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sombre comme j'ai sombré

l'épine se loge dans son palpitant ralentit par l'angoisse. Ses membres tremblent suite à un rire nerveux et puissant ; il serre le faire-part entre ses doigts et contracte la mâchoire, ses sourcils se froncent. il réagit avec véhémence, clame ses mots d'un timbre si dédaigneux qu'il prend le risque de briser toute l'affection qui a un jour existé entre eux. mais la peine est trop réelle, lorsqu'on lui rappelle tout ce à quoi l'être humain a droit lorsqu'il est bon et juste ; tout ce qu'il ne pourra jamais toucher du doigt à moins de ne plus être lui. Il lâche le carton sur la table du bout des doigts comme si la matière les lui brûlait, peignant sur son visage un rictus de dégoût. Et aussi simplement, comme si cette nouvelle n'avait même pas été suffisamment importante pour l'ébranler, il retourne piocher dans les nombreux accompagnements pour rassasier son estomac. comme si l'état de Jihoon n'était qu'un jeu, qu'un passe-temps. comme s'il ne lui accordait pas même l'attention nécessaire pour lever les yeux sur lui. « je suis peut-être irrespectueux mais je suis réaliste. après libre à toi, je consens si t'as envie de finir tes jours comme monsieur tout le monde, taffant jusqu'à pas d'heures pendant que ta meuf deviendras une vraie traînée et te tromperas avec tout le monde. » le souhait venimeux de le faire sombrer est là, placé au bout de sa langue qui déblatère des mots-maux. il n'estime pas avoir droit au bonheur, de quel droit les autres l'ont-ils ? il refuse de se faner dans l'ombre d'une personne plus lumineuse que lui, préfère briller aux côtés de ceux qui sont bien plus noirs. « parce que tu penses que les choses ne sont pas claires pour moi ? détrompe-toi. je sais parfaitement ce que je fais et ce que je ferais demain. J'ai juste arrêté de vivre pour les autres. aujourd'hui, la seule personne qui m'importe un tant soit peu est Dewei. » mensonges, mensonges, mensonges. il est perdu dans les limbes de sa propre existence, ne peut deviner où il en sera demain sur le chemin de sa mort, et aime si férocement les gens qui l'entourent qu'il en a une peur viscérale de les entraîner avec lui, fuyant leur contact. « enfin, tu vas te marier. Félicitations, je suppose. »

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Menteur. Menteur menteur menteur. C'était la seule chose que je pouvais dire sur Tasyr à l'heure actuelle. Parce qu'il mentait, ça se lisait sur son visage. Il était peut-être cruel, odieux avec moi en parlant ainsi de ma vie et de ma fiancée, mais j'étais persuadé qu'il cachait juste sa jalousie et l'envie de me ressembler par ces mots si tranchants et dénués de douceur. Ca faisait mal de se dire qu'il ne prenait même plus soin de me ménager. Parce que j'étais redevenu un étranger pour lui qui lui servait juste à remplir son estomac, vu comment il s'empiffrait malgré l'urgence de la situation. N'avait-il pas conscience que tout ce qu'il faisait, c'était nous détruire ? Je le regardais s'activer sur la table, silencieux mais tout aussi surpris par son comportement que je n'appréciais décidément pas. Tasyr... Tasyr, tu me décevais au plus point. Je menais peut-être une vie bien rangée, trop ennuyante pour lui, mais j'aimais ça, moi. Et n'était-ce pas comme il avait dit ? On vivait pour soi, pas pour les autres. Que ça lui plaise ou non, j'épouserais Joo Hee. Mais s'il venait au mariage pour se comporter comme aujourd'hui, ce n'était pas la peine. Je repris mes baguettes, attrapant un morceau de viande que je porte à ma bouche. Je ne devais pas me laisser aller au chagrin et à la déception de la perte d'un être cher. La balle avait toujours été dans le camp de Tasyr. Il avait fait son choix. Peut-être qu'au fond, je n'avais effectivement plus rien à voir dans sa vie, à l'inverse de Dewei qu'il se faisait un malin plaisir à citer. Il savait pertinemment que je ne pouvais pas supporter ce mécréant, et pourtant il épelait son nom. Il me rappelait encore et encore qu'il avait bien plus de place dans sa vie que moi, alors qu'il le conduisait tout droit en enfer. Il n'aurait aucune rédemption à la fin... « Je crois que tu es définitivement perdu, Tasyr. Je crois... que je ne peux plus rien faire pour toi. C'est ce que tu voulais, en me vidant le portefeuille aujourd'hui ? » lui fis-je, un noeud à la gorge. Parce que la vérité était douloureuse, et que notre lien était en train de dangereusement s'effriter au point où il n'en resterait rien. « Si tu ne veux pas venir au mariage, rien ne t'y oblige. Ce n'est qu'une invitation. »

