Dress ~ Le 11 octobre 2013, vers 5h45 du soir, il faisait déjà presque totalement nuit, il m'a dit :

« Ella, tout s'arrête entre nous, à partir de maintenant. Ne me contacte plus. »

C'est là, sans doute, que tout s'est joué. En dernière analyse, ce sont ces moments-là qu'on retient toujours. Ils sont comme des phares le long de la côte. C'est en tout cas là que je l'ai perdu, au sens propre comme au sens figuré.
Il ne se passe pas un jour sans que je pense à lui. Le lieu ? Quelque part entre Anacortes, sur la côte du Nord-Ouest Pacifique, et Glass Island.  À bord de l'Elwha. Le moment ? Peu de temps après ma première fois. Après lui avoir offert ma virginité.

Il faisait un froid glacial ce jour là. Je m'en souviens. La pluie tombait à seaux renversés. À cause du vacarme infernal des rafales de vent, il avait élevé la voix. Et, bien entendu, j'ai fais de même.

« Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?»
« Je sais que j'aurais du t'en parler plus tôt. »
« Parler de quoi ? »

Avec ce foutu boucan, j'étais obligée de hurler, pour me faire entendre.
Le ferry tanguait, nous contraignant presque à danser sur place. Nous nous trouvions sur le pont inférieur ouvert à tous les vents, près des voitures, alors que les autres passagers étaient douillettement assis là-haut, bien au chaud dans les ponts supérieurs fermés, à se raconter leur journée. C'était lui qui avait tenu à descendre ici. À croire qu'il ne voulait pas qu'on nous voit ensemble. Pourtant nous étions venus à cette croisière, main dans la main, en couple, et amoureux. Du moins, c'est ce que j'ai cru. C'est ce que je voulais croire...

« Ella, je veux que notre histoire se termine. J'y vois clair désormais. Il est arrivé quelque chose et cela m'a fait réfléchir. J'ai compris même si cela m'a pris du temps. »
« Qu'est-ce que tu as compris ? Nous venons de faire l'amour. Je viens de t'offrir mon... ma... Qu'est-ce que tu racontes ? Je ne suis pas assez bien pour toi ? Je vais devenir meilleure à force de pratique, ne t'inquiète pas. »
« Ella, ça n'a rien à voir avec ça. J'ai découvert la vérité. »
« Quelle vérité ? »
« J'ai découvert qui tu es. »

Voilà ça a commencé comme ça.
Une séparation, comme il y en a des millions chaque année à une époque où tout le monde veut le bonheur sans en payer le prix. J'avais dix-huit ans, cet automne-là.

« Qui je suis ? De quoi est-ce que tu parles, à la fin ? »

Cette fois, il ne m'a pas répondu.
J'ai senti mes intestins se nouer. Un pincement au cœur. Je comprenais mieux pourquoi chaque matin au réveil, depuis une semaine, je contemplais l'écran vide de mon téléphone. Pas de texto.
Chaque fois que j'y repensais, le constat me filait la nausée. Jusqu'à il y a quelques jours encore. Pas un seul matin ne se passait sans que je trouvasse un petit message tendre au réveil. Juste quelques mots, dont chacun témoignait de la profondeur de nos sentiments. De même que j'en envoyais un chaque soir. Avant de m'endormir. Celui de la semaine dernière était un brin grandiloquent. Il disait : Rien ne nous séparera jamais. Je t'aime. Je t'aimerai toujours.

Mais il ne l'a pas reçu. Car je ne lui ai pas envoyé. Et depuis une semaine, je n'écris même plus de texto pour lui. Je sais ce qu'est une rupture. J'ai vu Josh Landis très pâle, au bord des larmes, au fond de ce pub miteux, quand Casey Hinshaw lui a annoncé que c'était fini. J'ai vu Tess Parsons, une fille bien, ravagée pendant des semaines quand cette salope de Shanna McFaden a diffusé une vidéo où on voyait Danny Lovasz, l'ex copain de Tess, jurer ses grands dieux que Tess n'était rien pour lui. Je sais ce qu'est une rupture. Mais j'ai eu du mal à l'accepter.

Je sais ce que vous pensez. Dix-huit ans. Première fois. Premier amour...
Et après ? Il y a des gens qui se rencontrent à cet âge et qui restent ensemble toute leur vie. Mais tel n'était pas notre destin. Je le sais, désormais. J'en suis même convaincue. En grande partie grâce à ma meilleure amie. Je ne serais tellement rien sans elle. Et encore aujourd'hui, elle m'aide.

