C'est difficile pour moi. Avant de me rapprocher de Min Guk, j'étais l'amie de Yeong Mi. A l'époque, nous étions très proches et on parlait vraiment du moindre de nos soucis. Ainsi, j'ai mis beaucoup de temps avant de me remettre de son départ à cause d'une incompréhension plus qu'importante. Qui s'attend à ce qu'une de ses amies parte du jour au lendemain sans nous prendre la peine de prévenir ? Qui s'attend à ce que son copain de l'époque nous annonce qu'elle a abandonné son enfant quelque plus tard ? Je suis d'un naturel loyal mais pour le coup, je ne sais pas à qui la confier. Yeong Mi m'avait déçu, il y a quelques années de cela sauf qu'à l'entente de ses explications, je sens que j'ai envie de la comprendre. La vie n'est pas rose et je suis certaine d'être bien placée pour le savoir. Dans notre pays, les coutumes et les règles strictes forgent notre quotidien et un tel discours de la part de la jeune femme n'est finalement pas choquant. Affichant une mine perturbée, je n'arrive à comprendre ni son histoire, ni la chronologie de cette partie de sa vie. J'arque un sourcil et caresse légèrement mon verre avant de l'interroger à nouveau. Je sais que ce n'est pas amusant pour Yeong Mi mais je crois que je ne parviens pas à rejoindre tous les éléments. Je crois que je me méfie, un peu à contrecœur. « A Busan ou aux Etats-Unis avec ton frère ? Je ne comprends pas. » Ses parents l'ont menacé de l'abandonner si elle gardait l'enfant mais en attendant d'accoucher, ils l'ont envoyé à Busan ? Cette affaire est digne d'un feuilleton télévisé et je ne suis clairement pas au bout de mes surprises car en effet, la demoiselle me demande de mon aide. Et franchement, un rire nerveux manque de s'échapper de ma gorge. La meilleure solution qui s'impose à moi est de laisser couler, de ne pas prendre partie mais pourtant j'ai l'impression que rester silencieuse me rend complice de son plan. Néanmoins, celle dont on peut contester son identité de mère semble être encore perdue. En fait, c'est à croire qu'elle compte improviser de jour en jour. Gardant le silence pendant plusieurs secondes, j'entends une bonne dose de motivation dans sa voix. Elle veut voir Min Yul, elle veut serrer son enfant de nouveau dans ses bras, si on admettait le fait qu'elle ait déjà pu le faire.  Je me racle la gorge avant de relever la tête vers mon amie. « Ecoute Yeong Mi... » Je baisse rapidement le regard et prends le temps de boire une nouvelle gorgée d'alcool. « Je comprends ta situation et je me doute qu'un enfant a besoin de ses deux parents. Mais... Tu es convaincue d'agir correctement ? Si tu reviens vers eux, tu ne pourras plus faire demi-tour. Peut-être que Min Guk a recommencé sa vie de son côté, ça ne sera pas trop compliqué pour toi ? » Je sais que mes motifs ne sont pas corrects. Elle est libre de se battre puisque c'est son enfant. Et au fond, il ne faut pas mélanger toutes les relations qu'entretiennent ces trois personnes ensemble. « Min Y.. » J'ai failli faire la gaffe du siècle. « Min Guk devra t'aider à entrer dans sa vie. Je ne pense pouvoir rien faire pour toi, Yeong Mi. »

