⇝ « Il va me croquer ?? », demandas-tu dans un air horrifié. Tu fixais Hak Kun, terrifié, prêt à fuir le plus rapidement possible à l'autre bout du monde ou même de la galaxie. Tu ne voulais pas croiser ce croque-mitaine ni même en entendre parler. Mais t'allais en entendre parler pas vrai ? Hak Kun allait tout te raconter, n'est-ce pas ? Tu savais pas si tu voulais écouter – mais t'allais écouter parce que t'allais te dire que ça allait te vacciner. Mais en fait non. C'était toujours le même refrain. « Okay. Pas de nonne... okay », que tu articulas rapidement, les mains tendues, les agitant vaguement avant de soupirer bruyamment. T'étais déjà soulagé de savoir qu'elle était pas là. Qu'elle n'existait pas. Ce n'était qu'une invention pour faire peur aux enfants – et t'étais un enfant dans le fond. T'avais encore peur de ces choses-là. « D'accord... », que tu susurras doucement, la terreur brillant dans les pupilles alors que tu mimais un air bougon. La prochaine fois t'aurais pas moins peur. Au contraire. Autant arracher le pansement d'un coup pas vrai ? Mais tu avais sans doute connu une vague terrifiante déjà trop grande pour ce soir, t'en convenais. Tu n'allais pas dormir si ça continuait. Avoir ta mère au téléphone te rassura quelque peu, et tu allas te glisser dans le lit de Hak Kun ensuite, remontant les draps et les serrant entre tes doigts comme s'ils étaient un bouclier contre des monstres potentiels. Attendre seul de cette façon te semblait long, les prunelles cherchant la silhouette de ton camarade alors que tes phalanges se crispaient sur ce pauvre drap qui n'avait rien demandé. Tu te pinças les lèvres dans un air boudeur, n'étant pas vraiment d'humeur à enchaîner sur une histoire qui se finissait mal – ou du moins qui parlait de nonne, de monstres et autres choses qui traînaient dans l'obscurité et qui n'étaient pas très agréables. Tu le laissas mettre la musique, écoutant les premières notes avec attention avant de hocher le visage. Ca semblait plus fantastique que horrifique. C'était un peu plus ce que tu préférais. « J'aime bien oui », susurras-tu, te calant plus confortablement alors que tu tournais ton visage vers lui. « Des pirates de l'air ? », tu plissas un peu le nez, ne sachant pas vraiment si tu pouvais les appeler des pirates vu qu'ils n'étaient pas sur l'eau mais tu n'allais pas dans les détails non plus. « Un nom... Faut un truc classe quand même. Falcon ! », pirates de l'air, un faucon, cqfd. Tu mimas un air contenté. Et tu gardas ton attention sur lui alors, buvant littéralement ses paroles, l'imagination tournant à plein régime. Tu bougeais le visage de temps en temps, intrigué par le récit. « Calypso, je te délivre enfin de ta prison humaineee », que tu articulas en souvenir d'une autre aventure de pirates, le rire léger dans la gorge avant de murmurer un petit « Pardon » et de te caler un peu mieux encore. Ton bras vint s'accrocher au sien, ta tête trouvant en son épaule un agréable oreiller. Et tu écoutas à nouveau. « Et après ? Il se passe quoi ? Ils la libèrent ? Ils réalisant la prophétie ? Le monde ne sera plus fragmenté ? Ou ça va créer une guerre encore plus grande entre les deux mondes ? Oh elle va sauver les deux mondes ?? », tu fronças un peu les sourcils, songeur. « Ca fait moins peur que la nonne », commentas-tu finalement, un rire entre les lèvres, ton bras serrant le sien. « J'espère que personne meurt dans ton histoire », vins-tu chuchoter alors que tu fermais les yeux. « Ce serait dommage surtout si la paix peut revenir. Parce qu'elle reviendra hein ? », t'avais un peu l'espoir dans la voix, comme si cette histoire était la tienne. Tu retins un bâillement. « Et ensuite ? », demandas-tu après de longues minutes, ouvrant les yeux pour les refermer, le sommeil commençant à peser sur tes frêles épaules. « Je dors pas, j'écoute », marmonnas-tu, à moitié endormi.

⇝Hak Kun a eu pitié de son pauvre colocataire. Il doit reconnaître qu’il s’est amusé à effrayé Eui Joo, mais la plaisanterie a assez duré, il ne veut pas non plus l’empêcher de dormir. Il fait de son mieux pour le rassurer, malgré la panique de son ami. Les histoires horribles qu’Hak Kun lui a racontées additionné au film qu’ils ont regardé semblent s’imposer dans son esprit. Heureusement, il a plus d’un tour dans son sac. Ou plutôt… Il sait être doué pour raconter. La preuve, ses récits horrifiques ont fonctionné sur Eui Joo. Même s’il faut reconnaître qu’un rien suffit à le faire paniquer. Hak Kun peut maintenant lui conter une belle histoire pour se faire pardonner et tenter de chasser les images qui lui restent en tête. Ce n’est pas la première fois que son colocataire se glisse dans son lit et Hak Kun ne lui refuse jamais cette faveur. C’est de sa faute si son ami est terrifié, il serait bien cruel de le laisser seul avec sa peur. C’est un scénario qui se répète chaque fois qu’ils regardent des films d’horreur… Eui Joo hésite, Hak Kun insiste en affirmant qu’ils vont passer un bon moment. Eui Joo accepte en se disant que cette fois, il aura peut-être moins peur. Pour finir la soirée terrorisé, blottit sous les couvertures de son colocataire. Si un jour, un troisième étudiant les rejoint, il devra se faire à cette routine…

Trêve de bavardage, place à l’histoire… Hak Kun a une petite idée de ce qu’il va lui raconter, mais il improvise aussi. A titre personnel, il a toujours aimé les pirates. Ces pilleurs de l’océan sans foi, ni loi. Il a bien évidemment déjà vu et revu la saga Pirates des Caraïbes quand il était plus jeune. La dernière remonte à loin maintenant… Il devrait peut-être proposer ce film à Eui Joo la prochaine ? Il en fera sans doute moins de cauchemar. Enfin… Revenons à notre histoire ! Les pirates c’est très chouette, mais Hak Kun aime l’originalité, alors va pour des pirates de l’air !

