J'aurais pu sortir ma caméra pour enregistrer et diffuser ce merveilleux moment. Nous, les hommes, nous apprécions obtenir satisfaction dans des projets personnels mais ce n'est pas comparable à ce collectif qui se rassemble pour célébrer une victoire inespérée. Des années de combat, des années de discussion et toujours la même réponse donnée sauf aujourd'hui. Une date parmi tant d'autres pour les inintéressés, une date synonyme d'horreur pour les sectes et finalement notre date. Je devrais en sortir une vidéo dans les prochains jours mais pour l'instant, je veux juste vivre mon euphorie avec principalement ces femmes autour de moi. Bien sûr plusieurs hommes sont présents ici, dans ce cortège rempli de sourires. Ils restent tout de même minoritaires. Le droit à l'avortement implique essentiellement les femmes, il s'agit de leur corps et de leur volonté après tout. Ce n'est pas pour autant que nous ne devons pas nous sentir concernés, mes petits copains et moi. C'est important de se soutenir. Finalement, je me dis que je prends la bonne direction en adhérant à des associations ou tout simplement à des causes. Criant avec l'assemblée, nous nous promenons glorieusement dans les ruelles de Séoul, brandissant nos pancartes tandis que mon oeil expert aperçoit plusieurs portables, la caméra allumée. Je salue celle-ci, comme le grand enfant que je suis (dans tous les sens du terme) et cogne involontairement la personne qui se tenait à ma droite. Nous sommes nombreux pour fêter ce changement législatif et nous sommes également serrés comme des sardines par moment.

Tu étais heureuse d'assister à ce jour. Bien que l'avortement n'est jamais été un sujet de préoccupation pour toi, principalement du fait que tu n'as encore jamais imaginé avoir des enfants ou non, tu restais consciente que cette date serait gravée dans les mémoires comme une victoire. Une victoire pour tant de femmes qui se sont battues pendant des années pour faire valoir leur droit. Tu étais fière de vivre cette journée, de voir tous ces visages souriants de tes propres yeux, et non à travers des photos. Pour la première fois, tu avais l'impression de faire partie de l'histoire, de la faire avancer, de la construire. Tu pensais même à poster une nouvelle vidéo pour l'occasion. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on fête un tel évènement, n'est-ce pas? Tu avais même pris ta guitare avec toi, sait-on jamais. Peut-être que certaines et certains allaient vouloir pousser la chansonnette? De quoi célébrer comme il se doit. Il y avait un monde fou dans les rues, c'était impressionnant. On scandait, on brandissait des pancartes, on riait, on applaudissait. C'est en observant toutes ces personnes que tu vis toute la beauté de l'humanité. Quand on s'unit pour une telle célébration, il n'y a plus de barrière, plus de classe, plus de différence. Tout le monde est Un. Cette image te fit sourire de plus belle. Décidément, tu n'aurais manqué ça pour rien au monde. Et ce, malgré le fait que vous soyez tous les uns sur les autres par moment. Il n'est pas rare de se bousculer sans faire exprès, ou de se prendre un coude ou deux. Et tu n'as pas manqué à la règle, parce que sans crier gare, tu sentis quelque chose te cogner la tête. « Aoutch. » Pas méchamment, juste de quoi attirer ton attention. Une main sur ton crâne tu te tournes vers ton voisin, un léger sourire aux lèvres. « C'est que ça devient dangereux dans le coin! » Tu le taquines, riant légèrement. Tu étais de trop bonne humeur pour t'offusquer d'un petit accident.

