Un verre pour le courage, le deuxième sans vraiment de raison, et le reste qui se déroule vite, un peu trop vite même. Y a ses amis qui rigolent, boivent, se tapent dans le dos, disent tout et n’importe quoi. Y en a un qui se penche vers lui, lui adresse un clin d’œil grivois, lui lance un défi, plus pour le fun que pour autre chose, une proposition lancée en l’air, qui était censée n’avoir aucune répercussion. Et qui, pourtant, n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Parce qu’il avait un peu bu, le Jay, parce qu’il se sentait un peu seul, le Jay, il a sauté sur l’occasion. Un nouveau verre (pour le courage, encore) et le voilà qui sort difficilement du bar, accompagné par son ami. L’air frais le dégrise un peu, lui redonne ses idées – mais ne l’incite pas à faire marche arrière. Il sait pas trop pourquoi, Jay, mais il veut continuer. Il a l’esprit encore un peu embrouillé, c’est sûrement pour ça qu’il pense que c’est la meilleure chose à faire. Oublier ses principes, ses rêves d’amour, de romantisme, oublier tout ce qu’il a cru jusqu’à présent ; et entrer dans ce salon de massage, visiblement bien connu par son camarade qui le guide sans une hésitation. Il comprend pas trop c’qui se passe ensuite, il voit quelques visages, des clients lambdas, d’autres qui le sont peut-être pas – même si tous arborent un visage innocent. Couloirs, murs, portes, son ami qui lui donne une claque dans le dos, s’en va en éclatant de rire. Autre porte. Une pièce. Et un visage féminin. Beau, assurément – un peu félin aussi. Mais en tout cas intimidant. Les bras ballants il reste là, sans trop savoir quoi faire, sentant sa volonté s’émousser, son impulsivité se tarir. « Euh salut. » C’est tout ce qu’il parvient à dire, avant de lever la tête, croiser ce regard et puis sourire, de son sourire si caractéristique – mais beaucoup moins lumineux qu’habituellement. Il sourit, mais y a cette lueur, cette hésitation, qui se reflète dans les prunelles de celui incapable de camoufler ses émotions.

Wearing. | Les minutes défilaient, longues, lancinantes, ennuyeuses. Et Yindee était assise sur ce fauteuil, la tête rejetée en arrière, tournant en rond, trouvant dans son esprit un moyen de s'évader. L'homme au dessus d'elle soupirait, gémissait et lui donnait des surnoms qui lui collaient la nausée. Mais elle continuait, parce qu'au fond, elle se disait que ça en valait la peine. Si elle était née autrement, moins pauvre et moins matérialiste, alors peut-être qu'elle aurait choisi un autre chemin. L'homme bedonnant poussa un son rauque, et un sourire étira les lèvres de la belle, c'était fini. Elle empocha son argent, et après un rapide douche, elle était prête pour le prochain client. Le standing du salon était ainsi. Et les minutes redevinrent douloureuses alors qu'elle devait attendre la prochaine personne qui passerait le pas de cette porte à laquelle on l'avait assignée pour la nuit. Les murs étaient clairs, une chambre aux couleurs et à l'ambiance acidulés, pour plaire aux personnes qui voulaient de jeunes femmes enjouées, un peu enfantines. Ce que Yindee n'était pas vraiment, mais il fallait bien le prétendre. La porte se rouvrit sur la gérante du salon, elle fit un signe de tête à la thaïlandaise qui se leva, remettant son masque de jeune prostituée presque instantanément. Elle força un sourire sur ses lèvres, se donnant des airs d'ingénue en accueillant un jeune homme dans la chambre. La porte se referma derrière lui, et elle se rapprocha de ce nouveau client. « Salut... » Elle pencha légèrement la tête en voyant la lueur hésitante dans son regard. Ce devait être la première fois qu'il se rendait dans un tel endroit, c'était courant chez les nouveaux venus d'être nerveux. Elle s'avança vers lui, féline, se collant à lui. « Tout va bien se passer tu sais... Il n'y a pas de mal à venir ici pour se faire du bien. » Gardant cette sorte de masque sur le visage, prise dans son rôle. « Dis moi d'abord comment je peux t'appeler ? Ton prénom, ou un petit surnom que tu aimes ? » Sa voix était basse, douce, un peu chantante et enfantine pour le mettre en confiance.

