Son premier déménagement quand il avait 8 ans.

Son père était encore une fois muté et toute la famille devait suivre le mouvement. Loin d’être un travail d’esclave où personne n’avait à dire quelque chose, son géniteur ne savait simplement pas dire non dès que son patron lui demandait quelque chose. Alors il obéissait. De la même façon qu’il avait obéit quand on lui a demandé s’il pouvait partir en Chine 2 ans avant la naissance d’Haneul.

Ce jour-là, Haneul se souvient avoir beaucoup pleuré, il ne voulait pas quitter ses amis. Il voulait rester et avait même parler d’aller en internat tout seul comme un grand ! Dommage que l’école primaire ne faisait pas ce genre de service… Alors il était obligé de partir, à contre cœur. Peut-être que ça l’a forgé finalement.

Ce petit garçon enjoué, sociable et  naïf venait d’apprendre que les relations humaines ne duraient pas éternellement. Tout prenait fin un jour, qu’il le veuille ou non.

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Autre souvenir plus présent que jamais, comme beaucoup de personnes d’ailleurs : son premier amour.

Déménagement, nouvelle école, nouvelle classe, nouveaux profs… nouveau dialecte aussi ! Vive la Chine et ses particularités qui mettent son cerveau à l’envers. Lui qui était devenue une bête de foire dans cette école où tout le monde se connaissait du collège, il savait déjà ce qu’ils pensaient : « ce coréen qui sait même pas parler notre langue… », « Il finira par partir, ça sert à rien de s’en occuper ». Le même genre de commentaire qu’il avait déjà eu le droit dans sa précédente école. Les enfants étaient cruels entre eux, surtout lorsqu’ils trouvaient un bébé coréen qui ne connait même pas sa langue d’origine et qui utilise mal celle du pays où il se trouve.

Mais parmi ses regards si familiers, le garçon pouvait en apercevoir un plus doux, presque sympathique. Déroutant et intimidant, il parvenait à l’esquiver jusqu’à ce que sa propriétaire ne vienne lui parler…

La routine changeait au fil des semaines : Nouvelle école, nouveaux amis, nouveaux jeux, nouveaux souvenirs mais surtout première relation sérieuse.

L’air de rien, ses années de lycées furent les meilleures qu’il avait passé dans sa vie jusqu’à la terminale. Voilà deux ans et demi qu’il était arrivé, deux qu’il vivait le parfait amour avec cette fille. Haneul était l’image du petit copain totalement amoureux vu de l’extérieur. Ses yeux brillaient dès qu’ils se posaient sur la femme qu’il aimait, il était incapable de la lâcher des yeux, incapable de retenir ses sourires en sa compagnie, il la chérissait plus que tout et n’importe qui pouvait l’affirmer. Mais l’amour de l’un ne touche pas forcément l’autre. Et cette vérité, elle était dure à avaler.

Ses pas le portaient à travers les rues si connues à présent de sa ville. Le cœur battant la chamade, il s’imaginait le scénario parfait pour demander à l’élu de son cœur de passé les vacances en Corée avec sa famille. Même s’il n’était pas doué en coréen, il avait commencé à apprendre pour la guider comme il le fallait dans ce pays inconnu pour elle. Elle l’avait guidé parfaitement en France, il allait devoir faire fort pour la remercier comme il le fallait cette fois-ci ! Il serait même capable d’abandonner sa chaîne et ses fans le temps des vacances pour les lui consacrer entièrement, c’était dire combien il était sérieux dans sa demande. Naïf et timide, lorsqu’il frappait à la porte, il attendait patiemment que la jeune femme vienne lui ouvrir mais c’était un homme un peu plus âgé qui lui ouvrait. Un peu déconcerté, il le saluait poliment malgré tout. Elle ne lui avait jamais parlé d’un frère… Pourtant vu comme il était habillé, il aurait préféré que ce soit un frère caché. La jeune femme arrivait rapidement à la suite et les yeux du garçon se remettaient à briller malgré la confusion qui l’habitait. Un vague sourire aux lèvres, il lui parlait de son idée de voyage tout en ignorant royalement l’homme qui lui avait ouvert. L’amour rend aveugle, il l’était totalement. Si bien qu’en entendant le rire moqueur de sa copine, il se demandait ce qui pouvait être si amusant. L’idylle prenait fin brutalement, le masque tombait enfin, après deux ans de relation, il parvenait enfin à voir le vrai visage de celle qu’il aimait.

« T’es retardé en fait… » Fut la première phrase qui venait à la bouche de la lycéenne et tout ce qu’il pouvait faire était d’écouter ce qu’elle lui jetait à la figure insensiblement. « T’étais mignon et t’es un peu connu sur internet, j’suis pas sortie avec toi parce que j’t’aimais. Personne t’aime au lycée, tu l’as pas remarqué ? T’es chiant, lourd, collant, complètement con et visiblement attardé mental. » Face à son silence, elle rigolait une nouvelle fois, presque nerveusement. Comme si elle s’était contenue depuis si longtemps, elle semblait perdre la boule et se soulager d’un poids.  «  T’es juste un passe-temps pour tout le monde, le clown de service qui dit oui à chaque connerie pour se faire bien voir par les autres. Maintenant dégage, va aboyer à la porte des voisins pour qu’il t’adopte le chien perdu, j’ai assez perdu de temps à m’occuper de toi. »

Sans plus attendre, la porte se refermait devant ses yeux brutalement. Telle une statue, il était incapable de bouger. Le corps lourd, comme s’il avait à porter le poids de ces reproches sur ses épaules. Le cœur douloureux face à cette rupture beaucoup trop soudaine et violente. La méfiance, voir la haine, prenait place dans le vide laissé par cette femme qui avait abusé de son innocence.

Quelques heures plus tôt :
« Vas-y on peut carrément grimper là-haut.. » chuchotait le brun, visiblement intéressé par l’idée de jouer à Spiderman. Haneul, grimpait sur la benne à ordure et les pointait du doigt en souriant. « Si j’peux monter là-haut, vous m’appelez maître jusqu’à la fin de votre vie ! Et j’veux la révérence tous les matins. » Lançait-il avec une assurance sans nom. Jusqu’à maintenant il n’avait jamais fait de pari aussi risqué mais il n’en avait jamais perdu un seul. Confirmation du deal, il commençait à grimper en prenant appui sur les briques de l’immeuble. Ses pieds se posaient sur la gouttière pour l’aider parfois et c’est ainsi qu’il voyait pratiquement le bout de ce pari. Quatrième étage sur six, il n’avait plus que quatre enjambés et il était gagnant encore une fois. Sa main se posait sur le rebord de la fenêtre, dans sa précipitation, il n’avait pas fait attention à l’instabilité de la brique sous ses doigts.