Et me voilà, aujourdhui, toute apprêtée à rejoindre mon rendez-vous à la Fleur Blanche. Un rendez-vous Tinder. On ne juge pas s'il vous plaît, j'ai simplement l'espoir de trouver l'homme de ma vie ainsi. Il m'a donné sa description et il faut dire qu'en arrivant, je l'ai très vite remarqué. Un mec avec une chemise hawaïenne, ça se remarque à des kilomètres. Il y avait cependant un souci. Lequel ? Il ne ressemblait, mais alors, pas du tout aux photos qu'il m'envoyait. Je me permets alors de lui dire que  cela ne sert à rien d'espérer quoi que ce soit avec moi et m'éloigne pour profiter, une fois de plus, du lieu et de la soirée, seule.

Looking like Demain, c’est un jour comme nous n’en connaîtrons pas beaucoup maintenant que nous sommes chez Starship et je compte bien en profiter un maximum. Un jour de congé, une journée parmi tant d’autres où ils ont décidés de se montrer généreux et de nous laisser nous reposer un peu. La nouvelle est tombée aujourd’hui, ils ne nous ont donc pas vraiment laissés l’occasion de nous organiser pour nos potentiels projets du lendemain. Au final, moi, ça ne me dérange pas. Je n’ai aucune famille à aller voir, aucuns parents dont je dois prendre des nouvelles, je me considère comme tout à fait libre de faire ce que je veux. Alors que nous prenons une petite pause avec les membres, nous parlons déjà de ce que nous ferons demain. Personnellement, je commencerais à profiter dès ce soir. Hermès est mon nom de scène après tout, je vole comme les oiseaux et moi, je me considère comme un oiseau de nuit. Mes journées de congé sont parfaites pour me permettre d’hiberner et de reprendre mes forces. Ce soir, il est donc déjà prévu que je sorte même si je ne sais pas encore où ni avec qui… Je réfléchirais aux détails plus tard de toute façon, la fin de la pause est annoncée et je me reconcentre sur les répétitions de mon groupe.

Motivés par l’idée d’une journée de repos bien méritée, nous nous donnons un maximum pour les dernières heures. Quand je nous regarde dans le miroir, je nous revois sur cette scène, cette première scène et je suis fier de ce que l’on est devenu. Nous avons perdu des membres en chemin, plus que ce qui était prévu à la base et nous ressentirons pour toujours leurs absences –même moi qui était plutôt enclin à leur départ. Mais maintenant, nous sommes quatre et nous resterons quatre, c’est sûr ou en tout cas, je ferais tout pour que ça ne se passe pas autrement. Je regarde souvent mon frère jumeau, ce lien entre lui et moi est unique et c’est pour ça que je ressens parfois le besoin d’échanger un regard, un contact visuel avec lui. Les heures passent beaucoup plus rapidement même si nous répétons les mêmes danses sur les mêmes chansons encore et encore, c’est ce qui nous passionne alors nous ne nous en lassons jamais. Mais quand l’heure est annoncée et que nous sommes relâchés, je dois avouer que nous sommes tous très enthousiastes également. Nous récupérons rapidement nos affaires et je tente de proposer à mon frère de m’accompagner. Evidemment, il refuse, il doit être fatigué et préfère passer sa soirée à se reposer dans notre appartement mais moi, je ne me sens pas du tout fatigué, ce serait même le contraire ! Je me dépêche de récupérer mon sac et sors rapidement de l’agence. La vie d’idole est loin d’être simple, chaque jour qui passe, je perds du poids et je me muscle en même temps, je me lève tôt, me couche tard et n’ai en aucun cas ce qu’on pourrait appeler une vie saine. Mais je m’en contente et je devrais même dire que je suis heureux comme ça.

Rentré au dortoir des pyo sur ma nouvelle moto, je peux au plus vite me laver et me préparer à sortir. Je ne fais pas dans la dentelle, ce n’est qu’une soirée après tout et je n’ai pas envie de passer des heures à me préparer simplement pour cela. Une fois mes vêtements enfilés, je reprends la route, ma moto étant devenue mon moyen de transport préféré. C’est peut-être un peu prétentieux mais il faut avouer que c’est assez cool et que ça donne toujours un style. J’ai choisi l’endroit où débuter ma soirée un peu plus tôt, ça s’appelle La Fleur Blanche : un nouveau bar où je n’ai pas encore eu l’occasion de me rendre. Je ne compte pas aller dormir tôt ce soir, peut-être que ce ne sera pas le seul endroit où j’irais ce soir, ça dépendra des personnes que j’y rencontre. Arrivé au lieu, je remets rapidement ma veste dans un petit souci d’esthétique avant d’entrer dans ce fameux bar. Je me rends d’abord du côté des boissons et observe plusieurs visages sans en reconnaître… quoique ? Je me penche un peu et vois une jeune fille aux traits familiers. Je plisse les yeux comme si ça m’aiderait à la reconnaître plus vite mais il n’en est rien, je sirote ma boisson avant de me redresser et de m’approcher avec un petit sourire où brille la curiosité et l’envie de mettre un nom sur ce visage.

