AND THEN YOU GAVE YOUR HAND

feat. YINDEE & MISO

J’ai le souffle coupé.  Je ne sais pas vraiment à quoi je m’attendais en venant ici. On m’a proposé ce job, c’était censé être … facile. On m’en a vanté les mérites, je n’ai pas vraiment réfléchi. De toute façon en ce moment je réfléchi plus. Hwan est de plus en plus distant, je ne sais pas dans quoi il traine mais il m’a demandé de prendre mes distances. J’accepte, parce qu’après tout … c’est mon frère et je lui fais confiance, et si je dois lui obéir à contre cœur je le ferais … Je ne comprends pas tout mais je l’écoute, je n’ai pas vraiment le choix, il ne me laisse pas vraiment le choix. J’ai le cœur défoncé depuis des semaines à cause de Chu Jung, j’ai tellement de peine que je finis par ne plus faire attention à elle. Comme une douleur latente qui pèse sur mon cœur. Je devrais être ailleurs que devant ce salon. Mais je savais qu’en venant ici … je prenais tous les risques. Je ne suis pas idiote, ni naïve, je n’ai juste pas assez de jugeote. Je pensais que je pourrais y arriver mais finalement … Je me pensais capable de bien des choses. Mais ça je crois que c’est au-dessus de mes forces. J’ai pas été élevé par ma famille pour en arriver là. Il y a des choses que je pensais nécessaire, avant de réaliser qu’on avait toujours le choix. Et aujourd’hui j’avais le choix de refuser, de fuir. Est-ce que ca faisait de moi quelqu’un de faible ? Quelqu’un qui n’est pas capable d’accepter ce genre de … boulot pour survivre ? Peut-être que je n’étais pas encore assez désespérée, ouais peut être que j’attends de toucher le fond pour me laisser aller à ce genre de connerie … Je déboule dans la rue en poussant la porte du salon, plantant mon interlocutrice qui tentait de me convaincre. Des filles comme toi j’en vois tous les jours. C’est à toi de décider, mais une fois que tu commences, tu termines. Cette fatalité m’arracha un gémissement et c’était dans la rue, alors que les passants me bousculaient légèrement, que je tentais de reprendre mon souffle. J’avais la tête qui tournait. J’aurais voulu appeler Min Soo mais j’avais encore perdu mon téléphone. J’aurais pu me tourner vers Chujung, mais ça serait m’enfoncer un couteau dans le cœur. Seo Jun ? Il ne comprendrait pas. Et mon frère … mon frère avait encore disparut. Je suffoque. Je ris autant que j’ai envie de pleurer. Je m’adosse au mur et ravale ma panique. Parce qu’en réalité la seule chose que je suis incapable de savoir c’est ce que je compte faire demain.

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Outfits. | Le seul moyen de tenir dans un endroit pareil, c'était de se dissocier de la réalité. A chaque fois qu'elle passait le pas de la porte d'une chambre où l'attendait un client, Yindee devenait autre, elle devenait l'essence même de son prénom. C'était la seule solution pour ne pas virer complètement folle. Et pourtant, elle ne faisait pas ce travail par obligation, plutôt par défaut... Elle valait mieux, beaucoup mieux même, elle avait tellement de potentiel... Mais personne ne voulait l'exploiter, parce qu'elle était étrangère, parce que c'était encore une étudiante, parce qu'elle gardait un accent... Personne ne lui laissait sa chance, alors elle prenait son temps pour se l'offrir elle-même, mais pour ça elle avait besoin de moyens. De moyens, et de contacts, jamais elle n'aurait pensé qu'être une prostituée puisse la mettre en contact avec des hommes de si haute importance... C'était d'ailleurs le PDG d'une entreprise de haute technologie qu'elle quitta alors qu'elle venait d'enfiler le body qui était sa tenue du soir. Lorsqu'elle se retrouva dans le couloir, essayant de mettre derrière elle la sensation de crasse sur sa peau, elle vit une des nouvelles filles quitter le salon en courant. Elle haussa un sourcil, et la suivit, pour s'assurer que tout allait bien. Elle espérait qu'un client n'avait pas dépassé les limites comme, malheureusement, c'était le cas parfois. Elle enfila une veste trop courte qui se trouvait dans l'entrée et n'était pas à elle, et se retrouva dehors. Elle trouva la jeune femme devant la porte, essoufflée, presque au bord de la crise de panique. Elle la fixa un instant avant de s'approcher d'elle. « Ça va ? Il s'est passé quelque chose que tu ne voulais pas ? » Parfois les clients ignoraient les refus des filles, ils partaient du principe qu'ils payaient, et qu'elles n'étaient que de simples prostituées et n'avaient pas le droit de refuser. « T'es nouvelle non ? » Et vu son air de chat apeuré, elle doutait qu'elle resterait longtemps. Mais il y avait quelque chose dans le regard de la jeune femme qui touchait la corde sensible de la froide thaïlandaise. Elle se demandait si la première fois, elle avait eut cette lueur si triste, presque désespérée dans le regard.