La manifestation de bonheur agite les grandes avenues de notre capitale. Pour une fois, les gens se réunissent pour célébrer une victoire, chose qui n’est pas spécialement courante au sein de notre pays. Je me rappelle de la colère qu’avait suscitée l’affaire de notre ancienne présidente, et bien d’autres événements terribles. Notre cortège risque par contre de faire pleurer les plus grands croyants, les fanatiques aurais-je envie de les surnommer. Je n’ai spécialement rien contre les religions mais nous sommes tous en droit de faire ce que l’on veut de notre corps. Il nous appartient, un point c’est tout. En tout cas, c’est assez marrant d’émettre une telle pensée quand je n’arrive pas à gérer le mien comme il faut. En effet, après avoir salué la caméra à quelques mètres de mois, j’inflige un léger coup à la passante à côté de moi. Un sourire gêné coincé sur les lèvres, la jeune femme se la joue décontractée à mon plus grand bonheur. De toute manière, nous avons clairement d’autres chats à fouetter. « Désolé. » Je lâche un rire à sa remarque suivante, et finis par avoir suffisamment de place pour croiser le regard de la victime. « Je m’inquiète pas trop pour toi. Je vois que tu es équipée pour dégainer en cas de besoin. » Je lui offre un sourire et me concentre sur son visage. A force de faire une multitude de choses et d’aller partout, je suis certain d’avoir croisé cette demoiselle, un jour lointain ou non. La lumière finit par frapper ! Dans les couloirs du dortoir… Son visage me parle définitivement. Un nouveau miracle vient de se produire le même jour ? Hallucinant. « Je ne savais pas que j’allais croiser des sangos ici. Tu es venue toute seule ? » Dis-je, le sourire aux lèvres. Je ne sais pas pourquoi mais je trouve ce constat bien agréable. « Je suis Théo. » Au cas où, elle ne se souvienne pas de ma tronche ou de mon prénom, j’aurais bien l’air con sinon.

Comment aurais-tu pu t'offusquer d'un petit accident comme celui-ci? Vous étiez tellement serrés par moment, ça te donnait presque envie de te mettre sur le côté pour pouvoir respirer. Tu avais même failli donner un coup de guitare à quelqu'un il n'y avait pas plus de dix minutes. Alors non, vraiment, tu n'allais pas t'énerver pour ça, et ton voisin en sembla soulagé, lui qui arborait déjà un sourire désolé. Tu ris à sa réponse. « Parée à toutes éventualités! » C'est pas comme si tu manquais d'éborgner qui conque te suivrait de trop près. Mais pacifiste comme t'es, les seules fois où t'assommerait quelqu'un, ce serait avec une berceuse, et pas autre chose. Couvrant tes yeux du soleil, tu observais ton nouvel interlocuteur avec attention. Tu le connaissais, tu en étais sûre. Et lui aussi devait penser la même chose, parce qu'il te détaillait tout aussi minutieusement, comme s'il était passé en mode recherche. Et c'est sa réflexion qui fit illumination. Les Sango. Tu l'avais vu au dortoir, c'était vrai, mais ton cerveau te soufflait une autre réponse. « J'avoue que pour une coïncidence! Je suis bien venue toute seule oui, mais ce serait drôle de découvrir d'autres Sango dans le coin! » Personne ne s'était vraiment donné le mot, et c'était pas comme si cette journée avait été le sujet de discussion principal au petit déjeuner le matin même, mais qui sait? Après tout, vous veniez bien de vous trouvez tous les deux, alors tout est possible. Théo. Oui, tu te souvenais très bien de lui, et ce n'était pas qu'au dortoir que vous vous étiez vus. « Eun Mi! Dis-moi, t'es aussi au club de musique pas vrai? Franchement pour tomber l'un sur l'autre dans cette foule, fallait le faire! » Si c'était pas le destin, tu savais pas ce que c'était, mais ça t'amusait beaucoup!