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bien qu'il l'ai désiré par son comportement inapproprié qui lui vaut déjà des ragots dans le dos (il les entend, ces autres clients dont il ne sait rien, mais qui pensent tout savoir de lui. Il les entend jurer face à son manque de respect, et les entend lui manquer de respect à son tour en lui inventant une vie pour excuser son mauvais caractère), il reste tout de même perplexe face à l'attitude de Jihoon qui lui est étrangère. il se souvient de lui comme d'un homme doux et attentionné qui lui empêchait la chute, et bien qu'il se souvienne de ses cris et remontrances également, il a ancré en son cœur l'image d'un père à qui l'on peut tout dire, qui l'a même aidé à séduire sa meilleure amie par le passé. il avait pensé (égoïstement) que son aîné se serait un peu plus battu : doit-il être peiné que ça n'en soit pas le cas ? il renifle piteusement en dévorant la viande, sachant qu'il n'aura plus droit à un tel luxe avant un long moment. bien qu'il soit alerté par le comportement passif de l'ancien étudiant, il ne peut se permettre de fissurer son masque maintenant, pas si près du but. « vider le portefeuilles ? tu comptes payer ? » il dévoile toutes ses dents dans un sourire faussement innocent, comme s'il n'avait retenu que cela de sa tirade (et peut-être est-ce vrai). « en vérité ça m'arrange, je t'avoue que je suis carrément à sec niveau argent. » et c'est ainsi qu'il avait prémédité les choses, en l'invitant aujourd'hui.  Il arque un sourcil, rieur, et pose son menton au creux de sa main pour darder sur son interlocuteur des prunelles à la fois inquisitrices, et mimant la rêverie. « oh non non non ! je serai ravi d'être là pour ce grand jour où vous vous passerez la corde au cou. » il semble se délecter de la situation, enfournant un nouveau morceau de viande entre ses lèvres et prenant son temps pour mâcher. Puis, feignant réaliser son idiotie, il rectifie dans un rire joyeux. « vous passer la bague au doigt je voulais dire. ma langue a fourché. » fourché comme celle d'un serpent, aussi vénéneuse.

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Alors voilà, c'était ce à quoi nous étions réduits aujourd'hui. Lui qui n'entendait ce qu'il voulait de sorte à m'utiliser pour son confort personnel, et moi qui, une fois de plus, me pliait en quatre pour lui. Parce que je ne voulais pas le savoir affamé. Il avait bien marqué son coup. Il était vicieux, Tasyr. C'était probablement Dewei qui lui avait appris à manipuler aussi bien ses proches. Aucune pitié, aucun remords, Tasyr dévorait la viande qui grillait lentement au centre de la table, les banchan se vidant progressivement. Et moi, je mangeais à peine. Je ne dégustais pas, car Tasyr ne me laissait qu'un goût amer dans la bouche. Il était perdu, et j'avais perdu contre lui. Je pourrais me lever, lui flanquer les billets sur la table pour contenter son esprit détraqué, et fuir sa médisance pour me protéger, mais mon ego le prendrait très mal et je me devais de lui faire face, même si c'était bien plus que douloureux de l'entendre parler désormais. Ce n'était pas comme ça que ça devait se passer. Ca ne devait pas se terminer ainsi. Non, je voulais vraiment refuser de m'y résoudre. C'était Tasyr ! Un con tempétueux... Peut-être que pour une fois, je ne ressortirais pas vainqueur, parce qu'il avait bien réussi à me toucher là où ça faisait mal. Le faire-part gisait sur la table, tacheté des gouttes d'huile qui s'échappait des morceaux de viande que le syrien attrapait pour remplir son estomac. Un faire-part que j'avais tenu à lui offrir avec tellement de bonne volonté, de joie... Je reposai les baguettes à côté, prostré. Hésitant. Ce n'était pas passer la corde au cou... C'était concrétiser un bonheur qui durait depuis neuf ans avec Joo Hee. « Appelle ça comme tu veux... si c'est pour que tu foutes en l'air le mariage, je préfère ne pas t'y voir. » Aussi douloureux cela pouvait-il être, même si j'avais rêvé de Tasyr sur un des bancs à la cérémonie, tant qu'il avait ce nuage grondant et menaçant au-dessus de sa tête, je ne pouvais pas le laisser compromettre le magnifique soleil que représentati ce mariage.

