La conversation changea et permit à Hojin de se focaliser sur autre chose que le fait qu’il ait envahi son espace personnel et qu’il l’ait touché. Bien qu’elle n’ait ressenti aucune once de menace de sa part, elle n’en était pas moins sur ses gardes. La confiance relative qui s’était installée entre eux, s’était envolée au moment où il lui avait pris les mains. Cependant, elle était restée parce qu’elle était intriguée par cet homme qui avait pour passe-temps de dessiner les femmes endormies. Inconsciemment, elle avait envie de le connaitre et apprendre potentiellement avec lui à ne plus avoir peur des hommes. Il était gentil Wei et semblait totalement inoffensif, notamment avec elle. C’est pour cette raison qu’elle se vide la tête et prend sur elle pour ne pas partir. Wei est attendrissant, elle ne voudrait pas le blesser en s’enfuyant comme une malpropre. Il s’inquiète même pour elle et sa maladie alors qu’ils ne se connaissaient pas. « C’est mignon de t’inquiéter comme ça. Mais ça va. Je suis robuste. » Sans ça, elle n’aurait clairement pas supporté et survécu aux coups que Jinsun lui donnaient. Pour l’avoir vu se battre plus d’une fois et avoir subi ses poings, elle savait qu’il ne contrôlait pas sa force. Ça l’avait en quelque sorte sauvée d’avoir eu cette insensibilité congénitale à la douleur. « Les règles… Beaucoup de filles se plaignent qu’elles sont douloureuses. J’ai pas ce problème. » Un petit mensonge qu’elle sort pour ne pas avoir à parler de son ex petit-ami violent qui lui en avait fait voir de toutes les couleurs. A la place, ils se mettent à parler tatouage et elle sourit un peu plus quand il expliqua le fond de sa pensée. Il est vrai que certaines personnes étaient faites pour être tatouées alors que d’autres non. Cependant, ça dépendait énormément du dessin et de l’emplacement choisi. Mais Jin restait persuadée que n’importe qui pouvait se faire tatouer. « Je vois ce que tu veux dire. Mais ça n’est pas nécessairement quelque chose qui arrive à chaque fois. Parfois, c’est fait exprès que le tatouage soit visible et à un emplacement que toi tu n’aurais pas choisi. Mais chaque personne est différente. » Si elle, elle avait choisit de se faire tatouer ce n’était pas par esprit de rébellion. C’était simplement parce qu’elle trouvait ça beau et qu’elle avait toujours voulu couvrir sa peau. Et ça se voyait maintenant, parce qu’elle était remplie d’encre. Elle enlève sa veste pour lui montrer son tout premier et remarque que le regard du plus vieux ne cesse pas de bouger d’un tatouage à un autre. Hojin se dit qu’un jour, elle le laisserait tous les voir pour qu’il puisse assouvir sa curiosité d’artiste. Elle se retourne à nouveau pour lui faire face et se rhabille, un léger sourire sur les lèvres. « Je n’en ai dessiné aucun. T’as bien vu mon niveau médiocre en dessin. » commence-t-elle, riant un peu. « J’ai simplement fait part de mes idées à mon tatoueur et il a tout dessiné lui-même. Il a toujours su retranscrire ce que j’avais en tête. » Jin écoute ensuite ce que Wei lui dit et un sourire doux prend possession de ses lèvres. « C’est vrai que c’est le problème avec les tatouages. C’est à vie et malheureusement, ce qui te plait maintenant, pourrait ne plus te plaire à l’avenir. Fais ton premier tatouage par rapport à ta famille si je peux te donner un conseil. S’il a une signification… Tu ne le regretteras jamais. » C’était son cas. Le loup était une représentation de sa famille : les Kang. Elle sourit un peu plus à ses mots. « Elle aura vraiment de la chance la femme que tu épouseras. Et c’est pas cliché. J’en veux aussi un avec mon mari. » Elle le rassurait parce qu’elle voulait la même chose.

Le jeune homme savait qu'il avait fait une bêtise. Une énorme. Il s'était attendu à la voir partir en courant. Et pourtant, elle restait là. Alors il ne fit plus de mouvement brusque. Il s'était même reculé un peu plus loin. Comme pour lui laisser un peu plus d'espace, de place, il voulait qu'elle soit tranquille et non perturbé. La conversation glissa doucement sur d'autre sujet alors qu'elle lui expliquait sa maladie. Étrange et intéressante. Il voyait directement les mauvais côtés. « C'est ceux qui disent être les plus robustes qui souffrent le plus » dit-il en connaissance de cause. « C'est vrai que je ne connais pas les douleurs de règles alors je ne peux pas non plus connaître cette joie, mais tant mieux pour toi alors ! » Un domaine bien sombre pour le chinois qui ne comprenait jamais combien les filles souffraient. On avait beau lui expliquer, il n'avait jamais vécu ni ressenti cette douleur. Alors c'était flou, très flou. Mais il ne pouvait rien y faire.
