Wearing. | Ca avait été juste une blague au début. Une plaisanterie que lui avait fait sa camarade de classe quand Woori lui avait dit qu'elle ne se sentait pas bien ce matin-là. Elle était nauséeuse, fatiguée, comme tous les matins depuis un certain temps maintenant. En riant, son amie lui avait dit quelque chose du genre « t'as quoi t'es enceinte ou quoi ? ». Woori avait rit avec elle, en lui disant d'arrêter ses conneries, et ça avait suffit à la rassurer, quelques minutes seulement... Le doute planté, il n'avait fait que grandir et grandir... L'étudiante n'avait rien suivit à son cours. Entrée dans une école aussi prestigieuse de stylisme et ne rien suivre, c'était du gâchis. A la pause de midi, la demoiselle avait fini par s'échapper, et elle avait traversé Digital City pour arriver dans Séoul. Elle trouva une pharmacie là-bas, la plus éloignée de chez elle, et elle y avait acheté un test de grossesse, rougissant sous le regard accusateur de l'homme derrière le comptoir. Elle n'avait pas cru le résultat qui s'était affiché dessus lorsque quelques minutes après elle était allée dans les toilettes d'un café. Positif. Ce n'était pas possible non ? Pourtant à bien y réfléchir, c'était tout à fait possible, outre le fait que elle et son petit ami ne faisaient pas toujours très attention, elle en avait tous les symptômes. Et depuis un moment. Les nausées, la fatigue, ses humeurs et ses seins, elle aurait dû s'en rendre compte non ? Et pourtant, même face au résultat, elle ne voulait pas y croire, c'était sans doute un faux positif. Sortant du café presque aussi rapidement qu'elle y était entrée, elle avait rapidement trouvé dans le quartier un centre médical. Voyant son empressement, il avait été accepté de l'examiner plutôt que de lui faire une simple prise de sang pour confirmer son état. Et évidemment, Woori fût forcée de réaliser qu'elle ne pouvait plus se mentir. Et voilà, comment d'une petite blague ce matin-là, elle se retrouvait en fin d'après-midi à marcher le long de la rivière Han, comme un robot, un vieil automate... L'avortement était interdit dans ce foutu pays, comment allait-elle faire ? Elle avait tellement de choses à accomplir, tant de rêve à réaliser... Elle voulait pleurer, elle voulait hurler, elle voulait même mourir presque. Elle entendit le son d'une moto au loin, le son se rapprocha, comme s'il la suivait, mais elle était bien trop perdue dans son flot d'angoisses pour réaliser de quoi, ou plutôt de qui il s'agissait. Ce n'est que lorsqu'il arriva en courant à moitié, coupant le pas lent de Woori qu'elle réalisa qui était en face d'elle. Lui... Elle lui avait envoyé un message, mais finalement, elle ne savait pas comment lui dire, ni quoi faire, ni... Étouffée par tout ça, elle n'arrivait même pas à pleurer. « Oppa... » Fût la seule chose qu'elle arriva à dire, et cela sonnait à la fois comme une plainte et comme un appel. S'il ne se posait pas des questions suite à son message énigmatique et son air de zombie, là ce devait être le cas.

