The rest of the world was black and white, but we were in screaming colors

tenue + Que ce soit lui qui vienne m’instruire en culture générale me laisse perplexe. « Mais quelle culture ? On nage en plein délire ! Oh, ça va. Te fâche pas ? Elle est très jolie ta constellation du pingouin… c’est quand même pas de ma faute si elle ressemble à un sandwich au fromage. » En fait, je sais pas vraiment à quoi elle ressemble. Mais je suis certaine qu’elle n’a rien à voir, de près ou de loin, avec un pingouin. Sauf si j’ai dormi assez longtemps pour que les descendants du peuple pingouin ressemblent à un club-sandwich.

Et puis, devinant les plaisirs non dissimulés qu’il prenait à me mettre dans l’embarras, je décidais de me pincer les lèvres très fort, de le regarder comme une enfant muette et de glisser, lentement du bout des doigts, une fermeture éclair imaginaire traversant d’un bout à l’autre mes lippes silencieuses. Que ma version lui plaise ou non, je jette la clef par-dessus mon épaule, si invisible même qu’il ne la retrouvera jamais. Il peut se la mettre où je pense, son « audition parfaite. »

Je croisais les bras fermement contre ma poitrine, la mine boudeuse et la bouche scellée par le sceau d’un mutisme mystérieux. Sa main atterrit sur mon front sans que je ne puisse l’éviter. Je ne sais pas ce qui est pire. Mes joues qui s’enflamment parce que de le sentir se rapprocher me ramène sans cesse à mon rêve un chouillas déplacé. Ou les libertés qu’il prend à me faire comprendre que j’ai des allures d’ivrogne doublée d’une petite caisse qui transpire la démence à moins d’une canette de bières ? « Je n’ai pas trop bu, je suis fatiguée et ce sont deux choses différentes. J’ai même carrément moins bu que ta nappe ! c’est plutôt pour elle, que tu devrais te faire du souci. » Même si on fera semblant de ne pas se souvenir que c’est moi qui l’ai renversée, cette bière.

Je ramasse mes affaires et l’aide à remballer son campement. Il mentionne Min Ah et j’hausse carrément les épaules. J’aurais peut-être dû lui envoyer un message pour éviter qu’elle ne s’inquiète… mais elle ne m’a rien envoyé non plus alors je décide de ne pas m’en inquiéter. D’ailleurs, depuis quand s’autorise-t-il à s’inquiéter pour moi ? Je détourne le regard et fixe l’écran de mon téléphone en descendant les escaliers, changeant le mode de l’appareil photo pour prendre d’adorables selcas en suivant Jun jusqu’à sa moto, qui s’agace et me prie de me dépêcher de façon plus ou moins courtoise. « Bah vas-y ! Laisse-moi ici ! Avec les loups et les mangeurs d’enfants… ! Je suis beaucoup trop mignonne pour être abandonnée. » Drama Queen 2.0

Je passe mon casque que je le laisse ajuster à ma taille, grognant lorsqu’il tapote dessus et que j’essaye de le mordre pour lui faire passer l’envie de m’embêter. « T’es relou. » Parce qu’en plus il a toujours pas décidé de passer l’éponge sur ce rêve à la con. C’est lui qu’a dû rêver, j’ai jamais pu prononcer son nom en dormant… « Tu me laisses conduire ? » Je passe ma tête devant la sienne pour jeter un coup d’œil au tableau de bord, tapotant mon index sur la jauge d’essence comme une connaissance, étrangement calme et sérieuse. Un seul de ses regards me fait comprendre que genre, non, c’est mort, y’a pas moyen que je la frôle même du petit doigt. « Me regarde pas comme ça, ça valait le coup d’essayer. » Je dis en grimpant derrière lui, glissant par habitudes mes bras autour de sa taille. « En voiture, Simone ! » Je m’arrête. « Je déconne. Allez, vas-y bébé. » Je pose mes deux mains de chaque côté de son casque et l’oblige à tourner la tête pour regarder droit devant lui et tapoter à mon tour sur son casque comme sur un tambour.