Un photoshoot. Comment aurais-je pu deviner qu'une simple séance photos allait changer ma vie ? Même si on me l'avait répété, je n'y aurais jamais cru. Et pourtant, la séance d'aujourd'hui va avoir un impact, très, important sur mon futur. Et sur celui de Kwang Min. Comment ais-je su qu'il avait un photoshoot aujourd'hui même avec son groupe ? C'est une bonne question. Comment ais-je su l'adresse exacte ? Encore une bonne question. Mais les femmes ne révèlent jamais leurs secrets. Jamais. Je me devais d'aller le voir. D'aller lui parler. La semaine a été infernale pour moi. Je devais bientôt partir à l'étranger pour un projet et je ne voulais pas partir avec cette boule au ventre. Je la possède depuis notre dernière rencontre. Ce n'était, juste, pas possible. Je voulais aussi lui dire au revoir. Qui sait si nous nous reverrons à mon retour ? Je ne voulais pas lui annoncer mon départ, à travers un simple et ridicule petit sms. Et puis j'ai tellement de choses à lui dire.

Comme le fait que je souhaiterais que nous nous reposions, lui et moi, comme une seule âme. Que je souhaiterais passer une dernière nuit, à ses côtés, avant de partir. Juste une dernière nuit. Que l'on se souvienne de ce que nous avons abandonné. De cet amour d'or. Notre chemin s'est croisé mais c'est la dernière fois que je l'aurai. Et cette sensation m'effraie. Car j'ai l'impression qu'il m'échappe et j'aimerais pouvoir l'emprisonner. Mais je ne peux pas faire cela. Pas après lui avoir dis que nos carrières comptaient bien plus que nos sentiments. Et pourtant, me voilà, à aller le voir en secret. Car j'ai pensé à lui tous les jours. Toutes les heures. Qu'il me perturbe autant qu'il m'intéresse. Qu'il envahit mes pensées. Je voudrais que quand on sera vieux, on puisse regarder notre amour d'or et sourire. Nous étions destinés à nous rencontrer même si ça s'est mal fait. Je donnerai tout s'il donne en retour. Je ne peux pas l'oublier et j'espérai que ce soit pareil de son côté. Qu'il ne m'ait pas déjà remplacé. Aujourd'hui, il y a une chance de nous rendre justice. Une chance de s'expliquer et de faire revivre cet amour. Une dernière fois. Juste une fois.

J'arrive, alors, dans la pièce où la séance photos a déjà commencé. Une casquette sur la tête, je tente d'être discrète afin que seul l'intéressé puisse me voir. Me reconnaître. Mais ce n'est pas en restant dans l'ombre que je vais attirer son attention. Que puis-je faire d'autre, sinon ? Son producteur n'est, certes, pas là mais son groupe, oui. Et je ne veux pas qu'ils nous voient ensemble. Ils pourraient tout raconter. Après tout, je ne les connais pas. Que faire ?

Je passe une journée comme les autres, banale et presque ennuyante. Les photoshoots sont sûrement ce que je déteste le plus dans les activités d’idoles. C’est ce qui se rapproche du métier de mannequin et ce n’est pas ce que je suis. Je préfère passer mon temps à danser, à chanter, parce que c’est ce que je fais dans mon métier, je ne pose pas… Mais un nouveau MV se profile, ils veulent que l’on pose à nouveau alors nous le faisons. La journée est longue, les flashs sont aveuglants et alors que je fixe les lentilles des appareils avec une impassibilité demandé et de temps en temps, un sourire. Je laisse mon esprit vagabonder vers un visage, toujours le même depuis une semaine.