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« Je ne peux pas » soufflais-je simplement à cette jeune femme qui m’a suivi jusqu’à dehors. J’ai eu peur, pendant une seconde, qu’elle soit venue me chercher, comme si c’était déjà trop tard. Comme si on ne pouvait plus me laisser partir, comme si maintenant je devais assumer mes choix, mes faux pas. J’ai eu peur, pendant une seconde, qu’elle m’arrache à ce trottoir en me forçant à entrer mais la douceur de sa voix est un contraste brusque avec mes peurs. Je recule d’un pas en trébuchant légèrement et tente de retrouver mon souffle. « J’peux pas faire ça » répétais-je en massant le poids sur ma poitrine qui refusait obstinément de partir. Je ne peux pas faire ça, que penserait mon frère ? Ma mère ? Mon père ? Oh non il n’a pas fui la Corée du Nord au péril de sa vie pur que sa vie se prostitue … « J’ai essayé et j’ai … j’ai pas réussi … je peux pas » Mes paroles étaient confuse, brusque, bafouiller minablement alors que je n’arrivais pas à poser mon regard. J’arrive plus à respirer. Ça pèse sur ma poitrine comme la culpabilité qui me bouffe d’avoir osé me pointer ici. Et cette femme en face de moi … je ne comprends pas, je ne comprends pas comment elle peut trouver le courage de faire ça … Je ne suis peut-être pas assez désespérée ? Je ne mange pas à ma faim, je vole, je dors dans la rue, j’ai plus de famille, plus d’amour, peu d’ami. Je suis une sauvage qui vit au jour le jour, le visage sale de la crasse que le monde dépose quand j’ai le dos tourné. Je ne suis qu’une gosse dont les lèvres fiévreuses crient famines. Alors si, je pense être assez désespérée mais juste trop idiote pour renoncer à mes derniers principes. Parce que ce ne sont pas ces principes qui me tiendront en vie. Qui me nourriront. Qui me feront tenir debout. J’enfoui mon visage dans l’une de mes mains en reculant pour m’adosser au mur et me laisser glisser contre pour reprendre mes esprits. « Je suis obligée de le faire … » gémissais-je pour me convaincre avec une certaine fatalité douloureuse. Je tente de me dire que ce n’est que la première fois qui est le plus dur mais qu’après ça ira … Parce qu’on s’habitue à tout, même au pire.

 

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Outfits. | Faire ce que Yindee faisait n'était pas donné à tout le monde. Il fallait une force mentale en acier. Yindee elle-même ne savait pas d'où elle tirait cette force, comment elle faisait pour supporter tout ça. Beaucoup diraient qu'il fallait n'avoir aucun amour propre et être au fond du trou. Yindee dirait l'inverse. Elle avait une forte estime d'elle-même, elle savait ce qu'elle valait, et c'était bien plus que tout ça. Elle savait que c'était temporaire, que ces hommes pensaient l'humilier, la posséder, mais elle était tellement au-delà de ça. Au final dans tout ça c'était elle qui avait le pouvoir, c'était elle la maîtresse de leurs plaisirs. Mais c'était une force qu'il fallait avoir dès le début, sinon c'était insurmontable, comme pour cette jeune fille complètement paniquée devant qui elle se tenait. Elle n'était pas taillée pour, c'est tout, mais il y avait tant de détresse dans son regard... Pour qu'elle se force autant malgré le dégoût que tout cela lui inspirait c'est qu'elle n'avait pas le choix, elle était probablement prise à la gorge. « Si tu ne peux pas le fais pas. » Malgré son petit accent, Yindee parlait couramment coréen et il était certain que la jeune femme l'avait compris. Mais elle tentait de se persuader qu'elle se devait d'y aller, ce n'était pas le cas, à moins qu'elle était en grand besoin d'argent. « Non tu n'es pas obligée de le faire. » Une des consignes ici c'est que tout le monde est libre de partir quand il le voulait. Voyant que la jeune femme avait du mal à se calmer, elle posa sa main sur son épaule. « Respire doucement, calme toi. Tu n'as pas à y retourner, une fille s'occupera de ton client. » Car il y aurait toujours quelqu'un pour vouloir de l'argent en plus. « Je m'appelle Yindee. » Elle essayait de la mettre en confiance pour qu'elle se détende. « Qu'est-ce que tu fais là si tu ne peux pas faire ça ? » Elle le devinait déjà mais voulait en être certaine, elle voulait être sûre que ce qui l'avait poussé là c'était l'argent et non quelqu'un.

