Raï retrouvait un peu d’air, un peu de vie. Il souriait, riait, juste un peu plus facilement. Il ne savait pas tant pourquoi, peut-être que le soleil lui tapait trop fort sur le crâne qu’il en devenait un peu étrange. Mais Nina avait l’air d’apprécier, un peu plus de contact, moins de prise de tête. Raï semblait juste un peu plus libéré de ses murs, un peu moins calciné, il arrivait à respirer doucement l’air le plus pur qu’était le sourire de la californienne. Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres lorsque l’insulte passa celles de Nina, fier de lui. Il ne la regardait pas, le regard rivé sur la route qui passait devant eux. Il haussa juste les épaules aux dires de sa dite cousine avant de lui répondre. « Je te verrai encore plus ! » Raï n’était pas du genre à se justifier, ni à renchérir, souvent, il regardait autre part avant que son interlocuteur change de sujet ou parte. Raï n’aimait pas parler, il était bien dans son silence à lui, dans son monde à lui. Il n’avait pas envie qu’on vienne fouiller dans son esprit. Alors il se taisait, quelques mots suffisaient, puis la politesse. Pourtant, en cet instant, il avait presque envie de parler à Nina, comme si une case s’était ouverte là-haut, qu’il ressentait le besoin de rire, d’échanger. Cependant, Raï avait de gros efforts à faire pour y arriver complètement mais rien que son léger sourire ornant son visage prouvait qu’il avançait, doucement. « Ninaaa !! » lâcha-t-il d’une voix rauque lorsque celle-ci essuya sa main pleine de jus de fruit sur son pantalon après croquer de nouveau dedans. C’était bon de manger, un peu de légèreté, mais Raï ne pouvait ni partir, cloîtrer dans cette voiture, ni même rétorquer, pour ne pas déconcentrer Nina de la route. Alors il plissa juste les yeux face à elle, comme pour la menacer. « On arrive bientôt ? » qu’il lui demanda alors, le soleil commençant sérieusement à lui chauffer le crâne.

Nina riait, avec plaisir avec bonheur avec chaleur. Elle riait parce qu'elle partait à l'aventure comme elle aimait le faire. Elle riait parce que Raï s'exprimait de sa voix rauque, râlait, vivait. Elle tira la langue en se concentrant sur la route, faisant semblant de ne pas le voir alors qu'il la fixait, bombant le torse comme pour prouver qu'elle avait pas peur. « Non. Tu vas faire comme le putain d'âne dans le dessin-animé là? » Nina pouffa de rire avant de monter un peu le son de la chanson qui arrivait, chantant même dessus. Sa voix, malgré le fait qu'elle ne chantait jamais, s'accordait parfaitement aux voix enregistrées, et elle tournait la tête de temps en temps pour chanter plus fort dans les oreilles de raï. Ils roulaient, se charriaient, appréciaient le silence avant que nina ne finisse toujours par parler. Ne pas le laisser reprendre goût au silence, l'emmerder, le voir répliquer.

Ils roulèrent depuis deux heures quand Nina s'engagea dans un tout petit sentier. elle avait entendu parler de cette rivière magnifique et très clair avec une petite cascade et avait trop envie de s'y arrêter. bien qu'elle emmenait son cousin dans une auberge à flanc de montagne, elle s'arrêta pour profiter un peu de l'endroit, le soleil commençant à décliner dans le ciel. Elle coupa le moteur sur une petite bute avec la rivière en contre-bas, et souffla avec un grand sourire « Bienvenue dans mon monde. » dit-elle avant de lancer un regard malicieux vers raï, et n'attendit pas qu'il se décide à bouger pour sauter hors de la voiture, voler/courir sur le sentier pour descendre près de l'eau, enlevant déjà ses chaussures qu'elle envoya bouler près d'un buissons, vite rejoins par ses chaussettes et le jean qui coulait sur ses hanches à mesure qu'elle l'enlevait. En t-shirt et culotte, nina glissa les pieds dans l'eau avec un plaisir non-feint, entrant dans l'eau froide avec une facilité déconcertante. De l'eau jusqu'aux cuisses, elle se retourna enfin pour regarder raï avant d'éclater de rire à sa tête. « Allez, viens! » cria t-elle pour couvrir le bruit de la petite cascade et du vent, des oiseaux, de la nature, de la vie.

