Mason n’appréciait que peu les effusions de tendresses, trop niaises et pressantes, dans les milieux publics et Nova avait toujours fait en sorte de ne pas s’attirer ses foudres pour cela. L’ascenseur était un havre éphémère d’intimité où Nova se permit de lui dérober un rapide baiser, qu’il savait d’avance être pardonnable, quand une fois dans les ruelles, sa position se fit plus droite et la distance s’instaura d’elle-même entre eux. Il n’était pas dans son plan d’énerver Mason ou lui causer la moindre contrariété, au contraire. Nova désirait lui être agréable jusqu’à devenir indispensable à son quotidien, non sans offrir la résistance et la rébellion qu’il fallait pour préserver l’intérêt de Mason. A aucun n’instant l’homme ne devait le prendre pour acquis. Nova n’était pas un séducteur nait. Ses vices étaient nombreux, la luxure primant sur plusieurs d’autres, pourtant, il a toujours été rare qu’il fasse les premiers pas ou sache comment attirer l’autre vers lui. Avec Mason c’était différent, comme si, au final, être lui-même était ce qui attirait l’homme le plus. Nova agissait avec la sincérité de ses émotions ; fait ironique quand leur rencontre a été calculée. Ils avaient beau être à des milliers de kilomètres de leur pays, là où personne ne les reconnaitra, il continuait à prendre ses précautions. Le garçon relève la tête de l’écran lumineux, ses yeux de chats brillants face à la proposition. « Tu promets ? » Il ne réalise pas l’enthousiasme enfantin que revêt sa voix, l’excitation réelle de voir l’autre fournir des efforts pour lui. Rentrer tôt voudra surement dire que Mason travaillera plus dur la journée pour le rejoindre, la simple pensée attendri chaudement son cœur.
A la plage, Mason continue à le surprendre – à faire battre son cœur, l’organe étant devenu traitre à chaque geste attentionné de l’autre. Et la peur ne fait que grandir chez le plus, celle de se sentir happé de plus en plus dans le piège dont il se pensait sortir sauf. On ne lui a jamais accordé d’attention avant, que ce soit de ses parents, sa sœur ou ses nombreux amants sans noms. La vision de homme accroupi face à lui, minutieux de son bien-être, était aussi désarçonnant qu’agréable.
Peut-être qu’il commence à ne plus vouloir quitter l’irréalité des lieux.
Ils prennent place à l’une des tables et Nova sent agréable les vagues d’eau venir chatouiller ses pieds de temps en temps, du côté où il se trouvait. « Ça devrait aller…si j’ai le droit de finir la bouteille. » ajoute-t-il taquin, il trempe ses lèvres dans la coupe, le sourire grand. Il aime la présence de Mason, la façon dont il s’ouvre peu à peu à lui. « Je commence à m’habituer à la ville, je crois. » Le rire accompagne ses paroles, ils sont loin de tout et c’est ce qu’il aime. Les enfants de Mason doivent surement lui manquer, lui n’avait personne. Ici ou ailleurs, c’était la même chose, son penthouse a toujours été désert et silencieux. « Ça faisait longtemps que je n’avais pas voyagé, ce n’est pas amusant quand on est seul. » La moue boudeuse tandis qu’il baisse les yeux sur la carte qu’on vient de poser face à eux. Même en ce moment, il était souvent seul puisque Mason passait les journées et une bonne partie de la soirée au travail, seulement, cela restait agréable de se prélasser avec la certitude qu’il lui reviendra le soir. « Commande pour moi. » souffle-t-il finalement en repoussant la carte, se versant une nouvelle coupe de champagne, la première rapidement terminée.