Les souvenirs refont surface, je la revois contre moi, ses lèvres blottie contre les miennes alors que nous étions dans ces toilettes des filles. Je repense à Ella, ses yeux bleus encore et toujours. Ils sont envoûtants, inoubliables. Évidemment, nous n’avons pas échangé, nous n’avons plus parlé depuis et je garde cette blessure ouverte mais cachée à tous. Personne ne doit savoir. Elle s’en doute sûrement, elle, mais elle n’a rien fait pour me retenir. Sa carrière est passée avant tout et j’en ai souffert et j’en souffre encore. Je devrais essayer de comprendre mais je ne le fais pas. Quand j’y repense, à chaque fois, j’ai envie de revenir en arrière et de l’empêcher de quitter ces toilettes pour quelques minutes de plus, quelques secondes de bonheur offertes. Mais le passé fait partie du passé et je ne sais pas si je la reverrais un jour. On me demande de me reconcentrer, je hoche la tête, mon regard s’étant fait absent revient sur les lentilles. Et les flashs, encore et toujours. Je n’arrive pas à rester concentré et mon regard divague à nouveau. Je passe mes yeux sur l’équipe du staff avant de voir une silhouette qui attire mon attention. Cette ombre porte une casquette et je crois voir une personne que je connais, une personne qui obsède mes pensées et embellit mes nuits.

Mais c’est impossible que ce soit elle, je dois rêver. Je me reconcentre, je suis trop distrait, c’est pour ça que je crois voir des personnes qui n’auraient rien à faire là. Quelques photos encore puis vient le tour des individuelles et je m’échappe du plateau. Je ne pense plus vraiment à la silhouette casquettée que j’ai aperçue plus tôt et attrape ma bouteille d’eau avant de me tourner vers le plateau pour voir mon frère poser à son tour… Je regarde autour de moi et aperçoit à nouveau cette casquette. Je m’approche alors, curieux mais une fois plus près, le fantôme devient bien réel.

-Ella… ?

Je regardais tout autour de moi, inquiète. Maintenant que j'étais entrée, je devais être discrète pour ne pas me faire mettre dehors. Je cherchais un moyen de communiquer avec celui qui m'intéressait mais je manquais cruellement d'idées. Je me mords l'intérieur de ma joue et parcours des yeux l'ensemble de la pièce. Regardant chaque personne présente. Je pourrais faire tomber les appareils en tirant sur les fils, ce qui causerait un arrêt momentané. Mais n'y a-t-il pas de risque d'incendie ? Je ne pense pas. Quand même. Mais mieux vaut être prudente et trouver une autre idée. Je pourrais hurler pour attirer l'attention et m'enfuir ensuite, dans l'espoir qu'il me suive. Non. Trop voyant. Je pourrais aller renverser le café sur le photographe, obligeant une pause. Ça peut être une bonne idée ! Je cherche alors la cafetière et commence à marcher, en crabe, en cherchant partout. L'idée est de devenir aussi invisible qu'une espionne. Je ne pense pas être très douée pour cela mais c'était sans compter l'intervention de Kwang Min. Il m'appelle et cela me fait sursauter. Je me tourne vers lui, surprise de le voir. Je ne l'ai même pas vu m'approcher. Je saute quasi sur lui et plaque mes mains sur sa bouche. Il devrait crier mon nom encore plus fort. Non mais celui-là, je vous jure !

- Chuuuut ! Tu veux que l'on me remarque ou quoi ? Lui chuchotais-je.

Je souffle et retire lentement mes mains pour m'écarter de lui. N'attirons pas les regards. Je me remets droite et replace correctement ma casquette. Je baisse à moitié la tête et souffle de soulagement en remarquant que personne ne nous regarde. Je suis encore sous couverture et cela me permet de me détendre un peu. Je repense, alors, à Kwang Min qu se trouve à côté de moi et qui doit se demander pourquoi je suis là. Je me pince la lèvre. Comment lui dire ? Comment faire ? Je ne veux pas lui faire plus de mal que je n'ai pu en faire jusqu'à maintenant. Je ne sais pas quels mots pourraient l'apaiser. Qu'est-ce qui pourrait lui faire plaisir ? Ou peut-être que je devrais simplement être franche, sincère et directe, comme à chaque fois ? Mais ne l'ais-je pas assez blessé à cause de ma franchise ? Je ne veux plus me faire passer pour la méchante. J'ai simplement commis une erreur. Je m'en suis rendue compte durant cette semaine. Loin de lui. Loin de ses mots. Loin de ses bras. Loin de ses lèvres. Loin de sa tendresse. Loin de son amour. Et je me dois d'arranger ça. Notre histoire vaut la peine d'être vécue. Je l'espère. Je ne veux pas partir sans lui dire cela. Mais acceptera-t-il de m'écouter ? Je le souhaite de tout cœur.

