H A I M O U R

sombre comme j'ai sombré

Il referme la porte de l'espace fumeur, et avant même d'avoir esquissé un pas dans la bulle bleue, ses genoux flageolent et l'abandonnent. Il s'assoit misérablement sur le sol, porte son briquet à la tige bicolore qu'il embrase, renvoyant à l'image dont il s'embrase lui-même de jours en jours, se consumant pour ne laisser derrière lui qu'une âcre fumée. Il est un paradoxe démentiel : désireux de repousser les autres pour ne pas les entacher de son désespoir, désireux de mourir en être indigne qui pense n'avoir jamais mérité le droit de fouler le sol. Désireux de s'enfermer dans de hauts paradis factices pour échapper à la douleur, pour goûter au bonheur. Que désire-t-il vraiment, lui qui appelle la souffrance de son plein-gré et recherche l'exaltation des sens ? Le dos contre le mur, il ramène ses genoux à son torse, pose son menton contre ceux-ci. Ses orbes sont vides, tristement dépossédés de cette lueur à la fois candide et maline. Alors il entrouvre ses lèvres sèches pour recracher la fumée : il les entrouvre trop grandes, cherchant en même temps à inspirer l'oxygène qu'il lui manque à cet instant où il a l'impression de suffoquer. Bien qu'il ait grandit et que sa volonté se soit endurcie, tenir le masque ces quelques minutes lui a été insoutenable (et en même temps, il a pris un plaisir vicieux à se savoir maître de la situation, encore une fois : que désire-t-il vraiment ?). Jihoon reste jihoon, une place de maître dans son cœur meurtri et enserré par la main de la faucheuse. Et en même temps, la haine était réelle : pourquoi avait-il le droit de se marier et se ranger alors que lui-même ne peut même pas se fondre dans la masse et entrer dans le moule de la normalité ? Il serre les dents pour retenir un hoquet de sanglot, étouffe sa tristesse en se persuadant d'avoir fait les bons choix.

il finira sa cigarette et rejoindra Haewon. Il l'enlacera d'une tendresse à la lisière de l'amical et ce soir encore, lui fera découvrir son monde au travers de drogues toujours plus puissantes. Peut-être même qu'elle acceptera enfin de danser contre le bassins d'inconnus contre une somme qui leur servira à alimenter leur stock, elle n'était pas si loin de craquer la dernière fois. Lui se contentera de superviser, sa veine incessamment noircissant de jours en jours. et rien qu'à y penser, ses muscles se mettent à trembler : il se demande comment il a réussi à rester lui-même face à Jihoon, sobre. Il finira sa cigarette et s'empressera de prendre le métro pour rejoindre son pitoyable studio, de planter son aiguille au creux de sa peau.