C'était si facile de juger quand on se fichait de tout. Han Soo avait clairement avoué et assumé être défoncé. Au moins, je ne m'étais pas trompé sur mes suspicions. Jamais je n'avais douté de mes capacités d'observation. Les gens, je savais les analyser, dénicher leurs faiblesses et leurs écarts, pour ensuite bien appuyer où ça faisait mal. Mais Han Soo ne souffrait pas. Il était sur son petit nuage, il allait bien dans sa tête. Il y avait un vieux dicton qui disait que le sage pensait autant que le fou pensait. Dans sa réalité distordue, Han Soo se complaisait dans un imaginaire qu'il effleurait du bout des doigts. Et je ne le reconnaissais pas. Où était passé le jeune homme pieux et avide de connaissances religieuses ? Où était cet homme qui me courait après pour vouloir me remettre dans le droit chemin ? Disparu. Parti. Avec sa fierté, et le respect que je lui accordais. Je faisais un pas en avant dans cette fraternité pour ensuite en reculer de deux, voire trois. Qu'est-ce qui me retenait ici déjà ? Je ne savais pas. Je ne savais plus. Et bizarrement, je ne cherchais pas tant que ça à le savoir.

Pour le coup, j'étais particulièrement révolté par le comportement de Han Soo. Si insouciant, il parlait avec la souris qu'il avait capturé plus tôt, passant du coq à l'âne. Il s'était rapproché de sa chambre avec aisance, dans sa bulle. Mais ses réflexions n'étaient pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Je haussai un sourcil, irrité par ses quelques commentaires, et je cherchai du regard mon cadet. « Je te demande pardon ? » Non mais, c'était l'hôpital qui se foutait de la charité, clairement. Depuis quand était-il en droit de remettre ma vie en question comme ça alors qu'il était actuellement en train de foutre la sienne en l'air ? Je devais garder mon calme. Je voulais mettre ça sous le coup de la drogue dans son organisme. Je serrai les poings et les dents au passage, mes joues un peu rouges par la colère qui me montait à la tête. Han Soo se fichait vraiment de moi, parce qu'il était mal placé pour me faire la morale. Il devrait regarder sa propre vie avant de commenter la mienne. Et si j'avais choisi la voie du travail consciencieux, ce n'était pas par hasard. C'était mon choix, ma décision, et je l'avais fait pour moi.

J'entrai dans sa chambre. Lui ne tenait plus trop bien sur ses jambes. Mais il pouvait crever pour que je le rattrape s'il se rétame, je n'avais vraiment pas envie d'être gentil avec lui là. Je me contentai de l'observer à l'encadrement de la porte. Il m'invita à le rejoindre à côté de lui. J'étouffai un rire désabusé et je levai mes yeux sombres sur les siens mornes. « Est-ce que ma vie te concerne, Kang Han Soo ? Non. Alors je te prierais de te mêler de tes affaires. » Je lançai un coup de menton dans sa direction et plongeai mes mains dans ses poches, le jugeant ouvertement. « La vie que je mène me convient. Tu es peut-être né pour te défoncer la gueule à tout ce que tu trouves, mais moi je vis avec le travail et j'en suis fier. » Comme je l'avais précisé plus tôt, ses réflexions n'étaient pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Et je refusais d'admettre que malgré tout, Han Soo avait raison. Je m'étais enfoncé dans une spirale sans fin, et je n'étais pas loin de craquer. Mais je ne devais pas le montrer. Je devais rester fier du parcours que j'avais parcouru et des efforts que je faisais pour le bien de la fraternité et le bien de mes études. Tout travail avait un but. Il suffisait juste de le trouver.