Tenue. | Je venais tout juste de sortir de mon dernier cours de la journée lorsque je fus prévenu qu'un nouveau message venait d'être laissé sur ma messagerie vocale. Et si un sourire en coin prit possession de mes lèvres lorsque je devinai qui en était à l'origine, ce dernier finit toutefois par laisser sa place à une moue des plus interrogatrices quand la voix de Woo Ri résonna dans mes oreilles… Elle me demandait de la rejoindre près du fleuve Han, ayant apparemment quelque chose à m'annoncer. Et, à en croire le ton qu'elle employait, je pouvais m'attendre à tout sauf à une bonne nouvelle... D'ailleurs, finalement arrivé à destination, j'aperçois sa silhouette se dessiner à quelques dizaines de mètres devant moi et s'il y a bien une chose que l'on ne peut pas rater, c'est cette façon assez bizarre qu'elle a de se déplacer. Un vrai zombie... Garant donc ma moto, inquiet, je coupe le moteur de cette dernière et me débarrasse de mon casque que j'accroche à mon bras, avant de l'appeler. Mais rien. Nada. Aucune réponse… C'est comme si elle n'avait rien entendu. Fronçant donc les sourcils, je laisse échapper un faible soupir et me lance à sa poursuite. À sa hauteur, je l'attrape ensuite par le bras, l'obligeant ainsi à s'arrêter et à se tourner vers moi, avant de m'exclamer, légèrement moqueur : « Hey ! T'es bouchée ou quoi ? Tu n'm'entends pas quand je t'appelle ?! C’est bien la première fois que j’ai droit à un tel accueil de ta part… » Sur ces mots, je la gratifie d'un sourire taquin mais, comme la fois précédente, je réprime très vite celui-ci lorsque je vois l'expression qu'arbore la jeune femme. Sans parler du ton qu’elle finit par employer, lorsqu'enfin, elle daigne ouvrir la bouche pour ne laisser échapper qu'un seul mot... « Quelque chose ne va pas, Woo Ri ? »

Wearing. | Ce devait être un cauchemar, elle espérait vraiment que cela soit un cauchemar. Mais à bien y penser, c'était couru d'avance. Elle et Min Soo avaient été stupides. Plusieurs fois ils avaient joué avec le feu, en se disant qu'ils étaient au dessus de tout ça, que ça n'arrivait qu'aux autres. Et finalement ils s'étaient brûlés. Plus rien ne serait comme avant, peu importe la décision qu'ils prendraient. Woori voyait son avenir et ses rêves lui échapper, s’effriter entre ses doigts, et comme du sable, elle avait beau essayer de les retenir ils s'échappaient entre ses doigts. Et maintenant que Min Soo était face à elle, qu'il la regardait avec cet air inquiet, elle était terrifiée. Parce que lui dire qu'elle était enceinte allait rendre tout ça réel, elle allait le dire et ce serait vrai, plus de retour en arrière. Et si jamais il la détestait ? Et si jamais il la quittait ? Elle allait faire quoi toute seule avec ce bébé dont elle ne savait pas quoi faire ? Une larme roula le long de sa joue, puis une autre, et encore une autre... Instinctivement, elle vint se serrer contre Min Soo, passant les bras autour de sa taille, et enfouit son visage au creux de son cou. Pendant un instant elle aurait pu se sentir apaisée si son cœur ne battait pas à tout rompre dans sa poitrine, le sentait-il ? Elle plaça sa tête sur son épaule, de façon à être audible, mais aussi de façon à rester contre lui, ce serait plus facile de lui dire sans croiser son regard, elle avait peur d'y lire de la colère et du ressentiment. « J'avais du retard. Je me suis pas inquiétée parce que ça m'arrive quand je suis stressée. Au lycée j'ai eu ça avec le suneung, alors comme j'ai plein de projets stressants en ce moment je me suis dis que c'était ça, que c'était pas grave... » Elle parlait vite, et si les choses pour elle étaient claires, elles ne l'étaient probablement pas pour lui, mais elle n'arrivait pas à le dire clairement. Les mots « je suis enceinte » ne voulaient pas sortir. C'était trop dur, trop concret, trop vrai. « Mais depuis un moment j'me sens bizarre, et ce matin Hye Bin a fait une blague à la con et j'ai commencé à flipper, alors je suis allée chez le médecin est... C'est pas le stress Min Soo... C'est pas le stress. » Non c'était un bébé. Mais ça non plus elle n'arrivait pas à le dire. Si le coréen avait compris la moitié de ce qu'elle avait dit, c'était de l'ordre du miracle, mais elle n'avait même pas réfléchi à ce qu'elle lui dirait en sortant de la clinique. Elle n'avait pas eut le temps de réfléchir, à quoique ce soit, son cerveau était figé dans la panique et le flou le plus total.

