Ainsi, tu n’avais donc jamais connu d’autres paysages que ceux de ton pays. De tes propres yeux du moins. Et de la péninsule elle-même, qu’en avais-tu vu ? Accoutumé à voyager, ayant déjà mis pied sur chaque continent, je peinais à concevoir les vies d’inertie. Pourtant, je savais que cette réalité correspondait encore à un bon nombre de personnes. Jamais je ne nierais la chance que j’eus de naitre dans cette famille qui est la mienne. Plus encore que la richesse, les miens se dotaient d’une ouverture d’esprit et d’une culture hétéroclite. Sans parler de ma cité natale particulièrement diversifiée. Quand bien même nombreux de singapouriens ne souhaitaient plus voyager tant nos îles nous satisfaisaient, je faisais partie de ceux qui continuaient à aimer voyager. Plus que tout, c’était la mer qui me manquait…


De courts instants, mes pensées s’égaraient, puis revenaient au sujet principal de nos interactions d’aujourd’hui. Peut-être avions-nous dérivé avec les cookies, néanmoins, je n’omettais la raison de cette entrevue. Parmi les différents membres de la fraternité, il serait mentir si je prétendais ne pas avoir été étonnée par ta candidature. Une once de curiosité m’habitait quant à en savoir l’origine. Ta réponse me laissa tout du moins quelque peu septique. Je n’étais certaine de pouvoir approuver tout des dires, mais je ne te ferais pas de remarque. À l’exception de celle-ci : « Ce qui est certain en tout cas, c’est que nous ne nous ressemblons pas. » Nous complémenter cela restait à prouver mais assurément, nous n’avions guère rien en commun. Peut-être serait-ce mieux pour éviter des frictions entre nous ? 


Cependant, du fait de nos différences, au-delà des dialogues que j’avais déjà précédemment initié, je ne me sentais guère ni la spontanéité, ni l’envie d’entretenir la conversation. Si j’avais la langue bien pendue et je n’étais pas pour autant pipelette. Or, il nous restait le temps de cuir les cookies. L’idée de te laisser te charger de la surveillance me traversa bien l’esprit, mais mon instinct me dicta de préconiser la prudence. Nous n’avions pas fait tout cela pour qu’ils finissent bruler. « Rangeons tout ça pendant la cuisson. » annonçais-je finalement pour trancher avec le silence menaçant. À défaut de parler, autant ne pas rester les bras croisés et rendre à la cuisine son aspect d’origine avant que nous nous mettions à l’ouvrage.

Quelques minutes passées ainsi, une fois chose faite, je jetais un oeil à la cuisson. Encore deux minutes à peine et ce serait bon. « Tu n’auras plus qu’à annoncer le goûter aux autres gumiho et le partager avec eux. » Non, je ne comptais pas vraiment être présente pendant la dégustation et cela pour tout un tas de raison. « Ah moins que… Peut-être devrions-nous en goûter auparavant, histoire de savoir s’ils sont conviés à un rassemblement chaleureux ou si ces cookies feront offices de châtiment ? » Après tout, nous ne savions si ne les avions ratés, bien que je ne comprendrais comment.