeur, puis faire de lui un homme sans émotion. Sauf que son père n’avait jamais réussi, parce que le jeune homme était malgré tout capable d’éprouver des sentiments, de faire la différence entre le bien et le mal, d’être touché face à une injustice, d’être mal à l’aise pour une personne, de faire preuve de compassion et de douceur également. S’il n’employait pas les bons mots, pas les bons tons non plus, ses gestes parlaient le plus souvent à sa place. Comme en ce jour où, malgré la froideur de son expression, il n’avait pas hésité à prêter sa veste pour une jeune femme déboussolée, il n’avait pas hésité à l’accompagner afin qu’elle ne soit pas seule, même si cela signifiait ne pas savoir quoi dire ou quoi faire.

Puis un nouvel incident s’ajouta : le frein qui ne marchait pas. Une constatation qui le fit aussitôt souffler, non pas contre la conductrice – elle n’y était pour rien cette fois – mais contre le karma qui paraissait réellement prendre plaisir à se jeter sur lui, ou peut-être sur elle. Son réflexe fut d’immédiatement attraper le volant puis ordonner à la jeune femme de le lui passer. Bien qu’il comprenait sa réaction, d’un point de vue extérieur, on pouvait sûrement se demander en quoi il ferait mieux qu’elle toutefois, oui, Jun Wan était certain d’être en mesure de les tirer de cette situation dénuée de sens. « Laissez-moi votre place ! » Répéta-t-il pour la énième fois, lui indiquant ensuite de se faufiler derrière. Sa ceinture à lui était déjà détachée et, lorsque sa voisine s’attela enfin à s’exécuter, il se mouva également de manière à la laisser passer pour s’installer côté conducteur. Non, il ne prit pas la peine de se rattacher – pas le temps pour ça et à dire vrai, sur le moment, il n’y songeait même pas. « Calmez-vous. » Souffla le garçon, complètement serein « On ne va pas mourir. » Et c’était censé rassurer ça ? Si la pédale de frein ne marchait pas, ce n’était pas grave, il y avait toujours d’autres solutions. Par chance, les feux de circulation étaient toujours verts, bien que parfois il dut passer à l’orange, slalomant entre les voitures alors qu’ils jonglaient également sa vitesse avec l’accélérateur sur lequel il appuyait parfois, et relâchait par d’autres. Repérant une place assez grande au loin, il retira son pied de la pédale afin de ralentir, effectuant un créneau du premier coup avant de s’arrêter brusquement, coupant court, à l’aide du frein à main. « C’est bon. On est garé. » Déclara le garçon, après un léger silence, égarant ses iris vers la jeune femme qui semblait être dans un tout autre état que lui. « Vous allez bien ? » Honnêtement, Jun Wan, avait-elle vraiment l’air d’aller bien ?
 

C'était vraiment pas ta journée – et peut-être que tu aurais dû rester au lit ce matin. Mais tu l'avais compris trop tard, que ta journée allait être catastrophique. Tu l'avais compris quand tu avais aperçu le visage de Jun Wan. Ca avait été le début, le petit accrochage. Avant la suite, l'enchaînement et le gros n'importe quoi. T'arrivais pas à comprendre la suite logique dans ces péripéties. Y en avait-il vraiment une ? Tu te posais sincèrement la question. T'étais sûre que non. T'étais sûre qu'on s'amusait juste avec toi comme on s'amusait avec un pion. Entre l'accrochage, la flaque, ton frein... tu savais pas. Tu savais plus. Et tu te demandais bien si quelque chose de pire allait arriver. Parce qu'au point où t'en étais, tu serais pas surprise de déclencher l'apocalypse en traversant la rue. Une chose restait cependant sûre : tu ne diras rien de tout ça à Yoo Na. Hors de question. Jamais. Tu garderas le secret jusque dans la tombe car il t'était impensable de lui raconter ce qu'il s'était passé. Elle se ferait trop de soucis et c'était juste tellement dingue que t'avais peur qu'elle décide de t'enfermer pour te protéger. T'envisageais cette solution, aussi. T'enfermer chez toi et ne plus sortir pour te protéger – mais tu savais que ça ne résoudrait rien. « Pardon ??? », c'était la seule chose que tu pouvais dire. L'air surprise, confuse mais aussi paniquée, tu ne semblais pas capable de formuler d'autres mots. Même pas une phrase complète. Lui laisser ta place ? Il voulait vous tuer ? Pensait-il pouvoir mieux gérer que toi ? D'accord, tu l'admettais, tu gérais pas grand chose actuellement et le seul truc bien attaché était ta ceinture. Tout le reste partait dans tous les sens. « Ma place... », que tu marmonnas, désemparée et affolée, la vue brouillée. T'avais pas trop le choix, non ? Alors tu lui cédas ta place, te glissant ici et là jusqu'à finir sur le siège passager.