Tenue. | Je n’ai jamais vu Woo Ri comme ça. J’veux dire, aussi perdue, aussi à l’ouest… Voire même abattue, en fait. Pourtant, ça fait plus d’un an qu’on sort ensemble. Enfin, quelque chose dans ces eaux-là… Du coup quand suite à ma question j’aperçois une larme dévaler le long de sa joue, je commence déjà à m’imaginer le pire. Je connais Woo Ri et je sais que derrière ses airs de femme forte, de tête brûlée, elle est beaucoup plus sensible qu’elle veut bien le laisser paraitre. Mais à ce point, jamais je n'aurais cru cela possible. Un an, quoi... Un an qu'on est ensemble et je ne l'ai jamais vu pleurer, avant ça. D'ailleurs, je dois avouer que ça m'fait bizarre. A tel point que, sur le moment, j'ai un peu de mal à savoir comment réagir ou quoi faire lorsqu’elle vient se blottir dans mes bras. Faut dire que, jusqu'à présent, la seule nana que j'ai eu à réconforter et que j'ai su réconforter, c'est ma petite sœur. Puis, on va pas se mentir, si à des occasions il m'est arrivé de voir pleurer des femmes, c'était dans la plupart des cas à cause de moi... Cependant, au bout de quelques secondes, je décide finalement d’entourer la jeune femme de mes bras, avant de la serrer un peu plus contre moi. Et, j’ai beau faire des efforts, quand elle daigne enfin prendre la parole, j’vous avoue que je ne comprends pas tout. C'est un peu brouillon… Elle m'parle de stress, de Suneung, de projets. Du moins, c’est ce que je parviens à retenir dans tout ce méli-mélo de paroles qu’elle me pond à la vitesse de l’éclair… A croire qu’elle doit prendre un train dans quelques minutes… J’arque donc un sourcil, interrogateur, tandis qu’elle se remet à parler, et tente d’assimiler tout ce qu’elle me dit. Mais là, encore, en vain… Venant alors poser mes mains sur ses épaules, je l’oblige à reculer pour pouvoir croiser son regard et demande, sur un ton mêlant à la fois inquiétude et agacement : « T’es consciente que t’es en train de m’embrouiller, là ? J’ai rien compris alors respire un bon coup et dis-moi c’qu’il y a exactement ! » C’est bien les femmes ça. Tourner autour du pot pendant trente ans… « T’es allée chez le médecin ? Et quoi ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ? T’es malade ? »

Wearing. | Ce devait être un cauchemar. Elle se le répétait mais elle ne voyait pas d'autre explication. Il ne pouvait pas y avoir d'autre explication. Ce genre de chose ne pouvait pas arriver à Woori. Ce genre de chose ne pouvait pas leur arriver à eux. Elle avait beau y penser, réfléchir, elle n'arrivait à rien. Elle ne parvenait pas à ressentir quoique ce soit si ce n'est cette grande frayeur qui lui serrait les tripes. Qu'allaient-ils faire ? Que devaient-ils faire ? Qu'est-ce qu'ils voudraient faire ? Habituellement, lorsque Min Soo la prenait dans ses bras, les angoisses, le stress de Woori s'envolaient et son humour devenait rapidement bien meilleure. Mais cette fois-ci, le pouvoir de ses bras était faible sur elle. La nouvelle était si écrasante qu'elle avait l'impression qu'elle allait étouffer, elle n'arrivait même pas à parler de façon audible. Elle parla tellement vite en lui expliquant qu'il ne comprit pas. Il faut dire que Woori elle-même avait du mal à tout comprendre de cette situation. Elle releva la tête vers Min Soo mais n'osa pas croiser son regard, elle se sentait fautive et elle craignait sa réaction. « J'avais du retard. Mes règles. » Elle se mordit la lèvre tant elle était stressée. « Je suis enceinte Oppa. » Elle rencontra enfin son regard, craignant ce qu'elle allait y lire. Elle ne pleurait plus, bien qu'elle avait les larmes au bord des yeux, mais sa voix tremblait. « Je suis désolée... » En soit, ce n'était pas de sa faute, elle n'avait rien fait de mal, mais elle avait peur qu'il lui en veuille, bien que sa grossesse ne soit pas de son seul ressort. « J'ai peur... J'ai peur j'ai l'impression que je vais devenir folle. » Elle prit la main de son petit ami dans la sienne, elle avait besoin de l'entendre dire que ce n'était pas grave. Elle avait besoin de l'entendre dire que tout irait bien. « Je... On... On va avoir un bébé ? Qu'est-ce qu'on doit faire ? » Elle avait besoin d'une réponse. Il fallait qu'il lui réponde, ou qu'il lui dise que ce n'était qu'un rêve et qu'elle allait se réveiller.