- J'aimerais te parler... Est-ce que nous pouvons nous éclipser ? Non, bien sur que non, tu es en plein travail... Je peux te parler, maintenant ?

Je n'ose même pas le regarder. Je continue de lui chuchoter mes mots et c'est tout. Je me suis promis de ne pas chercher plus loin s'il refusait. Mais je ne suis plus très sûre de respecter cette promesse. Je n'ai qu'une envie, aller dans ses bras, et lui demander pardon. Voilà pourquoi je n'ose pas le regarder. De peur de succomber et de ne pas respecter la bonne conduite que l'on m'a demandé d'avoir envers lui. Mais c'est plus fort que moi. Son visage me manque. J'ai besoin de le regarder et je relève alors la tête pour ancrer mon regard dans le sien. Qu'il est beau...

C’est Ella. Je ne comprends pas ce qu’elle fout là, je ne comprends pas pourquoi elle est venue me voir aujourd’hui. Elle a plaqué ses mains sur mes lèvres, de toute évidence, elle ne veut pas que sa présence ici se sache et je ne saute pas de joie à l’idée qu’elle soit venue me voir en secret. Évidemment, je rêvais de la revoir, je rêvais d’elle mais c’est interdit et je dois essayer de l’oublier. Mais comment faire si je croise à nouveau ses yeux bleus envoûtants, si mon regard tombe encore sur ses lèvres que j’ai envie de dévorer ? Je l’ai prévenue, je dois l’éviter pour l’oublier, l’éviter pour ne pas la désirer encore. Ça me fait mal parce que j’ai appris à l’aimer, parce qu’en trois simples rencontres, elle avait réussi à me faire craquer et à ne plus lui résister. Je ne sais dès lors pas comment faire pour que ça ne soit plus le cas. Elle retire ses mains de mes lèvres et je ne la quitte pas des yeux, pas une seconde, devenu accro à nouveau de ces deux perles aux couleurs de l’océan.

-Ella mais qu’est-ce que tu fous là putain ?

Je chuchote à mon tour, me penchant un peu pour qu’elle puisse m’entendre et je regarde autour de nous. Personne n’a remarqué la présence inattendue de la jeune femme et je pince les lèvres, c’est mieux que l’on ne nous voit pas ensemble, même les membres ne doivent pas savoir qu’elle est là. Elle veut me parler, je suis curieux, j’ai envie de savoir ce qu’elle a à me dire. Mon cœur bat plus vite de par l’excitation de la voir en secret et par la joie de la voir tout simplement. Mais je contiens tous ces sentiments en moi, je ne veux pas lui montrer ma joie, pas tout de suite, je ne peux pas. Je prends sa main, profitant du fait que les autres membres doivent à leur tour passer seul devant les lentilles des appareils photo pour m’éloigner avec la jeune femme. J’ouvre une porte et l’invite sans cérémonie à entrer dedans avant de la suivre. Nous sommes dans la loge du groupe et c’est sûrement le seul endroit où nous pourrons être au calme, où nous aurons le moins de risque d’être dérangés. Une fois la porte fermée derrière moi, j’ancre un regard déstabilisé dans celui d’Ella. Elle sait ce que je ressens, elle sait que la voir rend ces sentiments encore plus difficiles à étouffer mais elle est là et il n’y a qu’un mot qui me vient à l’esprit, une seule question.

-Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu es venue ? Je pensais que c’était clair, que l’on ne devait plus se revoir. Qu’est-ce que tu dois me dire ?