tenue (+) Avouer tout cela à Eun Hye d’un coup et de cette manière me paraissait tellement étrange, mais en même c’était salvateur. J’en avais rêvé de ces moments, de mon retour à Séoul, de pouvoir raconter la vérité à toutes mes anciennes amies et de tout recommencer à zéro. Mais c’était une vision idyllique qui n’arriverait surement jamais. En effet, je voyais bien qu’Eun Hye avait une certaine compassion pour moi, mais en même temps, je la sentais aussi braquée, réticente, distante... je ne voulais pas qu’elle me mange dans la main, ni qu’elle approuve mes décisions. Ca fait plus de quatre ans que j’avais l’habitude d’être seule à assumer mes choix, et ce n’était pas aujourd’hui que ça allait changer. Enfin, au moins elle m’écoutait un minimum, pas comme d’autres. « Mes parents ne voulaient pas que j’accouche mais il était déjà bien trop tard pour avorter et puis... je suis sûre que je n’aurai pas osé. Mes grands-parents ont réussi à les tempérer et les ont convaincu de m’envoyer chez eux à Busan, le temps de la grossesse. Mais il était hors de question que je rentre à Séoul avec un enfant. Mais en laissant mon bébé à Min Guk, je savais que je n’arriverai pas à vivre dans la même ville ou le même pays qu’eux deux, alors j’ai préféré partir. » Tout ce que je dévoilais à l’instant, peu de personnes étaient réellement au courant de mes intentions de l’époque. Ca me faisait du bien de déverser mon fardeau, bien que je ne cherchais aucune de la pitié. Elle n’était d’ailleurs pas prête non plus à m’en accorder. Elle évoquait des réalités vraies, que j’essayais parfois d’occulter. Min Guk avait déjà peut-être refait sa vie, et je ne voulais pas tout gâcher une seconde fois. Mais je ne comptais pas arriver et tout détruire comme un buldozzer. Non, je saurais me faire petite, et attendre patiemment qu’il me donne ce que je veux. Je n’agirai pas sous la précipitation une nouvelle fois. J’aurai pensé qu’Eun Hye aurait pu m’aider à élaborer une autre technique mais non, elle était décidée à ne pas se mêler de cette histoire. Je ne lui en voulais pas, je la comprenais mais ses paroles me firent un léger pincement au cœur. Je réalisais que dans ce problème, je me retrouverai à nouveau seule. Le fait qu’elle failli écorcher le nom de Min Guk me montrait à quel point elle semblait même détaché de l’affaire. « Je sais, je ne t’en demandais pas tant. Je n’allais pas débarquer à Séoul et te demander de m’aider à voir un enfant que j’ai abandonné, d’un père que tu connais à peine. » Je me surpris à essuyer une légère larme qui tentait de s’échapper du creux de mon œil. Je réalisais la tâche que je devais accomplir et mine de rien, ça me tétanisait. « T’inquiète, là je veux juste rattraper le temps qu’on a perdu toutes les deux. Et puis à l’avenir on pourra même se faire des sorties à trois avec le petit, si tout se passe bien. » J’étais carrément optimiste mais voir la vie d’un œil fataliste m’avait bien fait défaut jusqu’à maintenant. Un moment, je cessai de regarder mon amie et plongeai mon regard dans mon verre, déconnectant mon esprit quelques instants. « Je ne connais même pas le nom de mon enfant... je suis un cas desespéré. » murmurai-je oubliant limite que Eun Hye se trouvait en face se moi.