Tenue. | Quand j’entends la jeune femme me parler de retard et de règles, je ne mets pas longtemps avant de faire le rapprochement. Ou, du moins, je ne mets pas longtemps avant d’émettre une hypothèse. Mais, sur le coup, mon cerveau a comme un blocage. J’ai beau savoir parfaitement où elle veut en venir (après tout, il n’existe pas trente-six mille raisons pour expliquer un retard des règles…), je refuse pourtant de croire qu’il s’agit là de la seule raison plausible… Laissant donc échapper un « Quoi ? » empreint d’incertitudes, je l’observe et attends qu’elle reprenne la parole, priant intérieurement d’avoir mal entendu, d’avoir mal compris… Mais quand ma petite amie prononce finalement les mots, ces mots que je redoutais d’entendre, j’ai comme l’impression que mes jambes vont me lâcher. Qu’elles pourraient flancher à tout moment. Sauf que je ne bouge pas… Je reste là, à la regarder, alors qu’elle relève la tête vers moi. Je reste là, à la regarder, mais bizarrement je n’entends plus ce qu’elle me dit. C’est la pagaille dans ma tête. Un méli-mélo de beaucoup de choses. Trop de choses… Ce n’est pas possible… Pas moi. Je ne peux pas être papa… Pas maintenant. J’ai une vie devant moi. Elle aussi d’ailleurs… On ne peut pas être parents... Pas maintenant. Mon regard se baisse brièvement vers la main de ma petite amie, celle-là même qui vient de saisir la mienne, et une faible grimace prend possession de mon visage. Une grimace dans laquelle on peut déceler une certaine incompréhension. Et alors que la jeune femme me demande ce qu’on devrait faire, je me contente de lâcher dans un murmure, presque inaudible : « Non… C’est… C’est impossible… » Parce que ce sont les seuls mots que je parviens à prononcer dans l’immédiat. Et la même chose qui n’arrête pas de tourner en boucle dans ma tête depuis plusieurs secondes, également. « C’est impossible… » Sur ces mots, j’arrache ma main de l’emprise de celle de la jeune femme et recule légèrement. Comme pour mettre de la distance entre moi et ce qui se trouve dans son ventre…

Wearing. | Woori avait du mal à parler, à formuler des phrases dont le sens était clair. Mais c’était parce que la situation en elle-même ne faisait aucun sens que la jeune étudiante ne faisait aucun sens également. Elle ne savait pas comment dire, comment réaliser l’ampleur de ce qui était en train de leur arriver. Elle s’accrochait à Min Soo comme on s’accrochait à une bouée alors que l’on était en train de se noyer. Le problème, c’était que le coréen était lui-même sous le choc, et la réaction qu’il eut n’était pas celle que Woori aurait voulu, bien qu’elle s’y attendait. Elle aussi avait eu ce choc, ce déni, elle ne voulait pas être enceinte, elle ne voulait pas que ce soit vrai, mais les deux traits sur ce bâtonnet blanc qu’elle avait dans son sac disaient le contraire. « Oppa... » L’appela-t-elle faiblement alors qu’il semblait si loin bien que sa main soit encore dans la sienne, elle resserra sa prise sur celle-ci comme pour le rassurer ou peut-être se rassurer. Un sanglot s’échappa des lèvres de Woori lorsque son petit ami retira sa main de la sienne si brusquement. Dans son état de détresse, elle vît dans ce geste la décision qu’il prenait vis-à-vis de cette situation, vis-à-vis d’eux deux. Sentant ses forces quitter ses jambes, Woori vint se recroqueviller sur elle-même en lâchant un autre sanglot. « Min Soo... » Parvint-elle à lâcher difficilement. S’il la laissait tomber maintenant, que ferait-elle ? Elle ne s’imaginait pas le dire à ses parents, ni à son frère... Elle se sentait juste seule et perdue, trahie par son propre corps. « Me laisse pas. » Elle tachait de reprendre une respiration normale, lui permettant de se calmer un peu. « Je... Je sais pas quoi faire toute seule. Je... Sais pas quoi faire de ce bébé. » Parce que c’était de ça qu’il était question, d’un bébé, de ce qu’ils allaient en faire.

