vanishing into the night. ♬

⊹ I'm standing on the edge of your words That is where you'll find me I'm paralysed by all the things that hurt But I'm coming. ⊹

Mercredi, 3h10 du matin. Un gémissement déchira le silence du salon. La playlist habillant l’atmosphère s’était arrêtée il y a un moment déjà ; seule une moiteur continuait de planer dans la pièce. La poitrine de Ji Hye se soulevait au rythme de sa respiration rendue haletante par une soirée intensément sportive. Cette sensation si grisante et enivrante… Il y avait quelques mois de cela, elle n’aurait jamais pensé qu’une poussée de dopamine pouvait devenir si… addictive ? Le mot est un peu fort pour qualifier cette envie urgente qu’elle avait de recommencer. Etait-ce l’interdit qui l’attirait ? Si l’homme qu’elle avait en face d’elle n’était pas casé, aurait-elle autant apprécié cet instant ? La jeune femme ne voulait pas répondre à cette question pour l’instant. Rattraper sa culotte pour la remettre après avoir récupéré le reste de ses affaires fut la dernière action qu’elle entreprit chez le jeune homme qu’elle ne reverrait sans doute plus.

A peine sortie de l’immeuble, la solitude la frappait de plein fouet. Ji Hye n’était pas particulièrement fan de la nuit. Plutôt que d’y voir un calme réconfortant, le noir manteau recouvrant la ville l’étouffait plus qu’autre chose. Non, la nuit n’était vraiment pas son élément. Indoors, peut-être. Là où les vrais natures se révèlent, où les esprits s’échauffent et se débrident. Plutôt que de retourner au dortoir là où son doux lit l’attendait, elle préféra continuer à errer dans le centre ville. Ses déambulations l’emmenèrent dans un bar où de généreux gaillards n’attendaient que l’arrivée d’une fille aussi mignonne afin de pouvoir la gâter. Ji Hye n’avait pas peur. Elle savait qu’elle devait se méfier, faire attention. Mais tous n’étaient pas des dégénérés mentaux. Parfois, il suffit de quelques verres pour nouer des amitiés et avoir le numéro de personnes qui nous rendraient bien service par la suite. Ji Hye n’était pas uniquement conduite par l’intérêt ; elle savait juste le considérer quand celui-ci se présentait à lui.

4h21. Accompagnée par l’un de ses nouveaux amis, Ji Hye voulait rentrer chez elle. Cependant, la jeune femme était partagée. Comment s’éclipser discrètement quand un chien nous collait aux basques ? Oui, certes, cet ami était fort sympathique, mais avec un peu trop d’alcool dans le nez, celui commençait à se montrer un peu trop insistant et elle un peu moins patiente. Son agacement commençait à se faire sentir. Quand allait-il arrêter de parler et quand allait-il arrêter de mettre sa main autour de sa taille ? Et puis, pourquoi ses yeux pulsaient-ils ? Etait-ce ce qu’on ressentait avant que ceux-ci ne nous sortent des orbites ? Non, non, bien sûr que non. Ji Hye savait bien que c’était le contre-coup de l’alcool, mais surtout, les conséquences d’avoir une poule incapable de s’arrêter de caqueter dans les basques. Par contre, c’était bien la première fois que l’alcool lui donnait des hallucinations…

« No…ma? » Elle se parlait à elle-même, à vrai dire. Plissait des yeux aussi. Sa tête était assez drôle à voir, accessoirement. Son nez (ou si c’est possible, son visage entier) était retroussé à la manière d’un myope sans lunette tentant vainement de distinguer ce qu’il se passait devant lui. S’il n’y avait que ça ! Sa dégaine - cheveux dépareillés, épaule dénudée à cause d’une veste qu’elle ne prenait plus la peine de remonter, et un pied sans chaussette - ne faisait qu’appuyer cette image de meuf un peu paumée et qui n’avait rien à faire là. Surtout pas devant… « un club de strip-tease ? Hein ? » Ok. OK. Je nage en plein délire. Entre l’autre qui ne s’arrêtait pas de parler et Noma qui sortait tout droit d’un lieu avec le mot strip-tease, c’était déjà beaucoup plus décadent que sa décadence de l'instant T. Excédée par les piaillements de l’autre intrus, elle se dégagea vivement de son étreinte et s’éloigna de lui, ignorant ses jérémiades. Si elle n’avait pas aussi mal à la tête, elle aurait franchement ri. Tout ce temps à l’éviter à travers des situations plus ridicules les unes que les autres, pour ce que soit finalement elle qui le chope devant un cabaret, club peu importe, de strip-tease.
« Noma. » Sa voix était légèrement enrouée suite à la nuit qu’elle avait passé, mais au moins, elle était beaucoup plus posée que la première exclamation qui lui avait échappé. « Que… Mh. C’est une belle nuit, pas vrai ? » Un sourire crispé accompagna sa réplique quelque peu stupide. Des milliers de choses qu’elle aurait pu lui dire, c’était donc ça qu’elle avait trouvé de mieux à sortir ? En même temps, elle avait accumulé tellement de gêne à l’idée de lui parler et le croiser à ce moment-là n’arrangeait pas les choses. Vite. Quelque chose. « Elles ont de gros seins ? » Elle secoua pourtant la tête avant de soupirer, excédée par son propre comportement. Merci de pas le laisser en placer une et merci de continuer à se ridiculiser. « Non, en fait. Attends. C’était bête. Je m’en fous. Qu’est-ce que tu fais là ? » Tout ça pour finalement en venir à la seule question qu’elle avait envie de poser. Bah dis donc.