Je tente de trouver une solution à mon problème. Je ne peux dire la vérité à la jeune femme sachant que je suis désormais plus proche de son ex que d'elle maintenant. Toutefois, je ne veux pas la condamner à un sourire forcé. La demoiselle ne m'a rien fait à part partir du jour au lendemain, sans me donner de nouvelles. D'ailleurs, je m'étais montrée inquiète à l'époque. Malheureusement, j'ai fini par croire que certaines amitiés ne sont pas aussi fortes qu'on pourrait le penser. Et malgré ce sentiment, je tente de lui prêter une oreille attentive, lui demandant même des informations supplémentaires. Cette situation me stresse mais je tente de penser à autre chose, malgré son discours qui me pousse toujours à penser à la petite famille que je côtoie depuis quelques temps déjà. J'ai toujours été quelqu'un de loyal et d'honnête mais j'ai l'impression que cette soirée va détruire tout ce que j'ai cherché à bâtir depuis que je suis en âge de comprendre. Je mordille ma lèvre inférieure et commente ses dires. « Peu de femmes arrivent à vivre après un avortement. » Et même si Yeong Mi a abandonné son enfant, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle n'aurait pu le tuer. Date de l'échéance passée ou non, mon amie vient de m'avouer qu'elle n'aurait pas eu le cran d'avorter. Est-ce bon signe ? Je cherche à y croire. Puis, la suite me met encore plus mal à l'aise, au point de manquer d'échapper le prénom de son enfant. Par chance, Yeong Mi ne comprend pas, se contentant d'entendre la première particule du prénom de Min Guk. Si elle savait son nom... Jouant avec ma paille, la jeune mère est convaincue que je n'ai aucune nouvelle de la part de cet homme avec lequel je n'avais jamais été proche. Mais, ça, c'était à l'époque et beaucoup de choses ont changé, en plus, de son souhait de retrouver son enfant. Dans quel monde on vit ? Je me le demande. Esquissant un faible sourire, ce n'est pas ses dires qui risque de me rassurer. Mais, je ne peux rien lui dire ! Et tant pis si elle m'en veut, je ne peux rien faire. C'est trop demandé ! Min Guk s'est confié à moi, m'accordant en même temps sa confiance. Le décevoir m'est alors impossible. « Gardons contact cette fois-ci quoi qu'il arrive ! Le temps te fera obtenir une réponse. » Je réagis en faisant preuve de sincérité. Je ne veux pas contradictoire mais pourquoi je devrais m'empêcher de la voir ? A mon avis, elle ne voudra pas garder contact si elle ne parvient à avoir son fils. En tout cas, j'espère que sa dernière phrase nous permettra de changer de conversation. Néanmoins, je commence à en douter quand ses murmures me parviennent à l'oreille. Bon, je vais finir par faire une syncope si on ne s'arrête pas là de suite. Affichant un sourire, je fais mine de ne pas l'entendre et prends ainsi la parole. « Et sinon, tu as fait quoi ces dernières années ? Parle positivement. Les amours ? Tu as rencontré quelqu'un ? » Le sujet le plus commun au monde, surtout entre deux femmes. Bon sang, il faudrait arrêter les enfantillages.

tenue (+) Être face à Eun Hye me rappelait toute cette partie de mon entourage que j’avais abandonné. Même si j’avais essayé de renouer le contact avec beaucoup, je savais que rien ne serait plus jamais comme avant. En abandonnant ma possible famille, j’avais aussi brisé des amitiés de manière irréversible. Je voulais me convaincre qu’il était possible de recoller les pots cassés, mais certaines réactions d’Eun Hye me faisaient comprendre que c’était quasiment impossible. Elle était à la fois chaleureuse et distante. Je ne savais pas trop quoi en déduire de ses réactions. Est-ce qu’elle me considérait encore ? Est-ce qu’elle voulait reprendre contact avec moi ? M’en voudrait-elle encore longtemps ? Je n’en savais rien. J’avais de bons amis que j’ai perdus et je ne pouvais m’empêcher de me sentir seule parfois. Elle marquait un point sur l’avortement. Même si j’avais pu le faire, je ne l’aurai surement pas fait. Cet acte m’aurait hanté toute ma vie, et Min Guk m’en aurait surement voulu s’il l’avait appris. Enfin, personne ne pouvait vraiment comprendre dans quelle situation se trouvaient les femmes qui vivaient une grossesse indésirable. Selon moi, aucun choix n’est bon ou mauvais, il faut juste assumer les conséquences des décisions que l’on a pu prendre et aller de l’avant, et c’est ce que je faisais aujourd’hui. Je comprenais aujourd’hui qu’Eun Hye ne pouvait m’être d’une grande aide dans cette situation. En même temps, elle ne pouvait rien faire, et je n’allais pas la pousser à faire l’impossible. Ce n’était pas grave, pour l’instant j’allais me concentrer sur la reconstruction de notre amitié. Je comprends que le sujet est délicat et lourd à aborder et n’est peut-être pas des plus inspirants pour elle. J’irai pleurer