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« Je vais juste rentrer chez moi. » Souffla Miso en se relevant maladroitement. Son ventre se met à gargouiller, trahissant cette faim qui lui colle au ventre depuis ds jours. Elle cache le trou de ses vêtements par habitude et passe une main dans ses cheveux. Elle tremble et ses lèvres pâles trahissent son état faible. Elle a faim et n’a pas dormi dans un bon lit chaud depuis des jours. Elle a le regard vitreux et elle se recule de Yindee. On pourrait croire qu’elle veut se protéger d’elle, mais c’est surtout qu’elle ne veut pas incommoder la jolie femme qui est apparu devant elle comme si elle la remarquait enfin. Miso reprend son souffle et s’éloigne à nouveau en cachant ses lèvres de sa manche de manteau trop grand pour elle. Elle déglutit en voyant la gérante pousser la porte. Elle soupire, toise Miso et secoue la tête. « Yindee ne perd pas ton temps avec elle, ce n’est qu’une gamine qui voulait se faire de l’argent facile. » Elle disparait aussi vite qu’elle est apparu, laissant Miso cuir sous la honte qu’elle ressent à cet instant. Ses joues sont rouges et son regard blessé. Elle serre sa veste contre elle et trébuche légèrement. « Désolée… » S’excuse-t-elle sans trop savoir pourquoi. De fuir ? De partir ainsi ? De la bousculer sans faire exprès en voulant mettre le plus de distance possible entre ce salon et elle. « Je reviendrais plus … » vous déranger sous entend-t-elle. Elle fuyant maladroitement, retenue dans sa course par un long bus qui passe rapidement sur le passage piéton, manquant de justesse de la renverser.
 

 

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Outfits. | Quel âge pouvait avoir cette gamine ? Elle avait un visage poupon et elle était tellement menue, Yindee l'imaginait à peine majeure. Yindee était observatrice, elle voyait à son air épuisé et à ses fringues trouées qu'elle n'avait presque aucun moyen. Alors quand elle disait qu'elle allait rentrer chez elle, avait elle vraiment un chez elle ? La prostituée fût confortée dans son avis en entendant la faim de la jeune femme. Ça lui rappelait un peu sa vie à Bangkok. Bien qu'elle ait toujours eu un toit, après avoir fuit de chez ses parents, elle avait connu la faim et la galère avant de franchir le pas et de se vendre pour s'en sortir. La gérante du salon sortit et se fit entendre, mais Yindee l'ignorait. Elle avait la chance d'avoir le soutien du big boss, elle savait que si elle appelait Gabriel elle pourrait régler ça. Alors lorsque la gamine fît mine de partir, elle lui attrapa le poignet pour la retenir. « Depuis quand tu n'as pas mangé ? » Elle vit au regard de la jeune femme que la question la gênait, elle osait à peine croiser son regard. Yindee pinça les lèvres avant de commencer à entraîner la gamine à nouveau vers le salon. « Je te dirais bien de m'attendre le temps que je me change, mais j'ai trop peur que tu te casses alors tu vas venir avec moi. » Et elle l'entraîna avec elle juste le temps de passer un manteau au dessus de sa tenue et de prendre ses affaires. Quand elle eut fini, Yindee noua la ceinture de son trench noir. Elle s'excusa auprès d'une autre des filles, ne prévenant même pas la gérante, elle verrait ça avec Gabriel plus tard. Et tout en reprenant le poignet de la jeune femme elle l'emmena vers la sortie du salon. « Tu veux manger quoi ? »