Un rendez-vous, une simple curiosité qui se termine tard dans la nuit. La danseuse a su le divertir plus longtemps que prévu, s’il savait Ho Joo pleine de surprises il lui ignorait le talent de faire passer l’heure sans qu’il ne s’en aperçoive. L’ambiance feutrée de la pièce à la décoration douteuses et beaucoup trop kitsch à son goût lui était progressivement apparue comme plus agréable au fil des verres. L’alcool brûlant sa gorge se fit plus doux, ses mots aussi. Noma souhaite se contrôler en toute circonstance, ses enjeux sont de taille. Pourtant ce soir il n’est plus sûr de rien. Les effluves alcoolisés s’évaporent et son esprit s’éclaircit doucement. Les yeux brillants et les cheveux légèrement décoiffés, Noma quitte le lieu dans un souffle court et une mine tirée par la fatigue. Son costume froissé peine à lui redonner de sa splendeur. Il s’est fait embrigadé. Cette femme est dangereuse, il a voulu jouer et il a adoré. Ses doigts tâtonnent ses poches à la recherche de son téléphone, enfoui rapidement et inconsciemment dans celle de son pantalon. L’écran s’allume et projette une lumière froide et sur ses traits blafards. Il se commande un taxi, assez loin pour qu’il ait le temps de se griller une clope ; ne prenant pas la peine de bouger de devant le club. A cette heure-ci il n’a plus honte de rien. Disons plutôt qu’il doute que quelqu’un de connu puisse croiser son chemin en ces circonstances, mis à part quelques personnes chahutant et un couple au loin il n’y a rien d’alarmant. Si tel est le cas alors il se poserait vraiment des questions, bien que difficilement croyant à ce genre de conneries que sont le karma ou la destinée. Encore alcoolisé ses doigts glissent sur les mauvais carrés, les fenêtres se multiplient et il s’agace. « Noma. » Il s’en fou, il ne répondra pas à cette personne avant qu’il ait commandé son foutu taxi. Parano qu’il est il compte bien marcher un petit peu et le prendre ailleurs finalement, il manquerait plus que quelqu’un dans cette ville sache qu’il a passé sa soirée dans un club de strip-tease. Mais attend. Relevant la tête, il réalise enfin l’existence de cette personne marchant vers lui. Ji Hye. Il se fige, paniquant intérieurement. La gêne. Pris par surprise il ne dit rien, la bouche close et les yeux ronds rivés sur la rouquine. Il n’a pas le temps de réagir à tout ce qu’elle raconte tant ça n’a aucun sens et qu’elle va trop vite. Elle semble aussi gênée que lui, c’est déjà un bon point. Même si ses raisons sont sûrement différentes des siennes, des raisons qu’il ignore depuis la nuit des temps. A vrai dire depuis qu’elle a décidé de l’éviter comme la peste.« Je… je sors de soirée. Enfin non. J’y suis allé pour quelques renseignements. » Il fronce les sourcils et clos ses paupières pour se reconcentrer face à sa connerie. Il s’agace. Les double-sens sont trop nombreux et le quiproquo trop facile, il faut qu’il se concentre. Ouvrant les yeux après deux secondes il décide de s’exprimer plus clairement. Faire des phrases courtes. « J’étais avec une connaissance. Qui n’a pas de gros seins. Je ne vais pas voir les putes. » précise t-il pour sa gouverne et pour conclure cette discussion très gênante jouant en sa défaveur. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Dans la précipitation il ne se rend pas compte de la stupidité de sa question. « J’pensais que t’avais développé une sorte d’allergie en ma présence. » lâche t-il les sourcils légèrement froncés dans l’incompréhension la plus complète, l’alcool le rendant bien plus long à la détente.« Et oui c’est une belle nuit. » ajouta t-il à la volée, il n’en est pas pour autant devenu sourd.