-Bonsoir ! Je me trompe peut-être mais est-ce que l’on s’est déjà croisé avant ?

Dress ~ Moi, ça me donne envie de danser, une telle ambiance. Je vous jure. Ce soir, j'ai envie de bouger. Mais habituellement, franchement, la raison qui fait que j’aime bien aller en discothèque est le fait d'observer les autres danser. Pour moi, c’est un truc incroyable.
Je m’asseois comme ça. Je commence à boire des coups et je me dis, je ne sais pas, je vois quelqu'un danser, un mec, je me dis : Qu’est-ce qui a fait, dans sa vie, à ce mec, pour qu'il en arrive là ? Quels sont les événements inscrits dans son chemin personnel qui font qu’aujourd’hui il danse de cette manière-là ? C’est passionnant…

Alors dès que j’arrive à côté de la discothèque, déjà cette musique me parvient de l’intérieur, et je me dis, ouh, là, ça va être chaud. Et une fois à l'intérieur, cette sensation est toujours la même. Même encore plus forte. J'aurais bien entendu préféré passer ma soirée à observer les autres et à danser comme une folle, accompagnée de mon rendez-vous. Mais le destin en a voulu autrement. Ou du moins mon rendez-vous l'a décidé autrement. Qui change ses photos de profil pour draguer une fille, de nos jours ? C'est une méthode bien trop stupide. Forcément que la fille va remarquer qu'il ne ressemble pas aux photos envoyées...

Oh là là, tiens, le mec sur la piste là-bas. Wow. Tout le monde connait ce genre de mec, vous savez, très timide. On dirait ça fait huit ans qu’il hésitait à aller sur la piste de danse. Et finalement ce soir, ça y est. Il y va. Il a le courage. C’est parti.

Il y en a un autre là-bas que j’aime bien aussi. Je sais pas si vous le connaissez. C’est celui qui joue tous les instruments de musique quand il danse. Il croit que c’est lui qui fait la musique de la boîte.

Oh, ça, c’est mon préféré, le mec, déchiré, au milieu de la piste. Il fait rien.

Attendez, là-bas, y'a une super jolie fille. Je connais ce genre de fille dans les discothèques, avec le forfait string, piercing, je te raccompagne au parking. Quand elle trinque avec toi, ce genre de fille, elle peut pas s’empêcher de dire à chaque fois : dans les yeux, dans les yeux. Si non, ça va... dans les yeux, je suis désolée. Et vous, les garçons, comme les idiots que vous êtes, à chaque fois dans les yeux, allez-y, allez, dans les yeux.
Quand elle veut aller danser, cette fille, elle peut pas s’empêcher de dire à ses copines  : « Ouh, j’adore cette chanson ! »

Il y en a un là-bas, il danse le rock depuis le début de la soirée. Ou du moins, depuis que je suis arrivée. Il est bientôt une heure du mat. Depuis vingt-trois heures, il veut danser que le rock, quelle que soit la musique.
Lui, il s’est dit : je danse le rock. Je sais faire que ça, j’y vais à fond, quelle que soit la chanson.

Il y en a un que j’aime bien aussi. C’est celui qui est sur le bar et qui croit que c’est lui qui met l’ambiance dans la discothèque avec sa main. Vous savez.

Amusée par ce spectacle, je secoue la tête et enchaîne quelques verres avant de commencer à me déhancher. Après tout ce genre d'endroits n'a que deux utilités. Boire et danser. Autant pratiquer les deux. Mais alors que je pensais être dans ma bulle et transparente, un garçon vient jusqu'à moi et me pose une question qui me rend assez perplexe.... Jusqu'à ce que je vois son visage et que je le reconnaisse, instantanément.

- Eh bien, ça alors ! Quelle surprise ! Park Kwang Min ou... Park Kwang Jin en personne ! dis-je, en riant légèrement.

Je le regarde, quelques secondes, en restant silencieuse. Juste le temps de l'observer et de détailler sa tenue du soir.

- Je te... Pardon. Je vous connais ! Vous faites parti du groupe Zeus. Je vous suis sur les réseaux. Par contre, j'ignore pourquoi mon visage vous rappelle quelqu'un. Vous avez tellement de fan que c'est impossible que vous m'ayez remarqué dans le lot. dis-je, en lui souriant amicalement.