Les pensées de Mason étaient constamment troublées par l’image de son amant. Il lui manquait s’il ne répondait pas à ses sms, occupé. Il lui manquait le matin quand il quittait ses draps chauds. Le soir quand il rentrait dans cette demeure qui était la sienne mais terriblement vide de la présence de Nova. Il y trouvait ses enfants, ses deux anges qu’il aimait par-dessus tout. Et chaque soir c’était pareil : Un baiser pour sa femme, un repas rapide, une histoire pour ses enfants et il filait, cherchant une excuse de plus en plus banale pour ne pas rester au domicile familiale. Il partait une fois que ses enfants dormaient et il retrouvait Nova, dans ce penthouse vide de bruit la journée mais qui se remplissait de leurs ébats passionnés et leur rire la nuit. Mason était toujours impatient quand venait le soir, quand la nuit recouvrait Seoul, qu’il se savait bientôt libre de ses horaires de travails et qu’il pourrait retrouver le gosse. Parfois il s’obligeait à ne pas lui répondre, parfois il inventait des excuses pour ne pas le voir parce qu’il savait qu’il sombrait sur une pente glissante. Au fond de lui, malgré un déni réconfortant, Mason savait qu’il tombait amoureux de Nova, peut-être même que c’était déjà trop tard (évidement que c’était trop tard). Mason l’aimait ce gosse, mais préférait se dire qu’il avait de l’affection pour lui parce qu’il égayait ses journées, parce que ça le changeait de sa routine torturante. Non jamais il n’aurait le cran de pouvoir se dire qu’il lui était impossible de vivre dans Nova, pourtant l’évidence était là. Il n’avait pas envie que ces pseudo vacances s’arrêtent. Il voulait pouvoir profiter du gosse, l’emmener faire de la plongée sous-marine, louer un bateau et aller se baigner en haute mer, là où l’eau était plus que turquoise. Il voudrait aller visiter les temples, les petits villages. Le sortir d’ici. Lui montrer le monde, dans son entièreté. Qu’il soit … heureux. Mason rit à sa remarque et garde la bouteille de son côté de la table avec un petit air malicieux. « Ça peut se négocier. » dit-il l’air entendu sur son allusion remplie d’une promesse sensuelle. Peut-être que Nova pourrait récupérer sa bouteille pour quelques baisers et caresses qu’il lui donnerait en privée ? Le gosse boude de ne pas avoir voyagé depuis longtemps, et c’était le genre d’informations que Mason retenait afin de pouvoir lui en offrir … C’était naturel, sans arrière-pensée. Il voulait lui faire plaisir, avait bien compris que l’argent n’était pas une nécessité mais … tant que Mason payait, Mason avait le contrôle. Il passe une main sur sa bouche, réfléchissant à ce qu’il pourrait lui faire manger. Il saisit le menu de Nova et souffle « Bien sûr chéri. » sans réaliser tout de suite cette marque d’affection qu’il venait de souffler. Chéri ? Oh Mason … que fais-tu ? Ne te laisses pas avoir ainsi. Tu es si fort … bien plus fort d’habitude, mais il était difficile de ne pas céder aux yeux de cet amant envoûtant. Mason pince ses lèvres lorsqu’il réalise ce qu’il a fait et adopte une posture un peu plus tendu et distante. Il déglutit et prends son verre pour le boire d’une traite faisant déjà signe au serveur de venir pour ne pas que Nova puisse lui dire quoique ce soit. Chéri. Quelle idée. Mason commande rapidement, trois plats différent pour qu’ils puissent partager et commande aussi un alcool plus fort, quitte à s’enivrer autant le faire avant qu’ils ne réalisent que Mason aime Nova. 

Le manque s’était gracieusement imposé entre eux, il n’était un gosse amassé au comptoir du bar d’un luxueux hôtel dont Mason avait usé avant de rejeter. Il était devenu plus que cela, Nova en était certain. Il n’avait pas encore tout ce qu’il désirait mais il s’en rapprochait furieusement, et c’était aussi excitant qu’effrayant. Mason serait-il vraiment à lui ? Et si c’était le cas, arriverait-il à lui assener le coup de grâce comme ont été ses désirs le premier jour ? Et ensuite ? Quand il finira de tout détruire, d’enflammer le portrait parfait de la famille que sa sœur avait dessiné – un que lui n’avait jamais été jugé mériter, qu’adviendra-t-il de lui ? Nova était au bout du gouffre quand ses pensées se sont jointes à celle de Mason, il n’aspirait plus à rien, si ce n’était une mort qu’il espérait rapide. Parce qu’il n’avait plus aucune attache, et la solitude de son penthouse devenait de plus en plus étouffante. Avant, au moins, il y avait lui, monstre à l’haleine alcoolisé et aux poings de béton, les marques ont presque toutes disparues de son corps, si ce n’était pour les plaies qui ont su assez se creuser dans le derme pour muer au stade de cicatrices. L’espoir de le revoir avait continué de le hanter, espérant vainement le revoir ouvrir la porte avec cet air souverain sur le visage qu’il détestait ça (et il s’en dégoutait, de l’avoir tant attendu).