Ji Hye, à l’inverse, se demandait très sincèrement si ce n’était pas le karma qui venait la frapper en pleine face. Mais bon, d’un autre côté… « Je… je sors de soirée. Enfin non. J’y suis allé pour quelques renseignements.» Son taux d’alcoolémie n’était pas suffisamment élevé pour l’empêcher de remarquer certains détails dans l’attitude et la dégaine de Noma. Premièrement, il n’avait pas particulièrement l’air mieux apprêté qu’elle - enfin, il l’était, mais elle le percevait à ce moment-là comment étant… sens dessus dessous - et deuxièmement, il avait l’air aussi étonné de la voir là que l’inverse. Tant mieux, c’est déjà un bon point. Et puis, qu’était-il en train de baragouiner, au juste ? L’envie de rire que Ji Hye avait ressenti quelques minutes plus tôt ressurgit, plus forte. Pourtant, elle s’abstint, consciente que son… ami  ? n’apprécierait sans doute pas l’attention. Le pauvre avait l’air tout aussi à l’ouest qu’elle pouvait l’être. Mais Ji Hye étant Ji Hye, elle savait d’ores et déjà qu’elle ne pourrait pas tenir sa langue. Elle ne savait pas si elle devait s’inquiéter pour Noma ou juste vraiment rire de la situation : se sentait-il si seul que ça ? Elle avait toujours pensé que les hommes allaient dans des clubs de strip tease pour rire entre eux et, une fois plus vieux, profitez d’autres services un peu plus personnalisés. N’était-il pas trop jeune pour ça ? Et les MST alors ? Ji Hye se gifla intérieurement; elle ne voulait pas être jugée, elle ne pouvait pas juger Noma en retour, surtout pas lui alors qu’elle avait tant d’estime à son égard. « J’étais avec une connaissance. Qui n’a pas de gros seins. Je ne vais pas voir les putes. » Ji Hye était encore une fois partagée. Elle ne voulait pas douter de lui ainsi que de sa bonne foi, mais en même temps, vu sa gêne initiale, peut-être ne voulait-il pas  lui avouer la vérité ? A cet instant, elle s’en voulut encore plus de s’être éloigné de lui, persuadée que c’était la raison pour laquelle il ne voulait pas juste lui dire la vérité. L’alcool ne l’aidait pas à avoir un jugement complètement opérationnel… Cette pensée fut appuyée par les paroles qui suivirent et auxquelles elle aurai forcément dû s’y attendre. Un soupir lui échappa, ses épaules ainsi que son visage s’affaissèrent. Fautive, Ji Hye ne lui répondit pas immédiatement. Elle voulait se réjouir, pourtant. Après tout, il lui parlait plus ou moins normalement, il n’était pas énervé. Mais c’est normal petite imbécile, il s’en fiche. Pourquoi s’emporter quand on s’en fiche ? C’était vraiment très, très étrange. Elle connaissait des personnes beaucoup plus autoritaires et staliniennes que Noma, pourtant, il y avait bien longtemps que tant d’émotions ne s’étaient pas entremêlées dans son esprit par simple crainte de la réaction d’une personne. Là encore, peut-être était-ce l’alcool qui contribuait à obscurcir son jugement… « Je… Non. C’est. Compliqué. » Que pouvait-elle bien lui répondre de toute façon ? Elle n’en restait pas moins une fille ; se poser beaucoup de questions pour pas grand chose au final. « J’ai atterrit là par hasard, mais tu ne veux pas entendre la réponse complète à cette question. Je ne comprends toujours pas ce que tu fais hors de cet endroit, mais j’imagine que ma position ne me donne pas droit à une réponse… Je ne vais pas faire de remarque alors. Mais j'espère que tu te protèges... » Si la situation était autre, elle ne se serait sans doute pas gêné pour lui lancer une petite taquinerie. Pour l’instant, elle n’osait pas. La gêne était encore trop présente. La preuve étant, sa phrase semblait avoir duré des heures alors qu'il ne s'agissait là que de quelques mots. Pour autant, Ji Hye n’aimait pas ce genre de situations et surtout ce sentiment d’être bloquée et de ne plus savoir quoi faire de ses dix doigts. Regardant vaguement l’heure du coin de l’oeil, elle soupira. « Je devrais rentrer, mais je pense qu’il est temps que j’arrête mon petit jeu. J’aimerais qu’on. Qu’on. euh. Qu’on fasse la paix. » Une nouvelle baffe mentale. Maintenant, en plus d’avoir l’air stupide, elle avait aussi l’air d’avoir deux ans d’âge mental. Bien joué.