sur une autre épaule. « Oui avec le temps je finirai bien par obtenir ce que je veux, on verra… Je vais essayer de rester positive. Et puis, si tout se passe bien à la fin je te le présenterai ! Je me souviens t’as toujours eu un faible pour les enfants. » dis-je en riant alors que je me remémorai quelques images de notre adolescence. Je voyais qu’elle voulait changer de sujet, et je fonçai donc dans la brèche. Peut-être que de parler de sujet plus banals nous permettrait de nous rapprocher un peu plus. « J’ai fini mes études puis j’ai été engagé dans un palace comme commis puis second. C’était vraiment une bonne expérience, et puis les States c’est vraiment un pays fascinant. » lui répondis-je avec quelques étoiles dans les yeux. « Les mecs là-bas raffolent des asiatiques. Mais j’ai pas vraiment pu me poser tu sais, je n’avais pas vraiment l’esprit tranquille. » Je faisais référence à l’histoire avec Min Guk. Entre lui et moi c’était terminé, mais j’avais toujours mon fils dans un coin de la tête et je ne me voyais pas commencer une nouvelle histoire sans avoir complètement réglée celle-ci. Mais cela ne m’avait pas empêché de m’amuser un peu. « Et ici… je viens à peine d’arriver. Je préfère en finir avec mon histoire avant de m’attaquer à autre chose, mais Nam Yeong Mi sera bientôt de retour sur le marché. » riais-je. Ca me faisait bizarre de parler comme ça, mais c’était une réalité en soi. « Et toi alors ? Raconte-moi tout, je suis sûre que tu as du vivre plein de trucs en arrivant ici. »

C’est vrai que j’ai toujours eu un faible pour les enfants et j’ai rapidement accroché avec le fils de son ex. J’aimerais lui dire à quel point Min Guk a fait un excellent travail avec lui. Il sait se montrer innocent mais aussi espiègle comme tous les enfants de son âge. Il sait se montrer tendre même s’il fait quelques bêtises de temps en temps. Ils sont terriblement mignons quand on les voit tous les deux mais je ne peux pas lui dire car toute cette histoire doit demeurer dans un premier temps secrète. D’ailleurs, je me demande si je dois prévenir mon ami de la présence de Yeong Mi ou si je dois les laisser tous les deux. Après tout, je ne suis pas concernée par cette affaire et je mets notamment un point d’honneur pour le faire à comprendre à la jeune femme depuis nos échanges à ce sujet. Enfin… Je finis par changer de sujet de conversation car son monde n’a certainement pas tourné autour de son envie de récupérer son enfant après toutes ces années. Son discours me procure un sourire bien plus sincère que les précédents. Je n’ai jamais réellement les Etats-Unis car leur façon de vivre est aberrante selon moi. Mais, pour Yeong Mi, cela semble être une très bonne expérience. Professionnelle premièrement. « Tu as eu la chance de progresser. On dirait presque que tu as réalisé ton rêve… Américain ? » D’après ce que j’ai pu entendre, cette expression est monnaie courante mais je pense que nous avons tous une définition différente de cette dernière. En tout cas, sa remarque concernant leur passion pour les asiatiques me lâche un rire, malgré la suite de ses propos. D’ailleurs, je me retiens de dire qu’on a tendance à vouloir ce qu’on ne peut pas avoir, fréquemment ou non. Enfin, d’un autre côté, je comprends son point de vue. « Hé bien, je vois que tu es déterminée. Je pense qu’avoir confiance en soi est la première étape à franchir pour pouvoir trouver quelqu’un qui nous convient. » Je suis une partisante du ‘’ il faut apprendre à s’aimer avant d’aimer une autre personne ‘’ etc.  Puis, c’est à mon tour de parler de ma petite vie. « Alors… Par où commencer… » J’échappe un léger rire et bois une gorgée pour me dessécher la bouche. « Après ton départ, je suis restée quelques années dans mon village. J’ai fait beaucoup d’allers retours entre Daegu, Busan et celui-ci. Mon père m’a chargé de transporter certains produits dans des marchés locaux très connus. Malheureusement, avec le temps et les difficultés de notre secteur, on ne pouvait plus se permettre certaines choses. » Je marque une courte pause avant de reprendre : « Se faire de la publicité, c’est toujours une bonne idée mais on ne gagnait plus grand-chose quand on vendait nos produits dans des foires etc. Bref, je te passe les détails mais je suis venue à Séoul depuis plusieurs mois, presque un an maintenant ? Je dois avouer que le changement a été dur mais j’ai pu compter sur quelques proches pour m’adapter. J’ai revu des amis d’enfance. Son Ye Gi ? Je crois que je t’ai déjà parlé d’elle. A moins que c’était après. » Je fronce doucement les sourcils mais je pense ne commettre aucune erreur. « J’ai enchaîné plusieurs petits jobs avant de me charger de la mise en rayon dans un supermarché près de Yonsei. » Quant aux garçons, rien à signaler.