Mais toutes les images ont été remplacées depuis Mason. Et quand l’alcool lui monte à la tête entre les quatre murs de son logement, c’est vers l’ainé que ses pensées naviguent. Souvent à ses instants, il recevait un message de lui, comme si leurs âmes ont fini par être connecté à des fils invisibles. L’amour. Nova n’y irait pas jusque-là. Néanmoins, il espère que Mason l’aime un jour. Parfois, les messages soufflaient une chaleur étrange à son cœur – il n’était pas habitué à manquer à qui que ce soit, il n’avait jamais reçu d’attention avant. Les paroles de son père se sont depuis longtemps encastré dans son esprit et il ne s’en est plus dévié réellement ; Nova, t’as pas droit au bonheur. Pourquoi sa sœur y aurait droit, alors que le même sang coule dans leurs veines. Et son regard félin se glisse de nouveau sur Mason, l’homme de sa sœur, l’homme qui pulse quelques battements à son cœur.
Il était déjà trop tard. Vraiment.
Le rire de Mason est plus mélodieux que les belles symphonies et il s’y perd volontiers, son propre faciès se faisant plus boudeur en le voyant rapprocher la bouteille de lui. « Not fair. » se plaint-il d’une voix enfantine. Il lui abandonne le menu, confiant des goûts de Mason. A ses côtés, il devenait plus gourmand. La nourriture peinait toujours à s’aventurer jusqu’à son estomac, mais l’appétit était légèrement plus présent. Et. Chéri. Le flot de pensées se bloque, toute sa posture change alors que ses yeux s’ancrent dans ceux de l’homme. Chéri. Il n’avait pas mal entendu et Mason qui malmène nerveusement sa lippe en est témoin. Nova est incapable de dissimuler une légère esquisse sur ses lèvres, baissant les yeux docilement sur la table.
Il ne fera pas de remarques, non, pas maintenant. Parce qu’il était bien trop occupé à festoyer à l’intérieur. Mason était à lui, c’était une évidence. Peut-être encore quelques mois, ou seulement des semaines s’il continuer à bien jouer. Il l’avait déjà entre les doigts. Qu’importe si Mason impose la distance entre eux. Il était à lui. Et Nova glisse doucement les doigts autour de sa coupe et continue d’en prendre quelques gorgées jusqu’à ce que la table se remplisse de plats. Il grignote ici et là, la satisfaction suffisante pour que l’envie de manger soit encore plus faible qu’à l’habitude. Les minutes sont soudainement plus silencieuses mais il n’y avait rien de lourd, pas pour lui. Il sait que Mason pense encore au surnom affectueux qui lui avait échappé. Il finit par se caler contre sa chaise et continuer à simplement contempler l’homme en train de manger, sa beauté était irréelle, même dans les gestes les plus banales. Il ne se lassera jamais de lui – mais il le faudra. « On emmène la bouteille avec nous ? »demande-t-il capricieusement quand ils sont sur le point de partir et déjà il saute de sa chaise et ses pieds rejoignent le sable humide. Il dépasse rapidement Mason, les pas plus rapides alors qu’ils s’éloignent du restaurant et de la population, il n’avait plus personne quand il se tourne afin de lui faire face de nouveau. Il rompt la distance, un pas après l’autre, dans une pénible lenteur alors que son regard se fait plus prédateur. Enfin, ses bras sont capables de se verrouiller autour du cou de Mason, se redressant sur la pointe des pieds pour tenter de combler les centimètres. « Chéri. » murmure-t-il finalement, la malice dans les yeux et dans le ton. Ses lèvres se fendent contre l’oreille de l’ainé et la cajolent tendrement.« Continue de m’appeler comme ça quand on est tous les deux. Ça me donne encore plus envie de toi. » Son rire résonne avec insouciance. Il lui extirpera tant d’autres doux surnoms. Il le promettait.

