Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

Les cheveux ébouriffés par ses doigts blancs, il écarte ses lèvres dans un bâillement bruyant. Une écrivaine a percé dans le milieu depuis quelques années, révolutionnant le genre fantastique, et ne cesse pondre de nouveaux tomes de son actuelle saga que les étudiantes et étudiants s'arrachent avec frénésie. Par conséquent, l'homme ne peut se permettre de souffler un instant, occupant son rôle de conseiller-vendeur le jour, passant ses commandes le soir ; il n'a que peu de temps à offrir à sa femme et, s'il ne s'en souciait pas lors de leurs premiers jours, la culpabilité le gagne un peu plus à chaque instant. Soonae est aujourd'hui son épouse par la force d'un mariage qu'il n'a pas désiré, mais il l'apprécie un peu plus chaque jour, s'habituant à son contact comme un animal que l'on aurait domestiqué. Parfois, il se surprend même à songer qu'il n'est plus si révolté par cette union, qu'il était temps qu'il se range lui-aussi comme beaucoup de ses amis l'ont fait avant lui, après lui. Tasyr grogne, chassant les dernières traces de sommeil de ses prunelles embrumées en y frottant le dos de ses mains fermées en poing, se lève pour quitter la chaleur du lit conjugal. Il laisse ses pas le guider vers la cuisine, profitant d'un précieux jour de repos pour flâner, uniquement vêtu d'un débardeur noir et d'un boxer de la même couleur ; c'est lorsqu'il pose sa tasse de café sur la table que ses yeux se posent sur le papier. « je suis enceinte. J'ai besoin de prendre l'air, je reviendrais dans la soirée. » D'abord habitées par l'incompréhension la plus tumultueuse, les pupilles du libraire se dilatent ensuite par une peur sourde et dévorante : celle de l'inconnu qui s'entrechoquent avec celle de ne pas être à la hauteur. Puis se glisse vicieusement celle que tout ne soit qu'une blague de mauvais goût, et enfin, qu'elle désire mettre fin à sa grossesse. Les larmes s'agglutinent aux coins de ses yeux sans qu'il n'en ait cure, et le syrien attrape son téléphone de ses doigts tremblants pour appeler sa femme (quand il y pense, il se dit quand même qu'elle aurait pu le lui annoncer d'une autre manière). « chaton ? dis moi que c'est pas encore une de tes blagues..? »

* * *
Son poing fermé s'abat en trois coups sur la porte du domicile Moon & Sun. Sous son sweat blanc, son épiderme ne cesse de frémir, rongé par les angoisses, les joies, les peurs, les questions. La peau plus pâle qu'à l'ordinaire, il tape du pied, ne pouvant contenir son impatience ; la porte s'ouvre enfin sur un Jihoon à qui il adresse un pitoyable sourire, qu'il perd sitôt dans une expression encore plus blême. Il défaille même un instant, proche de tourner de l’œil. « Jihoon, je vais être papa. »

Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

Je dormais debout. Ce matin, c'était vraiment difficile de tenir la route. En arrêt maladie depuis deux jours, je n'arrivais vraiment pas à récupérer d'une vilaine grippe. C'était probablement Sae Eun qui me l'avait refilé. Elle l'avait attrapé à la crèche avant, et comme j'avais dû m'en occuper à la maison avec Joo Hee, elle me l'avait transmise. Mais il était beaucoup mieux que ce soit moi qui sois malade. Joo Hee avait des tournages et des shootings de photos. Et soyons honnêtes, c'était elle qui ramenait le plus d'argent à la maison. Alors oui, j'avais posé un arrêt maladie pour me remettre sur pieds et revenir travailler en meilleure forme. En attendant, je gardais la maison. Ménage, repas, c'était même moi qui allais chercher Sae Eun à la crèche le soir. Le matin, c'était Joo Hee qui la gérait. Mais le sommeil n'était pas au rendez-vous et maintenant, je somnolais sur le canapé alors que je regardais la télé. Léo mâchouillait férocement son os en caoutchouc. Je n'avais pas la force de faire quoi que ce soit. Je passai le mouchoir sous mon nez pour me moucher, puis j'entendis quelqu'un toquer à la porte. Léo se mit à aboyer sans cesse de son ton agaçant de petit chien. Je me levai, agitant ma main vers le canidé qui s'excitait tout seul devant la porte. « Rah mais tais-toi... » J'ouvris la porte et découvris Tasyr qui semblait avoir vu un fantôme. Je déglutis et lui dégageai le passage, sans trop comprendre ce qu'il se passait. Ce n'était que quelques secondes plus tard qu'effectivement, il avait toutes les raisons pour avoir une telle attitude. J'esquissai un sourire. « Ca arrive toujours plus vite qu'on ne le pense... Félicitations. » Je me penchai pour attraper Léo, lui empêchant ainsi de sautiller tout autour de Tasyr. Je présentai ensuite à ce dernier le canapé où il pouvait s'asseoir. « Je te sers à boire ? Ne me demande pas de l'alcool, ça ne va pas t'aider à digérer la nouvelle... »

Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

il en est terrorisé. un enfant s'apprêtant à être le père d'un enfant. pourtant, il en est aussi fier, peut-être même trop heureux pour que ses peurs en soient logiques, mais tant de sentiments différents bataillent en son être que seule transparaît l'attitude maussade accompagnant son teint blafard. il a grandi sous le poids des années, est même parvenu à entrer dans cette normalité qu'il enviait et exécrait à la fois ; il est gérant de son propre petit commerce, encore un pied dans le sport pourtant, mais considère n'avoir jamais grandi. Le vœu de donner la vie lui est plus que cher : il veut effacer les erreurs de son existence au moyen d'une copie de lui-même qu'il comblera de tout ce qu'il n'a pu avoir. mais désormais qu'il y est confronté, les questions se bousculent aux côtés des craintes, parfois moins censées que d'autres. Peut-il y arriver ? Saura-t-il être assez doux et patient pour manier cette petite créature ? Arrivera-t-il à transmettre les bonnes attitudes, ne lui fera-t-il pas honte un jour ou l'autre sans le vouloir ? Ses orbes tremblent, son corps vacille, il cherche désespérément une réponse et un soutien dans le regard de celui qui a déjà vécu cet ouragan émotionnel. « Je flippe, est sa seule réponse face aux congratulations dont il est receveur ». Tasyr s'invite dans le logement, s'assoit sur le canapé et glisse sa main gauche dans la fourrure du petit chien bruyant qu'il adore pourtant. « pourtant, je t'assure que j'ai au moins besoin d'une bière là... » de son autre main, il masse son visage, ravive les couleurs en stimulant ses vaisseaux sanguins. Il s'enfonce un peu plus dans l'assise, poussant un gémissement d'agonie mentale alors qu'il ne peut éloigner ces questionnements incessants. « je vais être papa putain... moi, papa. j'ai peur Jihoon-hyung, j'ai la trouille comme pas possible. J'ai pas peur pour moi, je veux dire, mais pour mon futur gosse. Imagine, je sais pas faire ? » et en dépit de toutes ses craintes, à aucun moment il n'a songé à mettre un terme à la grossesse, si ce n'est dans ses prières silencieuses pour que Soonae ne le fasse pas.

Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

On ne pouvait jamais prévoir quand ce genre de chose arriverait. Ca venait, comme une bombe dans nos vies, et il fallait du temps avant de s'y faire. Je ne disais pas que cela avait été facile pour moi, quand Joo Hee était tombée enceinte: malgré le fait que nous avions vraiment voulu un enfant, et depuis longtemps, quand ça devenait réel... J'avais ressenti exactement la même chose que Tasyr qui avait vraiment du mal à réfléchir correctement. Il avait peur. Pas peur pour lui, mais pour cet enfant à naître. Et comme moi auparavant, il avait peur d'être un mauvais père pour ce bébé. Il était vrai qu'au fil de la grossesse de Joo Hee, je m'étais plusieurs fois demandé si être père était vraiment pour moi. J'étais si chiant comme type. Toqué de surcroit, avec le goût d'une vie sous contrôle. Je craignais que Sae Eun finisse par devenir comme moi. Mais non, ce n'était pas ce qui était en train de se passer. Elle grandissait, notre petite puce, et elle héritait bien plus des traits de sa mère que de moi. J'esquissai un nouveau sourire à Tasyr et hochai la tête, lâchant Léo pour aller à la cuisine et sortir du frigo une bonne bouteille de bière. « Ok, va pour une bière. Tiens, bois. » Je décapsulai la bouteille et la lui tendis, me rasseyant à ses côtés pendant que Léo s'amusait à lécher les doigts de Tasyr en signe d'affection. Il avait perdu toutes ses couleurs et je savais exactement ce qu'il traversait. « Tu te souviens quand j'ai appris que Joo Hee était enceinte ? J'ai fini complètement bourré dans un bar avec Dae Hyun tellement je flippais d'être un mauvais père. » Je passai ma main sur son épaule pour la tapoter, lui offrant ainsi tout mon soutien. « Mais tu ne seras pas un mauvais père, Tasyr. Ok ? Tu ne le sais pas encore, mais quand il sera là ce bébé, dans tes bras, tu te rendras compte que tu ne pourras que lui offrir le meilleur de toi. » Et dans un sourire sincère, je lui relevai la bouteille de bière pour qu'il boive.

Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

Les démons qui l'ont autrefois rongé, qui ont autrefois failli lui ôter la vie, qui ont autrefois plongé son univers dans les ténèbres sans fin, sont aujourd'hui prisonniers d'une cage à la clé bien gardée. Tasyr n'est pas sot au point de songer qu'ils ont disparu, voilà pourquoi il veille si attentivement à lui-même aujourd'hui, s'accordant le plus grand des respects pour s'assurant que jamais plus ils ne rôdent en liberté. L'idée que sa femme puisse donner la vie l'excite autant qu'elle ne le terrorise : sera-t-il capable de ne pas nuire à sa progéniture, de ne pas lui faire subir ses excès de folie, de ne pas façonner en cet enfant un être aussi malsain qu'il l'eut été ? Et si il (ou elle, l'idée d'avoir une fille est loin de lui déplaire) ne cessait de pleurer à ses côtés, s'il était incapable d'apprendre les bons gestes ? Caressant l'animal d'un geste mécanique visant à se rassurer lui-même, il force un faux sourire à combler l'espace de ses lèvres pour l'adresser à son aîné lorsque la bouteille apparaît dans son champ de vision. Il a vingt-six ans, et s'il a côtoyé des situations terrifiantes, rien ne lui semble aujourd'hui plus effrayant que cette simple nouvelle. Le libraire alors la bière de ses deux mains, le talon fracassant le sol dans un tapotement effréné témoignant de sa nervosité. « merci. » attentif, il ne lâche pas Jihoon des yeux : il sait d'ores et déjà que l'homme recèle de conseils précieux puisqu'il est aujourd'hui père d'une enfant de trois ans. « tu me connais mieux que tout le monde. tu sais très bien de quoi je suis capable, et aussi que si j'apprécie beaucoup soonae, je ne l'aime pas comme devrait l'aimer un mari. Tu penses que mon enfant le sentira ? » mon enfant, de simples mots qui renversent le rythme des palpitations de son cœur, forment un doux sourire sur ses lèvres. il porte le goulot à sa bouche, déleste la bière d'une gorgée puis deux. son timbre devient grave, sa peau livide à nouveau, prêt à confesser l'un de ses secrets, de ses péchés. « et puis à côté de ça... je sais, tu ne vas pas approuver... mais je continue de voir Dewei de temps en temps. Rarement, peut-être une fois par an si j'ai de la chance, mais assez pour être toujours fou de lui. »

Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

Il avait probablement raison sur un point. Je le connaissais peut-être mieux que quiconque. C'était étrange dit comme ça, car rien de familial ne nous liait, mais je l'avais vu grandir et mûrir. Je l'avais vu passer par des phases sombres et des phases plus lumineuses. Son parcours ne fut jamais facile, mais j'avais tout vu en Tasyr et je pouvais clairement savoir ce qu'il se passait dans sa tête aujourd'hui. Il était content, mais il contenait cette joie tant que possible, tant qu'il n'était persuadé de tout le bien qu'il pouvait offrir à son futur enfant. Un bébé ne se faisait jamais seul. Il devait savoir que Soon Ae serait là pour l'élever aussi. Mais justement, c'était ça aussi qui l'effrayait: l'amour qu'il portait à son épouse n'était pas "normal". Je savais que leur mariage était arrangé, qu'il éprouvait une affection sincère pour sa femme, mais son coeur ne battait pas aussi fort qu'avec Dewei, dont il ne manqua pas de me rappeler qu'il faisait toujours partie de sa vie, même s'ils ne se voyaient que deux fois par an à tout casser. Je continuais de croire que cet homme était vraiment néfaste pour Tasyr. La preuve, depuis qu'il avait fait sa vie ailleurs, qu'il fréquentait moins souvent le syrien, ce dernier ne s'en portait que bien mieux. Son chemin n'était pas semé d'embûches, et il était bien dans sa peau. Je fis pianoter mes doigts contre mon genou, pensif. Ses peurs étaient légitimes, mais je devais avant tout le rassurer. Avoir un enfant, c'était un vrai cadeau. « Je ne vais rien dire sur Dewei, je ne peux toujours pas me l'encadrer. » Je me décalai un peu pour tousser dans mon mouchoir et éviter de le contaminer. Putain de crève de merde. « Du moment que ton foyer n'est que bonheur et joie, il n'y a pas de raison que ton enfant ressente quoi que ce soit de néfaste. Je suis sûr que vous êtes capables de ça. » lui répondis-je avec toute la sincérité du monde. Il devait vraiment se réjouir de cette nouvelle. Bon, peut-être se taper une bonne cuite ce soir, histoire de bien digérer tout ça, et après embarquer dans le train de la grossesse de sa femme. Car c'était très important ça aussi: soutenir sa moitié dans cette longue et dure épreuve.

Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

Il se souvient de ce jour presque risible qui avait pourtant commencé d'une façon toute aussi banale que les autres. Occupé à dompter ses mèches folles grâce à l'écran de son téléphone, Soonae avait pénétré sa chambre sans s'annoncer, accompagnée d'un homme qu'il avait sitôt identifié comme son père. La surprise lui avait arraché un hoquet, mais elle n'était que minime face aux mots qui ont suivi. Elle le voulait pour mari, et venait de le choisir de la même façon qu'elle aurait pu désigner une peluche sur un stand de foire. S'il avait nié et protesté les premiers jours, la jeune femme avait subtilement su convaincre le père du syrien pour que ce dernier vienne également s'ajouter à la pression subie, et il avait fini par céder. Au fil des mois, une sincère amitié s'était construite en répit de ses réticences, si bien qu'il avait cédé plusieurs fois à son corps, qu'ils avaient finit par instaurer à leur routine le fait de faire l'amour comme un couple normal. Ils avaient emménagé ensemble, et aujourd'hui, ils allaient être parents en se tenant la main. Le hasard fait parfois basculer la vie d'une façon bien étrange. Tasyr soupire, le rêve peint sur le bout de ses lèvres roses. « tu sais, il a beaucoup changé. Il a un bon travail, il monte en grade, et il a l'air vraiment épanoui. » ça lui fait mal, au fond, de constater l'ignoble réalité : le chinois est épanoui grâce à sa femme, et non grâce à lui. Mais au fond, n'est-il pas dans le même cas ? Hors, conscient de ne pas être en ces lieux pour parler de cet homme, il dérobe une nouvelle gorgée de liquide à sa boisson. « ouais... mais putain, je m'y fais pas. je veux dire, je me suis levé comme tous les matins, j'étais content d'avoir un jour de congé et... et je trouve un mot sur la table en me disant qu'elle était enceinte et qu'elle était partie réfléchir. A ton avis, ça veut dire quoi ? » ses prunelles brunes se teintent d'angoisse, il peine à déglutir et porte son pouce à ses lèvres pour en mordiller l'ongle. « tu penses qu'elle ne veut pas le garder ? Qu'elle oserait faire ça ? » A nouveau, les couleurs semblent le quitter, et le syrien baisse le menton dans un reniflement pitoyable : puisqu'à l'instant, il meurt d'envie de fondre en larmes à la simple idée que l'on puisse lui retirer l'enfant qu'il n'est pas encore là, mais déjà gravé dans son cœur.

Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

Je ne savais pas si j'étais vraiment utile à Tasyr. Il avait toqué à ma porte, pensant forcément à moi en premier lieu dans ce genre de situation. Peut-être même qu'il ne voulait pas entendre de tels mots sortir de ma bouche. Son mariage était forcé, mais je lui disais que son couple avait l'air heureux. Ce n'était qu'une façade, mais cet enfant n'était-il pas la preuve que leur mariage allait bien ? J'étais un peu dubitatif. Tasyr souffrait de ce qui était en train de se passer, mais il semblait d'ors et déjà attaché à cet enfant. Il vidait la bouteille de bière au fur et à mesure, Léo à présent calmé entre nous deux et levant les yeux sur nous lorsque nous prenions chacun la parole. J'avais tellement envie qu'il puisse se réjouir de cette nouvelle... Apprendre qu'il allait devenir papa avec un simple papier sur la table, par contre, c'était un peu moyen. Soon Ae avait fait une erreur, sûrement, mais elle devait être dans le même état que lui: hésitante, craintive. Ils devaient se voir et en discuter. C'était important. Un enfant était au milieu ! « Tasyr, je ne sais pas ce que compte faire Soon Ae... Tu devrais l'appeler. Tu as ton téléphone sur toi ? Appele-la, ou laisse-lui un message. » lui confiai-je en lui prenant la bouteille de bière. On allait éviter de trop le faire boire, sinon il n'allait pas assumer au téléphone. C'était important, il ne pouvait pas se défiler. Ce genre de décision se prenait à deux, en vrai couple marié, même si les sentiments n'étaient pas forts. « Tu ne peux pas laisser Soon Ae réfléchir toute seule. Je pense qu'à ce stade, tout ce dont elle a besoin, c'est de toi. Tu dois lui montrer que tu es un soutien pour elle, quelque soit la décision que vous prenez ensemble. Tasyr, écoute-moi putain. Tu vas le passer ce coup de fil. » Je tapotai ses poches à la recherche de son téléphone, soudain motivé à lui faire composer le numéro de sa femme. J'étais persuadé que c'était la meilleure chose à faire. Autant pour calmer Soon Ae que lui-même.

Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

comme n'importe quel garçon venant au monde, il avait un jour juré ne jamais vouloir d'enfant, préférer faire carrière dans les jeux vidéos et rester éloigné des filles qui n'apportent que des larmes et des problèmes. Puis il avait grandi, et pourtant, entre son enfance et l'annonce de la mâtiné, l'intense sentiment qu'il ne se soit passé qu'un unique jour lui compresse la poitrine. Son envie de pleurer se mêle à son désir de rire de sa pauvre situation, et il se contente de soupirer, encore. Il pourrait même donner l'image d'un futur père à qui rien n'a sourit, qui ne désire aucunement la paternité ; et pourtant, sa seule crainte réside dans le fait que cet embryon puisse déjà disparaître. Il mordille ses ongles, manque de peu de casser la pointe de celui du pouce, alterne parfois avec le goulot de la bière. Il se sent minable et les questions se fracassent contre son esprit désarmé. Jihoon est-il passé par les mêmes questionnements ? Tasyr frotte ses cheveux, avant de laisser sa main retomber sur sa joue puis masser son visage. « Je l'ai appelé ce matin pour confirmer que ça n'était pas une blague, mais sur le coup j'ai pas assuré. J'ai pas pensé à lui demander ce qu'elle voulait faire, et elle m'a dit qu'elle coupait son téléphone. Elle a besoin de réfléchir. Je lui ai envoyé des messages, rien à faire. Je réessayerai dans une ou deux heures. » il s'affale, le corps sombrant vers l'arrière et se fondant presque dans le dossier du canapé. Il meurt d'envie de poser une litanie ivre de questions, sans cohérence les unes avec les autres, juste pour rassasier sa curiosité et apaiser ses craintes. Mais à la place, effrayé de passer pour un enfant alors qu'il se doit d'être un homme, il penche la tête sur le côté. « t'as choppé la crève ? pas cool... c'est ma princesse qui t'a refilé ça ? » parce que malgré tout ce qu'il a pu dire un jour sur le couple qu'ils forment avec Joohee, sur leur envie de procréer... il considère sae eun comme une sœur au même titre que Jihoon est un père pour lui ; ou bien une cousine. un véritable membre de sa famille qu'il couvre souvent de petites attentions et dont il aime prendre soin, qu'il se plaît à surnommer princesse.

Ê T R E . P E R E

donner de soi pour renaître en eux.

Ils ne s'étaient pas, tous les deux. Tasyr, d'un côté, s'était montré fort maladroit avec Soon Ae. Quant à cette dernière, elle préférait se couper du seul lien avec sa situation pour être seule. Je ne pouvais pas me mettre à la place de Soon Ae. Joo Hee peut-être était plus à même de lui parler. Mais elles ne se connaissaient pas, jusqu'à preuve du contraire... Je me sentais soudain impuissant. Tasyr était venu me voir pour être rassuré et recevoir des conseils, mais je l'enfonçais plus qu'autre chose. J'avais envie de m'excuser, mais les mots ne sortaient pas de ma bouche. Il semblait plus vouloir faire confiance à son stress et boire, encore boire jusqu'à ce qu'il ne reste aucune trace de bière dans cette foutue bouteille. Ah, Tasyr. Je me voyais à travers lui, trois ans auparavant, dans ce bar avec Dae Hyun à la limite de pleurer de joie ou de malheur. Parce que la peur m'avait rongé les intestins. C'était réel. Alors Tasyr pouvait réessayer de la rappeler dans une ou deux heures, la réalité était bien là: ils devaient en parler, et non se fuir. Doucement, je pris la bouteille de bière presque vide pour la poser sur la table basse, me replongeant dans ce canapé qui me paraissait soudain très agréable. « Hein ? Oh ouais, il y a eu une épidémie à la crèche et on a dû la gérer avec Joo Hee. Elle va mieux, mais je morfle. » J'étouffe un rire et posai ma tête sur le côté, fixant Tasyr calmement. Il était probablement conscient que ce n'était que le début. Qu'il allait hésiter très longtemps, avant même que le bébé naisse, si par chance Soon Ae décidait de le garder. Je leur souhaitais vraiment, car même si c'était un chemin difficile et effrayant, cela valait la peine d'être vécu. « Quand tu auras réussir à la recontacter, propose-lui de nous voir, avec Joo Hee. Si on peut vous aider, on sera ravis de le faire. »