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il ne faut se leurrer et se bercer d'illusions quant à ce qu'il est : s'il agit volontairement et avec une féroce intention de blesser, le gamin effronté se répugne pour ce qu'il est (et là est toute la clé de la réponse, lorsque l'on se demande encore pourquoi il se fait tant de mal, pourquoi il s'évertue à repousser loin de lui toute main tendue aujourd'hui). quelques années auparavant, il n'était encore qu'un enfant dont la volonté était surplombée par la détresse ; aujourd'hui, l'axe s'est inversé, et il se refuse à accepter l'aide qu'on lui apporte de crainte d'attirer à ses côtés ceux qui lui sont chers. Il ne peut se permettre de les offrir en pâture à Cerbère. pas un de plus, pas alors qu'Haewon lui suffit à nourrir ses envies malsaines en étant devenue sa plus belle expérimentation. oh qu'il s'en veut, pour cela aussi ; dieu qu'il aime à la voir plonger à ses côtés, lui offrant alors une présence rassurante dans l'obscurité de leurs déboires. Il feint ignorer la scène qui ravage la table, le faire-part dévasté par l'huile, les gouttes d'eau sur le bois, les banchan presque vides, se contente de remplir incessamment son estomac dans l'espoir que cela suffise pour des jours à venir. « qui a dit que je le foutrais en l'air ? aussi étonnant que cela puisse te paraître, je sais me tenir. » il l'accuse d'un regard lourd de reproches : s'il est fermement opposé à l'idée de cette union, il n'en devient pas pour autant un primate incapable de contrôle. quoique cette idée lui effleure la peau, fait frémir son épiderme d'un long frisson longeant sa colonne vertébrale. Peut-être en est-il finalement réduit à ça. « mais soit, puisque tu as l'air de ne pas tant tenir à ma présence, je t'en dispenserai. de toutes façons, j'aurai beaucoup de choses à faire en mai. » comme essayer de mourir une fois encore, brûler, écorcher le corps et laisser l'âme en paix, cesser de ternir le bonheur des autres. « Tu ne manges pas ? »

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C'était vrai ça, qui avait dit que Tasyr foutrait en l'air mon mariage ? Moi-même. Moi-même, parce que je savais très bien de quoi il était capable, rien qu'en l'observant et en l'écoutant à cette table. Il avait une capacité impressionnante à détruire tout autour de lui. Il avait changé. Il avait beaucoup trop changé pour que cela passe inaperçu. J'étais si triste. J'étais si malheureux. Tasyr n'était plus que l'ombre de lui-même. Un être ingrat qui ne faisait plus rien pour être sauvé. Il s'était offert aux ténèbres les bras ouverts, et mordait quiconque tentait de le ramener vers la lumière. Il était pitoyable, j'avais vraiment envie de le détester. Mais je n'y parvenais pas. Je n'y arrivais pas parce que c'est Tasyr, et que je savais qu'une infime partie en lui subsistait encore. Il ne pouvait pas être perdu comme ça. Il pouvait encore être sauvé. J'étais tellement prêt à me brûler les bras pour lui, quitte à ce qu'il me détruise pour qu'au bout du compte, un sourire sincère puisse redorer ses lèvres asséchées par le malheur. Parce que c'était ça, la dévotion. Je me savais dévoué à Tasyr, et même avec le coeur mis à nu et transpercé de toutes parts, je resterais debout devant lui. Je n'étais pas facile à détruire, contrairement aux apparences. Il suffisait de réfléchir, de rentrer parfois dans son jeu. « Non, pas