Noma tient à son image. C’est quelque chose d’important dans le milieu qu’il fréquente, sans cet aspect brillant renvoyé aux autres il perdait toute crédibilité dans le monde où il vivait. S’il négligeait le besoin de se montrer parfait sous toutes les coutures il tenait tout de même à ne pas déraper comme les gosses de son envergure le font habituellement. Devenir un cliché de lui-même serait tellement pathétique. Lorsque Ji Hye débarque, comme envoyée en guise de défi par les bons dieux, il picturise son image : type seul et éméché sortant d’un club de strip-tease. Le jour se lève dans moins de deux heures. Ca le panique pour deux raisons : il ne veut pas que des ragots se colportent sur sa situation actuelle et aussi il y a Ji Hye. Il l’aime bien, ça le ferait chier qu’elle l’imagine aller dans ces plaisirs-là. Lui juge ça dégueulasse, il ne veut pas se griller auprès de la belle. Il l’analyse promptement, elle est débraillée. Semble même légèrement alcoolisée, parce que sûrement moins que lui. Sa nuit a dû être mouvementée, comme le confirme les échos qui se font entendre à son propos. Il fronce une nouvelle fois les sourcils pour lui-même, abruti qu’il est de se référer aux bruits de couloir en ce moment même alors que la rouquine est à même d’en inventer à son propos. La ridicule de la situation lui apparaît dans une réflexion tant vive qu’alcoolisée, centrant de nouveau son attention sur son interlocuteur. Une main passe dans ses cheveux, signe de son désarroi monumental. Il se vendait diable en se lançant dans des explications pareilles. Pour se sortir de se pétrin il pratiqua son astuce habituelle : celle de faire parler les autres. Elle ne semble pas plus avancée que lui sur la question et lorsqu’il pense qu’elle va lui fournir une explication voilà que l’arroseur se retrouve arrosé. Elle lui retourne sa technique en pleine gueule et le boomerang revient sur lui ; encore une fois pris au dépourvu. Cette fille est un électron libre. « Putain Ji Hye… » C’est tout ce qu’il lâche,  désemparé. Son regard s’échappe sur la droite puis il se recentre. Cesse d’aggraver ton cas. « T’es sur la mauvaise voie, je te dis que je n’y étais pas pour tirer mon coup. Tu m’estimes plus que ça j’espère. D’ailleurs bouge. » Il l’attrape par le bras, n’étant pas dans la capacité de mesurer son degré d’agressivité ou non et se déplace avec elle jusqu’au bâtiment suivant. C’est un moment silencieux, il souhaite tourner la page très vite. Trop gênant, Noma n’aime pas être gêné. C’est lui qui met les autres dans des postures délicates habituellement. « Je devrais rentrer, mais je pense qu’il est temps que j’arrête mon petit jeu. J’aimerais qu’on. Qu’on. euh. Qu’on fasse la paix. - La paix ? » répéta-t-il surpris. Il avait beau avoir quelques difficultés à connecter les deux bouts en cette belle nuit d’octobre, il ne se souvenait pas avoir entretenu une quelconque querelle avec Ji Hye. Au contraire, il l’avait plus appréciée qu’autre chose. C’était quoi le problème ? « Tu quoi tu parles ? Il s’est passé quelque chose ? » A l’entente même de sa question ses neurones connectent les signaux et sa capacité de déduction repointe le bout de son nez. « Ah. Ça a à voir avec toutes ces fois où tu as changé de chemin pour ne pas me voir ou que tu m’as regardé comme le plus farouche des animaux ? J'ai failli me vexer tu sais.» Oh enfin si elle est amoureuse c’est un autre détail. Il se baffe intérieurement pour avoir pensé un truc pareil tant c’est ridicule, tentant d’ignorer son moi intérieur pour se concentrer sur Ji Hye.

Qui n’avait pas de gros seins… Mais attend. La lumière avait du mal à traverser l’esprit de Ji Hye, tant était qu’elle analysait les informations reçues avec un peu de retard et surtout, beaucoup de bêtise. Si la réflexion était intelligente, elle n’aurait pas été en train de penser qu’effectivement, si ladite connaissance n’avait pas de gros seins, c’était sans doute que Noma les avait soit a) bien matés, b) bien palpés ou soit c), c’est-à-dire les deux propositions précédentes. Il s’agissait là d’une assez grosse perte de temps (c’est un peu comme trouver une superbe réplique à une gueguerre verbale remontant à dix années plus tôt, voyez vous) et Ji Hye tenta de l’effacer bien vite de son esprit. Qu’était-il en train de dire ? Pute ? Il l’avait traitée de pute ? Non, pas possible. Elle avait sans doute mal compris. Mais oui, bien sûr, elle avait mal compris ! Cela ne pouvait être qu’une erreur de compréhension, forcément… Urgh. On reste focus Ji Hye, on reste focus ! Quand même il avait cette mèche qui se relevait au dessus de sa tête et ça la démangeait de- « … pour tirer mon coup. Tu m’estimes plus que ça j’espère. D’ailleurs bouge. » Son regard se recentre sur le visage du jeune homme. Hein ? Il venait de lui avouer et elle n’avait pas écouté ? Une petite exclamation de surprise lui échappa lorsqu’il lui saisit le bras. Elle se sentait complètement à côté de la plaque. Sortir son esprit de ce marasme était plus compliqué que prévu ; pour commencer, peut-être n’aurait-elle pas dû sortir de chez elle pour rester terrée dans son lit. Peut-être était-il également temps d’évoquer ce petit problème qu’ils avaient rencontré tous les deux et de lui demander de faire la paix, histoire qu’elle puisse retourner chez elle au plus vite.