Il sait plus trop bien c’qu’il fait là, Jay – il sait pas trop bien c’qu’il doit faire, non plus, d’ailleurs. Tout c’qu’il sait c’est que son souffle se coupe dans sa gorge, son cœur loupe un battement, quand la jeune femme face à lui s’approche, l’effleure, le colle. Elle est belle, oui. Probablement qu’il ne s’est jamais retrouvé aussi près d’une femme si belle – mais justement, c’est bien ça le problème. Ses joues commencent à se colorer de rouge alors qu’il détourne le regard, regarde ailleurs, essaie d’oublier ce qui se passe, où il est, avec qui. C’est trop perturbant pour lui. Il panique. Et quand elle pose sa question, il répond pas tout de suite. Lui, habituellement si bavard, se tait un instant, laissant le silence prendre possession des lieux, avant de finalement parvenir à balbutier : « Jay, je… j’m’appelle… Jay. » Et il s’arrête. Elle est toujours là, elle, toujours si proche, bien trop proche. Et il sait pas quoi dire. Les pensées tournent dans sa tête, l’esprit embrumé par l’alcool. L’alcool qui lui donne des forces, un peu, l’alcool qui lui donne du courage, un peu. Qui l’empêche de réfléchir, aussi – ou en tout cas, de formuler des réflexions cohérentes. Ca tambourine, là-dedans, dans sa tête (et puis dans sa poitrine, un peu, aussi). « Euuuuuh, je… je sais pas, je… » Il se rappelle même plus vraiment c’qu’il comptait dire, c’qu’il voulait dire. Il lève des yeux timides vers la jeune femme, avant de les baisser aussitôt. « Je sais pas, je… tu... vous… êtes super jolie. » Et ça sort dans un chuchotement incontrôlé, alors qu’il bouge sans trop le vouloir son bras, venant frôler la peau de la jeune femme. Une peau un peu trop nue, bien peu couverte, plus que ce qu’il en a probablement déjà vu. Pas chez quelqu’un d’aussi proche de lui en tout cas… pas chez quelqu’un comme elle. Il sait qui elle est, il sait c’qu’elle fait, il sait aussi c’qu’il est censé faire. Et pourtant il reste figé, telle une souris prise au piège, il parvient pas à bouger, à faire quoi que ce soit. Et il se sent un peu ridicule, également.

Wearing. | Des jeunes hommes comme ça, qui ne savaient pas quoi faire, qui ne savaient pas quoi dire ou même qui n'osaient pas la regarder dans les yeux, Yindee en voyait souvent. C'était souvent de jeunes hommes en mal de sexe ou parfois en mal d'affection. Et parfois, c'était des jeunes hommes qui venaient pour leur première expérience, trop honteux d'être encore puceaux. Ceux-là, la jeune femme pouvait les repérer à des kilomètres. Impressionnés, patauds, fuyants... Innocents presque. Pour le coup c'était bien tout ce qu'était le jeune homme en face d'elle. « Jay... » Elle répéta son prénom, un sourire aux lèvres en le voyant rougir. Il était presque mignon, mais elle n'avait pas le temps de s'attendrir, elle n'était pas là pour ce genre de choses. Elle sourit un peu plus à son compliment, et le remercia du bout des lèvres. Souvent il fallait juste un peu de patience. Quelques paroles rassurantes, un ou deux gestes équivoques, et ils se laissaient porter par leurs envies. Elle se rapprocha un peu plus de lui, ne se défaisant pas de son sourire. Elle vint frôler son bras, le parcourant du bout des doigts. « Détend toi Jay. Rien que tu ne désires pas n'arrivera ce soir... » Elle parlait bas, dans un souffle, se voulant rassurante. Charmante, aguicheuse, elle fit glisser ses doigts sous son t-shirt, jouant doucement de ses doigts sur sa peau. Elle le sentait tendu, réticent, sans doute un jeune homme qui n'avait jamais eu de petite-amie, étrange... Il était pourtant du genre mignon, du genre qui serait populaire. « C'est la première fois hein ? Tu vas voir. Je vais faire ça bien. » Et elle commença à enlever son propre haut, c'était en général la barrière qui faisait tomber leur timidité.