Parmi toutes les personnes présentes dans la foule, j’arrive à tomber nez-à-nez avec une sango. Je ne la connais pas spécialement mais son visage me parle. Le monde est vraiment petit et cette observation ne peut me faire que sourire. C’est agréable de se dire que des étudiants de la faculté sont tout aussi investis. Je ressentirais presque une once de fierté vis-à-vis de ma fraternité. C’est à se demander si le destin nous pousse à nous retrouver tous ensemble. Un sourire amusé toujours présent sur mes lèvres, je regarde la minuscule demoiselle. « C’est carrément possible ! Nous avons un esprit révolutionnaire dans la fraternité, cela ne fait plus aucun doute ! » J’en rigole, bien évidemment. La prochaine fois qu’une telle occasion se présente, je frapperai à chacune des portes pour qu’on puisse débarquer tous ensemble. Eun Mi est déjà notée sur la liste. Cela me fait penser que Kaia pourrait être dans le coin si la demoiselle était suffisamment à l’aise avec la foule. Enfin, c’est sans importance. A nous deux, nous allons clairement faire le travail ! Célébrer un accomplissement que j’attendais avec impatience de mon côté ! La date du jour sera à mémoriser pour les prochains cours d’histoire et pour l’instant, trop occupé à vivre le moment présent, on ne s’en rend pas spécialement compte. Me présentant, au cas où  à la demoiselle, je ne cache pas mon désespoir sur mon visage. « Oh… Le club de musique, je suis encore une vraie nouille. » Je force une grimace et regarde la jeune femme. « Rassure-moi ? Tu n’étais pas là lors de la dernière séance ou tu as pu assister à ma contre-performance ? »  A peine croisé, et voilà que j’attends de la jeune femme qu’elle me remonte le moral ? Du tout. A vrai dire, je suis dans le club de musique depuis peu afin de faire accroître la qualité de mes vidéos. La musique est essentielle, les paroles d’une chanson, une instru peuvent communiquer bien des choses. Et puis, c’est aussi un moyen de faire mes propres sons pour mes projets-vidéos. « Oui c’est marrant. On n’a jamais eu trop l’occasion de parler toi et moi. Et voilà qu’on le fait en plein milieu d’une manifestation. Plus bruyant que ça, tu meurs. On peut dire que nous sommes des originaux, toi et moi. » Je lui fais un clin d’œil.

D'avoir trouvé un compatriote Sango te rassurait un peu, pas que tu te sentais mal à l'aise ou autre, disons simplement que c'est toujours plus sympa de fêter ce genre d'évènements avec des amis ou des connaissances, même si on ne les a croisées que quelques fois. Et bien que ce soit le cas pour ce Théo, le courant passait plutôt bien, ce qui était bon signe et te rendait d'autant plus enthousiaste. Tu ris à sa remarque. Il était clair que s'il y avait des révolutionnaires, il était plus que probable qu'ils soient chez les verts! Pour ce que tu avais déjà pu voir, et pour celles et ceux que tu avais déjà rencontrés au dortoir, tu n'étais pas sans ignorer le caractère fort de certains, et ça te plaisait énormément. Honnêtement, d'être tombée sur Théo durant cette célébration, ça te faisait d'autant plus plaisir de savoir que d'autres se sentaient tout aussi concernés par de tels sujets de société au sein de votre fraternité. Tu remarquas sans mal son malaise et sa honte quand le sujet du club de musique fut évoqué. « Ah non, je n'ai pas eu cette chance, pourquoi? C'était si terrible que ça? »  Tu n'avais pas pu venir à cause du boulot la dernière fois, et pour le coup, il t'avait rendue très curieuse sur ce que tu avais pu rater! Que s'était-il donc passé? Au vu de l'air déconfit qu'il arborait, il n'avait pas dû se montrer sous son meilleur jour. Qu'à cela ne tienne, si tu pouvais lui remonter le moral, tu allais le faire sans l'ombre d'une hésitation! Un rictus amusé se dessina sur ton visage. Des originaux. Ça, c'était peu dire. « J'avoue! Il nous fallait bien au moins ça pour qu'on discute, sinon ça aurait été trop banal! » Un rire s'échappa de ta bouche tandis qu'une poussée d'acclamations vint de devant, se propageant dans toute la foule jusqu'à ceux du fond, telle une vague de joie entraînant tout le monde sur son passage.