« La paix ? » Oui, oui la paix. C’était si difficile que ça à comprendre ou bien était-elle devenue débile au point de ne pas se rendre compte quand elle ne parle pas distinctement ?  « De quoi tu parles ? Il s’est passé quelque chose ? »  Ah oui, effectivement. Pourquoi n’aimait-elle pas la tournure que prenait cette conversation ? Pas que Noma avait dit quelque chose de mal, mais Ji Hye était soudainement en train de se demander si elle n’avait pas fait tout un foin pour pas grand chose. Ou peut-être qu'il se moquait d'elle.  « Ah. Ça a à voir avec toutes ces fois où tu as changé de chemin pour ne pas me voir ou que tu m’as regardé comme le plus farouche des animaux ? J'ai failli me vexer tu sais. » Elle répondit avec une grimace.  « Oui bon, ce n’était pas la peine de le dire comme ça. » Bah oui attendez, il retournait le couteau dans la plaie à le dire de manière aussi mh. littérale. Et surtout, la jeune femme commençait à se sentir vraiment très, très, très bête. C’était bien le don de tous les garçons de la terre ça, de ne pas considérer les choses à leur juste importance. Tout ça était très grave bon vieux ! Elle croisa les bras, accrochant son regard avec le sien. Ji Hye se sentait mal à l’aise, mais il fallait bien être au rendez-vous pour affronter ses responsabilités. « Tu exagères. Il n’y avait pas tant de fois que ça, et puis, je t’ai toujours regardé très normalement, comme aujourd’hui. Regarde. » Elle pencha la tête légèrement en avant en écarquillant les yeux, le regard toujours braqué dans le sien, avant de reculer, un grand sourire sur les lèvres, toutes dents dehors. Et bah, elles étaient parties où, les responsabilités ? Quelle mauvaise foi ! Cette discussion ne prenait pas du tout la tournure qu’elle était supposée prendre. Elle comptait toujours s’excuser bien sûr, mais gênée comme elle était à cet instant, faire la bourrique était plus facile que mettre sa fierté de côté. « Et puis non, pourquoi est-ce que je t'aurais évité ? Je suis sûre que je ne t'ai pas vu, c'est tout. » En fin de compte, elle n'avait pas besoin de Noma pour avoir l'air bête, elle se débrouillait très bien toute seule. Ji Hye baissa les yeux vers le torse de Noma, comme si cela allait lui permettre de mieux encaisser son courroux. Elle ressemblait à s'y méprendre à une enfant prise sur le fait, attendant dans la douleur de se faire réprimander par son père.

Il ne comprend pas où elle veut en venir. Parler de guerre alors que le dernier souvenir en date est une escapade agréable en plein milieu d’un dîner de con est un peu extrême. Peut-être parle t-elle de leurs familles. Ou de son père. Non, sa belle-mère bien sûr. Rha il ne comprend rien et ça commence à l’agacer, grattant mécaniquement l’arrière de son crâne face à l’incompréhension qui se fait nerveuse. Ce n’est pas Ji Hye qui va l’éclaircir vu ses explications à deux balles mais il semble qu’il ait vu juste s’il s’en réfère à sa réaction. C’est bien un truc de nana ça, elle a dû s’inventer une histoire très chelou. Une histoire d’amour, forcément. Tout commence à s’éclairer dans sa tête, il n’est pas aussi faible ; il est encore dans la capacité de raisonner un minimum même avec un peu d’alcool dans le sang. Et quand elle croise les bras comme ça c’est censé dire qu’elle boude ? « Tu exagères. Il n’y avait pas tant de fois que ça, et puis, je t’ai toujours regardé très normalement, comme aujourd’hui. Regarde. » Si normalement est devenu un synonyme de  flippant alors, oui, peut-être le regarde-t-elle normalement à l’heure actuelle. Cependant il est persuadé qu’elle ne l’avait pas regardé de la même manière lors de leur rencontre. « C’est pas normal ça. » mentionna-t-il blasé à titre d’information. Il a l’impression de faire face, impuissant, à une gamine capricieuse et dont l’option dialogue a été fermée à double tour. Il reste là à l’observer sans savoir quoi dire. L’instant dure quelques longues secondes, peut-être une trentaine, avant qu’il ne s’agace lui-même. Il veut comprendre bordel, ça le met en état de frustration de passer à côté de quelque chose. Habituellement il aurait creusé, joué son petit numéro, mais l’alcool le rendait mou. Inactif. « Bon Ji Hye tu vas me dire ce qui va pas ? Je t’ai fait quelque chose ? » Une pointe d’irritation dans la voix, se penchant légèrement pour chercher son regard, il tente une quelconque supposition. Celle qui lui semble la plus plausible à vrai dire. La brise souffle doucement et la fraîcheur de la nuit lui arrache un frisson. L'alcool redescend. « Ou pas d’ailleurs. Si t’es amoureuse il faut résoudre ça maintenant. » Il est à deux doigts de lui rajouter qu’il la trouve très jolie avec des cheveux mais il arrive à se stopper à temps, évitant à l’alcool de le duper sur l’aspect d’un quelconque compliment en fait très déplacé. Voilà pourquoi il ne buvait pas beaucoup en règle générale, son image s’en trouverait complètement fracassée. Il s’allume une clope pour se donner du courage, tendant au passage le paquet à la demoiselle pour qu’elle en tire une si elle le souhaite. Son regard capte un instant ses pieds et un détail causasse attire son attention. « Et il va falloir m’expliquer où est passée ta deuxième chaussette. »