Mason passe le reste du repas à repenser à sa maladresse. Pourtant elle ne fait que trahir ce qu’il ressent réellement pour le plus jeune ? Chacun de ses gestes ne l’ont-ils pas trahi de toutes les manières possibles ? Rien que son invitation à venir avec lui à ce séminaire, l’amour qu’il lui fait chaque fois qu’ils le peuvent. Cette façon qu’il a de le choyer, de le combler, de le couvrir d’attention, de cadeaux … Mason ne s’était jamais vu comme un Sugar Daddy, un de ces vieux pervers qui gâtent des gosses pour quelques ébats sexuels. Que c’était dégradant … et pourtant Mason préférait se coller cette étiquette que d’assumer avoir des sentiments pour le plus jeune. Pourquoi ? Parce que s’il n’utilisait le gosse qu’en échange un peu d’argent il pouvait partir quand il le voulait, il pouvait changer d’amant, ne lui devrait rien du tout ... Mais si le cœur s’en mêle. Si les sentiments prennent le dessus, Mason sait qu’il sera pieds et poings liés à cet homme. Que son amour, sa passion, sa dévotion et sa loyauté lui seront dédié et signeront sa perte. Un homme de sa condition, dans sa situation, ne pouvait pas se permettre de perdre un tel contrôle. Alors il préférait se contenter de jouer les marionnettistes. De tirer les ficelles d’une histoire d’amour dont il masquait la valeur et l’intensité au profit d’une romance contrôlée par l’argent et les services. Il respectait son amant, et jamais n’avait vu en ce qu’ils faisaient quelque chose de dégradant, mais c’était bien plus simple d’agir ainsi que de voir leur monde s’écrouler, car à l’instant où sa relation sera découverte sa famille volera en éclat et il perdra son boulot. Que ferait-il alors ? Se réfugiera-t-il dans le penthouse de son amant ? Que pourraient-ils faire ? Devenir ? on ne vivait pas d’amour et d’eau fraîche. Quelle folie de croire qu’ils pourraient assumer leur relation et en être heureux ? Il passa une main dans ses cheveux en quittant la table avisant son amant s’échapper comme un gosse malicieux. Il ne peut retenir un sourire Mason, car cette vision le grise. Il le suit, voit les rues se vider, voit le chemin emprunté par son amant s’appauvrir de regards gênant et quand ils sont enfin seuls Nova n’hésite pas à une seule seconde pour venir se coller à lui, jouant avec ses nerfs de ses mots et de son touché. Mason grince des dents, apprécie toujours autant de le voir attiser ses sens mais ne peut s’empêcher de sentir une colère monter en lui aux propos du plus jeune. Parce qu’il pensait que ce chéri pouvait être un jeu pour eux ? Le visage de Mason se ferme pour ne laisser place qu’à une expression de dominance : il reprenait le contrôle. Malgré lui il savait que cette attitude grisait plus encore le gosse et qu’il adorait quand Mason lui faisait l’amour énerver, ou après une dure journée, car ses coups de bassins se faisaient toujours plus forts, plus rapides, plus intense. C’était le genre d’instant où tout sentiment ne laissait place qu’à la folie d’un orgasme pleins de désir et de fureur. Le genre de plaisir intense qui vous faisait succomber. Attrapant son visage entre ses doigts Mason le fait reculer jusqu’au mur en pierre contre lequel il l’accule sans ménagement (pourtant la douleur n’était pas là un frein, mais un soupçon de plaisir en plus). « Parce que tu crois que tu peux jouer avec moi ainsi ? » évidemment. La réponse était si limpide pour les deux. Mason laisse échapper un rire grave, de ceux qui promettait à Nova une nuit de courbatures et de bleus délicieux. « Ne me met pas en colère. » et pourtant … Regardant autour d’eux d’un bref coup d’œil Mason dégrafe son pantalon et force Nova à tomber à genoux devant lui. Il reprenait le contrôle, le sexe (le angry sexe) pour faire taire son amour pour le gosse. « Tu sais ce que t’as à faire. » gronde la voix de Mason qui n’admettrait aucun refus à sa requête. Prenant appui de ses deux paumes sur le mur en face de lui, il surplombait son amant et lui présentait son bassin sans autre forme de délicatesses. 