Il ne semble pas content de me voir. Ou alors, c'est parce qu'il est surpris. J'espérais que ce soit de la surprise et non pas du mécontentement. Mais lorsqu'il me demanda ce que je faisais là, j'avais envie de lui dire qu'il était préférable qu'il change de ton avec moi. Mais ce n'était ni le moment ni le lieu pour lui faire une scène de vieux couple. Nous ne sommes même pas un couple moderne, après tout. Je soupirais. Je me demandais si ma décision de venir lui parler, ici, était une bonne idée, finalement. Peut-être aurais-je, simplement, du lui envoyer un sms et nous empêcher de nous revoir ? Peut-être que cela aurait été plus simple pour tout le monde ? Pour nous deux. Mais il stoppa mes interrogations en attrapant ma main et je le suivis sans faire d'histoires. Dieu soit loué, ce n'était pas pour rejoindre des toilettes cette fois, que nous nous retrouvions en cachette. Lorsque l'on finit loin des regards, à l'abri de tous, je retire ma casquette et tente de me recoiffer comme je peux.

- Je déteste mettre une casquette ! C'est bien pour toi, que je l'ai fais !

Je sortis cette remarque, naturellement. Je voulais détendre l'atmosphère. Car je me doutais que ce serait tendu entre nous. Mais il n'était pas, vraiment, dans le même état d'esprit que moi. Il me posa rapidement la question qui le perturbait et pour simple réponse, je me pince la lèvre en plongeant mon regard dans le sien. Dois-je tout lui dire, là, maintenant ? Je n'étais pas certaine que ce soit une bonne idée. Il me prendrait pour une fille émotionnellement instable. Je le suis, sans doute. Commençons par le plus important.

- Je voulais te dire, de vive voix, que je partais à l'étranger pour un projet de mannequinat. Et je souhaitais te dire au revoir, en face. Et non pas par sms. Vu que je ne savais pas si tu allais prendre la peine de le lire ou même de me répondre...

Nous sommes maintenant seuls dans la loge. Je ne sais pas si c’est une bonne idée de l’avoir emmené à un endroit où nous sommes tous les deux. J’aurais bien plus envie de l’embrasser, de prendre sa main, de la prendre dans mes bras et tout ça parce qu’elle a un regard tellement beau et qu’elle est irrésistible. Prendre mes distances avait été la seule solution que j’ai vue pour le moment jusqu’à ce qu’elle vienne me voir. Pourquoi ? J’aimerais espérer qu’elle vienne pour me dire qu’elle ne voulait pas me quitter finalement, qu’elle voulait qu’on essaye d’être ensemble, elle et moi et tant pis pour l’interdiction de l’agence. Elle enlève sa casquette et remet ses cheveux en place. Je suis pris par la beauté de son mouvement et par sa beauté tout court. Je souris face à cette remarque à propos de la casquette et ris un petit peu.

-Ah tu exagères, tu es mignonne quand tu portes une casquette !

J’ai envie de savoir ce qui l’emmène ici, je préfère alors le lui demander directement. Je m’attends à tout sauf à ce qu’elle m’annonce. Elle part à l’étranger, elle voulait me le dire à voix haute, pour que je le sache. Je fais une petite moue, je ne sais pas vraiment comment réagir. Je ne souris plus, j’aurais préféré qu’elle m’annonce autre chose, qu’elle ne s’en aille pas. Bien sûr, elle ne me croirait pas si je le lui disais parce que je ne lui envoie plus de messages et que je ne lui parle plus depuis une semaine. Elle m’a manqué et maintenant, je sais de ses mots qu’elle va me manquer encore plus et qu’elle sera loin de moi. Je hoche la tête, je dois essayer de rester professionnel mais dans mon regard qui la fixe, un très léger voile de tristesse apparaît malgré moi.

-Je vois… C’est une bonne opportunité je suppose. Combien de temps vas-tu partir ?

Combien de temps sera-t-elle loin de moi ? Pendant combien de temps devrais-je supporter de n’avoir aucune chance –même la plus minime- de la croiser par hasard ? J’essaye de comprendre pourquoi elle m’a annoncé cela de vive-voix ? Est-ce qu’elle voulait absolument voir ma réaction ? Mon nez se plisse de mécontentement et je détourne le regard. Si elle part, si elle est venue me dire au revoir, cela signifie peut-être qu’il n’y aura pas de retour ou de retrouvailles. Je le regarde à nouveau et essaye de cacher les différentes émotions qui font souffrir mon cœur.

