Édition 2013 du Business Korea Magazine.
«Jung Yo Han, the prodigal son returns»
— Monsieur Jung, votre réputation vous précède. Vous êtes le fils du PDG d'un des plus grands cabinets d'avocat de Corée du Sud et pourtant vous êtes très controversé. Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs pourquoi vous vous êtes aventurés si loin du chemin qui vous était pourtant tout tracé?

Il m'observe quelques temps. Le sourire aux lèvres. Très confiant. Je ne m'attendais pas à le trouver dans un loft aussi simple, on aurait pu penser que le fils de Jung Jae Suk serait à l'image de son père: strict, sévère, à cheval sur les principes. Ça n'est pas le cas. On le sent calme, très posé et peu intéressé par le superficiel.  
— Je suis quelqu'un de simple. Je suis mes passions et ça ne m'a jamais intéressé de devenir avocat.
— Pourtant ça aurait été le choix le plus simple, non?
— Le plus simpliste. J'ai laissé ma place à ma soeur, je préfère amplement le bénévolat.
— Parlez-moi du bénévolat. Amérique latine, Afrique, Asie pacifique, vous avez fait le tour du monde et pourtant on a l'impression que vous n'êtes pas satisfait.
Il laisse éclater un rire tout en se réajustant dans son siège.
— Mais c'est parce que je ne le suis absolument pas! J'ai passé en moyenne trois mois par continent, j'aurais voulu aider encore plus. C'est l'une des expériences les plus intéressantes de toute ma vie. J'adore partager avec les autres, découvrir de nouvelles cultures, on a l'impression de réellement vivre quand on rencontre ses gens, loin du superflu et de l'excès de notre société.

À ce stade-là, je me rends compte que Jung Yo Han est un homme très (trop?) mystérieux, quelqu'un qu'on a du mal à cerner parce qu'on ne comprend pas tellement ses intentions. Il fait partie de ses élèves modèles de la Yonsei, en finissant son bachelor en informatique, on lui prédit une carrière spectaculaire. Le soucis c'est que Yo Han n'est pas intéressé. Il aurait quitté le domicile familial (une magnifique demeure à Séoul) et se serait lancé dans une expédition avec de grandes associations caritatives.
— Si je vous dit sport, vous me dîtes?
— Exutoire. Je suis un fan de sports extrêmes. Surf, escalade, tout ce qui me permet de faire monter l'adrénaline au maximum.
— On dit de vous que vous ressemblez à ces hippies de la côte ouest américaine, vous en pensez quoi?
— Ça ne me dérange absolument pas. Il rit. Je suis né là-bas, j'ai grandi là-bas, ça n'est pas étonnant que je sois un peu plus lâché, plus tolérant et ouvert que le coréen lambda.
— Ça vous dérange? J'entends par là la société coréenne vous dérange-t-elle?
— Absolument pas. Je suis fier de mon pays. Je trouve juste qu'on ignore les vrais problèmes. Je suis le produit du chaebol coréen, du moins je l'étais. Mais je refuse complètement d'y adhérer. Ça ne veut pas dire que je suis moins ambitieux que quelqu'un d'autre...Quoique. C'est juste que je suis intéressé par d'autres choses.
— Votre insouciance n'est-elle pas un peu aussi source de problèmes? Lorsqu'on vous entend on a l'impression que vous ne savez pas où vous allez.
— C'est le cas. Je ne sais pas où je vais ou ce que je vais faire demain. En ce moment je travaille dans un restaurant à Séoul, j'ai toujours voulu travailler dans la gastronomie et je suis un partisan du 'not giving a f***'.
— Pardon?
Il éclate de rire. Visiblement c'est une sorte de tic chez lui ou une manie, je ne sais pas si c'est lorsqu'il se sent trop à l'aise ou lorsqu'il ne sait pas quoi dire. On a l'impression qu'il n'aime pas le silence. Qu'il l'évite constamment.
— De la manière dont je vois les choses on n'a qu'une vie, il faut en profiter le plus possible. Ce qu'on fait dans la vie résonne dans l’éternité.
— C'est beau ça. Il fascine. On le sent poète, artiste, héros— et c'est à ce moment-là qu'il m'a réellement surpris, je ne m'y attendais pas vraiment.
— Ah je vous assure ça n'est pas de moi, j'ai tout simplement revu Gladiator hier.
Au bout du compte je ne saurais pas vous dire, mes chers lecteurs, si Jung Yo Han est un génie ou un hurluberlu qui aurait perdu la raison. Tantôt génial, tantôt bienheureux, on sent qu'il ne se révèle pas sincèrement aux autres ou c'est peut-être juste sa façon de vivre. Quoiqu'il en soit on vous fera une petite mise au point dans quelques années, histoire de savoir où il en est dans sa vie, il est sûr et certain (malgré ses décisions peu réfléchies et rationnelles) qu'il finira par faire de plus grandes choses encore.