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Miso a envie de fuir, elle se doute bien, cette étrangère, qu’à l’instant où elle aura le dos tourné Miso se sera fait la malle. Mais pendant une seconde la jeune nord-coréenne à peur que la jeune femme ne l’entraine vers le salon pour l’obliger à finir le boulot et c’est en freinant ses pieds et la peur au ventre qu’elle se laisse trainer malgré tout vers le salon. En vérité elle cherche seulement le bon moment pour fuir. Elle se redresse prête à détaler quand elle remarque de la jeune femme ne fait qu’attraper un manteau avant de l’entrainer dehors. « Pourquoi tu fais ça ? » demande-t-elle méfiante …. Elle n’a pas franchement l’habitude qu’on s’arrête sur elle. Si ce n’est pour des propositions qui sont toujours louches ou donnant donnant. Rien n’est jamais gratuit dans la vie et ça elle la comprit dès son plus jeune âge. Elle s’éloigne de Yindee pour se rassurer et ne pas avoir l’impression d’être prisonnière et croise ses bras comme si ça pouvait étouffer le bruit de son ventre gargouillant. «  Je n’ai pas besoin de toi. » qu’elle lâche avec une pointe de fierté. Elle ne saurait lui avouer qu’elle veut juste se remplir le ventre et manger à sa faim pour la première fois depuis des jours. Elle vaque ici et là où elle peut gratter quelques nourritures et surtout rester propre, comme si c’était une priorité : de rester propre. Elle renifle et passe à côté d’une femme qui a laissé son sac ouvert. Elle glisse sa main et pique le portefeuille qui dépasse. Elle lance un regard provoquant à Yindee en serrant le portefeuille contre elle. « Un souci avec ça ? » Miso n’est pas méchante, ni même vraiment agressive. Elle ressemble à un animal blessé sur la défensive qui préfère montrer les crocs plutôt que de se laisser apprivoiser facilement. Elle prend l’argent et jette le portefeuille au sol. Au pire la femme pensera qu’elle la fait tomber et reviendra sur ses pas. Elle se moque bien de la conséquence de ses actes, elle veut jouer les fortes têtes devant Yindee, et se payer sa bouffe toute seule. Quand bien même elle a l’impression de gaspiller le peu d’argent qu’elle venait d’avoir en aller dans un petit restau. Heureusement que la nourriture était accessible dans ce pays … Mais pas assez pour qu’elle puisse manger à sa faim il faut croire.
 

 

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Outfits. | Être méfiante, c'était une réaction normale pour la gamine, Yindee ne pouvait pas le lui reprocher. Elle-même aurait eut des doutes à son âge, surtout en sachant ce qu'elle avait elle-même vécu. Et dieu sait ce que cette gamine avait vécu de son côté... Mais méfiante comme elle était, et vu le lieu où elle venait de la trouver, elle imaginait que ce n'était pas bien joli... Une fois dehors, Yindee se sentit plus à l'aise, comme si elle avait de nouveau le droit d'être elle-même et pas une simple prostituée. Elle haussa les épaules à la question de Miso. « J'sais pas... J'crois que c'est parce que j'aurais aimé que quelqu'un m'aide quand j'étais en Thaïlande. Peut-être que je ferais un autre job aujourd'hui. » Elle avait le ton léger, mais ses paroles étaient lourdes de sens. La réalité était cruelle, Yindee n'avait pas eut la chance de tomber sur les bonnes personnes au bon moment. A défaut, peut-être pouvait-elle être cette bonne personne pour quelqu'un ? Évidemment, la gamine ne voulait pas de son aide, réaction normale qui fît sourire Yindee. « Tu sais, recevoir de l'aide ça veut pas dire être faible. » Et bien qu'elle disait ne pas vouloir de son aide, Miso continua de marcher à côté d'elle. Du coin de l’œil elle la regarda faire son larcin, et s'amusa de la façon qu'elle avait de montrer les dents. Elle avait l'impression de se voir à son âge, prête à se battre, à mordre, comme un animal sauvage apeuré et affamé. « Je vends mon corps pour payer mon loyer et mes études alors les pickpocket tu sais... C'est plutôt mignon. » Elle eut un petit rire, se moquant légèrement d'elle avant d'entrer dans un café d'une rue bien plus animée et chaleureuse que celle qu'elles venaient de quitter. « Qu'est-ce que tu veux manger et boire ? T'as faim, fais pas l'idiote en prétendant le contraire et accepte un peu d'aide. » Elle se dirigea vers le comptoir et regarda le menu affiché au mur. « Et puis à cause de toi je travaille pas ce soir, je vais pas être payée et je vais sans doute me faire engueuler, alors souris et dis merci. » Elle sourit et se commanda un chaï tea latte lorsque le serveur se présenta, et attendit que Miso commande. Mais la petite était revêche et ne dit mot. Yindee finit par sortir sa carte bleue qu'elle gardait avec son téléphone et la tendit à Miso. « Allez prend ce que tu veux moi j'vais m'asseoir. » Et en effet elle alla s'asseoir, mais à une table proche de la sortie et avec vu sur le comptoir, si jamais la petite décidait de se faire la malle elle le verrait, et Yindee courrait vite.

