Cheer up

Park Kwang Jin & Yoo Ji Eun

Quand je me sentais déprimée à cause des autres, la seule chose qui pouvait me calmer, c'était le piano. Aucun humain n'était jamais parvenu à me consoler aussi bien que la mélodie de cet instrument - et ce, sans doute, parce que le piano était la seule chose qui me connaissait mieux que moi-même. Alors, comme tous les soirs où je me sentais mal, je jouais une mélodie calme et réconfortante pour moi-même, pour soigner mes plaies. Sans cette salle de musique à la Yonsei, peut-être aurais-je eu beaucoup de mal à y être interné. Ou bien, je passerais mes mauvaises journées à me sentir mal. Ou bien, j'écouterais des chansons calmantes, comme if I were de Ahn Chi Hwan. Cette chanson m'avait toujours touchée et elle avait un effet calmant indéniable sur moi. J'ignorais si cela venait des paroles, de la voix ou de la mélodie... mais si je parvenais un jour à être auteur-compositrice, j'aimerais de tout coeur créer une telle chanson. Qui réconforte les autres.

Alors que je m'étais mise à jouer Moonlight Sonata, j'entendis la porte de la salle s'ouvrir et je me retournai brusquement. Dans ce lieu, j'avais été surprise plusieurs fois, notamment par Joo ou Eon Seo, qui avaient tous les deux eu des réactions totalement différentes. Cette fois-ci, c'était Kwang Jin, mon oppa. Un grand sourire naquit sur mon visage en le voyant. Ça faisait toujours du bien de lui parler, de le voir... avec lui, j'étais totalement à l'aise. J'étais totalement moi-même. « Salut oppa ! » Je le suivis du regard. « Je ne sais pas trop combien de temps ça fait que je suis ici... je ne vois pas le temps passer quand je joue du piano... ça doit faire une bonne trentaine de minutes ! Et toi, pourquoi tu es venu ?  » Vu son visage, je pouvais deviner qu'il n'allait pas très bien non plus.

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Park Kwang Jin & Yoo Ji Eun

J’écoutai Kwang Jin avec attention lorsqu’il expliqua pourquoi il était venu jusqu’ici. Je comprenais ce qu’il ressentait. Le piano était un des plus grands médicaments du monde, pour moi et pour lui. C’était un anti-dépresseur, un anti-stress, un somnifère, un ami. C’était un tout qui pouvait avoir tous les effets positifs sur nous. Même lorsque j’ai arrêté soudainement les compétitions, par peur de devenir connue, je n’ai pas pu arrêter d’en jouer. C’était comme si c’était une drogue, je me sentais en manque lorsque je n’avais pas le temps de m’y mettre. Il me fallait mon morceau pour passer une bonne journée… et quand je ne pouvais pas, souvent, ça me déprimait. Le piano, finalement, c’était toute ma vie – et si certains voyaient ça comme si c’était fou, ça n’avait pas d’importance.

« D’accord. » Répondis-je simplement, avec un sourire réconfortant, après qu’il ait dit qu’il n’irait pas plus loin dans le détail de ses soucis.

Forcer les autres à se confier à moi ne faisait pas parti de mes habitudes. Mes proches savaient que je pouvais les écouter lorsqu’ils en avaient besoin, mais s’ils n’étaient pas prêts, s’ils n’en avaient pas envie, je n’étais personne pour les forcer à le faire. À sa question, mon sourire prit une forme différente et je hochai la tête.

« Bien sûr oppa ! »

Je ne refuserai jamais de jouer un morceau, encore moins avec Kwang Jin. Il était une des premières personnes avec qui j’avais partagé ma passion du piano, même si à cette époque-là, nous étions supposés être des rivaux. Je réfléchis quelques instants au morceau que nous pouvions jouer ; mais comme il semblait être là, lui aussi, pour se changer les idées, j’eus un morceau en tête qui pouvait nous aider.

« Qu’est-ce que tu penses de River Flows in you ? »

C’était un morceau très réputé et j’étais sûre que lui et moi le connaissions. Aussi, il était très calme, ce qui était parfait.

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Park Kwang Jin & Yoo Ji Eun

Plutôt que jouer du piano contre Kwang Jin, j'avais rapidement apprécié jouer du piano avec lui. Nous avions ce même amour pour la musique et pour cet instrument et nous nous comprenions très bien, lui et moi. Lorsque j'étais la source de moqueries ou de harcèlement  à cause de la reconnaissance que je recevais en tant que pianiste prodige, il avait toujours été là pour moi. Même si je l'ai quitté sans prévenir, il ne m'en a jamais voulu. Quand nous nous sommes retrouvés, il ne m'a pas reproché mon choix – je l'avais laissé seul alors qu'il m'avait accompagné quand ça n'allait pas, et il ne le me l'avait même pas reproché. Je me sentais désolée pour ça et j'étais prête à me racheter pour ça, parce que Kwang Jin était mon meilleur ami. Celui qui me comprenait le mieux, avec ma grande soeur.