Rejoindre le club de musique quand notre seule connaissance est le solfège est sûrement ridicule aux yeux de certains. J'apprécie l'idée d'être un original mais c'était surtout un moyen pour évoluer. Je tiens à ce que mon contenu dans mes vidéos soit plus important, plus frappant. La musique est certainement le domaine qui peut toucher le plus grand nombre de personnes. Ainsi, rejoindre les meilleurs de l'université devrait me motiver. C'est le cas en plus mais disons qu'il y a certaines humiliations dont je voudrais bien me passer... Par chance, la jeune femme n'a pas assisté à ma dernière répétition. A mon avis, je devrais toucher à plusieurs instruments afin de savoir lequel me ferait le plus vibrer. Toutefois, j'ai des années de retard. Je viens donc plus pour la théorie et pour les contacts. Intéressé ? Bien sûr et avec rémunération. Ma mère étant une artiste, je connais leur difficulté et cela me paraît naturel de payer pour un travail. Pourtant, cette bonne pratique est souvent ignorée. Là encore, nous avons des progrès à faire mais chaque chose a son temps. Mon visage devient aussi blanc qu'un fantôme représenté dans son plus grand cliché, je finis par lâcher un rire en remarquant mon sens de l'exagération. « Disons que j'ai mélangé mes do et mes si. » Puis, je m'approche d'elle pour qu'elle puisse entendre mon murmure. Bon, effectivement, ce n'est pas vraiment un murmure vu le bruit autour de nous mais vous avez compris l'idée... « On a failli me faire virer à plusieurs reprises des sangos pour ça, t'sais. Heureusement que notre ancien président s'est fait la malle... J'ai eu le droit à un sursis. » Bien sûr, ce n'est qu'une blague. Décidément, j'ai vraiment hérité de l'humour pourri de la famille. Tata Athéna en est l'exemple parfait. J'esquisse un sourire. « Et la prochaine fois, ça sera quoi à ton avis ? » Curieux, je prends un ton plus sérieux pour apprendre à connaître Eun Mi. « Quel changement te ferait le plus plaisir ? Enfin, si tu arrives à faire un choix. » Soudain, nous sommes interrompus par des applaudissements. J'imite les gens devant nous avant de glisser deux doigts près des lèvres pour siffler. Tout ce bruit risque de me détruire les oreilles toute la soirée. « Tu es dans le cortège depuis combien de temps ? J'en ai oublié de manger avec toute cette agitation. » Jetant un coup d'oeil tant bien que mal aux alentours, je tente de repérer un 7 eleven.

La musique était ta passion depuis toujours, si bien que ça avait été d'une évidence extrême pour toi de rejoindre le club de musique de la fac. Pouvoir partager avec d'autres passionnés, qu'ils soient plus ou moins expérimentés, c'était une occasion à ne pas manquer. Et ce, malgré ton emploi du temps qui te faisait parfois rater une répète ou deux par-ci par-là. Quand tu entendis Théo expliquer ses mésaventures, tu ris de plus belle, imaginant bien le tableau à présent. « Ah ça va pas ça, il va falloir qu'on y remédie! » Tu disais ça sur le ton de la plaisanterie bien sûr. Quoique. S'il en avait envie tu pouvais tout à fait l'aider à s'améliorer. Après tout c'est en faisant qu'on apprend, non? Et puis entre artistes il faut bien s'entraider. Il change alors de sujet et prend un ton plus sérieux. Un changement que tu aimerais voir? Il était vrai qu'on pouvait en citer à la pelle. Pourtant il y en avait un qui te vint naturellement en tête, comme une évidence. « Plus d'égalité entre les classes sociales, ça aussi on en aurait bien besoin... » Tu parlais par expérience. Après tout c'était bien à cause de cette inégalité que ta mère et toi aviez dû déménager de Séoul il y a tellement d'années. Tu forças un sourire pour éloigner les sombres souvenirs et te tournas vers Théo. « Et toi? Tu choisirais quoi comme changement? » La vague d'applaudissements qui vous interrompt était vivifiante. Un élan de joie contagieuse auquel on ne pouvait pas échapper. Et alors que ton comparse se met à siffler, tu pousses un cri joyeux et enthousiaste pour l'accompagner. « Franchement j'en ai aucune idée! Mais ça fait clairement plus d'une heure, et maintenant que t'en parles, je commence à avoir faim... » Tu te mis également en quête d'un endroit où trouver à manger, mais Théo avait un avantage de taille, c'était le cas de le dire. Tu te hissas sur la pointe des pieds pour essayer d'y voir un peu mieux, tes mains couvrant tes yeux du soleil. Tu t'écrias enfin. « Par là regarde! » Et telle une vigie qui annonçait voir des terres, tu pointas du doigt une enseigne juste de l'autre côté de la rue.