-Je ne comprends pas pourquoi tu es venu me l’annoncer alors que l’on ne se parle plus depuis une semaine.

Malgré le compliment qu'il venait de me faire au sujet de ma casquette, je sentais bien qu'il y avait comme une légère tension entre nous. C'est courant, maintenant. J'en ai l'habitude. Mais il est vrai que si, pour aujourd'hui, il pouvait arrêter de m'en vouloir, cela me ferait du bien. Je lui annonce mon départ et j'ai comme l'impression qu'il s'en moque. Ou peut-être qu'il dissimule sa véritable réaction. Pourquoi ferait-il quelque chose de pareil ? C'est si compliqué entre nous depuis quelques semaines. Pourquoi ne peut-il pas, tout simplement, me dire ce qu'il a sur le cœur ? Peut-être qu'il l'a déjà fait ? Et que je ne l'ai pas écouté. Ou pas pris au sérieux. De toute façon, je suis très mal placée pour lui faire la morale. Depuis le début de toute cette histoire, de notre histoire, je lui mens. Je me mens à moi-même. Mais j'ai bien conscience que je dois réparer ça. Je compte bien tout lui révéler, aujourd'hui, ici même. Tant pis pour les conséquences. De toute façon, je suis sur le départ.

- Je devrais partir une à deux semaines. Trois semaines tout au plus. Ce sera un court voyage.

Mais alors que je pensais que la tension retombait, il agit, de nouveau, étrangement. Je ne sais plus quoi penser. Est-il content pour moi ou triste de me voir partir loin de lui ? Que peut-il bien penser ? J'aimerais pouvoir entrer dans sa tête et y découvrir toutes les réponses à mes questions. Pourquoi tout est si compliqué ? Il fuit, alors, mon regard et je comprends à cet instant que tout est fini. Que je l'ai déjà perdu. Je perds tout l'espoir que je possédais en venant ici. Au moins, j'aurais essayé. J'ai, également, pu le revoir une dernière fois. C'est une maigre consolation mais s'en est une quand même. Alors que je m'apprêtais à lui dire au revoir et à le laisser tranquille, car j'avais la très nette impression de le déranger plus qu'autre chose, il me sortit une remarque qui me scotcha sur place. Est-il sérieux ? Il ne comprends, donc, rien.

- Rectifions. Tu ne me parles plus depuis une semaine. Comme à chaque fois que je fais quelque chose qui te déplaît. Désolée de ne pas être parfaite. Dis-je, avant de soupirer. Si je suis venue te le dire en face, c'est parce que te dire au revoir et pouvoir te revoir.. ça compte pour moi.

Une à deux semaines, ce n’est pas un court voyage. Chaque jour loin de toi me tue à petit feu mais ça, elle ne le comprendra pas. Ça doit lui sembler peu, je ne lui manquerais sûrement pas, elle ne pense surement plus à moi de cette façon… Je la regarde, je sais que je dois avoir l’air distant mais j’espère qu’elle n’a pas oublié mes mots. Je mets cette distance pour souffrir moins, pour moins être tenté et cela, elle doit absolument s’en rappeler. Je suis certain qu’elle comprendra mon attitude tant qu’elle s’en rappelle. Je hoche alors simplement la tête et la regarde longuement. Je retiens chacun de ses traits, je les ancre dans mes pensées. Si je dois lui dire au revoir aujourd’hui, je veux que ses yeux ne quittent pas mon esprit et mes rêves, je ne veux jamais l’oublier. J’en aurais fait ma reine, je lui aurais offert mon cœur et mon âme. Elle serait devenue la femme de ma vie, la femme à qui j’aurais sans hésitation dit oui. La fin est trop proche, je regarde maintenant tout ce que je vais perdre en la laissant partir au sens propre comme au sens figuré.

-Trois semaines…

Je répète ses mots, pensif et froid. J’aurais voulu qu’elle ne soit jamais venue pour ne jamais partir. Elle rejette la faute sur moi et je soupire un peu en secouant la tête. Ce n’est pas juste, ce qu’elle dit est complètement faux et je ne comprends pas qu’elle puisse me dire ce genre de choses. J’avance vers elle et ancre mon regard dans le sien avec une intensité cette fois bien présente.