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C’est plutôt mignon ? Se moque-t-elle réellement d’elle ? A cet instant Miso aurait pu en avoir les larmes aux yeux devant cet air qu’affiche la jeune femme. Se sent-elle plus importante ? Maintenant que madame joue les putes qui s’assument elle trouve ça drôle de se moquer de Miso ? La jeune immigrante est tellement fatiguée de son parcours, tellement à fleur de peau, qu’elle ne rit, elle. Elle ne rit pas et cesse soudain de la provoquer. De se battre. Parce qu’elle est triste Miso, et seule, terriblement seule. Mais surtout elle est apeurée. Et ça, quoiqu’on puisse lui dire, ça ne changera pas. Elle est trop jeune pour cette vie de merde, elle est trop douce pour comprendre comment se battre, pourtant c’est ce qu’elle fait. Résistant aux vices de la rue et ses appels incessants. Alors non, Miso ne trouve pas que sa provocation puérile est plutôt mignonne. Pour finir par ouvrir les cuisses pour quelques billets la jeune femme a du souffrir, et Miso n’a jamais prétendu souffrir plus qu’elle, mais elle pourrait avoir la décence de la laisser tranquille. Qu’elle ait faim ne devrait pas être son problème. On pourrait croire que Miso est vexée, mais Yindee a juste dit tout ce qu’il ne fallait pas. Mais après quelle psychologie pouvait-on attendre d’une pute ? Cette colère dans la tête de Miso ne cesse de grandir pourtant elle la suit. Parce que la faim lui aurait fait faire n’importe quoi à cet instant, alors une remarque blessante, ce n’est pas grand-chose. Elle jette le portefeuille au sol, lui rendant monnaie et autre larcin dérobés. Elle sert les poings et resserre sa veste en jean trop grande pour elle autour de son corps frêle. Ne fais pas l’idiote. Souris et dis merci. C’était peut-être de l’humour sud-coréen ou même Thaïlandais mais ça ne plaisir en rien à Miso qui se sentait de plus en plus pathétique et redevable. Yindee ne manquait pas une occasion de lui rappeler que c’était elle qui payait, que c’était elle qui la sauvait, que c’était grâce  à elle que Miso allait manger et c’était presque le cœur en larme qu’elle se posta devant le comptoir. Quand Yindee posta devant sa carte bleue de cet argent sale Miso détourna le regard. C’était trop pour elle. Elle déglutit et ravala ses larmes de fatigues et de colère quand la jeune thaïlandaise se détourna. C’était sûr, Miso la détestait. Elle n’avait rien d’un chevalier servant, elle n’était qu’une prostituée qui se prenait pour une reine et qui la rabaissait sans même s’en rendre compte. Prenons les choses avec humour c’est ça ? Discrètement Miso essuie sa joue devant le regard surpris de la vendeuse et commande un muffin. Elle dépose alors  un billet froissé et quelques pièces pour se payer ce foutu Muffin qui lui semblait hors de prix. Elle souffla les mains tremblantes sous l’émotion, la malnutrition et le manque de sommeil. Elle attrape le plateau où son seul muffin trône et récupère la carte. Elle marche jusqu’à Yindee devant qui elle dépose la carte. Elle la fixe un instant avant de lui « C’est peut-être que je suis idiote, ou une question de fierté, mais moi on ne m’achète pas avec de l’argent. » Son ton n’est pas agressif, elle semble juste lui expliquer son point de vu. Elle se force à lui dire « Merci pour ton intérêt mais je préfère encore manger ce muffin que j’ai payé avec mes sous plutôt que de sourire et dire merci. » Il n’y a pas de reconnaissance quand l’acte de bonté est aussi forcé. Miso s’en convainc. Elle se détourne pour aller s’asseoir à une table plus loin,  et baisse le visage vers son pauvre Muffin en s’asseyant en tailleur. Elle meurt de faim. Elle aurait bien prit un gros sandwich mais elle n’a pas payé le prix de la vie de son père, la disparation de sa mère et la séparation avec son jumeaux en fuyant l’oppression d’un pays aussi cruel que l’était la Corée du Nord pour se rabaisser à ce genre d’humour, et de situations. Ce n’était pas juste une question de fierté, c’était une question de principes, de respect … Si elle abandonnait, elle aurait l’impression de s’abandonner elle-même. Elle savait qu’elle était la première à sortir les crocs mais elle n’a pas attaqué Yindee de front. Fixant son muffin elle se met à le manger, la gorge nouée, la tête lourde de fatiguée et le cœur tout aussi gonflée et teigneux. Elle aimerait parfois dire stop. Mais elle n’a pas encore trouvé comment. Miso n’a rien d’agressif, elle parait juste comme ce qu’elle était vraiment une enfant à bout.