Décontracté, je raconte ma vie à la jeune femme dont je ne connais pas grand-chose. Son joli minois inspire la confiance et la bonne humeur. Il faut dire que nous avons toutes les raisons pour être heureux ce soir. L'état d'esprit reflété par l'attroupement peut aussi jouer sur son moral. Qu'importe ! Ce n'est pas le moment de jouer au psychologue. Encore un domaine où je n'y connais rien. Quoi que, vu mes vidéos, je crois que c'est plutôt en musique où je porte officiellement le bonnet d'âne. " On ? Tu parles... J'ai déjà un coach mais je me demande s'il ne fait pas exprès... Peut-être qu'il a peur que l'élève surpasse le maître un jour... ou dans une autre vie ! " J'échappe un nouveau rire avant de reprendre mon sérieux. Je questionne Eun Mi sur ses envies futures pour notre système, notre population. " Hou, c'est un objectif difficile à atteindre mais l'idée est excellente ! " Je ne suis du genre à me décourager mais beaucoup de mesures seront à prendre si on souhaite parvenir à ce monde, peut-être utopique. " Hm.. Je ne sais pas trop. Il y a l'embarras du choix mais je ne saurais les classer. " Cela doit venir du fait que je suis vraiment un touche à tout en la matière. Je ne peux pas définir ce qui serait le plus important alors qu'un autre changement mériterait autant d'attention. Ainsi, je préfère me contenter de cette réponse plutôt évasive. Mon estomac prend le dessus, de toute façon ! " Ah je m'en doutais ! " Je retiens un sourire et observe les alentours pour repérer une boutique. Or, la sango me devance. " Bien joué ! " Je prends ensuite le rôle de guide pour nous créer un chemin. " Tu arrives à me suivre ? " dis-je à travers la foule avant de rejoindre le commerce au bout de plusieurs minutes. J'ouvre ensuite la porte et lui souris. " Les dames d'abord. " Les français sont de véritables gentlemen, n'est-ce pas ?  

Tu l'écoutes évoquer ses mésaventures et son coach inefficace, et tu souris doucement. Au moins il persévère, on ne peut pas le nier! Et c'est bien là la clef de tout. Faire, encore et encore, jusqu'à atteindre son objectif. Abandonner est le pire des échecs, surtout quand on sait qu'on n'a pas tout tenté, ou fait de son mieux. Le sujet devient plus sérieux. Tout le monde souhaitent voir des changements. Mais au final, peu font vraiment quelque chose pour que ça arrive. Plus d'égalité entre les classes. Si ça avait été le cas, tu n'aurais probablement jamais quitté ta ville natale, et les choses auraient sûrement tournées autrement. Mais on ne construit pas sa vie sur des si. « Rien n'est impossible si l'on s'en donne les moyens. » Une des phrases préférées de ta mère. Il faudrait que tu l'appelles d'ailleurs, ça fait un moment que tu n'as pas entendu sa voix, et elle te manque plus que tu ne l'admets. « C'est vrai que la liste est longue, mais faut bien commencer quelque  part, sinon on reste bloqué au point de départ et jamais rien ne se passe! » Une évidence. A force de ne pas pouvoir se décider, on ne fait jamais rien, et on ne voit pas de changements s'opérer. Commencer est toujours le plus difficile, peu importe la tâche. C'est se lancer qui fait peur, mais une fois que c'est fait, tout s'enchaîne. C'est ce que tu t'es toujours dit.
La faim vient finalement vous interrompre. Et alors que tu repères votre cible à l'autre bout de la rue, tu suis Théo qui ouvre la marche, non sans mal. A être plus petite, on a le désavantage de passer plus inaperçu et de devoir se faire voir par tous les moyens possibles. « T'inquiète, au pire des cas je sors la guitare et j'en assomme au passage! » Que tu lui réponds en riant alors qu'il t'interpelle à mi-chemin. Vous arrivez enfin à la porte, porte qu'il ouvre avant de te laisser passer. « Woah, la galanterie n'est pas morte, c'est un miracle! » Tu parodies une révérence en souriant, avant d'entrer. L'employé à la caisse te lance un regard curieux, et tu te contentes de le saluer. Tu guettes légèrement les rayons, essayant de repérer ce que tu allais bien pouvoir te trouver à manger. Tu remarques aussi qu'il n'y a pas grand monde. Sûrement qu'ils sont tous soit dehors soit cloîtrés chez eux.