« Me calmer ?? », tu lui lanças un regard ahuri. S'il était calme, tant mieux pour lui mais pas toi. Tu pouvais pas être calme. Ta voiture refusait de s'arrêter, ton immeuble était passé depuis longtemps, tu laissais un inconnu au volant de ton véhicule, ton haut était trempé, t'avais peur et t'avais froid. Tu sentais tes yeux piquer, quelques larmes couleur et tu te tenais où tu pouvais. T'envisageais le pire scénario. « Comment vous pouvez en être sûr ?? », demandas-tu, alarmée, la couleur ayant quitté ton visage depuis un moment maintenant. Tu fixais la route, les yeux écarquillés, la bouche ouverte dans des sons muets. Encore un peu et t'aurais le mal de mer. En voiture. « Oh mon dieu », que tu soufflas en le voyant slalomer entre les voitures, les paumes se posant sur ton visage pour finalement retourner s'agripper quelque part. Tu ne retins pas le cri qui passait tes lèvres quand il tira le frein à main. Le regard dans le vide, les lèvres faiblement écartées, tu restais immobile, une larme roulant discrètement sur ta joue. Tu restas ainsi quelques secondes avant qu'un souffle ne vienne brûler ta bouche. Tu tournas le visage vers lui, la panique encore visible, les mains tremblantes, la respiration chaotique et le regard humide. Un moment de silence, toujours immobile, avant que tu bouges enfin, tes paumes venant attaquer son bras le plus proche. « Vous vous fichez de moi ?? Est-ce que j'ai l'air d'aller bien ? », tu arrêtas tes gestes pour lui lancer un regard paniqué. « C'était quoi ça ? », tu désignas la voiture, le frein à main, lui. « Qu'est-ce que... », tu inspiras, détachant ta ceinture avec hâte, reniflant discrètement. « J'ai besoin d'air », que tu articulas dans une voix secouée mais tes mains refusaient de coopérer, trop agitées et tu n'arrivais pas à ouvrir.

Jun Wan n’allait pas jouer la comédie, mimer l’homme paniqué quand il ne l’était pas du tout. Probablement qu’il s’agissait de deux mondes opposés dans la même voiture, sa réaction et celle de la jeune femme étaient à des années lumières l’une de l’autre. Lui était beaucoup trop serein quand elle était beaucoup trop angoissée. Lui conseiller de se calmer n’était peut-être pas la meilleure chose à faire néanmoins il faisait au mieux… Il ne rétorquait pas cela pour se moquer, ou parce qu’il estimait qu’elle en faisait trop, c’était simplement sa façon de lui faire comprendre qu’il gérait amplement la situation. Sauf que Eun Ha n’était pas dans sa tête, elle ne pouvait pas le deviner et lui ne l’aidait pas vraiment ; surtout qu’il ne répondit pas à sa question, alors qu’il avait assuré quelques instants plus tôt que, non, ils n’allaient pas mourir. Hors, il devait se concentrer sur la route et pour cela, il préférait se taire au lieu de se justifier sur le pourquoi du comment. Le pourquoi donc, en silence, le garçon conduisait, passant entre les voitures, jouant avec la pédale d’accélérateur, sans s’inquiéter d’abord de la passagère à ses côtés. Il s’en soucia uniquement lorsqu’il fut certain qu’ils étaient en sécurité, la voiture désormais correctement garée. L’interroger sur son état psychologique n’était pas la meilleure solution que Jun Wan put avoir cependant, il n’avait pas réfléchi, c’était normal selon lui de lui poser la question. Sauf que sa vis-à-vis n’était pas du même avis, elle se permettait même de le frapper faiblement, son expression affichant tout le désarroi de la jeune femme. Même s’il n’éprouvait pas les mêmes émotions qu’elle, il n’était pas idiot au point de ne pas comprendre sa peur éprouvée… Ce qui ne le rendait toutefois pas plus à l’aise, ignorant de plus bel comment il était censé se comporter devant une telle attitude. Réconforter les autres n’étaient pas sa tasse de thé, majoritairement parce qu’il ne savait pas faire ça, parce qu’il ne saisissait pas toujours ce que les autres ressentaient et comment il était censé apaiser leurs peines et leurs angoisses.