La discussion se tourna sur un sujet qui devait plaire à la jeune femme vu son corps et son sourire. Chacun donnait leurs avis dans la tranquillité, écoutant l'autre et répondant. C'était reposant et intéressant. Réellement. Il aimait ce genre d'échange qui se faisait tout naturellement. Wei était heureux d'apprendre à connaître Hojin à l'heure actuelle. « C'est sûr que la vision de chacun est différent. Je suis bien placé pour le savoir en art. » Il devait critiquer, argumenter, commenter, toutes les œuvres d'arts qui passaient sous son œil. Et son esprit était rapidement devenu critique, une bonne chose pour son milieu. Mais très rapidement handicapant quand ça touchait la vie commune. « Tu aurais pu avoir un style particulier rien qu'à toi » Plaisante-t-il doucement. « C'est bien si tu as réussi à trouver une personne qui y arrive. C'est rare et compliqué. » Parce que lui-même avait du mal à retranscrire sur feuille ce qu'il avait en tête. « Je pensais commencer sur ma famille. Ils sont...tout ce que j'ai. » Il sourit en pensant à ça. Vraiment, ils étaient les mêmes. Ils étaient pareils. L'un et l'autre. Wei sombrait peu à peu pour cette jeune femme. « C'est vrai ? » Il joua avec son crayon dans les mains, la regardant, humectant ses lèvres avant de mordre sa lèvre, signe qu'il réfléchissait. « Tu voudrais quoi ? Qu'est-ce que tu aimerais avoir sur la peau en commun avec ton mari ? »

La gêne d’avoir été touchée par lui s’évapore petit à petit et il n’en reste plus rien. Elle ne s’est pas enfuie en courant et elle s’en félicite elle-même. Serait-ce parce que malgré tout, Wei lui inspire confiance ? Il n’a pas l’air méchant et elle se doute qu’il ne pourrait pas faire de mal à une femme. Pourtant, c’était exactement ce qu’elle pensait de Jinsun avant qu’il ne lève la main sur elle. Cependant, avec le chinois, elle arrive à faire taire cette appréhension. Certes, elle reste encore présente, mais Hojin arrive à ne pas se laisser bouffer par elle et continuer sa conversation avec le plus vieux. D’ailleurs, ses mots font écho à sa propre histoire et elle cache une grimace de dégoût. Il n’a pas tort. Elle est robuste mais avec tout ce que son ex lui a fait subir, elle ne les plus mentalement parlant. Sauf qu’elle tait ce détail et sourit maladroitement à Wei. Elle ne veut pas lui exposer son passé. Pas encore. Elle ne le connait pas encore assez et même si c’était le cas, elle avait mis tellement de temps à l’avouer à Sejun, que ce n’était pas à quelqu’un qu’elle connaissait à peine qu’elle se confierait. « Je peux pas savoir non plus. Mais certaines de mes amies ont tellement de crampes qu’elles sont incapables de bouger pendant quelques heures… J’ai de la chance dans mon malheur. » Même si Jin ne voyait pas sa maladie comme un malheur, elle était quand même heureuse de ne pas avoir ce genre de douleurs. Elle sourit même en pensant qu’elle n’aurait pas de douleur non plus quand elle accouchera.
Leur conversation finit par changer de direction pour en venir à ses modifications corporelles : ses piercings et ses tatouages. Elle aimait le fait que Wei ait autant d’avis sur la question parce que ça rendait leurs échanges intéressants et elle aimait les hommes intéressants. Ce n’était pas qu’un mouton qui acquiesçait à tout ce qu’elle disait et ça lui faisait plaisir. « Le tatouage est un art aussi. Puis ce genre de choses est subjective. Mes parents n’aiment pas mes tatouages alors que ma petite sœur les aime parce qu’elle peut les colorier avec des feutres. » Elle sourit à cette pensée. Combien de fois Yijin avait sorti ses feutres pour s’amuser sur le corps de sa grande sœur. Ça l’amusait et Hojin ça ne lui faisait rien. Elle pouvait même appuyer sur sa peau, elle ne ressentait rien. La jeune femme fronce les sourcils et détourne le regard, légèrement vexée. « Tu te rappelles que tu devais pas te moquer… » Elle n’était pas douée pour l’art, elle le savait mais si elle ne pouvait pas dessiner, son corps, lui, était une œuvre d’art. « Il est talentueux c’est pour ça. Il a réussi à faire transparaitre sur mon corps tout ce que je lui disais. Je pense que ce sera mon tatoueur à vie. » Elle ne voulait pas changer parce qu’à son sens, seul lui pouvait comprendre ce qu’elle désirait. Un sourire tendre s’affiche sur les lèvres de Jin alors qu’elle écoute Wei parler de sa famille. C’était fou ce qu’ils avaient en commun. « La famille c’est sacré… On passe pas assez de temps avec eux, si tu veux mon avis. » Hojin voulait passer encore plus de temps avec eux, mais parfois ça lui était impossible. Elle rougit légèrement quand Wei rebondit sur ses paroles concernant son tatouage avec son mari. « Je sais pas encore ce que je voudrai… C’est quelque chose qu’on doit choisir à deux… Comme le prénom d’un enfant. Je veux pas préparer quelque chose pour être déçu s’il ne veut pas. »