C’est une faiblesse que Nova découvre tout juste, c’est récent, follement excitant, ce surnom égaré contre les lèvres du plus vieux, à sa seule intention. Il l’a bien entendu ce mot et il ne compte pas l’oublier, il est, après tout, le signe de l’évolution de ce qu’ils sont. Le charnel jamais loin, mais il y’a plus, incontestablement. Mason est doucement en train de tomber pour lui. C’est un constat face auquel l’homme n’était surement pas encore capable de fléchir, mais les sentiments étaient là, sans aucun doute. Et Nova ne pouvait que faire en sorte de les alimenter et les voir grandir tel le plus beaux des feu de forêts. Il s’accroche à cet espoir et tait les voix sordides qui résonnent dans son esprit – comment quelqu’un pouvait-il bien l’aimer ? lui si laid et incomplet. Certes, il avait réussi jusque-là à préserver une image aussi légère que rebelle face à Mason, le sourire toujours insolent sur la lisière de ces lèvres, même quand il ne s’en sentait pas le cœur, les mains enfouis dans sa veste en cuir à chaque fois qu’il les sentait devenir tremblantes, avalant une pilule à l’aide d’un verre de bourbon ; laissant Mason dans l’ignorance, à ne surement penser que ce n’était qu’une de ces nombreuses drogues qu’il essayait à chaque instant. Mason n’aimera jamais la personne qu’il était réellement, il ne voudra sans doute jamais se rapprocher du chaos émotionnel qu’il était et qu’importe. Parce que leur fin n’était pas destinée à être heureuse. Nova ne compte pas faire machine arrière et tous deux en sortiront détruits. Il s’accroche à ces instants de bonheur quasi idylliques puisqu’une fois arrivé à ses desseins, Mason n’aura que de la haine et du dégoût à lui offrir. Il le détestera, autant qu’il se détestait.
Pour le moment, il continue de sourire, et il n’y avait rien de forcé réellement, Nova aime être en sa compagnie. Il aime sa voix et le regard parfois adorateur qui navigue sur son corps, il aime ses étreintes, son parfum exaltant. Il aime tout de lui. Et ce n’est pas une chose qu’il est prêt à accepter pleinement non plus.
La réponse est aussi attendue que brutale, son dos rencontre douloureusement le mur, et le gémissement qui lui échappe est autant de plainte que de plaisir, Mason connaissant assez ses tendances. Il lève les yeux vers lui, le toise bien qu’il soit plus petit que lui et le sourire revient sur ses lèvres écorchées, bien sûr que cela l’amusait, tous deux le savaient parfaitement. Les doigts puissants retiennent ses épaules et l’obligent à tomber face à l’homme, les genoux éraflant le sol alors qu’il ne le quitte pas du regard. Puis il glisse sur le pantalon, le désire qu’il contemple autant qu’il ne ressent. Mais il ne compte pas obéir. Même si tout son être n’a pour envie que d’entrouvrir la bouche et l’amener avec langueur vers tous les cieux, Nova se contrôle, les poings serrés. Il ne veut plus être juste ça pour lui. « Je le ferai pas. » crache-t-il, ses doigts ayant juste assez de force pour reposer Mason, profitant du fait que ce dernier soit appuyé au mur. Il se redresse, les genoux poussiéreux et les yeux noirs. « Yeah, i know i like it rough, mais pas comme ça. Je veux plus de ta colère. » La brutalité de Mason ne doit plus exister que pour lui offrir du plaisir, pas une vengeance mesquine pour des mots tendres qu’il n’assume pas. Sa voix est basse mais ferme. Mason n’était pas le seul en contrôle. Ils étaient deux dans cette mascarade de relation.