Le silence avait un effet tout aussi apaisant que destructeur sur l’âme du japonais. Il se sentait plus à l’aise dans sa prison sombre paradoxale à sa peau qui avait besoin de lumière, il se sentait plus à l’aise dans un calme serein parfois malsain où seules ses pensées pouvaient communiquer. Enfant de Lune, Raï se perdait entre réalité et nuit, comme s’il n’arrivait qu’à comprendre, à connaître que ça. Lui, pensait que son existence se résumait à ce qu’on lui avait dit, à se cantonner à des ordres, à une seule famille liée par un seul nom de famille. Le seul vrai lien de sang d’une mère aimante un peu distante. Mais c’est quand la chaleur de la californienne enveloppait son cœur, qu’elle se collait à lui dans la nuit, qu’il sentait quelque chose en plus, quelque chose de bien mieux. Un sentiment tout doux qui le caressait et qui lui faisait parfois peur, parce qu’il n’avait pas l’habitude de ressentir la chaleur d’une âme contre le sienne et encore moins celle de Nina. Il redécouvrait ce qu’était le partage et les sourires. Il apprenait à apprécier la douceur d’un regard, la candeur d’une caresse. Un cœur de pierre aux roses épineuses qui ne demandaient qu’à éclore pour libérer leur couleur.

Et le rire-joie de Nina remplissait son cœur d’un air pur, aussi pur que l’air de la nature. Il aimait les silences et sa voix, il aimait les silences et sa présence. Sans pouvoir se l’avouer, il aimait apprendre à ses côtés. Son regard glissait sur les feuilles, les couleurs d’été, l’herbe, les arbres, la terre. Il se perdait un peu juste le temps que la jeune femme se rue à sa source. Il finit par descendre de la voiture, avec nonchalance et surprise, il découvrait un monde qui n’était pas le sien, un monde beaucoup plus coloré que le sien. Les mains dans les poches de son pantalon, il regardait Nina vêtue d’un t-shirt et d’une simple culotte; plus rien ne l’étonnait, plus rien ne le choquait avec elle. Elle avait déjà tant dormi dans cette tenue, juste contre lui. Un sourire naissant se dessina sur son visage à cette pensée et après quelques secondes « J’arrive ! » il descendit la petite pente jusque la rivière avant d’enlever ses chaussures, ses chaussettes et relever son pantalon sur ses mollets. Il vint tremper ses pieds et Raï regarda Nina « ça caille, tu vas attraper froid ! »

Elle grandit et pourtant ne change pas, entourée de ce cocon, doux. Elle ne se rend pas compte que dehors le tonnerre gronde. Elle, elle vit dans son monde. Doux, soyeux. L'eau glace ses pieds et pourtant lui fait du bien, la vie se frayant un chemin le long de ses veines pour donner à son coeur un nouveau souffle de nature. Sa cage thoracique se lève alors qu'elle se laisse prendre par les sons de la cascade, le vent sur sa peau et dans ses cheveux.

Nina le regarde remonter son pantalon et elle peut pas s'empêcher de pouffer de rire, se moquer un peu, sourire aussi, parce qu'il est mignon à bien vouloir essayer. a se laisser tenter par le soleil, l'eau, la nature, la vie simple et sans galère. Elle hausse les épaules en jouant avec la rivière du bout du pied, avant de relever les yeux, malicieux, vers raï puis lui envoyer de l'eau dessus pour l'éclabousser avec un grand sourire innocent (pas tant que ça). « t'es une putain de chochotte en fait. » Nina lève les yeux aux ciels en provocations avant de s'enfoncer un peu plus dans l'eau, frissonnant à cause du froid mais aussi du bien-être que ça lui procurait. « t'es même pas cap de te baigner! »

Son regard traînait discrètement sur la peau dénudée de Nina, elle qui n’avait aucune réelle pudeur face à lui, elle qui se laissait porter par le courant, qui appréciait chaque moment. Elle respirait toute l’air Nina, et Raï tentait de le respirer à travers elle. Il la regardait juste un peu, découvrant les courbes qu’il avait déjà tant vues dans sa chambre portée par l’obscurité, qu’il avait déjà tant frôlées par ses nuits de tonnerre où elle se réfugiait entre ses bras. Au fond, il ne savait pas tant pourquoi, pourquoi elle, eux, pourquoi un jour, tout avait changé entre eux. Il ne s’était pas rendu compte que Nina pénétrait en son âme comme une patte féline, doucement, lentement, sans qu’il puisse s’en apercevoir. Pour qu’un jour, elle soit là, juste là, devant lui, même quand elle n’était pas là. Et Raï la regardait, les pieds dans l’eau, savourer un instant à deux dont le japonais ne saisissait pas autant l’ampleur. Il ne savait pas autant profiter, il ne savait pas pourquoi profiter, ni comment faire.