tenue (+)Plus le temps passait et plus j’étais à l’aise avec Eun Hye. Bien sûr, je m’en voulais encore de ce que j’avais fait à cette époque, mais tout le monde avait le droit à une seconde chance et je pensais que c’était mon cas. J’avais l’impression qu’il y avait un semblant de complicité qui recommençait à se créer, du moins de mon côté. Elle avait raison en ce qui concernait le rêve américain. Enfin, là-bas les gens avaient tendance à dire que celui-ci n’existait plus vraiment, mais de mon côté j’étais certaine de l’avoir réalisé. Les Etats-Unis m’ont permis de m’affirmer, de découvrir une nouvelle culture et de murir. Si j’étais restée en Corée, je serai devenue quelqu’un que je n’aime pas. C’était juste dommage que de telles circonstances m’amène à m’exiler et à me redécouvrir. « Oui on peut dire ça. Mais toutes les bonnes choses ont une fin malheureusement, retour à la réalité. » Les discussions entre filles finissaient par toujours avoir un petit interlude garçons. C’était comme ça, on n’y pouvait rien. Mais en même temps, C’était d’autant plus normal que cette question refasse surface car ça faisait un moment que nous ne nous étions pas vu, et je voulais savoir comment ça avançait pour elle de ce côté là. RAS, mais je voulais aussi savoir comment elle était arrivée ici concrètement et si tout se passait bien. Je comprends donc que ça a du être difficile, mais elle à l’air de s’être bien débrouillé tout de même finalement. « Oui tu m’as déjà parlé d’elle. C’est cool tu as du te sentir un peu plus soutenu avec ce monde autour de toi. » C’est ce qui m’avait manqué aux Etats-Unis, des gens un peu familier sur qui me reposer. « Et ça te plait ? Enfin, les horaires ne sont pas trop pénibles ? » Je ne sais pas si plaire était le bon mot, mais au moins j’espérais qu’elle s’y sentait bien un minimum. « Et à terme, qu’est-ce que tu comptes faire ? » Je me doutais qu’elle n’allait pas travailler dans ce supermarché à vie, et peut-être qu’elle ne voulait pas être relier à vie non plus à l’affaire familiale. En ce qui concernait l’affaire familiale j’allais faire de mon possible pour l’aider comme je lui avais promis. J’avais terminer mon verre et j’avais remarqué qu’elle aussi. J’entrepris alors de lui faire une proposition. « Ca repart pour une petite tournée ou tu t’es assagi ? »

Je lui adresse un sourire. Il est vrai qu'avoir des contacts dans cette grande ville m'a permis de m'adapter plus facilement. Je n'ai jamais été habituée à la vie citadine. Je ne suis pas non plus venue à Séoul pour prendre des vacances, laissant ma famille gérer une affaire qui pourrait menacer de s'écrouler à n'importe quel moment. J'ai conscience de leurs difficultés et c'est en tant qu'ambassadrice que j'ai débarqué ici. J'ai une mission, un poids à porter. Alors, savoir que mes proches ne sont pas loin de moi a parfois le don de me soulager et surtout de ne pas sentir trop déprimée quand les jours se font durs. J'ai toujours eu un tempérament de battante mais j'ai l'impression que je suis plus facilement atteinte dans cette vie qu'ailleurs. Peut-être que la pollution croissante me fait perdre la tête. En attendant, mes petites occupations ont le don d'intéresser mon amie d'il y a quelques années. Plus précisément, Yeong Mi me demande si mes horaires de travail ne sont pas trop difficiles. Je mordille doucement ma lèvre inférieure. « J'ai toujours eu l'habitude de me lever tôt mais ce que j'ai encore du mal à gérer, c'est surtout les horaires qui sont souvent un peu trop variantes à mon goût. » Je hausse doucement les épaules et ajoute: « Le reste, c'est juste une question d'habitude. Je ne peux pas te dire que ce travail me plaît mais je n'ai pas réellement le choix. Je pourrais tomber sur pire. » Le sourire