Confus, avec toujours cette expression neutre plaquée à sa figure, il l’observait en silence. Non, elle n’avait pas l’air d’aller bien, elle était probablement au bout de sa vie néanmoins il s’agissait également d’une mauvaise idée de prononcer ce genre de penser à haute voix. Qu’est-ce que c’était ? De quoi donc ? Ce n’était pas de sa faute si son frein ne fonctionnait pas, il n’avait pas de pouvoir non plus afin de faire voler sa voiture au-dessus des autres sur la route ; lui avait fait ce qu’il avait pu… En l’écoutant et la contemplant, le cascadeur ne réfléchit pas plus lorsqu’il qui quitta le véhicule, le contournant afin d’arriver côté conducteur puis lui ouvrir la porte. Bêtement, Jun Wan resta planté là, adossé contre une portière alors qu’il attendait patiemment que la jeune femme reprenne ses esprits, incapable de trouver les bons gestes, et encore moins les bons mots, pour la rassurer. Dans ces moments-là, il était donc préférable de ne rien dire puis laisser certainement faire le temps.

 

Il paraissait si serein derrière le volant que tu te demandais lequel d'entre vous était le plus normal fasse à la situation actuelle. T'en venais presque à te demander si tu paniquais pas un peu trop – mais c'était ce qu'on attendait non ? Ton frein ne fonctionnait plus, la voiture ne voulait pas s'arrêter et tu observais dans le désarroi le plus total un inconnu faire passer ta voiture entre d'autres voitures, allant même jusqu'à accélérer alors que le frein ne fonctionnait toujours pas. T'étais supposée faire quoi ? Sauter au plafond et applaudir ? Crier ta joie ? T'étais tout sauf joyeuse à l'heure actuelle et t'étais certaine d'une chose : toute cette aventure restera un secret. Hors de question d'en parler à qui que ce soit, t'avais trop peur que l'histoire arrive aux oreilles de ta sœur. Tu allais oublier tout ça... si tu sortais de ta voiture entière. T'étais pas sûre d'arriver au bon endroit, t'arrivais même plus à savoir où vous étiez. Tu voulais juste quitter la voiture et rentrer chez toi. Le visage figé dans la panique, t'osais à peine respirer alors que la voiture ne bougeait plus. Il avait réussi à la gérer, tu ne savais comment ou alors t'en avais une vague idée mais la réflexion ne t'était plus possible sur le moment. T'étais reconnaissante et en même temps, terriblement affolée. Tu savais ce qu'il s'était passé, tu avais vu ce qu'il s'était passé et dans le même temps tu te demandais ce qu'il s'était passé.

