Le caractère d'une personne est une chose fascinante. Influençable, malléable au fil du temps, des rencontres, des expériences. Celui de Moon Kyu n'est pas très élastique, l'enfant est bien trop terre à terre pour ça.

Ceux qui ne le connaissent pas mais se permettent de le juger n'ont jamais une bonne première impression de lui. Son petit corps frêle et ses traits juvéniles ne font pas le poids face à la noirceur de son regard, reflet de son âme. Il ne sourit pas, parle peu, affiche un manque d'intérêt constant envers le monde qui l'entoure, allant parfois même jusqu'à un certain dégoût. Moon Kyu déteste tout, mais surtout lui-même. La haine qu'il ressent envers ce pays, vis à vis de tous ces gens n'est rien comparée à celle qu'il éprouve pour sa propre personne. Torturé, tiraillé, sa santé mentale reste questionable. Sous sa masse de cheveux blonds, dans sa petite tête se livre chaque jour un combat sanglant, un affrontement sans fin. Certains le disent masochiste, mais la réalité et quelque peu différente. Tout est parti d'une simple addiction, celle à la violence. C'est un gamin qui aime donner des coups, pour se libérer de la guerre qu'il mène contre lui même et en recevoir pour se punir. Il dit qu'il mérite de souffrir, qu'un démon comme lui n'a que ce qu'il mérite.

Pourtant il n'y a pas si longtemps, c'était presque une qualité. Il était un enfant dévoué, un gosse perdu, une âme égarée. Il pensait aux autres avant de se soucier de sa petite personne et se servait de ses capacités à se battre pour les défendre, mais plus maintenant. Maintenant il ne s'attire des ennuis que par pur plaisir, pour assouvir sa quête d'adrénaline, se sentir vivant en frôlant la mort. Et il aime ça d'une façon bien singulière. Ceux qui le tabassent ne se préoccupent pas du fait qu'il soit malade, abandonné et faible et lui font oublier tout ça. Il n'a peur de rien. Ce petit a vu trop de sang, a subi trop d'horreurs pour pouvoir être effrayé mais comme tout le monde, il y a bien des choses capables de faire trembler sa peau pâle et abîmée, les hommes. Il les méprise, les accuse d'être la cause de ce qu'il est aujourd'hui. Mais ça personne ne le sait. Et l'abandon. Car il a vécu ça trop souvent, sans jamais s'habituer à la douleur que cela procure.

Les seuls moments où la tornade qu'il est s'apaise, c'est lorsqu'il est concentré sur son travail. Moon Kyu n'est pas un idiot, au contraire. C'est un excellent élève, l'un des meilleurs de sa classe de médecine et une fois de plus, ce n'est pas sans raisons. Sa maladie l'obsède, le ronge de l'intérieur et bientôt il ne restera plus rien de lui, alors il veut trouver un remède. Naïvement, il espère qu'un jour il mettra au point une cure pour ce mal qui le bouffe et le tuera plus rapidement qu'il n'ose le penser. Parce que ce gosse déteste suivre des règles, et que la narcolepsie lui en impose bien trop. Il veut s'en libérer, rêve de devenir un jour un enfant comme un autre, comme ceux qui sourient, aiment et se font aimer en retour. Parce que lui ne sait pas faire ça. Exprimer ses sentiments est une chose frôlant l'impossible pour lui. Lui qui ne sait que haïr, détruire, faire souffrir. Lui qui se réfugie dans la violence pour se punir d'être ce qu'il est, lui dont les démons dissimulés dans ses iris l'effrayent.

Enfant méprisable, enfant méprisé. Repoussant, effrayant, pas assez bien, pas assez sage, incontrôlable, malade, sans espoir. Inutile, bon à rien, fou, faible. Gamin qui n'aime presque personne, mais lorsqu'il le fait c'est maladif. Possessif, jaloux, complexé, violent. Trop froid, pas assez ouvert, trop silencieux, insuffisant.

John Wooden a dit un jour que le véritable test de caractère d'un homme, c'est ce qu'il fait quand personne ne le regarde. Dans ces moments là, Moon Kyu se fait du mal. Il contemple le monstre qu'il est devenu, regrette bon nombre de décisions qu'il a pu prendre. Lorsqu'il est seul il songe à s'en aller, disparaître loin de tout, loin de lui-même. Quand personne n'est là ce conflit interne l'anéantit un peu plus chaque fois, la folie prend possession de son petit être et lui crie d'en finir, mais jamais il ne le fait. Il estime ne pas mériter de mourir. Il dit que c'est trop facile, trop doux et que la réelle punition est de le forcer à vivre si on peut encore appeler cela comme ça. Car chaque battement de son cœur le maintient en vie autant qu'il le tue.