faim. Remplis-toi l'estomac, vas-y. Tu en as besoin. » Et j'allais payer pour lui. J'allais lui donner ce qu'il voulait, parce que le peu d'amour qui restait entre nous était quelque chose à sauver à tout prix. Bien sûr que je le voulais à mon mariage, sinon je ne lui aurais pas remis ce faire-part. Mais je voulais voir du soleil en lui. Je voulais qu'il transpire de lumière, et qu'il soit bien dans sa peau. Parce que c'était ça le problème: ses muscles étaient rongés par des pensées sombres, et son dos se voûtait sous le poids de ses pêchés. « Je ne vais pas tarder de toute manière... » lui avouai-je en remettant ma veste correctement sur mes épaules. Peut-être que c'était la dernière fois qu'on se voyait, et de ce fait je tentais d'imprimer son visage creusé par les nuits blanches et les saloperies qu'il s'enfilait dans ma mémoire. Pour qu'un jour, enfin, il puisse revenir me supplier de l'aider. Car je savais que cela arriverait.

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il plie parfois sous le poids de la culpabilité lorsqu'il constate avec quelle aisance ses mots fissurent et font voler en éclats ceux à qui il tient ; il ne cède jamais, lui qui a grandi et dont la volonté s'est accrue. Les mains lui sont tendues de bien des endroits, et s'il souhaite les saisir pour s'extirper, sa raison déréglée le rappelle à l'ordre en lui susurrant à quel point il en est indigne, une plaie pour le bonheur, un blasphème pour l'Homme. Au fond, tout ne part jamais que d'une bonne intention : celle de blesser pour ne pas être retenu, celle de ne pas être retenu pour ne pas nuire ; seules les méthodes en sont douteuses et malveillantes. Il grogne en capturant de ses lèvres le dernier morceau de porc, plissant les yeux dans un plaisir coupable en songeant qu'il n'aurait jamais pensé en manger un jour, il y a quelques temps. En songeant qu'il déshonore sans nul doute sa mère, qu'il fait honte une fois encore à son père. Ça aussi est un fléau à ses yeux, une difficulté qui l'achève, mais qu'il tait et qu'il noie sous les substances détenant les clés d'un paradis éphémère. Un paradis-enfer qui commence à noircir la veine de son bras droit, là où il se pique désormais trop régulièrement. Là où le tube de sang est plus gonflé que jamais. « je t'écoute hein. J'aurais proposé au moins. » Ses babines forment un sourire narquois qui plissent ses yeux en une demie-lune moqueuse, qui brisent son palpitant en une fine poussière. Qu'il aimerait cesser d'agir ainsi, et pouvoir se fondre dans la normalité de la foule ; pouvoir contrôler ses colères et ses peurs, ne plus délirer, ne plus ressentir ce plaisir coupable au sang qui coule (le sien ou celui d'un autre), ne plus nécessiter les maux pour se sentir puissant. « Hein ? Tu pars déjà ? » Tasyr entrouvre les lèvres sous la surprise, fronce les sourcils d'incompréhension. Certes ses mots sont poison, rudesse et indélicatesse. A-t-il pourtant mis si peu de temps pour déjà le détester, pour désirer s'en aller ? Il ne peut lui en tenir rigueur, là était son but premier. « très bien alors. j'imagine que t'as beaucoup de choses à faire. Et puis je dois rentrer tôt aussi, Haewon m'attend chez nous. » chez nous. son vieux studio qui tombe en ruine, qu'il surnomme pourtant de façon si douce à l'oreille. Un sanctuaire de décadence qui leur colle à la peau, et enchaîne dans le secret leurs monstres.