Tenue. | Complètement secoué par la nouvelle qui me semble toujours aussi irréelle, toujours aussi invraisemblable, je sens mon cœur rater un battement. Plusieurs même... Moi, être papa ? Ce n'est pas possible. Je ne peux pas devenir père. Pas maintenant. Je suis déjà incapable de m'occuper correctement de moi-même alors m'occuper d'un gosse ? Élever un marmot ? Je ne suis pas prêt pour ça. Absolument pas... C'est impossible. Et puis, on est trop jeunes pour ça. On a même pas terminé nos études. On est même pas... Non, cela ne se peut. Pas maintenant. Je ne peux pas. Et je ne veux pas... Le visage figé et le cœur battant à une vitesse affolante, je fais un pas de plus en arrière lorsque j'entends la jeune femme prononcer mon prénom. « Ce n'est pas possible... » que je répète, encore une fois, la gorge nouée. J'ai du mal à y croire. Je ne veux pas y croire. Et pourtant, plus les secondes passent, plus je commence à prendre conscience et finis par comprendre que je n'y échapperai pas. Que tout ceci n'est pas une blague. Que c'est réel. Vraiment réel... Woori est enceinte et tout ceci n'est pas une mise en scène. Une caméra cachée. Pourtant, Dieu seul sait à quel point j'aurais aimé. Je déteste ça, que l'on se foute de ma gueule. Que l'on se joue de moi. Mais, pour le coup, je donnerais n'importe quoi pour que quelqu'un sorte de nul part, de derrière ce buisson à quelques mètres de nous, en criant "On t'as bien eu !". Je donnerais n'importe quoi pour que Woori se relève et me dise qu'elle a tout inventé. Qu'elle voulait juste me piéger. J'aurais tellement préféré que cela se passe ainsi... Complètement perdu, le regard dans le vide, je finis tout de même par reporter mon attention sur la jeune femme, quand cette dernière reprend la parole. Et de nouveau, une grimace prend possession de mon visage alors que je finis par dire, dans un murmure : « Je ne veux pas être papa... » Pas maintenant. « On ne peut pa... Tu ne peux pas le garder. » Nous ne sommes pas prêts pour ça. « Tu ne peux pas le garder, Woori. » Je ne suis pas prêt pour ça...