Looking like Il est déjà tard et c’est ce qui permet au bar de vivre une belle ambiance. J’ai déjà envie de me joindre à la foule pour recommencer à danser, je pourrais le faire sans m’arrêter pendant toute la nuit et j’ai l’impression que je ne suis pas le seul. Je regarde depuis mon coin les jeunes femmes et les jeunes hommes qui se défoulent sur la piste et je souris en coin amusé par les différentes danses qui se présentent devant moi. Il y a ceux qui s’en foutent complètement, qui sont là juste pour se dépenser et oublier la journée qu’ils viennent de passer puis il y a ceux qui sont sur leur 31 et dont la façon de danser expriment clairement les intentions. Je remarque évidemment ceux qui ne danseront pas de la nuit et qui préfère se laisser tenter par la compagnie du coin boissons. Je me rends alors compte que pour le moment, je ressemble plus à cette catégorie et –n’aimant pas vraiment passer ma soirée à boire- je décide de m’avancer sur la piste de danse. C’est à ce moment précis qu’un visage attire mon regard, des traits que j’ai déjà vu auparavant et la curiosité me pousse à approcher la jeune femme. Je dois la surprendre par cette approche mais elle semble me reconnaître plutôt rapidement. Je souris en coin, Jin ou Min ? Telle est la question et je ne suis même pas surpris qu’elle se la pose aussi. Elle me regarde et je fais de même en essayant une nouvelle fois de replacer son visage sur un prénom mais rien ne me vient. Elle m’avoue qu’effectivement elle me connaît mais j’avais dans l’idée que ce n’était pas une fan. Quand elle mentionne les réseaux sociaux, son pseudo me revient en tête accompagné de sa photo de profil et j’ai un sourire un peu plus grand qui étire mes lèvres.

-Mais si, je te suis aussi sur les réseaux sociaux, tu es Ella, non ?

Je me rappelle d’une photo d’elle que j’ai aimée récemment et j’espère ne pas me tromper sur son prénom. Maintenant que ces traits féminins ont un nom, je me concentre sur sa tenue quelques secondes. Elle est exactement comme sur les photos publiées sur son compte, sans aucune retouche et je suis un peu amusé par le fait qu’elle me vouvoie. Je me suis directement permis de la tutoyer alors que l’on ne s’est jamais croisé avant aujourd’hui. Il est courant que des célébrités échangent quelques commentaires sur les réseaux sociaux mais de là à se rencontrer, c’est un peu plus rare. Et nous voilà à nous croiser dans le plus total des hasards au milieu d’un bar !

-Tu peux me tutoyer, tu sais. Ah et je suis Kwang Min, mon jumeau n’est pas vraiment du genre à sortir !

Je ris légèrement en imaginant mon frère au milieu de cette petite foule sauf que ça ne donne rien du tout. Non, je connais Kwang Jin plus que quiconque et je ne pense pas le voir un jour dans un bar ou en tout cas, ce ne sera pas de son initiative ! Je me reconcentre sur la jeune femme que je viens de rencontrer avec toujours cette petite expression mi surprise. Je ne sais pas si elle est vraiment fan de nous mais le fait est que par principe, j’ai appris à me rapprocher le plus possible du caractère d’un gentleman –sans oublier évidemment que je reste Kwang Min.

-Je n’oublie pas un visage, encore moins celui d’une fan !

Dress ~ Il semble gentil et avenant. Je suis assez surprise de me retrouver face à un membre des Zeus, ici même. Mais je me sens chanceuse, également. Tellement de monde souhaiterait ma place, actuellement. Tellement de filles, surtout. Cette simple idée me faisait sourire et me donnait envie de profiter, encore plus, de l'opportunité et de la soirée. Bien entendu, quoi qu'il se passera, quoi qu'il se dira, je ne dirais rien. Que ce soit sur les réseaux sociaux ou à mes amis. Enfin, ça dépend... J'en parlerais peut-être à ma meilleure amie.

- C'est exact, je suis Ella.

Le fait qu'il me connaisse et qu'il ait retenu mon nom me touche énormément. C'est pourtant rien. Du moins, il doit trouver cela normal. Mais pour moi, que quelqu'un comme lui, si connu en Corée sache qui je suis, est très important. J'ai l'impression de l'avoir intéressé suffisamment pour que mon nom lui reste en tête. J'en suis, presque, honorée. Il me suit sur les réseaux, après tout. Et s'il a retenu mon nom, c'est que mon profil ou ma personne lui ont donné envie de me connaître. Je devrais peut-être arrêter de me faire autant de films et de me poser autant de questions...

- Kwang Min...