qui est affiché sur mes lèvres depuis plusieurs secondes s'accentue. « J'ai quelques contacts qui me permettraient de remplir mon objectif. Mais, à terme, je pense que je retournerai de nouveau là-bas. Je ne sais pas... » Pour l'instant, cette hypothèse semble être la plus adaptée par rapport à mes envies actuelles. Je vais peut-être me laisser porter le vent. Je dois d'abord réaliser mes premiers objectifs fixés. Qui sait où cela m'amènera ?! En attendant, impossible pour moi de ne pas rire à sa remarque. « J'ai toujours été plus sage que toi. J'ai des responsabilités en tant que Unnie ! » Mais soit. « C'est d'accord. » On passe de nouveau commande tandis que j'ajoute, blagueuse. « Tu as dû progresser de ton côté.Tu as vécu dans le pays de la perversion. Ah ah. » Je pince ma lèvre inférieure. « Tu es allée à Las Vegas ?! Ça doit vraiment être compliqué de survivre là-bas. Je ne suis pas une grande joueuse, ni une chanceuse. La seule fois où j'ai un peu remporté aux jeux à gratter, c'était environ 50 euros. J'ai encore beaucoup de progrès à faire. »

tenue (+)J’écoutais Eun Hye avec attention. Ca faisait tellement de temps qu’on ne s’était pas vu, je ne savais pas ce qu’elle devenait... alors toutes ces petites informations que je pouvais flaner sur sa nouvelle vie me permettait d’avoir l’impression de redevenir un peu plus proche d’elle, même si j’avais conscience que le chemin pour retrouver notre ancienne amitié serait long, voir impossible. Je savais qu’elle avait une forte capacité à s’adapter, et qu’elle devait bien s’en sortir et encaisser les coups, aussi nombreux étaient-ils. On ne fait pas toujours ce que l’on aime et ça j’étais la première à le reconnaître, mais il ne fallait jamais oublier la finalité de nos actions. Dans le cas d’Eun Hye, c’était pour aider ses parents à s’en sortir et j’étais sûre que c’était une motivation plus que suffisante pour continuer ce qu’elle avait entrepris depuis son arrivée ici. Néanmoins, on n’oubliait difficilement d’où l’on venait, et quand elle évoqua la possibilité de rentrer, ça me fit réagir. « Je te comprends... moi aussi des fois je me dis qu’à terme je finirai par retourner d’où tu viens, mais la vie est tellement imprévisible. Il faut juste qu’on se laisse porter et arrivera ce qui arrivera. » C’était une des choses qui m’avait le plus marqué après ces années passées aux Etats-Unis ; cette mentalité à penser qu’il fallait qu’on se laisse porter par notre destin, quoi qu’il se passe. Je ne savais pas si j’avais complètement épousé cette idéologie mais en tout cas je l’avais pas mal enregistrée. Enfin, pour l’instant notre destin était de passer à la seconde tournée, et Eun Hye ne me contredit pas sur ce point. Nous passions alors commande dans la foulée et je ris à sa remarque. « Si tu savais ! New York ça n’a rien à voir avec Daegu. » lui répondis-je fendu de rire. « Et oui je suis allez à Las Vegas, c’est vraiment impressionnant. » Eun Hye avait souvent la poisse, mais ce n’était pas nouveau. De mon côté, je n’étais pas une grande chanceuse non plus. « T’inquiète, on est dans le même camps. J’ai perdu $100 dans une machine à sous là-bas ! Après j’ai arrêté de jouer tellement j’étais dégoutée. Mais rien que pour l’ambiance, il faut y aller. » Je me voyais bien y retourner avec elle, Eun Hye était le genre de fille avec qui on était sûr de s’amuser. « Las Vegas c’est un peu loin mais on pourrait aller dans un casino à Séoul tu sais... il y en a un dans le Palace où je travaille. A nous deux on serait capable de perdre notre salaire mais bon. » rajoutai-je en riant. J’étais tellement contente de la revoir que je m’imaginais déjà pas al de choses. Notre commande arrive, puis nous trinquions avant de savourer notre breuvage alcoolisé.

