CITATION × Ce n'est pas qu'elle n'avait pas été prévenue. Bien sûr que oui elle avait été prévenue, mais voilà, elle était obligée de partir. Elle avait été mutée, dans son propre pays natal. Elle qui vivait depuis maintenant plusieurs années au Japon devait retourner en Italie. C'est ce qu'elle fit, avec son bébé dans le ventre. Bébé qui n'a même pas attendu d'être sur terre pour naître. Moi, Hayashi Yusuke, né à 6 mois et une semaine dans un avion. Heureusement pour moi il y avait un médecin à bord. Arrivé à Milan, j'ai été transporté à l'hôpital en urgence. Puis quelques jours plus tard on me diagnostique une maladie. Maladie avec laquelle je devrais malheureusement vivre toute ma vie.

Ainsi, les seize premières années de ma vie  s'effectuèrent en Italie. A Rome, plus précisément. Un beau pays. Une belle langue, une bonne nourriture, un peuple ouvert et très jovial. J'aurai pu m'y plaire...Je m'y suis plu. Un temps...Le temps où je n'avais pas encore conscience de tout. J'y ai vécu comme un italien bien que mon père, Japonais, m'inculqua la culture et la langue de son pays. Ma mère étant une italienne d'origine coréenne (elle fut adoptée étant petite), m'obligea à  suivre des cours de Coréen. C'était important pour elle que je sache d'où je venais. La culture, c'était très essentiel pour eux. Tellement essentiel pour eux et moi que  malgré mes nombreux soucis de santé, je réussi à sauter une classe en primaire. Fan d'avions -on se demande pourquoi- j'envisage de devenir pilote de ligne. Mes parents me font comprendre que malheureusement je ne pourrai pas faire ce métier. Tant pis, je deviendrais marin. On m'annonce que je ne pourrai pas non plus. Finalement je me contente de m'intéresser aux cours enseignés au collège et au lycée. La philosophie et les sciences étant mes domaines de prédilections, j'excelle en la matière. Encore au lycée, ùa famille déménage de nouveau au Japon. Nouveau pays. Toute nouvelle culture, à laquelle je  m'était familiarisé pendant de simples vacances d'été. Durant une année j'étudie comme un fou. C'est l'année du diplôme, mais surtout l'année où je dois compenser le niveau entre l'Italie et le Japon.  Après l'obtention de mon diplôme, accompagné de ma mère je séjourne en Corée pendant deux mois afin de visiter, mais surtout pour que je puisse rencontrer mes grands-parents biologiques. Je me rappelle très bien de cette visite. Émouvante mais surtout éprouvante.  Toutefois ma mère y tenait avant que l'inévitable n'arrive. Parce que c'était ça mon problème. L'inévitable. Je pouvais lâcher  n'importe où, et n'importe quand. Je pouvais rencontrer une personne un lundi, et ne plus être là le mardi. Alors tout n'était plus qu'une question de temps.  Atteint de la mucoviscidose, mon avenir était tout tracé et je sais que j'étais actuellement en train de foncer dans un mur. Mais puisque j'étais condamné autant rester discret. A quoi ça servait d'alerter tout le monde à part pour avoir la pitié des gens ? Rien. A quoi ça servait de sympathiser avec une personne si c'était pour ne plus la voir quelques jours plus tard. A quoi tout ça servait ? A rien. Voilà pourquoi on me catégorisait sans cesse de différent. Parce que j'avais cette philosophie de vie qui consistait à exister. Non pas à vivre mais à exister. Je n'étais là que de passage. Pas pour très longtemps alors autant rester discret. Si j'ai tenu à venir étudier en Corée dès ma deuxième année d'université ce n'est pas pour rien, un nouveau pays loin de mes parents. Mais un pays pour lequel j'ai une certaine attache. S'il doit m'arriver quelque chose je préfère être seul. De toute manière je suis préparé. Depuis petit je suis préparé à tout ça. Aujourd'hui, âgé de 23 et même bientôt 24 ans, je suis toujours en vie. Je ne remercie personne pour ça. C'est comme ça. Peut-être que demain je ne serai plus là. A l'heure qu'il est mes journées sont partagées entre les cours que je donne, les études, et ses séances de kiné. Je ne me laisse de temps pour quasiment rien d'autre, mais c'est ce qui me permet de continuer.