- Falcon, un nom parfait pour un vaisseau qui fend les nuages à la place des flots.

La petite référence de Eui Joo fait évidemment sourire Hak Kun qui ne se vexe pas d’être interrompu. Au contraire, c’est bien là la preuve que son ami apprécie l’histoire, non ?

- Avant de pouvoir la libérer, ils doivent surmonter quelques épreuves… Que serait une histoire sans péripétie ? Leur premier arrêt se trouve dans un désert du monde d’en bas, mais ils ne doivent pas se faire prendre par les gardes royaux. Tu sais quel sort on réserve aux pirates ?

Si Eui Joo a vu Pirates des Caraïbes, et ça a l’air d’être le cas, il saura.

- Dans ce désert, ils partent à la recherche d’un parchemin ancien, rédigé par Héphaïstos, le dieu du feu et de la discorde.

Le désert, le feu… Vous voyez le lien ?

- Lorsqu’ils l’auront trouvé, la prochaine énigme les mènera dans la montagne, mais pas n’importe quelle montagne. La plus haute et la plus froide des montagnes, qui dérivent sur l’un des morceaux fragmentés du monde… Ici, c’est un artefact lié à la déesse Chioné, divinité du froid et de l’hiver, qu’ils vont devoir trouver. Personne ne meurt, promis.

Hak Kun sourit en remarquant que Eui Joo s’endort, même s’il prétend le contraire. Il continue tout de même son récit, pour s’assurer qu’il est bel et bien endormi.

- Enfin, ils doivent se rendre dans un troisième lieu. Aux confins de l’océan, l’origine même de la déesse Calypso. Ah, ça… Tu le sauras à la fin de l’histoire. Au coeur du grotte au fond de la mer, ils déposent l’artefact dans une cavité qui a sa forme exacte et récite le mantra inscrit sur le parchemin, redonnant ainsi à Calypso, ou Anna, sa forme de déesse. Malheureusement, le groupe d’amis et la jeune femme sont obligés de se séparer. Ils sont humains et elle est une déesse… Cependant, pour les remercier et montrer sa gratitude, elle promet de les aider à ramener la paix entre les deux mondes, mais… Je crois que la suite de l’histoire sera pour plus tard, dit-il avec un sourire amusé.

⇝ « Oui c'est ce que je me disais », vins-tu chuchoter dans un léger mouvement du visage, imaginant le navire s'engouffrer dans de belles et longues aventures. Tu aimais ce genre d'histoires, plus que celles d'horreur où tu ne comprenais rien. Parce qu'il n'y avait rien à comprendre et que bien souvent, c'était juste pour faire ou tuer gratuitement. C'était trop méchant pour toi – mais tu ne perdais pas espoir d'un jour réussir à affronter tes peurs et donc les films d'horreur. T'en étais pas encore au point d'en regarder un tout seul mais... c'était l'un de tes buts. Tu ne savais pas quand tu allais y arriver mais t'y arriveras. Un jour. Peut-être. Ca ne sonnait pas très plausible mais l'espoir faisait vivre alors tu voulais y croire, tout simplement. « Le désert d'en bas ? », tu semblais totalement absorbé par l'histoire, hochant lentement la tête à sa question. Ce n'était pas un sort que tu voudrais connaître. Que personne ne voudrait connaître. « Ils sont pendus ? », demandas-tu, pour t'assurer que tu suivais bien. Pendus, et pire encore. Quand tu y pensais, les pirates étaient cruels entre eux à l'époque mais aussi avec les autres – et le monde l'avait été avec eux. Une sorte de cercle infini, qui ne faisait que se répéter. De la peur engendrant de la haine et inversement. Tu écoutas attentivement la suite, hochant la tête ici et là pour montrer que tu écoutais, imaginant les décors et les paysages dans tes rêves le plus lointain. « C'est mieux quand personne meurt », commentas-tu dans un rire léger. « C'est pour ça que les films d'horreur sont pas cool ils font toujours mourir quelqu'un », voire tout le monde. Pour rien, parfois. Il y avait trop de morts gratuites dans ces films-là, c'était indécent. Et insensé. Et... méchant. Juste méchant. Certaines morts étaient si violentes que t'en avais fait des cauchemars. Horrible. Tu devais te concentrer sur l'histoire et oublier tout ça. Au moins l'histoire était belle et te permettait de voyager sans bouger, l'imagination libérée c'était comme si plus rien ne pouvait l'arrêter, les ombres dansant autour de vous pour imiter le récit de Hak Kun. Et cela ne semblait pas t'effrayer, au contraire, ça t'émerveillait. Et l'émerveillement était tel que tu sentais le sommeil venir t'enlacer. Histoire incroyable qui se jouait dans tes pensées, tu te laissais emporter – dérivant vers un autre univers. « Pourquoi plus tard », marmonnas-tu à moitié endormi, fronçant les sourcils avant de bailler discrètement. Tu t'étiras faiblement, tel un chat, venant ensuite te caler plus confortablement contre lui. « 'veux la suite », vins-tu chuchoter dans un sourire léger, les paupières closes.
Et si Hak Kun vint te souffer la suite, tu n'en entendis rien, t'échappant dans cet autre univers dont il venait de te parler.