Je fis un grand sourire lorsqu'il approuva le choix du morceau. River Flows In You était tellement relaxante qu'elle était la musique parfaite lorsque nous avions besoin de calme et d'encouragement. La musique parlait mieux que les mots, du moins je l'avais toujours ressenti ainsi.

Ensemble, nous commençâmes à jouer la musique, qui eut immédiatement cet effet réparateur. La salle entière changea d'ambiance et je ne pensai plus à rien qu'à la douce mélodie du piano, au ressenti de mes doigts qui caressaient les touches. L'harmonie était parfaite entre lui et moi pour que le morceau ne fasse pas une seule fausse note. Mes yeux s'étaient instantanément fermés après avoir vu, du coin de l’œil, que ceux de Kwang Jin aussi.

La dernière note résonnant, je replaçai délicatement mes bras le long de mon corps et rouvrit les yeux. Le silence habita la pièce durant plusieurs secondes, mais il n'avait plus rien de lourd ou de déprimant.

« J'aime toujours autant jouer du piano avec toi, oppa. » Affirmais-je au bout d'un certain moment, d'un ton doux.

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Park Kwang Jin & Yoo Ji Eun

Tout le monde avait une façon différente de calmer son esprit. La mienne avait été, depuis que j’avais commencé à jouer du piano, la musique. En jouer était forcément une des meilleures façons mais rien qu’en écouter, ou parfois en chanter, savait me calmer dans les situations urgentes. Par exemple, dans les situations où je ne peux pas pleurer malgré ma grande envie, ou quand une situation me panique. La musique avait été mon plus grand médicament, dans les moments où je ne pouvais me confier et extérioriser tout ça. Ma grande sœur avait toujours été là pour moi mais lui parler de tout ce qui se passait dans ma tête l’inquiéterait sans doute ; et ma deuxième grande sœur, de coeur, n’était pas disponible tout le temps et avait ses soucis aussi.

Lorsque j’étais enfant, Kwang Jin était celui à qui je me confiais le plus facilement. Il pensait toujours aux autres avant de penser à lui et j’avais la sensation d’avoir trop profité de ça, et d’être parti sans rien lui dire, quand ça n’était plus nécessaire. Même si ça n’avait jamais été dans une optique de lui faire du mal, je ne pouvais pas m’empêcher de culpabiliser sur ça. Mais lui, il ne m’en avait jamais voulu. Il n’avait montré aucune rancœur, juste de la compréhension, rien de plus qu’une trop grande compréhension. Il n’avait pas changé.

« Oui, Kiss The Rain me va aussi. »

Kiss The Rain était très relaxante mais bien plus triste que River Flows in You. Cette dernière était une vraie chanson calmante et encourageante mais Kiss The Rain avait des notes beaucoup plus dramatiques. S’il réclamait une chanson aussi triste, son esprit devait être au moins aussi mal que la chanson était triste. Je lui souris, sans rien demander une nouvelle fois, et positionnai mes mains pour jouer le morceau. Puis, nos regards se croisèrent et nous commençâmes à jouer le morceau simultanément.

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Park Kwang Jin & Yoo Ji Eun

Jouer du piano avec quelqu’un, c’était quelque part être relié avec la personne le temps d’un morceau. Être synchronique et complémentaire, le temps d’un morceau. C’était, par conséquent, ressentir les émotions de l’autre pour les compléter avec les siennes. Ou parfois, jouer les sentiments de l’autre à sa place. Pour qu’un morceau à quatre mains rende bien, il fallait être en totale harmonie – et cette harmonie, Kwang Jin et moi l’avions toujours eue. Peut-être parce que nous savions tous les deux se plier à l’autre pour que l’autre soit à l’aise, ou juste parce que nous nous étions toujours bien entendus.
Toujours était-il qu’il n’y avait aucun doute : les morceaux que nous jouions ensemble montraient bien que nous étions sur la même longueur d’onde. Ce qui impliquait aussi, comme dit plus haut, ressentir ce que ressentait l’autre. Je n’avais pas besoin qu’il m’explique les circonstances de son mal-être actuel, ni besoin qu’il formule clairement se sentir mal. Les morceaux qu’il choisissait, sa façon de les jouer, tout indiquait clairement ses émotions.

Je souris légèrement en entendant la remarque de Kwang Jin. C’était une phrase que tous les passionnés de piano avaient dû penser une seule fois : comment aurais-je survécu sans l’aide psychologique du piano ? Ça m’était arrivé aussi mais je ne pensais pas pour autant que je serais morte sans le piano. J’aurais sans doute trouvé autre chose, parce que chacun d’entre nous avait un instinct de survie. « C’est une façon de pensée… peut-être aussi que sans le piano, tu aurais eu moins de problèmes. » Je disais ça en connaissance de causes. Contrairement à moi, il avait parié toute sa vie sur la musique.