« Espèce de bouc mal léché ! Il a sauté ma cousine japonaise et lui a brisé le coeur l'enfoiré. Il laisse traîner son biscuit partout et saute sur toutes les étrangères. Franchement si je recroise sa face de chameau, je lui refais le portrait à ce dindon reluqueur de gonzesses », un vieil ami qui m'idolâtre moi et mes prouesses. Bon, pour être honnête ce type, je ne peux pas l'encadrer, donc j'ai sauté sa cousine, cousine dont il est raide dingue. Ce pauvre puceau est si désespéré qu'il fantasme sur sa propre famille. Le dégueulasse c'est lui, pas moi. Donc sa vision de ma petite personne est erronée, bien que dans ses dires, il y a du vrai, je suis bel et bien un bouc mal léché. Mais ça va, je le vis bien.

« Il est insouciant, imprévisible, égoïste et désinvolte pour certaines choses, mais bienveillant et dévoué envers sa famille et ses proches. C'est un petit con qui parfois mérite des claques. Il n'écoute personne, que sa conscience. », ce vieillard est mon voisin et on peut dire qu'il m'a plutôt bien cerné. D'un côté il a dû supporter mes conneries, et il y en a eu. Une mémorable, je dirais la bouse qui explose avec le pétard sur son pallier et un masque pour Monsieur qui à ce moment a ouvert la porte. Mais il m'aime bien au fond. Il sait que je prends soin de ma mère et que je défendrais toujours mes amis, même s'ils sont en tort. Il sait aussi le petit con que je suis. D'ailleurs je ne compte plus les coups de pieds au cul qu'il m'a foutu et à la vue de son sourire, je suis sûr qu'il kiffait, le pervers.

« Dieu, voilà qui il est. Il a la beauté d'un apollon, du charme, de la classe, il est doux, tendre, il est P-A-R-F-A-I-T ! Et non je n'ai rien fumé, je dis la vérité. Je l'adore, l'idolâtre, je me prosterne devant mon idole. » Tsss c'est si grillé que ça que les paroles ont été déformées ? Mais je suis sûr qu'au fond elle le pense réellement. Oui, c'te personne c'est ma meilleure amie, la petite Persé'. Je dirais même que le clan Katô entier m'adore et qu'ils ne peuvent plus se passer de moi, n'est-ce pas Seo Ji ? Comment ça j'suis un peu vantard ? Faut bien se lancer des fleurs de temps en temps, ça ne fait de mal à personne.

« Mon bébé, mon amour, poutoupoutou ! Oui je le chouchoute, bichonne, couve sans doute un peu trop. Mais pour un enfant qui a été abandonné, vendu, balloté, il est de mon devoir de le protéger et de lui offrir de l'amour en abondance. C'est le plus beau mon garçon. Il est grand, fort, gentil (...). C'est mon grand bébé à moi. », le reste a été coupé parce que sinon on y était encore demain. C'est ma mamoune qui ne tarit pas d'éloges à mon égard. Elle m'aime, c'est normal qu'elle ne lésine pas sur les compliments.

Il est effrayé. Il fait sombre. Il a peur. Il pleut. Qui ne le serait pas ? Haut comme trois pommes, il fuit, se cache dans un vide-ordure. Trempé, sanglotant, apeuré, fiévreux, il ne va pas survivre. Qui veut vivre une telle existence ? Il entend des pas, il arrive, il approche. Il se crispe, se recroqueville en silence. De quoi ? De qui se cache-t-il ? Un homme. Mais pas n'importe lequel. Un homme effrayant. Un homme violent. Un homme qui le paralyse, le terrifie. Il pleure, mais se mord, se déchire la lèvre jusqu'au sang pour ne pas être repéré, retrouvé et retourner dans cet enfer. Ça dur depuis si longtemps, trop longtemps. S'il y retourne, il n'y survivra pas. Ce n'est pas une vie, mais un cauchemar permanent. Trop de coups ont plu sur ce petit être, trop d'insultes, de regards méprisants, de haine, de colère, de violence. Son frêle petit corps est recouvert de bleu. Il a la peau sur les os. Il est à l'agoni alors qu'il a peine huit ans. Insupportable, insurmontable, il n'a pas la force nécessaire pour supporter encore et encore la douleur. Elle est si intense, insoutenable, déchirante. « Le mioche où tu te caches ? ... Je t'ai acheté le camion que tu voulais, donc sors de ta cachette. Petit, petit ... » Malgré le ton chaleureux qu'il emploie, sa voix est d'autant plus glaçante. Il lui parle comme s'il était un pauvre toutou errant et abandonné. C'est ce qu'il est. Une chose qu'on a laissée sur le bas-côté et qui depuis sa naissance doit supporter et endurer cette chienne de vie. Il prend sur lui, ferme sa gueule, engloutit ses sanglots. Les pas se rapprochent, peu à peu. Les secondes passent, des minutes défilent sous ses yeux et son coeur le temps de cet instant ne bat plus, il s'est arrêté sous l'angoisse, crispé sous la peur. Lorsqu'il se réveille, il est entouré de rideaux blancs, d'une odeur nauséabonde, il est à l'hôpital. Mais à ses côtés se tient une femme en sanglot, une inconnue qui lui tient ferment la main en priant le bon dieu qu'il se réveille. Cette femme lui a tout simplement sauvé la vie, sauvé de cet enfer, sauvé de cette benne à ordure dans laquelle il s'était glissé. Encore sous le choc, encore traumatisé, ses petits yeux se referment.

Un type souriant, joyeux, heureux ? Oui, heureux. Heureux du cadeau que la vie lui a offert. Pourtant elle n'a pas bien commencé. L'enfer, la violence, un cauchemar au quotidien, une vie désastreuse, si on pouvait appeler ça une vie à l'époque. Aujourd'hui ? Bonheur, amour, une famille chaleureuse, des amis fidèles qui le supporte. Oui on se croirait soudainement dans le monde des bisounours, des papouilles, des rires, même si ici le monde n'est pas rose. Entouré de sa famille et de ses proches amis, difficile d'imaginer à la vue de son sourire ce qu'il a vécu par le passé. Il reste des traces, des marques, des cicatrices qui lui rappellent tous les jours la chance qu'il a eue de tomber sur une femme qui se trouve être aujourd'hui sa mère. Il est donc évident pour ce pauvre malheureux d'en profiter maintenant qu'il a une vie confortable. Une enfance de merdre ne l'empêche pas d'être un véritable trou du cul péteux de tunes. Connaître la misère ne l'empêche pas de se goinfrer, de dépenser et de profiter. D'avoir été abandonné ne l'empêche pas de baiser tout ce qui bouge. « Tu m'emmerdes, fallait pas faire ta chienne hier soir ... » Et oui enfance difficile et gueule d'ange ne signifient pas qu'adulte il va être sage comme un agneau. Ce type n'a pas de limite, qu'une conscience, la sienne et il emmerde le reste. Comme c'te nana qui l'a bien chauffé hier soir, qu'il a sauté et qui au petit matin n'a plus que ses yeux pour pleurer. Il est bien placé pour savoir que la vie est courte, qu'il faut en profiter, se lâcher, donc il ne faut pas s'attendre à ce qu'il fasse dans la dentelle, bouche en cul de poule et auréole au-dessus de la tête. Il a la gueule, mais ce n'est pas un ange.