-Ella qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Tu veux que je t’envoie un message pour que l’on reste amis ? Tu comprends tout de même que je ne peux pas être ami avec toi, je n’arriverais jamais à me contenter d’une amitié à tes côtés.

Je passe une main dans mes cheveux avant de les remettre correctement, me rappelant du photoshoot qui a lieu hors de cette pièce. Je me rends compte qu’elle pense vraiment que je ne lui parle plus uniquement quand elle fait quelque chose qui me déplaît et c’est totalement faux.

-Je fais ça pour t’oublier, Ella ! Parce que tu as choisi qu’on ne pouvait pas rester ensemble, je suis obligé de mettre de la distance entre nous, je te l’ai déjà dit… et pourtant…

Son comportement m'agaçait. Il ne comprenait rien et je n'arrivais plus à rester calme. J'avais envie de lui hurler dessus. De le frapper. De pleurer. De faire tout ça, à la fois. Comment peut-il ne pas comprendre ? Il est pourtant le mieux placé pour le comprendre mais non. Il fait son fier. Il préfère jouer celui qui se fout des règles et du monde entier. Je ne peux pas être comme lui. J'ai bien trop à perdre. Bien plus à perdre que lui. Mais encore une fois, il ne le voit pas. Il ne le comprend pas. Et alors que je m'étais juré de ne pas craquer, il m'ouvre comme jamais personne ne l'a fait auparavant.

- Est-ce que tu te rends, seulement, compte de ce que tu me dis ? De ce que tu oses me dire ? En quoi être ami avec moi est compliqué ? Tu préfères me perdre pour toujours plutôt que de mettre ta fierté et tes sentiments de côté. C'est ça ? Tu préfères me voir partir plutôt que de me garder près de toi ? Simplement parce que l'on ne peut plus s'embrasser. N'y a-t-il que ça qui t'intéresse chez moi ? Mes lèvres et mon corps ? Et ma personnalité, qu'est-ce que tu en fais ? Hein, Kwang Min ? Et mon cœur, qu'est-ce que tu en fais ?

Je le fixe, droit dans les yeux. Je ressens beaucoup de colère mais aussi beaucoup de tristesse. Je sens bien que si je continue, je risque de pleurer devant lui mais tant pis. Je suis partie bien trop loin pour ne pas continuer. Il doit savoir. Il doit connaître ce que je ressens. Il ne pourra que s'en mordre les doigts, après ça. C'est lui, qui est en train de tout gâcher. Pas moi.

- Pourquoi cherches-tu absolument à m'oublier ? Est-ce que notre histoire te dégoûte à ce point ? Non ! Rappelle-toi des mots que tu m'as dis. Comment peux-tu avoir envie de me rayer de ta vie, comme ça, en un claquement de doigts ? Ce n'est pas moi qui ai choisi de mettre fin à notre histoire, d'accord ? Si on nous autorisait à être ensemble, je serais la première à te sauter dans les bras et à t'embrasser. À te dire que tu as bouleversé ma vie entière et mon âme en une seule rencontre. Depuis ce soir-là, tu hantes mes pensées jour et nuit. C'est comme une évidence. Mais j'ai l'impression que tu t'en moques alors que je n'arrête pas d'essayer. Je te montre mon attachement. Alors pourquoi fais-tu semblant de ne pas comprendre ?

L'émotion est si forte que je finis par craquer et laisse mes larmes couler. Les unes après les autres. Je continue, tout de même, à le fixer. Il doit me voir, comme cela. Il doit comprendre le mal que je ressens de cette situation. Il n'est pas le seul à souffrir. Mais ça, je crois qu'il l'a oublié.