 

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Outfits. | Elle observait la jeune fille, voyant dans son regard qu'elle était à la fois blessée et sur la réserve. Yindee ne savait pas si elle s'y prenait bien avec elle, elle essayait de se comporter aussi justement qu'elle le pensait. Elle avait du mal à se souvenir de l'état d'esprit qu'elle avait à son âge, de l'état d'esprit qu'elle avait quand elle aurait voulu qu'on l'aide. Où sa fierté était-elle placé, comment vivait-elle le fait qu'on lui tende la main ou qu'on refuse de la lui tendre justement. Elle ne savait plus. Alors elle ne choisissait peut-être pas les bons mots, mais ses intentions étaient bonnes vraiment. Elle voyait la jeune femme se rebiffer, elle comprenait au fond. Le seul moyen pour un poisson de ne pas mourir sur la berge, c'était de se débattre. Elle la regarda venir vers elle, et déposer la carte sur sa table. Elle pinça les lèvres à sa remarque, la fierté était une bonne chose, mais il fallait savoir la dompter. La fierté mal placée menait à des erreurs, à repousser des mains tendues lorsqu'elles auraient pu être salvatrices. Elle l'écouta, admirant son aplomb, c'était important pour survivre, mais pas pour vivre. Elle resta à réfléchir à la façon dont elle devait parler à Miso, c'était un petit animal sauvage et blessé... Elle allait devoir user de toute sa douceur et de toute la diplomatie dont elle savait faire preuve. Elle finit par se lever, et vint la rejoindre à sa table, croisant les jambes et essayant d'avoir l'air le plus neutre, elle ne la jugeait pas, elle la comprenait. « J'ai été maladroite, je suis désolée. » Elle lui sourit, levant les mains en signe de mea culpa. « Mais je sais ce qu'est être à ta place. Et j'aurais aimé qu'on m'aide. Avec de l'argent, ou de la bouffe. Même si c'était dur pour ma fierté, j'aurais aimé qu'on m'aide. » Elle lui sourit tristement, parce qu'elle n'avait pas eu cette chance. « Qu'on m'aide pour que je n'ai pas à faire ça. » En parlant de « ça » elle se désigna d'un geste de la main. Yindee se redressa, elle cala son dos au dossier de la chaise, et s'éclaircit la gorge, elle avait du mal à se révéler, surtout à des inconnus. Mais Miso avait vu le pire aspect d'elle déjà, et bizarrement, l'instinct de la thaïlandaise lui disait que si elle ne lui parlait pas, la jeune femme ferait aussi des conneries. « Le regard que tu avais tout à l'heure, j'avais le même. La même peur, le même dégoût. Mais moi personne n'a essayé de m'aider pour me donner le choix. » Elle sourit tristement, se souvenant de tout ce qu'elle avait traversé en se sentant seule au monde. « C'est dur d'admettre qu'on a besoin d'aide, de mettre sa fierté entre parenthèse, mais ça peut sauver la vie. » Elle haussa les épaules. « Je t'offre un repas ce soir, et un endroit ou dormir que tu récupères au moins une nuit. Et on verra demain. »