Et les mots-caresse, loin de rassurer le gamin, ne fait que précipiter un peu plus les battements effrénés de son cœur malmené. Et il veut fuir, l’enfant, cherche déjà une porte de sortie, alors que ses prunelles hésitantes ne cessent de revenir jusqu’à son corps à elle, comme attirés par un aimant. Il la regarde par à-coup, honteux de sa faiblesse, honteux de ses pulsions, alors que ses joues se colorent un peu plus, prennent une teinte rosâtre. Alors que la transpiration commence à perler sur sa peau, faisant naître de fines gouttes sur son front. Et il aurait pu rester éternellement ainsi, le Jay. Bloqué dans cet état stationnaire, les membres crispés, sans savoir quoi faire, sans arriver à rien faire. Figé telle une statue de pierres aux yeux incontrôlables. Et il aurait même pu arrêter de respirer, le Jay, juste attendre, comme ça, que tout passe, que tout se termine. Pourtant ses yeux s’écarquillent quand ils perçoivent son mouvement, s’ouvrent en grands, puis se referment, alors que le vêtement se soulève. Et ses jambes choisissent ce moment pour reprendre vie, acceptant enfin de bouger, acceptant enfin de reculer. Il traîne sa carcasse sur plusieurs pas honteux, jusqu’à venir heurter le mur de son dos. « Je peux pas, je peux pas, je peux pas. » Et il tremble, le gamin, humilié à l’idée d’échouer là où tant d’autres ont réussi. Et il se méprise, le gosse, d’être si lâche, d’être si faible. Il se méprise, lui et ses rêves enfantins, lui et ses visions romanesque, de cet acte amoureux, parfait moment de complétude avec l’être qui ne serait créé que pour ça, que pour lui, que pour eux. Et pour la première fois, il se déteste d’être ce qu’il a toujours été fier d’être – rien de plus qu’un gamin. « J’suis désolé, j’suis désolé, j’suis qu’un minable. » Les mots roulent sur sa langue, envahissent l’espace, témoins de son cœur en lambeau.

Wearing. | Des fois, Yindee aimerait chasser ces gamins. Leur dire qu'ils ont la chance d'avoir le choix, qu'ils peuvent attendre, qu'ils peuvent donner ce moment à quelqu'un qui, au moins, compte un peu pour eux. Elle, elle n'avait pas eu le choix. Elle avait vendu ce moment, son innocence, à celui qui avait payé le plus cher pour lui permettre de fuir ce pays qui ne voulait plus d'elle et dont elle ne voulait plus. Mais elle n'était personne, juste une simple prostituée, pour leur dire qu'ils faisaient une connerie, qu'ils le regretteraient probablement. Alors elle gardait son masque, elle restait féline, séductrice et essayait de les détendre pour qu'au moins, cela se passe au mieux pour eux. Mais définitivement, ce petit Jayden faisait fausse route, il en avait peut-être conscience pour être aussi nerveux, aussi écarlate et aussi perdu. Soit, on la payait, alors Yindee serait là pour le guider. Elle allait ôter son haut et dévoiler sa poitrine lorsqu'elle le vit reculer, et il se retrouva dos au mur. On aurait dit qu'il l'était, autant au sens propre qu'au sens figuré, or ce n'était pas le cas. Il avait le choix, c'était lui qui avait les cartes en main pour faire ou ne pas faire. « C'est pas grave tu sais. » Elle tenta de le rassurer, mais visiblement, il avait vu ce moment comme une étape, un défi. Mais ce n'était pas ce que ça, du moins pas par définition. C'en était un que s'il se l'imposait et non le faisait par envie. Laisser un vieux thaïlandais dégueulasse prendre sa virginité, ça c'était un défi mais franchement elle ne lui en demandait pas tant, ce n'était pas son rôle. « Si par minable tu entends trop intelligent pour laisser une prostituée te dépuceler, non tu te trompes. » Il avait l'air surpris qu'elle ait compris la situation si rapidement. Mais elle en avait vu d'autres des gamins de son genre, beaucoup étaient moins malins et trouvaient ça cool de devenir « des hommes des vrais » contre quelques billets de 50.000 wons. La belle haussa les épaules, un sourire amusé aux lèvres. « Je sais pas pour combien de temps t'as payé, mais qu'on fasse quelque chose ou non ça changera rien pour moi, mais pour toi oui. » Elle alla s'asseoir sur le lit, ne le quittant pas des yeux. « Tu peux te décider à me déshabiller et faire ce que t'as à faire, ou tu m'accordes une pause rémunérée. » Elle lui fit un clin d’œil, s'installant plus confortablement sur le lit.