Non ? Mason le fixe, ne pouvant cacher sa surprise. Plus encore il observe Nova se relever et le défier du regard. Non ? Le gosse ne se soumettait et le provoquait, plus qu’un jeu, une limite qu’il imposait comme s’ils se trouvaient à présent dans une relation et qu’il pouvait définir ses propres règles. L’exemple même d’un contrôle que Mason venait de perdre. C’était à cet instant, celui où ce chéri avait échappé ses lèvres qu’il avait marqué la fin de leur relation telle qu’il la connaissait. Ils entraient dans une ère que Mason n’avait plus visité depuis des années. L’avait-il seulement connu ? Il recule d’abord d’un premier pas, le visage crispé d’une amertume qu’il maitrise peu. Il passe une main sur sa ceinture pour remonter son jean et le boutonne serrant les dents si fort qu’il s’en creuse la mâchoire. La colère gronde en lui car plus que le refus du jeune homme, c’est la peur de constater qu’ils en sont arrivés à un stade où se mentir devenait ridicule. « Tu ne veux pas ma colère ? » ricane Mason, piqué, se réfugiant brusquement derrière ses remparts. Il savait qu’à l’instant où il le dira, ils ne pourront plus faire marche arrière. Il craint même que Nova n’ose le faire et ruine tout ce qu’ils ont construit jusqu’ici. Mason n’était pas prêt. Pas prêt à l’aimer. Pas prêt à faire des concessions. Nova devait se contenter de ce qu’il donnait aux risques de faire fuir Mason. Mais combien de temps allaient-ils durer encore ainsi ? Il était peut-être temps de faire face à la réalité, aussi effrayante était-elle pour le plus vieux. Mason avait 38 ans. Bientôt 39. Alors à quoi jouait-il ? Ce n’était ni les 14 ans qui le séparait de son amant, ni leur différence de statut sociale qui le faisait reculer ainsi. Mais Mason n’avait jamais, non jamais, assumé son attirance pour les hommes. Il n’a jamais d’ailleurs, d’aussi loin qu’il s’en souvienne, était amoureux d’un homme. Amoureux tout court pour être honnête. Il aimait sa femme, d’une affection tendre et particulière. Mais … Jamais avec cet amour qu’elle lui portait. Nova réalisait-il ce qu’il venait de faire ? Refuser sa colère, il voulait autre chose ? Que voulait-il ? Et cette façon qu’il avait de souligner le chéri de Mason lui donnait l’impression qu’il avait soudainement de l’emprise sur lui. Et ça Mason ne pouvait bien le vivre. Il attrape soudainement le visage de Nova, jamais il ne se montrait violent ou brusque avec son jeune amant, en dehors de leurs draps. Jamais pour lui faire du mal, toujours du bien. Il le fixe, voudrait lui crier un million de choses, mais Mason garde son calme et siffle simplement « Tu prends ce que je te donne Nova. Tu crois que t’es là pour autre chose ? » c’était violent d’atrocité, ces mots étaient aussi tranchants d’une lame en plein cœur. Quel homme cruel de se montrer aussi vif et lacérant. Ne réduire son amant qu’à un corps qu’il baise n’avait rien de glorieux. Mais Nova jouait sur une corde sensible et il lui faudrait toute son adresse pour le contenir. Le relâchant il se recule et se détourne pour retourner à l’hôtel. Il était hors de question qu’en prime il se donne en spectacle dans la rue. Bien qu’ils soient à l’abris des regards, ce trajet de retour lui permettait au moins de contenir ses émotions et sa colère. Cette colère que Nova ne voulait plus. De quel droit lui faisait-il ça ? brisant ce qu’ils avaient. Quand bien même ils avaient autant d’amour et de passion qu’il était difficile pour Mason d’assumer. Mason marchait vite, déboutonnant le haut de sa chemise. Quelle idée stupide avait-il eu de lui offrir ce voyage, ces instants de douceurs, ces baisers en dehors du lit … c’était de sa faute, de toute évidence. Il devait maintenant changer la donne. S’accrocher à ce déni qui volait en éclat. 

Non. Il redresse les épaules, elles se font plus carrées sur sa silhouette fragile, il lève la tête haut et toise l’homme de ses yeux félins. Et ce non n’était pas de ceux joueurs qu’il pouvait susurrer parfois durant leurs moments passés ensemble, simplement pour s’amuser des réactions de Mason et le taquiner. Le ton était sérieux et sans équivoque, il fait un pas en arrière et s’éloigne de lui, se retrouvant devant debout face à lui. Nova est grand sous sa carrure osseuse, pourtant il se sent souvent insignifiant face à la stature imposante de Mason. Mais ce n’est rien, il n’avait pas peur. Il avait connu pire que Mason. L’homme ne l’avait jamais forcé, contrairement à d’autres, et sa violence n’avait jamais dépassé les draps et la tolérance de Nova – aussi grande soit-elle. Il survole le visage aux traits divins et ses iris tentent d’y lire le moindre émoi, une amertume passagère lui apparait, si rapide qu’elle en semble être un mirage, avant de disparaitre. Et c’est sans surprise. Mason ne se dévoilera jamais entier à lui, ne connaissant que la défensive face à lui et sa maitrise lui revient. Le bouton est replacé correctement, il reprend son allure et c’est comme si rien n’était arrivé. Nova hoche de nouveau de la tête, le doute effacé dans ses yeux. Il se contente depuis trop longtemps des poussières que lui daigne Mason lui offrir, et il pensait s’en suffire jusque là. L’homme était occupé, entre son travail et sa vie de père, peut-être même qu’à un moment, ils se voyaient plus que Mason ne voyait ses propres enfants, mais c’est cette colère qu’il avait en hantise.