Et l'idée de rester dans la voiture t'était impossible alors que ton voisin ne parlait même pas. D'un côté ce n'était sans doute pas plus mal – parce que s'il te demandait encore comment tu allais, t'allais juste répéter la même chose. Ne parvenant pas à ouvrir la porte, tu lâchas un son plaintif, alarmée, jetant un regard vers Jun Wan alors qu'il quittait son siège. Tu arrêtas ce que t'étais en train de faire pour le suivre du regard, angoissée, ayant presque peur qu'il te laisse là sans un mot de plus. Mais il vint t'ouvrir la porte. Immobile quelques secondes, tu sortis bien vite du véhicule, le remerciant avant d'inspirer bruyamment, les jambes quelques peu tremblantes. Une main appuyée contre la voiture, tu prenais un bon bol d'air alors que ton autre paume retourna contre lui pour le frapper sans aucune force. « Plus jamais », lâchas-tu. Tu levas l'index comme pour le mettre en garde, essayant de retrouver ton calme. Le cœur encore affolé, tu observas les alentours, levant les mains montrant à quel point t'étais tout simplement perdue. « On est passés devant mon immeuble il y a un moment et je sais même pas... », tu contemplas la rue, les voitures, les bâtiments. « J'ai l'impression de pas savoir où on est », t'étais juste déboussolée. Ta main vint s'accrocher à son bras alors que tu gardais le nez levé, regardant autour de toi. Tu restas ainsi un moment, contemplant en silence, retrouvant peu à peu ton calme (presque). « Est-ce que vous pourriez... », tu désignas la rue dans une question muette, espérant qu'il puisse te raccompagner jusqu'à chez toi. Comme c'était prévu. Sans frein, sans action, sans rien.

Les réactions d’Eun Ha le déstabilisait beaucoup plus qu’il ne l’affichait, parce qu’elles étaient toutes particulièrement incohérente. D’abord, elle le remerciait, puis ensuite elle le frappait à nouveau avant de lui demander, muettement, s’il pouvait l’accompagner. Comment ne pas être perturber dans une telle situation ? Jun Wan n’avait pas su comment lui répondre alors que la jeune femme mentionnait son immeuble dépassé depuis plusieurs minutes déjà, il n’avait pas su comment la rassurer non plus… Il aurait pu pourtant, expliquer qu’il y avait des tas de façon pour retrouver l’endroit où ils étaient et retourner vers son lieu d’habitation, que s’ils étaient trop loin, ils pouvaient prendre le métro et que si, finalement, cela s’avérait assez proche, ils pouvaient s’y rendre à pied. Marcher et prendre l’air ferait sûrement du bien à la jeune femme néanmoins, de plus bel, le garçon tut volontairement ce genre de pensées. Eun Ha en avait très certainement déjà conscience sans qu’il n’avait besoin de le lui préciser… Elle était déboussolée par les évènements, déboussolée d’avoir presque vu sa vie défiler sous ses yeux, déboussolée sûrement par l’aisance que le cascadeur avait d’affronter la situation, nullement terrifié en conduisant sa voiture. Les clés en main, ayant également toutes ses affaires, il referma la porte côté passager avant de placer ses doigts devant lui dans un « Allons-y. » puis marcher lentement auprès d’elle. Si on espérait obtenir de lui plus de conversations, il valait mieux abandonner puisque, cela devait se savoir à présent, Jun Wan n’était pas un homme bavard. S’il n’avait rien de particulier à rétorquer, il préférait se taire et n’éprouvait aucun mal à supporter le silence de l’atmosphère. Là où d’autres suffoquaient lorsqu’il n’y avait aucun son, aucun mot, lui se sentait bien plus à l’aise. Il n’était pas en mesure de discuter pour ne rien dire, pour combler le vide ou simplement parler de la pluie et du beau temps ; il ne savait pas faire ça. Alors, il la laissait s’exprimer si elle le souhaitait, lui répondant lorsqu’il l’estimait nécessaire mais, autrement, lui ne parlait pas énormément. Et lorsque la jeune femme auprès de lui ne se sentait pas bien, ou ressentait le besoin de s’appuyer sur lui, de le tenir, il ne ripostait pas non plus ; il la laissait faire silencieusement, sans jamais la repousser ou la gronder pour telle ou telle réaction.