Wearing. | Woori avait presque la sensation que son corps ne lui appartenait plus. Une sensation étrange et étrangère lui serrait le cœur et le ventre. Ventre qu’elle n’osait pas regarder d’ailleurs, elle avait du mal baisser les yeux. Bien évidemment, elle ne verrait rien, mais l’idée que quelque chose était là, au creux d’elle était aliénante. Les réactions de Min Soo ne l’aidaient pas à reprendre le pas sur ses émotions. D’ailleurs, la façon qu’il eut de placer la responsabilité sur ses épaules, à elle, lui glacèrent le sang et Woori se sentit plus seule que jamais. Il fallait néanmoins qu’elle parvienne à penser, parce que des décisions devaient être prises, elle en était terrifiée. Elle passa le revers de sa main sous ses yeux rougis pour essuyer ses larmes, étalant un léger trait noir de maquillage au passage. Pour les passants, ils devaient avoir l’air d’un couple qui se sépare, elle devait avoir l’air d’une jeune femme que l’on quitte. Et honnêtement, c’était la sensation qu’elle avait à cet instant, la distance que Min Soo mettait entre elle et lui serrait le cœur, celui-ci déjà bien malmené par cette terrible journée. Elle savait néanmoins qu’il avait raison, elle ne pouvait pas garder ce bébé, elle ne pouvait pas l’assumer. « Comment je vais faire ? » Se demanda-t-elle d'une voix rauque et tremblante. Parce que l’avortement était illégal dans ce pays, il lui fallait de l’argent pour payer un médecin qui voudrait bien le faire mais sans argent, elle ne pourrait rien faire. Elle passa une main dans ses cheveux, comme si remettre de l’ordre dans sa chevelure blonde l’aidait à remettre de l’ordre dans ses idées et ses émotions. « Je... » Les mots étaient au final plus dur à sortir qu’elle ne le pensait. « Je vais essayer de trouver un médecin qui acceptera de... M’aider. » De ses yeux encore larmoyants, elle chercha le regard de Min Soo. Elle avait besoin de lui, mais elle avait peur de le dire tout haut. Il semblait sur la défensive, comme si au moindre mot mal choisit il pouvait fuir. « J’ai peur Oppa. » Finit-elle par souffler tout bas, la situation lui échappait complètement. Certes ils n’avaient pas toujours été prudents mais ils n’avaient jamais voulu ça, ils n'y avaient même pas songé.

Tenue. | Perdu... Il n'y a pas d'autres mots pour qualifier l'état d'esprit dans lequel je me trouve en ce moment même. Faut dire que je ne m'attendais pas à ça... Je n'avais même jamais envisagé, jamais imaginé qu'une telle chose chose puisse nous arriver. Pas tout de suite, en tout cas... Pourtant, maintenant que j'y pense, c'est vrai qu'il nous est arrivé de ne pas faire attention. De ne pas prendre nos précautions. Pas seulement une fois, qui plus est. Parce qu'après tout ça n'arrive qu'aux autres ce genre de choses, n'est-ce pas ? Quel idiot, franchement... J'aurais du savoir qu'à trop jouer avec le feu, on finit toujours pas se brûler. D'autant plus que, là, ce n'est pas d'un petit feu de cheminée dont il est question. C'est même clairement un feu de forêt, à ce stade. Car, qu'on se le dise, peu importe ce que nous déciderons de faire. Peu importe ce qu'il se passera ensuite, notre vie et notre relation... Tout changera. Tout en sera impacté. Après tout, c'est d'un bébé dont on parle. Un putain de bébé... Je ne peux d'ailleurs réprimer une nouvelle grimace, alors que ces mots ne cessent de résonner dans ma tête, me donnant presque l'impression que cette dernière va exploser à tout moment. Parce que nous allons avoir un bébé, bon sang. Ces trucs qui passent leur temps à baver et à pleurer. Et je ne suis décidément pas prêt pour ça... Pas prêt du tout. Je m'en veux d'être aussi cruel, d'ailleurs. D'exiger de Woori qu'elle fasse une telle chose. Mais je n'ai pas le choix. Nous n'avons pas le choix... Cet enfant, nous ne pouvons pas le garder. Il faut qu'elle avorte. La question restant de savoir s'il lui sera possible d'interrompre la grossesse et, ne prenant même pas la peine de lui répondre, ignorant la détresse dans sa voix, je finis par demander : « Ça fait combien de temps ? » Ma voix est dure et froide. Presque sans émotion. En tout cas, c'est ce que j'essaye de faire. Ne pas montrer d'émotion... D'ailleurs, ce changement soudain de comportement semble surprendre ma petite amie et, face à son silence, je finis par hausser le ton. « De combien de mois es-tu enceinte, Woori ? »