« C’est pas normal ça. » La première réaction de Ji Hye fut de lever les yeux au ciel. Bon, allaient-ils rester debout à se fixer comme deux glandus longtemps ou bien ? Il y avait encore un cours instant, elle n’avait osé lever les yeux par crainte de croiser une forme de colère dans ceux de Noma, mais cette inquiétude semblait s’être évaporée. L’instant n’avait duré que quelques secondes, mais il avait suffit à faire monter la pression. « Bon Ji Hye tu vas me dire ce qui va pas ? Je t’ai fait quelque chose ? » Une esquisse de réponse commença à se former dans sa tête, mais la réplique qui suivit bloqua toute réflexion. Alors, elle pensait s’être fait des films, mais lui, il était vraiment parti dans un autre délire. Mentionner sa chaussette fut clairement la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Elle explosa littéralement de rire. La jeune femme refusa d’un vague mouvement de main le paquet qui lui était tendu ; non seulement elle était trop occupée à s’esclaffer, mais en plus, la nicotine, ce n’était pas vraiment son truc. Disons plutôt qu’elle avait essayé un jour et s’était étouffée comme une vieille bleue et il y avait déjà trop de ridicule dans cette soirée pour en rajouter une couche. « Ouh, faut que je m’assoie. » Elle s’accroupit contre le mur derrière elle, sans vraiment poser les fesses par terre - madame a un peu peur de la saleté, alcoolisée, hilare ou non, elle ne risquait pas de perdre le nord là dessus - s’efforçant de calmer son fou rire. Son index vint à la rescousse du coin de ses yeux, histoire d’essuyer les petites larmichettes qui commençaient à perler. Au bout de quelques longues secondes, Ji Hye finit par se calmer. Elle releva la tête, un léger sourire encore dessiné sur ses lèvres. « Je voulais te lancer dans un débat philosophique en te demandant ce qu’est la normalité, mais tu as réussi à retirer les quelques parcelles de bon sens qui me restait. C’est balaud. » Son regard était moins fuyant, moins agacé. Le rire soulage l’âme, effectivement. Son coeur battait moins vite d’appréhension et finalement, peut-être qu’elle allait mettre fin à ses interrogations. « J’avais du mal à t’en parler, mais si tu en es venu à penser que je suis amoureuse de toi, il en va de mon honneur de te sauver de cette détresse cérébrale. Par amour pour toi, je me dois de résoudre ça. » Reprendre ses propres termes pouvait être une bonne idée, après tout, avec des mots nomatiens, peut-être que cela ferait plus tilt dans la tête du jeune homme. « Ma chaussette disparue est, à vrai dire, une partie de l’explication que je dois te fournir. Je ne sais pas jusqu’à quel niveau de détail je suis supposée aller… » Elle tortilla ses sourcils, l’air faussement coquin, avant qu’un nouveau rire ne lui échappe. Il fallait qu’elle arrête avec ce suspense, il allait finir par se jeter d’un pont si ça continuait comme ça, comment être sûre. La demoiselle se releva avant de continuer. Son hilarité disparue, être dans une telle position d’infériorité pour raconter ses petites histoires, ce n’était pas ce qui lui plaisait le plus. « Je ne sais pas trop par où je devrais commencer. Je n’ai pas l’habitude d’être dans ce genre de situation. Je n’ai pas envie que ton comportement ne change. » Malgré ce qu'elle avait dit plus tôt, le pauvre allait vraiment finir par croire qu’elle allait lui faire une déclaration d’amour.

Au vu de la réaction perpétuellement étrange de la rouquine ces derniers temps et de son emploi très surprenant du mot « guerre », Noma s’estime en droit de se poser des questions. Il en vient même à se demander s’il n’aurait pas dit ou fait quelque chose qui l’aurait blessée. Le grand maître du contrôle de soi est en train de douter. Pas très longtemps puisqu’il arrive vite à une conclusion plus vantarde, plus égale à lui-même : Ji Hye est amoureuse. Il peut comprendre, c’était arrivé à beaucoup de filles et pour une fois qu’il eut daigné offrir son intérêt à quelqu’un cette personne s’était emballée. Tellement sûr de lui, il reste coi lorsque les rires fluets de la sango se mettent à bercer la nuit dans laquelle ils sont plongés. Elle est hilare et, au lieu de chercher à comprendre et visiblement dépassé par la situation, il se contente de faire griller le bout de son bâton de tabac un sourcil relevé d’agacement ; seul signe externe de son état d’âme. Il souffle un nuage de fumée et attend que son petit numéro se termine. Il reprend son self-control pendant ce court laps de temps, les vapeurs alcoolisées lui portant à cœur des choses stupides et futiles. « Tu aurais de toute façon perdu. » Sur un débat pareil il l’aurait enfumée à ce qu’elle en oublie son prénom alors, elle l’ignore, mais tant mieux pour elle. Tirant une nouvelle taffe il garde son calme face à ce qu’on appelle un énorme foutage de gueule. « Résous ça alors. » Parce qu’il n’en peut plus de ne pas comprendre, elle joue salement avec ses nerfs. Son baratin l’amène à imaginer le pire mais il préfère ne pas l’interrompre avec de nouvelles questions sinon il n’obtiendra jamais sa réponse. « Au maximum » C’est les détails qui font la richesse d’un récit. Il pourrait vraiment penser qu’elle vient de subir une agression ou qu’elle s’est fourrée dans un truc dangereux mais au vu de son expression faciale de sale gamine ça doit être quelque chose de plus léger. « Commence par le début par exemple. » à titre indicatif. C’est d’ailleurs ce que toute personne normalement constituée fait habituellement, mais Ji Hye n’a pas l’air d’être normalement constituée justement. « Et je ne vois pas pourquoi mon comportement changerait, c’est toi qui a ce genre de tendance bipolaire aux dernière nouvelles. Pas moi. » Le retour des paroles cinglantes. C’est que tout va mieux. Cette clope lui éclaire l’esprit plus qu’il ne l’aurait pensé. « Je ne te jugerai pas. » Si ça peut la rassurer. Il n’est même pas sûr lui-même de son propre propos mais après tout il faut bien l’encourager.