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Le repas fut bien rapidement englouti par le gumiho. Il avait un bon appétit, j'étais content de ça. Et il était fauché, de surcroit. Il fallait croire que j'étais masochiste, à accepter de lui payer à manger alors qu'il venait clairement de manquer de respect à moi et Joo Hee. J'aurais pu lui en foutre une, l'engueuler bien haut et fort de façon à ce que tout le monde puisse le juger sans la moindre délicatesse. Mais méritait-il tout cela ? N'était-il pas tout simplement en train de souffrir déjà ? C'était le raisonnement que j'avais, alors que j'observais ses baguettes passer de la plaque chauffante à ses lèvres plusieurs fois. Oui, c'était fini. Ce repas marquait probablement l'arrêt de nous. Comme une rupture, un adieu. Je préférais dire au-revoir, car une infime partie de moi pensait que Tasyr allait revenir vers moi. Qu'il n'était pas si perdu que ça. Que la forme disgrâcieuse qui faisait de l'ombre à son petit soleil allait finir par disparaître et qu'il prendrait conscience que ses fréquentations actuelles ne lui permettraient pas de s'élever. La vermine rendait les gens comme elle. Tasyr méritait bien mieux que de s'inspirer de Dewei. Bon sang, je rêvais de savoir ce dernier six pieds sous terre tellement ses intentions étaient toujours mauvaises. Il m'avait volé Tasyr, en quelque sorte, et même si je savais qu'ils éprouvaient des sentiments difficiles l'un pour l'autre, c'était du poison. Du venin que Tasyr s'injectait lui-même et dont il prenait plaisir à partager avec plus faible que lui. Hélas, je n'étais pas faible, moi. Bien au contraire, j'étais bien plus supérieur à Tasyr et c'était sûrement ça qui le poussait à être odieux avec moi: il enviait ce que j'étais et ce que j'avais, car comme Icare... A trop vouloir s'approcher du soleil, il s'en brûlait les ailes. Il était fatigué, Tasyr, et tout cela je pouvais le voir dans ses yeux. Parce que ses yeux ne trahissaient pas son état d'esprit. Son corps pouvait feindre l'ignorance, le sarcasme et la fierté, mais ses yeux étaient son pire ennemi. « Ne vous faites pas trop de mal. » répondis-je en sortant de mon porte-feuille deux billets verts. Je me levai sagement et allai payer, m'inclinant pour remercier le serveur d'avoir pris soin de nous. Je ne manquerais pas d'appeler Eun Hye pour lui faire des louanges sur son restaurant. Je revins à la table et récupérai mes affaires, direction la sortie où je remis mes chaussures. « Aurai-je l'occasion de te revoir ? » demandai-je, pas certain si Tasyr pointerait le bout de son nez à la cérémonie ou pas. Je n'aimais pas les au revoir. Parce qu'ils me laissaient toujours un goût amer à la bouche. Mais avec Tasyr, comment pouvait-il en être autrement ?

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Ses sourcils se froncent sous la requête de son aîné. ne vous faites pas trop de mal. que cherchait-il à sous entendre par de tels mots prononcés ? Il n'a jamais eu la moindre intention de nuire à la gumiho, tout cela n'est qu'un dommage collatéral causé par sa crainte vicieuse de la solitude, et ce simple fait lui suffit à s'excuser seul de ses actes.  le bien seulement s'illustre dans leur routine lorsqu'ils sont ensemble, le bien malsain qui les ronge et les retient prisonniers de substances qui noircissent les veines et dilatent les pupilles. Le gamin recule, posant ses deux mains sur son estomac alors rempli dans un soupire de béatitude qui regonfle ses joues creuses et les colore d'un pâle bordeaux contrastant avec l'ivoire blafard de son épiderme. « on ne se fait pas de mal. bien au contraire. » si tu savais. S'il pouvait lire en ses yeux la joie d'avoir trouvé une complice à ses frasques, une poupée à façonner à son image ; s'il pouvait lire en ses yeux à quel point le malheur s'effrite lorsqu'ils quittent le monde pour rejoindre le leur, lorsqu'ils sont loin. Lorsqu'ils sont si prisonniers qu'ils ne calculent leurs actes ni même ne s'en rappellent le