J'acquiesce en répétant son nom. Je continue de lui sourire. La politesse, avant tout. C'est une célébrité ! Même si je suis étonnée,  sans dire choquée, de savoir qui il est. J'aurais plutôt parié sur Kwang Jin, vu la gentillesse et l'approche qu'il a eu. Comme quoi, ce qu'on dit sur mon interlocuteur est faux. Il peut être aussi intéressant et gentil que son frère.

- Tu n'oublies jamais le visage d'une fan... C'est bien vrai ? Ou la vérité serait plutôt que tu n'oublies jamais le visage de tes plus jolies fans ? demandais-je, en riant.

Looking like Elle me confirme effectivement qu’elle est Ella et je suis plutôt content d’avoir pu la reconnaître. Un sourire presque fier naît sur mes traits et je me rappelle de la première fois que j’ai vu ses traits. J’avais reçu une notification me prévenant d’un nouveau follower sur notre compte gns et son profil avait attiré mon regard. La photo de la jeune femme m’avait sans explication fait cliquer sur son pseudo et je l’avais suivie. Je ne suivrais pas toutes mes fans, je n’en suis en réalité aucune mais Ella n’était pas qu’une fan, elle est aussi une célébrité et je n’avais donc rien fait de mal en appuyant sur le bouton « suivre ». Je ne le regrette pas aujourd’hui puisque je me trompais en pensant que la suivre ne me permettrait pas spécialement de la rencontrer et je ne l’imaginais pas vraiment venir à un fanmeeting. Elle répète mon prénom et je me demande si elle pensait que j’étais Kwang Jin, peut-être que je me montre trop gentil, après tout, la réputation à mon sujet ne doit pas être aussi tendre que la vérité. Il faut dire que je me montre dur envers ceux qui à mes yeux ne méritent aucun intérêt.

-Est-ce que tu pensais que j’étais mon jumeau ?

Je souris en coin, ça ne m’étonnerait même pas qu’elle réponde à l’affirmative. Je crois avoir l’air d’un monstre aux yeux de tous mais depuis que mon frère et moi avons été réunis et que le scandale a pris fin, je me suis retrouvé apaisé, loin de l’homme en colère contre tous que j’étais avant les débuts de Zeus. Je ne voulais que ça, que la réussite de notre groupe et la présence de mon jumeau qui reste tout simplement vital pour moi et l’on m’avait privé de tout cela. Maintenant, tout est retrouvé et tout semble aller bien, trop bien pour quelqu’un de pessimiste comme moi. Je ris également face à sa réplique et la regarde avec de la malice au fond du regard.

-Je dois avouer que les plus jolies de mes fans retiennent mon attention peut-être un tout petit plus ?

Je souffle cela en me rapprochant légèrement en signe de confidence avant de m’éloigner par politesse. Je ris à nouveau alors que la jeune femme ne manque pas de piquant mais il est certain que je n’en manque pas non plus.

-Si tu dis ça, c’est que tu te considères comme une de mes plus jolies fans ! Et je suis d’accord avec toi.

Dress ~ Est-ce que je pensais qu'il était son jumeau ? Bien sûr que oui. Tout le monde aurait pu croire qu'il était son jumeau. Personne n'aurait cru qu'il était lui. Du moins, je l'espère. Sinon, honte à moi. J'acquiesce, donc, timidement à sa question en ayant un sourire gêné. J'espère qu'il ne le prendra pas mal et qu'il ne se vexera pas pour si peu. Si peu pour moi mais peut-être pas pour moi, après tout...

Je me pince, alors, la lèvre inférieure en continuant de le regarder. Même si les rumeurs concernant son caractère de vieux grognon et de rustre semblaient fausses, celles sur son physique et sa beauté naturelles sont exactes. L'espace d'un instant, j'ai l'impression d'être transportée. Comme envoyée dans une belle histoire d'amour, digne des meilleures séries et drama que j'ai pu voir. J'ai dis histoire d'amour ? Je baisse, quelques secondes, la tête pour ne pas montrer mon envie de rire. C'est ridicule. Même si notre rencontre est assez étonnante, je dois bien l'admettre.

Comme si nous avions fait un long chemin pour nous voir. Comme si nous savions que c'était un chemin difficile mais que nous y marchions, tout de même. Comme si j'étais capable de voler pour lui. Comme s'il venait à moi parce que j'avais besoin de lui. Comme s'il me manquait, même dans mes rêves. Comme s'il avait ému et fait pleurer mon cœur froid. Comme si cette personne que j'attendais était lui. Comme s'il était mon amour.

Peut-il seulement se souvenir que je l'aime si l'on se revoit plus jamais, après ce soir ?

- Je dis ça, seulement, parce que je suis mannequin et que rares sont les mannequins parmi tes fans. Normalement, les mannequins sont censées être de très jolies femmes.