L’alcool coule toujours, dans ses veines mais le sentiment de satisfaction, sentiment d’euphorie, a totalement disparu. Ne reste que l’angoisse, la peur, la gêne. Ne reste que ses membres tremblants légèrement sous ce regard qui ne le quitte pas, semble le détailler, devant lequel il se liquéfie. Il aurait aimé être courageux, Jay. Il aurait aimé pouvoir. Mais il peut pas. Il peut pas parce qu’il est lui, parce qu’il est Jayden – et puis au fond parce qu’il veut pas. Mais il cumule les échecs, Jay, voit sa vie sous un jour nouveau, s’imagine comme un raté. Parce qu’il échoue dans tout ce qu’il fait, tout ce qu’il entreprend, en témoigne son incapacité totale à pouvoir la toucher, rien que la regarder. Et pour une fois il aurait aimé, Jay, être quelqu’un d’autre, ne plus être lui-même, plus être Jayden. Dos toujours collé contre le mur, il se laisse tomber au sol, enserre ses jambes de ses bras, et regard fixé au sol, ne parvient même pas à lever les yeux sur elle. Pourtant il les entend, ses mots. Il les comprend. Mais il comprend également les moqueries de ses amis, quand ils découvriront la vérité. Et même si le gosse ne s’est jamais soucié du regard des autres, pour une fois ça le dérange, pour une fois ça le démange. « J’suis désolé. » C’est sorti tout seul. Lui-même ne sait pas bien pourquoi il dit ça, de quoi il s’excuse. De son comportement à lui ? De son comportement à elle, obligée d’agir ainsi alors qu’elle ne semble pas porter son métier dans son cœur ? Il l’ignore. « Pourquoi… pourquoi tu fais ça ? » N’ose pas dire le mot, le mot fatal, laisse sa questions sous-entendue voleter dans l’air, entre eux deux. Mais finalement ça lui fait du bien de changer de sujet. Finalement ça le détend un peu, l’aide à penser à autre chose – tout sauf ce qu’il est censé faire ici, tout sauf ce qu’il avait prévu de faire en venant ici. « Désolé. » Encore une fois, il sait pas bien. Peut-être pour sa question beaucoup trop intime ? « J’suis qu’un gros nul. » Et il plonge sa tête entre ses genoux, veut disparaître. Il les pense, ces quelques mots, ne les a jamais autant pensé. Parce qu’à ce moment précis, il se déteste. Se déteste de tout faire échouer. Se déteste de cette voix qui retentit dans sa tête, supplie son meilleur ami de venir l’aider. Lui qui est si loin, lui qui n’est pas là – plus là.

Wearing. | Les gamins nerveux voir complètement paniqués, elle en avait vu défilé Yindee. Mais jamais elle n'en avait vu se mettre dans des états pareils et être à la limite du désespoir comme lui. Ce n'était pas si grave finalement qu'il n'arrive pas à sauter le pas. Sa réaction était presque démesurée, cette façon de se laisser glisser au sol, elle se demandait presque s'il n'allait pas fondre en larmes. Mais finalement, ça non plus ça ne serait pas la première fois. Il n'était pas rare qu'elle se sente plus psychologue que prostituée, les hommes qui venaient ici avaient parfois tant de choses à régler avec eux-mêmes. Elle s'accroupit devant lui, le regardant un peu d'un œil soucieux. Elle sentait l'alcool sur lui, elle espérait qu'il ne se sentirait pas mal. Finalement, un sourire étira ses lèvres, et elle ne pu retenir un léger rire à sa question. « Et toi, pourquoi tu fais ça ? Pari perdu ? Complexe face à tes potes ? » S'il se permettait de se questionner sur ses raisons à elle, qui étaient de l'ordre de la survie et qu'elle trouvait donc justifiable, lui n'en avait pas vraiment. Elle sourit une nouvelle fois, c'est qu'il était presque touchant ce gamin à s'excuser comme il le faisait. Elle finit par se redresser et lui tendit la main. « Les gros nuls j'en vois souvent ici, et crois moi ils ne te ressemblent pas. » Elle l'aida à se relever, et comme un enfant (c'est un peu ce qu'il l'était) le guida jusqu'au lit où elle le fit s'asseoir. Elle, elle resta debout et prit une cigarette dans le paquet qui se trouvait dans le tiroir de la table de nuit. Elle ouvrit la fenêtre et alluma sa cigarette, profitant au passage de l'air frais sur son visage. « Tu as payé pour une heure de mon temps alors si tu ne veux pas en profiter autant que moi j'en profite. » Elle sourit une nouvelle fois, pauvre môme, elle espérait qu'il n'allait pas vomir, parce qu'il avait l'air d'avoir sacrément bu. « Tu sais, ce qu'il se passe ici ou ne se passe pas, ça reste ici. »