lendemain ; lorsqu'il trace de vives marques dans sa nuque au pinceau de ses lèvres et apprend la texture de ses seins par ses paumes, lorsqu'elle rougit son dos de ses ongles et l'enivre de son odeur. lorsqu'ils sont piégés dans un paradis factice. Le mal viendra plus tard, lorsqu'ils devront payer de leur chair le prix du péché ; ils vivent en attendant en cadavres qui se pensent rois, qui coulent leur argent volé ou quémandé dans des choses trop nocives. Tasyr laisse à son aîné le soin de payer (n'était-il de toutes façons pas là pour ça ?), préfère enfiler à nouveau ses chaussures et sa veste après avoir raclé une dernière fois l'un des bols d'accompagnements. Il tapote sa poche pour s'assurer que son téléphone et ses cigarettes s'y trouvent bien, réajuste ses mèches trop longues d'un coup de main ; enfin adresse un premier vrai sourire (un qu'il ne simule pas) à Jihoon. « tu me reverras toujours, Jihoon. Je ne sais pas quand, mais je refuse que ce soit la dernière fois. » quand j'en aurai assez, quand j'aurai besoin de lumière. quand j'aurai besoin d'agir en monstre, ou bien de billets verts. ou bien quand je m'en irai, juste avant que l'on m'enterre. le gamin pousse la porte pour quitter les lieux le premier, sortant de son paquet d'ice blast l'un des cylindres qu'il porte à ses lèvres. « si tu veux bien m'excuser maintenant, rien de mieux pour digérer qu'une bonne clope. »

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Au revoir. Il fallait se dire au revoir maintenant. Et j'étais partagé entre l'envie de tourner le dos et d'avancer sans lui adresser le moindre regard, ni même le moindre mot, et l'envie de le prendre dans mes bras pour lui supplier de changer, de redevenir le garçon que j'avais toujours apprécié dans la vie. Mais non, je restai silencieux, observant Tasyr sortir de sa poche ses précieuses cigarettes qui vont finir par le tuer, tout comme le reste du cauchemar qu'il est en train de vivre et dont il est prisonnier de son plein gré. Il était misérable. Il était pitoyable. Ca me fendait le coeur. Il n'avait même pas pris le faire-part pour se souvenir de la date. Mais il disait qu'on se reverrait. Enfin, au revoir prenait tout son sens. Alors nous nous reverrions. En quelle occasion, je n'en savais trop rien. Pour me dépouiller, pour me rabaisser, pour qu'il puisse se sentir vivant et surtout supérieur face à la lumière que je représentais dans son ciel tout gris, à la limite du noir. Mais je voulais que la prochaine fois soit meilleure. Je voulais que la prochaine fois soit aimante et douce. Aujourd'hui, il m'en avait fait voir de toutes les couleurs, et j'allais lui en vouloir longtemps encore. « C'est ça, une bonne clope. » lui fis-je alors qu'il me montrait clairement que je l'emmerdais. Mais son sourire à l'instant m'avait fait réfléchir. Peut-être qu'il existait bien, ce petit rayon de soleil en Tasyr. Je voulais qu'il me sourit comme ça une nouvelle fois. Mais je ne pouvais pas lui demander la lune non plus. Alors, pour aujourd'hui, nous en resterions là. J'enfonçai mes mains dans mes poches, casquette vissée sur ma tête. Au revoir. Je n'avais qu'à tourner le dos et marcher droit devant moi. Sans un regard. Sans un mot, comme j'étais sensé le faire. Alors je pivotai sur le côté, Tasyr disparaissant de mon champ de vision. Un long soupir pour me donner du courage, et je commençai à m'éloigner du jeune homme. Quelques pas, quelques secondes, et je me sentis ralentir, pour finalement m'arrêter. Je ne devais pas me retourner et revoir ce que Tasyr était devenu. Je serrai doucement mes poings dans mes poches, puis je fronçai les sourcils et repris ma marche, plus rapide cette fois, quittant définitivement la devanture du restaurant de Eun Hye. Quelques rues plus loin, je ferais signe à un taxi et ma vie reprendrait son cours, mon coeur orné d'une nouvelle plaie sanguinolente. Je lui disais au revoir, mais je pensais connard. Tous les au revoir se réduisaient sans doute à ça, au final.