Le téléphone en guise de GPS, Jun Wan le rangea enfin dans sa poche quand leur destination se dessina devant leurs yeux. « On est arrivé. » Déclara-t-il, désignant le bâtiment du regard. Et maintenant ? « Maintenant » était une excellente question. Il n’allait pas non plus l’accompagner jusqu’à son appartement ou, pire encore, y pénétrer à l’intérieur simplement pour lui tenir compagnie. « Reposez-vous. » Des paroles avenantes, oui, mais toujours prononcé d’un ton neutre et d’une expression, collée à son visage, qui semblait n’avoir aucune compassion. Hors, ses propos étaient sincères, Eun Ha venait de vivre tout un tas d’émotions, il était donc important qu’elle se reprenne et se repose.

Dire que tu étais perdue n'était pas assez fort pour exprimer ce que tu ressentais. T'étais déboussolée, ne pouvant même plus placer la capitale sur une carte. Tu venais de vivre des émotions bien trop grandes et bien trop intenses pour pouvoir être totalement calme. T'en avais encore l'esprit retourné et l'estomac noué et t'arrivais pas à comprendre le calme de Jun Wan. Il n'exprimait rien, pas même la surprise du trajet ou la surprise de la route. Alors que t'étais toute chamboulée, il semblait avoir fait sa marche du dimanche le plus paisiblement du monde. Et ça te perturbait autant que ça te rassurait. Avoir quelqu'un d'aussi paniqué que toi à tes côtés ne t'aiderait pas, tu aurais du mal à retrouver ton calme et ton souffle. Mais le voir aussi imperturbable te perturbait tout autant. Comment faisait-il ? T'osais pas savoir s'il faisait ça tous les week-end au point d'être vacciné aujourd'hui. T'osais pas demander s'il avait déjà fait ça – et tu supposais que oui, cela dit. Il avait maîtrisé le véhicule et la route avec aisance comme s'il faisait ça depuis sa naissance. C'en était de plus en plus déroutant. Tu arrivais à peine à tenir debout sans avoir l'esprit que le sol tremblait alors que lui se tenait bien droit, comme si rien ne s'était passé. Tu bougeas le visage, le silence aux lèvres, commençant à marcher sans trop être sûre de savoir où tu allais. Le fait qu'il paraisse serein t'aidait quelque peu à te recentrer et à te replacer dans la ville, dans la rue, mais aussi à replacer ton immeuble. Son calme te permettait ne pas trop t'embrouiller dans des idées encore plus folles alors que tu avançais, les pupilles s'accrochant ici et là comme si tu cherchais encore à savoir où tu étais. Mais tu savais où tu étais, tu savais où tu allais. Tes doigts vinrent tout de même s'accrocher à son bras après quelques pas, comme si tu craignais chuter. Il était plus stable que toi et dans un air gêné, tu t'appuyais un peu contre lui. Mais il ne dit rien, et toi non plus, commentant simplement de temps en temps que vous étiez bientôt arrivés ou que tu savais où tu étais désormais.

Un souffle soulagé contre les lèvres, la paume sur le cœur, t'étais juste contente de voir ton immeuble. « Merci », vins-tu susurrer dans un sourire timide, te courbant poliment face à lui. A nouveau, tu bougeas le visage pour approuver ses paroles, les lèvres finement pincées. T'allais en avoir besoin, du repos. Et tu comptais bien le faire. T'étais encore un peu retournée – mais plus apaisée qu'en sortant de la voiture. Tu te courbas une nouvelle fois, pour le remercier encore mais en silence cette fois, reculant doucement vers l'entrée. « Encore désolée pour tout ça », annonças-tu, avant de lui jeter un dernier regard et d'entrer dans l'immeuble. Quelques soupirs aux lèvres, tu arrivas enfin chez toi, refermant la porte dans un air épuisé alors que tu te déchaussais. Sans attendre, tu partis directement vers ta chambre, où tu te laissas tomber sur le lit – et ce fut un son irrité qui roula dans ta gorge quand tu remarquas que tu portais toujours sa veste.
Tout ça... pour finalement oublier de lui rendre.