Secrète admiration pour un corps et un cœur aux courbes féminines, Nina savait comment faire elle. Elle s’acceptait, elle riait, elle bougeait. Nina était vivante et était aussi simple que trop compliquée à comprendre pour Raï. Pourtant, l’admiration se dessinait au fin fond de ses iris sombres. Et d’un réflexe, il vint cacher son visage de l’eau que lui envoyait la californienne. « T’es pas possible, sérieux. » quelques moqueries, quelques regards et parfois des sourires. Il se laissait croire qu’il y avait un avenir à tout ça, qu’il y avait un avenir dans les efforts qu’il faisait, autant pour elle, que pour eux. Il ne prit même pas la peine de répondre à son attaque, levant simplement les yeux au ciel. Tout aussi efficace que de simples mots.

Non, Raï n’était pas cap de se baigner. « Nina, il peut y avoir du courant et je viendrai pas te chercher. » d’un ton faussement blasé pour lui faire comprendre qu’il n’était pas d’humeur ou encore prêt à aller jusqu’au bout. Parce que ce n’était pas tant la froideur de l’eau qui le repoussait, ce n’était pas de voir Nina s’éloigner un peu plus du bord qui lui faisait peur mais bien plus ce qui se cachait en-dessous de ses vêtements sombres. Raï ne quittait plus la jeune femme des yeux et il en vint à se pencher jusqu’à l’eau, trempant ses mains puis apportant l’eau à sa nuque. « Regarde, je me suis mouillé. » et sans attendre, il sortit de l’eau, laissant Nina profiter de son univers, un peu bougon.

la jeune californienne leva les yeux aux ciels à la réaction de raï, mais prenait le temps de comprendre. lui qui vivait dans la nuit froide et les lueurs néons, qui était manipulé et oppressé par une éducation qu'il à eu toute sa vie de la même manière : brutale et froide, avait déjà fait l'effort monstrueux d'accepter de venir, de découvrir, d'apprendre à souffler. Alors la jeune lève le yeux aux ciel mais sourit, le couve du regard avant de prendre une grande inspiration et plonger dans l'eau pour nager sur quelques mètres. S'éloigner du bord, puis s'en rapprocher, essayer de sortir discrètement, sagement avec une tête d'ange. Mais nina n'as pas envie de le voir bougonner, encore moi de se renfermer, alors sur la pointe des pieds dans l'herbe verte, elle se rapproche de lui et rigole en venant se coller à son dos, entourant sa taille de ses bras et coller son corps tout froid-tout mouillé à celui de raï.

Mais les représailles, elle les attend, et se détache quasiment aussi vite qu'elle est venu pour essayer de fuir la vengeance qu'il va lui infliger. Elle explose de rire et lui lance un regard pleins de malice. « ouuuups... ». Nina viens essorer son t-shirt en faisant un tourbillon avec le bas, mais commence quand même à frissonner. Elle fait de même avec ses cheveux et se perd pendant un instant dans la contemplation de la rivière, de la cascade, ne se souciant plus du tout de raï. Elle allait réussir à le faire profiter, c'était son souhait du jour.

C’était pas facile de se plier à un nouveau monde, à un monde qui n’était pas le sien, mais sans repères, il avait cédé à la lumière et en comprenait désormais les conséquences. C’était pas facile de faire des efforts, de sortir de sa zone de confort, pour autant, ça faisait du bien de respirer l’air frais de la montagne, de toucher l’eau froide du lac, de la regarder, elle, s’amuser et s’émerveiller de pas grand-chose. Ce pas grand-chose qu’il disait, ce paysage pourtant splendide plongé dans les couleurs du coucher de soleil lui rendait un peu plus sa liberté, sa liberté de dire, de ressentir, de penser, d’être. Plus aucune limite face à lui, c’était pas facile de sauter le pas.

Le petit morceau de femme le sortit de ses rêveries, froide et mouillée, une grimace déforma son visage, trahissant sa surprise et le froid occasionné. « Arrh Ninaaa ! » un frisson le parcourut lorsque la californienne dénoua son emprise, étreinte révoltante pour Raï, qui, sans attendre se retourna vers Nina pour l’attraper grâce aux forces qui lui restaient. « Tu vas voir. » Lancée sur son épaule, il la secouait un peu dans la balade qu’il entreprenait, marchant tout autour des arbres, il riait presque, Raï, contre les protestations de la jeune femme, il riait presque, de sa vengeance qui ne connaissait pas encore sa fin.

Les pieds à nouveau sur le sol, Raï fit les gros yeux face à Nina « Tu sais que je suis mouillé aussi maintenant. » une évidence comprise comme un reproche, Raï finit par souffler, soupirer puis s’étirer. « On devrait se mettre à l’abris, tu m’as donné froid rien qu’en regardant tes mains devenir violette. » il prit alors sa main, la tirant avec lui pour récupérer leurs affaires et finir leur bout de chemin.