Trouver les bons mots n’était pas une tâche aisée. Ji Hye savait très bien qu’elle s’enflammait très vite ; une discussion qui commençait très simplement pouvait finir en débat très animé sur la poussée des pâquerettes sur le mont Himalaya, une proposition de sortie peu importe l’endroit pouvait l’enchanter plus que de raison. C’était comme ça dans quasi tous les pans de sa vie. Ji Hye, quelqu’un d’obsessionnel ? Totalement. Le problème avec ces élans passionnés, c’est qu’ils pouvaient la rendre difficile à suivre par le commun des mortels. Ne pas tout confondre : ce n’était pas une fille constamment excitée comme une puce, non. Plutôt un électron libre, quelqu’un qui pouvait se laisser aller à la démesure au point de s’y perdre. Et c’était ce qui risquait d’arriver lorsqu’elle ne faisait pas attention aux mots qu’elle pouvait employer, comme dans la situation dans laquelle elle se trouvait à cet instant précis. La jeune fille préféra donc passer au dessus de la première réflexion de son homologue, impassible. Exploit pour pour elle, si impulsive habituellement. Mais si elle répondait, la discussion allait prendre encore un gros détour et au fond, elle savait bien qu’il avait raison. N’était-ce pas ce que tout le monde aurait pensé, de toute façon ? Lui avec sa vraie dégaine de cool kid et elle avec son allure de fille idiote. L’habit ne fait pas le moine, mais logique qu’il se débrouille mieux qu’elle, logique oui.

« Commence par le début par exemple. » Mais c’est bien ça le problème, y’en a pas de début. Elle soupira. Encore une fois, Ji Hye ne l’écoutait à moitié. Elle restait attentive certes, mais trouver des mots pour expliquer l’inexplicable s’avérait assez compliqué comme ça, elle n’était pas non plus obligée de réagir à tout ce qu’il pouvait bien lui dire, pas vrai ? « Et je ne vois pas pourquoi mon comportement changerait, c’est toi qui a ce genre de tendance bipolaire aux dernière nouvelles. Pas moi. » Aïe. Bon, à vrai dire, Ji Hye ne l’avait pas particulièrement mal pris. A sa place, n’aurait-elle pas pensé la même chose ? Sans doute que oui. Elle aurait essayé d’avoir une discussion, mais n’était-ce pas ce qu’il avait essayé de faire également ? Ji Hye savait bien qu’elle avait tort dans cette histoire, mais… Mais. « Je ne te jugerai pas. » Cette phrase ne l’avait fait sourire qu’à moitié. Son sérieux était revenu, bien qu’encore léger à cause de l’alcool qu’elle avait toujours dans le sang. Cette phrase, elle l’avait souvent entendue. « Si tu le dis.» Elle l’avait dit en haussant vaguement les épaules, finalement résignée à avouer ses méfaits. « La vérité, c’est que je n’ai pas d’explications à te fournir. » Elle leva les yeux vers lui, ainsi que sa main en signe de protection. « Mais attends, laisse-moi finir. » Tous ces exercices d’explication à deux balles, il n’y avait rien de plus chiant. Voilà pourquoi elle s’efforçait de toujours éviter ces moments-là. « Ce que je veux dire, c’est que je ne sais pas pourquoi je me suis mise à… T’éviter. Ca a commencé dès l’instant où je t’ai vu à l’université. J’étais… Choquée. C’est étrange, car il y a des gens que je connais depuis longtemps. Toi, je t’ai connu à un moment de ma vie où je n’étais pas au meilleur de ma forme. J’étais différente, et cette fille là est morte aujourd’hui. » Ji Hye voulait vraiment creuser un trou et y cacher sa tête telle une magnifique autruche. Elle restait digne, bien sûr, mais s’ouvrir comme ça à quelqu’un était loin de lui faire plaisir. Elle ne rougissait pas, mais un oeil avisé aurait remarqué la manière non naturelle qu’elle avait de poser ses mains contre les pans de sa jupe, et ce dans une neutralité quasi anormale. Surtout de la part de Ji Hye, qui, à la limite, aurait été en train de la triturer ou mieux encore, qui ne l’aurait pas touchée du tout. « Je crois que… Je ne voulais pas que tu me rencontres. » Elle se demandait si ses mots avaient un quelconque sens à présent...