Et il sait pas vraiment, Jay. Se questionne sur la raison de sa présence, essaie de creuser son cerveau qui patauge dans les vapeurs d’alcool. Et il trouve pas, y arrive pas. Pourquoi il est là ? Parce qu’il se sent mal, parce qu’il se sent seul ? Parce que y a un trou dans son cœur, là, juste là, qu’il tente de combler par la boisson, qu’il tente de combler par les amis – qu’il espère pouvoir combler, par ces corps chauds, ces contacts rémunérés. Mais il y arrive pas, parvient pas à se résoudre, y a cette voix dans sa tête qui lui hurle que c’est mal et puis y a cette présence dans un coin de son esprit. Et il sait pas. Il peut pas. « Défi, » qu’il parvient néanmoins à murmurer, ses yeux se levant sur la silhouette face à lui. Et il regarde sa main un instant, hésite, a peur aussi un peu – pas peur de la toucher, peur d’autre chose, d’un je ne sais quoi, sur lequel il ne réussit pas à mettre le doigt. Pourtant il finit par la laisser l’aider et se relève, se dirige vers le lit, sans trop s’en rendre compte, sans trop comprendre. Et il la regarde pas, perdu, dans un autre monde – il l’a regarde pas mais il sent, l’odeur qui vient chatouiller ses narines malgré la fenêtre ouverte. « J’aime pas la cigarette. » Vieux souvenir qui remonte à sa surface et le manque. Le manque, pas de nicotine, mais de cette personne. Et il baisse les yeux sur ses pieds, les remonte sur le lit, vient enserrer ses jambes de ses bras. « Merci. » Un murmure, chuchotement, il sait même pas si elle va l’entendre à vrai dire, sait même pas exactement pourquoi il remercie – parce qu’elle le juge pas, parce qu’elle le force pas ? Parce qu’elle essaie de le réconforter, de le rassurer ? « J’me sens si seul. » Cette solitude qu’il a bien connu, cette solitude qui le détruit un peu plus chaque jour.

Wearing. | Il n'aimait pas la cigarette ? Ça lui faisait une belle jambe à Yindee. Ce n'est pas parce qu'il n'aimait pas qu'elle n'allait pas la terminer. Elle haussa simplement les épaules, laissant juste le bâton de nicotine le plus à l'extérieur possible. Si la chambre venait à sentir le tabac, on le lui reprocherait. Elle termina sa cigarette tranquillement, en gardant un œil sur lui, il avait bu, il avait l'air malheureux... Il lui faisait de la peine, encore plus lorsqu'il la remercia. Parce qu'elle n'avait rien fait en particulier. Elle jeta le mégot une fois sa cigarette terminée, et referma la fenêtre. Elle ne se stoppa pas dans son mouvement en entendant la complainte de Jayden, tristement, elle l'entendait souvent ici. Elle alla s'asseoir sur le lit, à côté de lui, elle avait appris que la proximité pouvait faire du bien dans ces moments-là. « Comme beaucoup tu sais... » Au fond, Yindee aussi se sentait seule. Heureusement pour elle, elle avait rencontré des gens comme Sana et Yon qui lui permettaient de vivre comme tout le monde finalement. Tristement, c'était ses choix de vie qui l'isolaient, et sa volonté de se protéger de tout et de tout le monde. « Tu veux en parler ? » Parce que les hommes qui préféraient parler plutôt que coucher étaient plus nombreux que ce que l'on pouvait imaginer. Yindee s'était rapidement rendue compte qu'elle était proche du psy pour certains de ses clients. « Tu sais, ce qui se passe entre ces murs, reste entre ces murs. Mots ou actions. » Les hommes étaient souvent malheureux, dans leurs vies professionnelles et leurs vies de couple. Ils trouvaient ici un exutoire, que ce soit en possédant le corps de jeunes femmes pour se sentir hommes ou en vidant leurs sacs, sans réellement attendre de réponses ou de solutions. « Je pourrais te dire qu'on est trop jeune pour être seul, mais c'est pas vrai. » Parce que c'est bien jeune qu'elle avait goûté à la solitude, quand Malee était partie, et qu'elle s'était retrouvée seule au monde et incomprise. Elle serait la dernière à blâmer le jeune homme.