- Tu es une super star. Et moi, qu'est-ce que je suis comparée à toi ? Je ne suis rien. En un appel, ton producteur peut réduire ma carrière et ma notoriété à néant. C'est lui qui nous a séparé. Alors ne rejette pas la faute sur moi, tu entends ? Je t'interdis de faire ça. C'est trop injuste. Tu crois que je n'ai pas envie de te dire à quel point tu fais battre mon cœur ? À quel point je veux être dans tes bras et à quel point je veux de nouveau faire l'amour avec toi ? Même si toi, tu ne t'en souviens pas, je m'en souviens, moi. J'aimerais tout ça. J'aimerais pouvoir vivre une histoire d'amour comme les autres et me reconstruire auprès de toi. Mais on me l'a interdit. Que veux-tu que je fasse ? Que je brave les règles et que je te vois en cachette. Très bien, faisons-le. Mais si on se fait prendre. Si ma carrière se termine ou si la tienne se termine. Est-ce que tu pourras continuer de me regarder en face ? Est-ce que tu pourras me le pardonner ? Est-ce que tu pourras vivre en te disant que le métier de mes rêves m'a glissé entre les doigts simplement parce que nous avons été égoïstes ? Si tu réponds oui à toutes ces questions, alors garde moi auprès de toi. Dis quelque chose. Fais quelque chose. Frappe moi ou hurle moi dessus mais arrête de t'éloigner. Ne me retire pas de ta vie comme si je n'étais rien. Car je suis une personne et j'ai un cœur. Et tu es en train de le détruire. Je veux seulement que tu restes près de moi. Je ne veux pas te perdre, Kwang Min. Alors si tu refuses obstinément de me garder en amie, je deviendrais ta petite amie. Je ferais tout ce que je peux pour que tu me gardes encore un peu avec toi. Alors, s'il te plaît... arrête de me faire du mal...

Ma voix devient faible. Je tremble et je finis par baisser la tête car mes larmes deviennent plus abondantes. J'ai presque honte de me montrer dans un tel état. Si vulnérable. Mais il le fallait.

- S'il te plaît.... ne m'abandonne pas... tu me l'avais promis...

Si moi, je ne parviens pas à la comprendre, je ressens qu’elle ne comprend pas non plus. Elle me demande en quoi être ami avec elle est compliqué mais croit que c’est uniquement pour ses lèvres et son corps. Mais je n’ai jamais souhaité m’arrêter sur ses lèvres ou son corps, non il n’y a pas que ça que je veux d’Ella, il y a tellement plus. Je veux tout d’elle, je veux qu’elle m’offre son cœur, son âme, ses sourires, ses rires, ses plus douces paroles comme les plus dures. Je veux qu’elle m’appartienne et je veux lui appartenir. Me voit-elle comme quelqu’un d’aussi superficiel ? Quelqu’un qui s’arrête sur les apparences ? Je ne suis pourtant pas cette personne et je sens chaque mot qu’elle prononce me faire du mal comme il lui en fait à elle. Je sens dans ses paroles que j’ai fait souffrir son cœur, que je le brise en m’éloignant, en voulant me conserver égoïstement. Je reste là, à la regarder alors que les larmes se glissent sur ses douces joues et que des mots de tristesse et de colère dépassent ses lèvres. J’aimerais fuir cette femme que j’ai blessé, détourner le regard de ses yeux en larmes mais je ne peux pas, je n’y arrive pas et j’en suis incapable. Je continue de la fixer, les bras ballants, le souffle coupé par chaque mot qu’elle prononce. Je sens mon cœur ralentir, ses battements s’étouffant contre mon tympan alors qu’elle me supplie de ne pas l’abandonner et je me revois lui souffler ces quelques mots lorsque nous étions au tournage. Des flash-back emplissent ma tête quitte à faire souffrir celle-ci, tout mon être vibre pour me rappeler à quel point je tiens à Ella. Cette nuit où nous nous sommes rencontrés, je m’en souviens maintenant, je me souviens comment nos corps se sont rencontrés, je me souviens de lui avoir fait l’amour, de l’avoir aimée passionnément quitte à ce que ça ne soit qu’une fois. Comment avais-je pu oublier cette nuit pourtant inoubliable ? Suis-je con à ce point-là ? Maintenant, je me rappelle que nous nous étions déjà embrassé avant le tournage, que mes mains connaissaient déjà la perfection de ses formes. C’est peut-être pour cela que je n’ai jamais pu la voir comme une amie, mon cœur et mon corps lui ont déjà été offert sans même que je m’en rappelle. J’ai honte, j’ai envie de reculer, d’ouvrir cette porte et de laisser toutes ces souffrances loin de moi. J’ai toujours su me protéger des femmes et je tends à croire que tout aurait dû rester comme ça ainsi, elle n’aurait pas non plus toutes ces larmes sur ses traits.