Je ris légèrement avant de lui tirer la langue. Je souris, ensuite. Un grand sourire amusé et rempli de sincérité. Je dois me reprendre. Je ne suis pas en pleine histoire d'amour avec une idole super connue de Corée. Je ne suis pas mon actrice préférée. Je ne suis pas en plein drama. Je suis simplement moi, Ella, mannequin et étudiante en journalisme, dans la vraie vie. Ma sensibilité et mon romantisme sont parfois bien envahissants...

Looking like Elle confirme ce que je pensais et ça ne m’arrache qu’un rire amusé. J’en ai l’habitude et après tout, je ne peux pas en vouloir à la jolie jeune femme puisque mon frère et moi sommes deux copies identiques en tout point. Les mannequins sont censées être de très jolies femmes, cette phrase m’arrache un sourire amusé et presqu’un petit rire mais je ne la contredis pas. Elle est effectivement fidèle à ce que doit être un mannequin : très jolie. Mes yeux me confirment, au fur et à mesure qu’ils ont l’occasion de l’observer, qu’elle est la plus belle que j’ai eu la chance de rencontrer jusqu’à aujourd’hui. Ses yeux sont ce que je trouve de plus beau, j’y ancre d’ailleurs mon regard pour pouvoir les contempler longuement. Ils sont bleu-vert, très clairs, envoûtants même. Sa beauté m’aurait même laissé deviner sans que je ne le lise sur son gns qu’elle est mannequin. Je lève la main avec un peu d’hésitation comme une mèche vient couvrir les traits de son visage et de mon index, je la remets avec légèreté derrière son oreille.

-Tu es la première mannequin que je connais qui est une fan ! Ah et je te trouve bien plus que très jolie tu sais.

Je lui fais un petit clin d’œil sans aucune mauvaise ou arrière pensée déplacée. Je viens de la rencontrer, je n’ai pas envie de lui faire croire que je suis rien qu’un pauvre dragueur qui profite d’être connu pour attirer les femmes. Ce n’est pas du tout mon genre et –heureusement- ça ne fait pas partie des rumeurs désagréables qui courent à mon sujet. Elle a l’air tout simplement heureuse d’être là, son sourire le prouve puisqu’il ne quitte pas ses traits et c’est rafraîchissant. Je me demande si je la reverrais après ce soir mais cette question retombe vite dans l’oubli. Je ne vais pas réfléchir à la fin de la nuit alors que nous n’en sommes qu’au début !

-Allons danser un peu !

Après tout, c’est l’une des raisons pour lesquelles je suis venu ici ce soir, ce serait dommage de ne pas profiter de l’ambiance de ce soir. Je pose ma main dans son dos pour la guider avec moi dans la foule. J’espère que la proximité ne la gêne pas trop parce que le monde présent autour de nous me force à me rapprocher d’elle –ce qui ne me dérange pas mais je ne sais pas ce qu’il en est pour elle.

Dress ~ Tout se passait bien, ce soir. Sans obligation. Je pensais faire une escapade, un soir de détente. Un café à emporter. Je me suis fait coiffer. Ça aurait du être une belle soirée. Mais ça ne s'est pas terminé ainsi. Même si j'étais, actuellement, en train de danser avec un partenaire de choix.

C'est trop parti en vrille. Il y a d'abord eu la pluie. Ou plutôt les verres de deux, non peut-être trois, hommes bourrés qui se sont bousculés. La loi de Murphy a décidé d'enterrer mon brushing. L'un d'eux me demande pardon, gentiment je lui réponds que ce n'est rien. En fait, ce n'était qu'un plan drague. Cet abruti m'a fait perdre du temps et de la salive.
Une fois. N'abandonnez jamais. Deux fois. Pour tout l'amour que j'ai eu. Trois fois. Où est le karma ? J'ai pensé que ça irait, pour moi, aujourd'hui. J'aurais du rester au lit. Netflix. Thé au miel. Recroquevillée dans mon lit. Je serais bien mieux dans mon pull, sous mes draps, qu'ici, mouillée et ne ressemblant plus à rien. À coup sûr. C'est Murphy qui l'a dit.

