« Est-ce que tu veux passer un appel ? » Muette, Hye Na secoua la tête. Qui pouvait-elle appeler ? Qui encore se souciait d'elle vraiment ? Elle avait fait tellement de mal autour d'elle et on l'avait tellement fait souffrir en retour que c'était peut-être mieux comme ça, de se retrouver enfermée entre quatre murs blancs entourée de personnes en blouses blanches qui lui parlaient comme si elle était débile et de dormir avec une camarade de chambre qui bavait et qui avait des voix dans sa tête. Elle le méritait après tout, enfin c'est ce que ses sa mère lui avait dit juste avant qu'elle monte dans la voiture de police. Encore une fois. Les policiers avaient de la peine pour elle, même sils s'étaient demandés plus d'une fois comment un si petit corps pouvait contenir autant de rage qui les mettaient à mal lorsqu'ils avaient essayé de la retenir un nombre incalculable de fois lors de ses crises de colère. Car oui, ses parents n'arrivant plus à la gérer ils devaient appeler la police pour la maîtriser lorsqu'elle devenait violente. La maison en payait souvent les frais, dans le sens où les murs étaient du gruyère et que les portes n'avaient plus leur fonction principale. La dernière fois qu'elle avait vu ses parents, elle s'était énervée car son père avait commencé à la battre, mais pas sans raison ; elle lui avait volé 800 000 wons pour s'acheter de la drogue. Alors oui, avec une pareille somme elle pouvait faire prospérer un empire du crime avec pour activité principal l'achat et la revente de drogue, mais c'était seulement un acte impulsif parmi tant d'autre, au même titre que ce téléphone volé en magasin, ou ce vélo qu'elle avait pris à un gamin. Quand on lui demande pourquoi, elle répond qu'elle ne sait pas, et pour une fois elle ne ment pas. Elle a envie de quelque chose, elle le fait sans se poser de questions, parce que les règles n'ont jamais eu d'impact dans sa vie. Ni l'autorité. Mais revenons à la réaction de son père en l'apprenant. Hye Na avait beau être ce qu'elle est, un mystère psychologique même pour Freud, son père n'était pas mieux qu'elle, mais c'était venu à l'idée d'aucun psychiatre de dire qu'il y avait un peu de génétique là-dedans. Lui aussi était impulsif et répondait aux problèmes par la violence, et c'était peut-être la raison pour laquelle la jeune fille parlait avec les poings ; depuis sa tendre enfance la violence physique était une traduction de la colère, alors elle était purement et simplement frappée lorsqu'elle faisait une bêtise, aussi futile ont-elles pu être au début. Et sa mère ? Sûrement qu'elle savait qu'elle allait subir le même châtiment si elle disait quoique se soit bien qu'elle se soit souent interposée, mais franchement, elle n'était pas mieux dotée car elle aussi avait le sang chaud. Alors évidemment Hye Na était naturellement prédisposée à avoir quelques difficultées relationnelles. Mais l'autre déclencheur de ce second séjour en hôpital était le fait qu'elle ait violenté sa mère. Sa chère mère qui pourtant avait dit qu'elle ferait tout pour se trouver une maison et prendre sa tendre fille avec elle. La raison ? Son mari l'avait trompé avec une jeune femme de dix ans de moins et se pavanait fièrement contant ses exploits sans aucune honte, en ayant viré sa femme de chez eux, alors elle avait vécu une courte période chez son frère durant laquelle Hye Na était violentée plus que jamais et pour une fois, sans aucune raison. Elle avait encore été virée de son école à cause de ses absences répétées et dans ses anciennes écoles c'était volontaire, cette fois-ci c'était parce que ses parents l'y avaient inscrite sans penser à un moyen de l'emmener. Ils avaient fait l'effort quelques semaines et après le départ de sa mère, son père avait préféré passer du bon temps plutôt que l'emmener à l'école. Alors pendant cette période où elle était - encore - descolarisée, elle travaillait avec lui comme à chaque fois dans un garage. En racontant à sa mère tout ce qui se passait, elle avait fait la promesse de trouver un logement pour pouvoir prendre avec elle Hye Na et sa petite soeur. Cependant un jour son père avait pris la décision de reprendre chez eux sa femme qui, follement amoureuse oublia tout ses travers et la vie reprenait comme avant. Mais Hye Na était furieuse qu'elle agisse ainsi en ouliant les erreurs de cet homme qu'elle avait horreur d'appeler « papa » car il ne méritait le pardon après avoir encore fauté de cette façon. Et comme à son habitude, elle exprima sa colère par la violence.