-Comment peux-tu imaginer qu’il n’y a que tes lèvres et ton corps qui m’intéressent… Si tu me rends complètement fou, Ella, c’est parce que tu as ce cœur et ce caractère. Je ne parviens pas à te voir comme une amie, tu resteras toujours bien plus que ça à mes yeux. Tu as un cœur que je veux posséder, je voudrais que tu me l’offres comme je t’ai offert le mien depuis notre première rencontre ! Mais toi, Ella, comment est-ce que tu pourrais m’aimer ? Mon caractère n’a rien d’attirant, je suis vu par tous comme un démon et la façon dont je te fais souffrir prouve qu’ils ont raison. Je ne suis qu’un putain d’égoïste, je ne pense qu’à moi et à mes sentiments, tu comprends ça ? Tu l’as sûrement compris alors pourquoi t’acharnes-tu pour quelqu’un de détestable ?

Je secoue la tête, il n’y a aucune raison pour qu’elle vienne encore vers moi, même pour être amie avec moi. Après ce que je lui ai fait, je pensais qu’elle ne voudrait même plus me revoir mais elle est en face de moi et elle pleure encore… Je lui brise le cœur parce que je ne parviens pas à préserver ceux que j’aime de celui que je suis. Le mieux pour elle est qu’elle me fuit mais elle ne semble pas accepter cette option. Je la regarde longuement et mes yeux brillent. Ils brillent, oui, parce que la voir ainsi me fait plus de mal que je l’imaginais et que mon cœur se met aussi à me faire ressentir cette tristesse. J’ai les yeux remplis de larmes mais je les ravale, pas par fierté, non, mais parce que si je veux encore pouvoir lui répondre, lui parler, je ne peux pas pleurer.

-Cesse de dire que tu n’es rien ! Tu es tout à mes yeux, Ella, tu es tout depuis que l’on s’est rencontré ! Je n’ai jamais voulu te faire souffrir mais il semble que ce soit la seule chose que je sois capable de faire correctement. Putain, Ella, j’ai jamais voulu que tout ça arrive, tu comprends ? Je ne demandais qu’à pouvoir t’aimer, te regarder et pouvoir te dire à quel point je t’aime, je ne demandais qu’à pouvoir te laisser obséder mes pensées à chaque seconde mais même ça, ils veulent nous en empêcher ! Tu pourrais me voir tous les jours comme un simple ami alors qu’il pourrait y avoir tellement plus ? Je voudrais faire de toi la femme de ma vie, je voudrais pouvoir t’aimer sans aucune interdiction mais c’est impossible. Je peux comprendre que ta carrière soit ton rêve, la mienne était tout ce que j’avais aussi avant de te rencontrer mais depuis tu es devenu mon rêve et en même temps mon cauchemar. J’ai choisi la facilité en t’évitant, j’ai choisi la solution qui est plus simple à réaliser mais je n’arrive tout de même pas à t’oublier ! Alors devenir ton ami, Ella, ce n’est plus possible, j’ai l’impression que nous avons atteint un point de non-retour. Je n’aimerais jamais quelqu’un comme je t’ai aimé, ça n’arrivera plus jamais.

Je me rapproche d’elle, je prends sa joue dans ma main, essuie quelques une de ses larmes puis me penche pour l’embrasser. Quelques secondes seulement. Une larme roule sur ma joue et je m’éloigne finalement en la regardant, j’ai la gorge nouée, je ne sais pas quoi faire et j’ancre mon regard troublé dans le sien.

-Regarde ce que tu me fais, Ella… Je deviens vulnérable. Je ne peux pas croire que tu accepterais quelqu’un comme moi comme un ami, encore moins comme un petit ami.