Mon partenaire est toujours devant moi. Je lui souris et continue de danser. Je ne dois pas me laisser aller. Tant pis pour mes cheveux trempés. Continuons de nous amuser. Kwang Min. Je veux tes yeux, que tes beaux yeux. Seulement en photo. Je veux les deux, sans sentir ta peau. Connecté en ligne, mais pas à moi. J'attends ton signe, mais je crois qu'il n'y en a pas. J'ai vu que tu as vu, seulement tu ne réponds pas. Tu ne réagis pas. Alors j'attends, toujours j'attends. Je suis habituée à l'attente, désormais. Qu'enfin il sonne, ce son latent. Peut-être que je me mens, peut-être que j'en tremble. Faudrait pas que tu penses que... Je veux tes yeux. Oui. Que tes beaux yeux. Pas seulement en photo. Je veux les deux, sans sentir ta peau. Un jour peut-être, on se reverra. Mais pas tout de suite, je préfère pas. Je préfère l'illusion de t'avoir, j'ai espoir. Mais t'inventes pas trop d'histoires après ce soir. Ok. Je sais déjà que si tu m'oublies, ça m'apprendra que je veux réellement tes yeux. Seulement en photo. Ou peut-être pas. Je veux les deux. Je ne pourrais que m'enfuir devant toi. Ne saurais que rougir. Et je serais, comment dire ? Folle de toi, de nos premiers soupirs. Car je veux tes yeux. Tes beaux yeux.

Je continue de me déhancher et ris à moitié. Je me mets à chanter, intérieurement, pour celui qui danse face à moi. Et cela ne me gêne même pas. Bien au contraire. La proximité de nos corps ne me dérange pas. À vrai dire, je n'y fais pas attention. Je suis bien trop absorbée par le moment présent et cette fille qui nous regarde depuis quelques minutes. Non. Elle ne nous regarde pas. Elle le regarde, lui. Elle me tue. Nuance avec parano, de pas grand chose mais pourquoi s'entremêler entre lui et moi ? C'est plutôt déplacé et frustrant, car son nom est bien trop joli. Mais c'est qui cette fille ? Jalousie me dit qu'elle est belle. Oui qu'est-ce qu'elle est belle. Elle te veut, je crois, ça se voit. Jalousie me dit qu'elle est là. Écrasons les premières étincelles. Mais c'est qui cette fille, à la fin ? Jalousie me dit qu'elle est seule. Seulement moi, j'ai peur qu'il ne l'aime et que je me sois fais distraire. Une fois de plus. Elle me tue.

Mais très rapidement, elle détourne le regard et semble, désormais, se préoccuper de... sa compagne ? Oui. Elles s'embrassent. Je me suis fais des idées. De fausses et mauvaises idées. Je secoue la tête afin de me reprendre. Je suis là pour m'amuser et non pas pour me prendre la tête. Encore moins, pour un garçon que je ne connais pas et que je viens de rencontrer. Célèbre qu'il soit ou non. Je dois simplement me concentrer sur ma bonne humeur et ce doux moment que je passe. Doux moment ou fou moment. Le bonheur n'existe que pour plaire mais je le veux. Enfin, je commence à douter d'en avoir vraiment rêvé. Est-ce une envie? Parfois, je me sens obligée. Pourtant, c'est pas compliqué d'être heureux. Il faudrait, juste, tout oublier. Pour y croire. Je joue, comme à mon habitude. On joue. Mais là, j'ai trop joué. Mais je sais que ce bonheur, si je le veux, je l'aurai. Je suis jeune après tout. Une jeunesse pleine de sentiments. L'ennui est inconditionnel, je peux ressentir le malaise des gens qui dansent seuls, ce soir. Fermer les yeux, oublier que je suis toujours seule quand je ressens ce besoin d'amour. Oublier qu'il m'a blessé, oublier qu'il m'a, sans doute, trompé. Oublier que j'ai perdu tout ce que j'avais. C'est simple. Je dois juste être heureuse. Et je réussirais.

- C'est une soirée qui déchire ! Dis-je avant de rire et de faire éclater, une fois de plus, ma joie.

Looking like Quand je danse, mes pensées ont tendance à s’envoler, à disparaître pour être concentré sur cette passion qui brûle. Je regarde la jeune femme devant moi, elle se déhanche devant moi et je souris alors qu’elle rit un peu. Je me suis trouvé une agréable compagnie ce soir même si celle-ci semble perdue dans ses pensées. Je me demande où va nous mener cette soirée, si cette jeune femme et moi nous nous reverrons après ces quelques heures que nous allons passer ensemble. Ce sera au destin de décider cela. Je souris, amusé par cette pensée qui n’a aucune raison d’être. Je ne crois pas au destin, par contre, je crois que je pourrais lui demander son numéro. Plusieurs hommes autour de nous ont renversés leur boisson sur les cheveux de la demoiselle et je me suis retenu à plusieurs reprises d’aller chercher les excuses que certains n’ont pas pris la peine de donner. De toute façon, nous sommes en soirée, je ne fais pas vraiment attention à ce genre de choses.