Elle a ce côté malicieux voir presque mesquin. Ce nez en frimousse qu’il trouve mignon. Elle a son charme, Ji Hye. Un charme qu’il a perçu très différemment la première fois qu’il l’a rencontrée. Il avait discerné sur ce même visage une expression bien plus placide, quelque chose d’éteint comme une personne qu’on a porté jusqu’à l’usure. Une personne en phase de rétablissement et qui ne demandait qu’à brûler ses ailes pour se sentir un peu plus vivante encore. Sa métamorphose est incroyable, le résultat de son père est parfait comme d’habitude. La perfection chez les Park était un mot d’ordre suivi à la lettre par tous ses membres. Du moins en apparence. Cette apparence que Noma s’efforce de conserver malgré sa désapprobation pour le bien de sa famille. Il est intelligent, même dans son côté le plus rebelle il n’en oublie pas l’image. S’il y a bien une chose à laquelle il fait attention lors de ses braquages c’est qu’aucune trace ne soit laissée pour remonter vers lui. Si indice il peut y avoir alors il ne se dirigera pas en sa direction. Il scrute le visage poupin de la belle, reprenant doucement le dessus sur une conversation qui lui avait complètement échappé. Ji Hye est du genre à partir dans tous les sens, c’est difficile de la suivre et encore plus de la rattraper. Elle le laisse parler pour une fois, sans qu’il ne soit très sûr de l’oreille attentive qu’elle lui porte. Elle n’a pas l’air convaincu du manque de jugement qu’il lui promet et elle a bien raison. Noma juge. A tout bout de champs. C’est son truc. « La vérité, c’est que je n’ai pas d’explications à te fournir. » Pardon ? Prêt à tirer une énième taffe sur sa cigarette il se stoppe, les lèvres légèrement entrouvertes et le regard figé dans le sien. C’est une blague ? Il commence à perdre patience, mais vraiment. Cette fille tourne en bourrique. Le fait toujours en bourrique. « Mais attends, laisse-moi finir. » Il succombe à cette supplication et se tait pour laisser place à son explication parce que là, franchement, il en peut plus. Elle possède l’art de l’épuiser, ce n’est pas donné à tout le monde. « C’est glauque ce que tu dis. Dire que son ancien elle est morte alors qu’elle fut guérie d’un cancer ça a de quoi refroidir un peu l’ambiance. Heureusement pour elle il ne s’arrête pas à ça, principalement parce qu’il s’en fou en fait. Il pense comprendre maintenant, cette histoire c’est en fait une bataille entre Ji Hye et elle-même. Il l’observe, elle ne semble pas à l’aise. Probablement est-ce ce silence lourd qui trône entre eu maintenant. C’est à lui d’ouvrir la bouche. Il se tient face à elle, sans ciller dans une posture tenue, comme à son habitude. « Ce qui t’a perturbée c’est la peur que je vienne te rappeler qui tu es. » Directement ou indirectement, par des mots ou sa simple présence. Car elle reste Ji Hye, celle qu’il a vu au sortant de sa maladie un soir printanier. Il est déconcerté à l’entente de ses derniers mots plutôt rude. Parle-t-elle du diner ou bien de l’influence qu’il a pu avoir en général ? Difficile de la suivre. « Pourquoi ? J’ai été la dernière personne que tu as rencontré sous ton ancienne étiquette ? » Ji Hye est plus compliquée que ce qu’elle en a l’air, ça lui plait. Tirant sa dernière taffe il exulte sa dernière volute de fumée et concentre toute son attention sur la belle. « Tu sais tu n’es pas la première patiente chez qui je suis allé dîner en guise de remerciement. Tu n’es pas non plus la première à vouloir tout à coup changer ta vie pour la rendre plus folle et excitante, je t’ai trouvée drôlement commune ce soir-là. Je me suis dit « encore une ». » Noma parlant de son ressenti, un fait assez rare pour le souligner. Il finit par balancer son mégot à terre, l‘écrasant d’un coup de semelle. « Je me suis intéressé aux bruits de couloirs, je sais de quoi tu as honte, là maintenant. Mis à part si tu considères t’inventer une personnalité je ne comprends pas pourquoi tu devrais établir un fossé entre l’avant et l’après. » Il n’utilise pas le mot maladie car il pense qu’il serait trop fort en fin de phrase. Au lieu de ça il se rapproche d’elle et entoure un de ses bras autour de ses épaules. « Enfin sauf si tu ne voulais pas qu’on se rencontre pour d’autres raisons. » Il entame de force une marche vers la rue principale où ils pourront sûrement trouver un taxi pour rentrer, la petite Ji Hye sous le bras.