Depuis nos retrouvailles, je peux réellement entendre la maturité dans les propos de mon  amie d'enfance. Nous avons toutes les deux grandi avec nos expériences surprenantes, avec nos erreurs et nos vérités. On ne peut pas prévoir ce que la suite nous réserve, si les malheurs s'abattront sur nous ou nos proches. Même s'il est possible de faire ses propres choix, je ne suis pas certaine de pouvoir me prononcer à l'heure actuelle. Au fond, malgré ma nostalgie, je suis chanceuse d'avoir ma cousine et mes amis auprès de moi. J'ai un travail, un toit qui me protège des hivers rugueux. Certes, je n'aime pas forcément ce que je fais mais il y a des gens qui sont confrontés à une situation pire que nous. Comme nos voisins se trouvant au Nord. Des familles sont séparées depuis des années alors qu'il me suffira d'un train pour rejoindre ceux qui me manquent. " Ce n'est pas surprenant. " dis-je, un sourire amusé dessiné sur les lèvres. Daegu est une ville sympathique à découvrir mais son activité ne dépasse pas celle de notre capitale. Toutefois, j'estime qu'on a rien à envier aux américains, eux, qui se prennent pour les Rois du monde, des moralisateurs sans aucune morale. Je peux comprendre ce qu'ils ont pu faire pour notre pays mais de quoi serions-nous fiers ? D'avoir fait souffrir des inconnus pour connaître la gloire ?! Ils m'agacent profondément mais ce n'est pas l'endroit pour lancer un tel débat. C'est pour cela que je me contente de commenter comme le ferait toute autre personne dans mon cas. Las Vegas n'est qu'un exemple de ce que je peux maudire dans leur système mais nous ne sommes pas forcément mieux, au fond. Et puis qui n'a jamais tenté sa chance aux jeux ? " Tu as peut-être raison mais ce n'est pas dans mes projets pour l'instant. " Je gratifie Yeong Mi d'un sourire. " Présentez comme ça ... " Je lâche un rire. " Je ne suis pas spécialement douée dans les jeux de carte mais si tu arrives à avoir deux trois astuces avant qu'on tente notre chance. " Même si je suis assez sceptique. Même avec les critiques des anciens clients, s'il y avait une technique pour gagner, les casinos auraient fermé depuis longtemps. " Tu as dû voir des décors incroyables aussi. Apparemment, les terres intérieures du pays regorgent de paysages à en couper le souffle. " Puis, je remarque le verre vide de ma camarade. " Tu veux commander à nouveau ?! Ou tu t'es assagie depuis ton retour au pays. " Je hausse doucement les épaules. " Même si on a notre réputation nous aussi. On a gagné plus d'audace. Les traditions finiront à la poubelle, un jour ou l'autre. " J'émets un nouveau rire, pas vraiment sérieuse quant à cette remarque.