Hye Na avait vraiment envie de s'en sortir. Elle était épuisée mentalement de se battre contre les autres et contre elle-même. Elle voulait avoir une vie normale, mais malheureusement elle en était incapable. Ses efforts étaient toujours de courte durée, c'était un peu comme faire une coloration, c'était jolie et uniforme au début, mais au bout d'un moment les racines réapparaissaient. Tout le monde ne cessait de lui dire qu'elle n'aurait pas d'avenir, après tout elle n'était pas très intelligente, et elle n'allait jamais à l'école. Il n'y a que la maternelle qu'elle a fait en entier mais après son parcours fut chaotique. En primaire elle a dû aller dans une école spécialisée pour les enfants qui avaient des soucis de conduite tellement ses parents en avaient assez d'être convoqué tout les jours dans le bureau des maîtresses. C'est là qu'elle a commencé à être suivie par des éducateurs spécialisés et des psychiatres et psychologues. Mais à part lui donner des médicaments pour la calmer, elle n'avait pas été plus aidée, elle était hyperactive apparemment alors ça ne se soignait pas. Et puis quand fut venu le moment du collège, elle en a souvent changé et a même été exclue les derniers mois avant les examens qu'elle a quand même pu passer malgré tout. L'erreur qu'avaient fait ses parents était de la mettre en internat, et même si elle était une petite terreur, si plusieurs filles se liaient contre elle, elle ne pouvait rien faire, à part se plier à la moindre de leurs demandes pour éviter d'avoir des affaires volées ou vivre un enfer tout simplement. Et c'était pratique d'avoir Hye Na qui n'avait peur de rien. C'est aussi à cette période qu'elle a mis le nez dans la drogue, dans tout les sens du terme. Il lui fallait quelque chose pour s'évader, entre l'enfer chez elle, aux dortoirs et l'école qu'elle détestait, c'était son échapatoire. La drogue et la cigarette, c'était tout ce qui comptait, même pas les garçons. Elle avait bien eu quelques petites amourettes mais elle était plutôt une super copine pour eux, parce qu'elle était jolie comme une fille et faisait tout comme leurs copains. Et puis Hye Na était plutôt du genre dépendante, la personne qui aurait son coeur était sûrement la seule personne capable de l'aider à s'en sortir. Alors la journée elle était avec sa bande de copain, et la nuit elle se retrouvait à voler toutes sortes de choses pour que les filles la laissent tranquille, et c'est comme ça qu'elle a fini par être virée. A force d'être suspecte et coupable de toutes sortes de délits, quand il fallait accuser quelqu'un d'innocent à tord, elle était victime. Et puis quand est venue la période du lycée... elle n'y est même pas restée un an. Mauvaises fréquentations, drogue, vols, elle a vite était virée du lycée et s'est mise à travailler avec son père. Hye Na détestait rester assise sur une chaise à écouter, il lui fallait quelque chose de concret, et les voitures c'était assez concret pour elle ; elle adorait la mécanique. Mais le problème était vraiment son environnement familial et les conflits se multipliaient, mais elle souffrait et personne s'en rendait compte.

Hye Na passait pour la méchante à chaque fois, la mauvaise fille sans coeur qui faisait du mal à ses parents en les déçevant et en les insultant. Alors un jour, au cours d'une énième dispute en présence de la police, elle a demandé à se faire interner pour qu'on trouve une bonne fois pour toute ce qu'elle avait. Mais une fois encore, elle a goûté à l'incompétence du corps médical. Le verdict était tombé, elle avait deux neuronnes qui se touchaient, pourtant selon eux ce n'était pas la raison de ses agissements. Ils supposaient un trouble explosif intermittant, mais ce n'était pas sûr, alors ils ont simplement augmenté la dose de ses médicaments et elle apu repartir chez elle. Au début, tout le monde pensait que tout irait mieux, car ses parents faisaient de efforts pour que tout se passe bien et ils étaient plus patient, mais se fut de courte durée et le calvaire repris, jusqu'à ce qu'elle fut encore emmené. « Tu es sûre, pas d'appel ? » Cette fois-ci, on la désignait comme sociopathe.

Et puis après un an en hôpital psychiatrique, elle a pu en sortir. Ils ont essayé de tout traiter, tout sauf sa dépression. Parce que Hye Na n'était pas persuadée que cela allait fonctionner plus que la première fois, et qu'elle n'avait aucun repère. Malgré les lettres de ses parents au procureur pour la faire placer en foyer d'accueil, ils n'avaient pas reçu de réponse postive et il était hors de question qu'elle remette les pieds chez eux. Le plus simple a donc été de la faire émanciper, et le jour des signatures fut le dernier où elle vit ses parents. Avec l'aide de son éducateur, à sa sortie elle trouva un petit appartement minuscule qu'elle payait avec un job à temps plein dans un combini, très mal payé et surtout pas assez pour payer un loyer, de la  nourriture, des cigarettes et de la drogue, car oui, c'était toujours d'actualité et même si elle faisait l'effort de prendre correctement ses médicaments, c'était un mauvais cocktail. Alors elle se mit à vendre la drogue, marché fleurissant qu'elle connaissait déjà bien par le passé. Même si elle gagnait gros, ce n'était pas la vie qu'elle voulait mener, c'est ce qui l'a poussé à reprendre ses études. Mais aller au lycée à dix-neuf ans c'était la honte, et c'est la raison qui l'a poussé à trafiquer ses diplômes et s'en faire un faux pour prétendre avoir le niveau suffisant pour entrer à la fac. Elle a abandonné son « appartement » pour les dortoirs, et espère maintenant pouvoir prétendre à une vie normale.