Son regard se détourne pourtant de moi et je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule pour constater qu’elle observe une autre jeune femme un peu plus loin. Je remarque vite que la fille en question nous fixe en retour et je penche la tête en fronçant les sourcils. Est-ce qu’elle serait intéressée par les femmes ? Je trouverais ça dommage, entre nous, la mannequin en face de moi est vraiment belle et ça me décevrait presque. Je secoue rapidement la tête sans être pour autant rassuré, je me fais trop d’idées alors que je viens de rencontrer la demoiselle. Je ne suis pas venu pour trouver l’amour et encore moins un coup d’un soir, depuis que la musique est devenue ce qui prend le plus de place dans ma vie, il faut avouer que je me suis désintéressé des jeunes femmes. Ella n’aurait peut-être pas attiré mon regard si je ne la suivais pas sur les réseaux et je ne serais jamais allé la trouver.

Parce que rencontrer n’est pas un mot que j’aime. Rencontrer… C’est se faire aimer en quelque sorte, être ouvert, être souriant, être presque parfait. Qui voudrait rencontrer quelqu’un qui n’est pas agréable? Qui voudrait se retrouver face au pire des caractères? Toujours sourire même si l’on est triste, retenir les mots impolis qui brûlent pourtant les lèvres dans une mauvaise habitude. Rencontrer, c’est paraître. Paraître sympa, paraître chaleureux, paraître encore et encore pour ne jamais s’arrêter puisque rencontrer est ce qui fait de nous des êtres humains, puisque notre vie sociale s’y résume. Si l’on ne rencontre pas assez, on est traité d’asocial et si l’on rencontre de trop, on devient populaire. Je n’ai jamais souhaité faire partie de ces catégories mais elles nous sont imposées par ceux qui nous entourent, qui ne nous connaissent pas mais qui sont les mieux placés pour nous juger. Je passe d’une catégorie à l’autre, entre la popularité de Hermès et l’asociabilité de Kwang Min. Les célébrités sont celles qui ont le plus de mal à trouver un équilibre et je n’ai jamais été très bon pour trouver un juste milieu. Le jumeau diabolique ou l’idole aux beaux yeux, le langage impoli ou le gentleman, l’étudiant paresseux ou le danseur passionné. J’ai parfois l’impression qu’on me parle de deux personnes totalement différentes alors qu’elles sont toutes les deux réunies en moi. Si je suis les deux, est-ce dérangeant? Si chacune de ces caractéristiques font parties de qui je suis malgré qu’elles semblent opposées, est-ce que ça dérange? Probablement oui, parce qu’une idole doit être parfaite donc je dois l’être aussi malgré les rumeurs exagérant trop souvent la réalité. Et sourire, encore, pour mieux rencontrer.

Ai-je l’air parfait aux yeux de la jeune fille en face de moi, ai-je l’air sans défauts? Je n’ai pas envie qu’elle me voit comme Hermès, comme une idole, comme quelqu’un que l’on admire plus que l’on apprécie. Peut-être aurais-je préféré qu’elle ne me reconnaisse pas mais c’est impossible de souhaiter ça. J’aimerais une seule seconde être à sa place ou lire dans ses pensées pour savoir. Reste-elle près de moi parce qu’elle connaît ma célébrité et qu’être vue avec moi pourrait lui être favorable? Je chasse ces pensées, le pessimiste Kwang Min fait encore des ravages et perturbe l’humeur détendue dans laquelle je suis. Je me reconcentre sur la musique et sur la joie d’Ella quand elle s’exclame que la soirée déchire. Je souris à mon tour avant de voir mon sourire disparaître comme un gros maladroit passe derrière la jeune femme avec quatre verres en équilibre précaire entre ses doigts. Je sens déjà la catastrophe arriver alors je passe rapidement ma main autour de la taille d’Ella pour l’attirer contre moi et la sauver d’une douche de bière qu’elle et ses cheveux n’auraient pas appréciés. Je fais un regard noir au garçon qui a l’air à moitié bourré alors que là où dansait Ella il y a un instant se trouve à présent une flaque de boisson alcoolisée et bien collante. Je secoue la tête en soupirant avant de poser mon regard sur la jeune femme qui est à présent tout contre moi.

-Les gens ne savent vraiment pas faire attention…

Je souffle ces mots avec un petit sourire aux lèvres, il y a eu plus de peur que de mal puisque je suis intervenu avant. Je pense qu’au vu de la quantité renversée, les cheveux de la mannequin n’auraient pas été les seuls à en payer les conséquences. Avoir les cheveux humides, ça passe mais lorsqu’on doit passer toute une soirée avec des vêtements collants de bière, là ça peut devenir insupportable et je n’ai pas vraiment envie que la jeune femme passe une soirée dans ce genre.