Nova est pourtant certain de ses mots et de ses actes. Il serait sien. Il sursaute quand les doigts calleux emprisonnent son visage, la poigne est douloureuse et il se mord la lippe pour étouffer un gémissement ; aucun plaisir n’est ressenti pourtant il tient bon, il ne tente pas de se dérober cette prise et offre à Mason tout le loisir de le contempler. « Je suis là parce que je le veux bien, je te rappelle. » corrige-t-il. La voix tout aussi calme, il ne devient pas victime des mots violents, parce qu’il sait que si le ton monte, il brisera encore tout entre eux. Mason était plus fragile qu’il n’en donnait l’impression, il voulait le secouer, mais pas assez fort pour le faire chanceler, uniquement pour penser à eux et à ce que le plus jeune commençait à représenter pour lui. Et pour cela, il devait changer la vision de Mason, lui faire assumer, enfin, la réalité – Nova n’avait jamais eu besoin de son argent, il n’avait rien d’un gigolo. S’il était là, s’il continuait à répondre à ses messages et à le rencontrer, c’est uniquement parce qu’il le désirait. La prise se fait moins forte jusqu’à disparaitre et Mason ne lui offre plus que la vision de son dos, Nova continue à le suivre sagement, reconnaissant sans mal le chemin jusqu’à l’hôtel. Ils se retrouvent à l’intérieur du lobby et c’est ici que la course poursuite prend fin, Nova se sépare de lui, il ne le suit pas jusqu’à l’ascenseur et se doute que Mason ne se rendra compte de son absence qu’une fois à l’intérieur de l’engin. Lui se dirige vers le luxueux bar encore ouvert malgré l’heure tardive, il prend place sur l’une des hautes chaises et commande un whisky on the rocks. L’envie de quelque chose de plus radical se fait sentir mais il tente de ne pas y céder, si Mason avait surement remarqué ses addictions, Nova ne s’est pourtant jamais montré drogué face à lui. Il ne le fera pas ce soir, qu’importe à quel point ses jambes tremblaient et son corps criait son manque. Il commande un second verre, le pose délicatement à ses côtés, là où espère revoir Mason. Bientôt.

La disparition de son amant le rend dingue. Parce qu’il savait qu’il n’y aurait eu que du sexe empli de colère pour réussir à le calmer. Et Nova le privait de ça. De cette échappatoire. Comment devait-il se libérer de sa rage si son amant se dérobait à sa prise ? Il n’avait pas envie de céder à sa provocation à cette façon qu’il avait de le faire venir à lui … à lui courir après. Mason était loin d’être prêt à assumer les sentiments qu’il avait pour Nova. Il n’y avait que du sexe. Du sexe intense, passionné, libérateur et terriblement addictif. Voilà ce qu’ils avaient … voilà ce que devait se contentait d’espérer Nova car Mason serait bien incapable de lui donner plus et pourtant … le voilà à faire les cents pas, fulminant, rageant contre cet amant désobéissant qui changeait les règles. Croyait-il que sa seule présence n’était là que par acceptation ? Que croyait-il ? Mason était si en colère contre lui, de tout gâcher, de faire voler en éclat le peu de sérénité qu’il avait. S’il s’écoutait il aurait jeté les affaires du gosse hors de cette chambre, peut-être même que ça l’aurait défoulé, mais il avait conscience qu’il n’aurait donné l’image que d’un homme faisant une scène. Il refusait de se donner en spectacle et pourtant Nova ne cessait de le pousser encore et toujours dans ses retranchements. Mason n’arrivait pas à décolérer, et qu’importe l’alcool qu’il ingurgitait, il était tendu. Il en voulait terriblement à Nova, mais plus encore, quelque part enfoui sous sa colère, on pouvait voir une once de peur, celle de perdre le plus jeune. Celle de réaliser que Nova n’en avait plus qu’assez de ces faux semblants et de cet argent que s’obstinait à partager Mason. Pourtant … pourtant c’était la seule façon qu’avait trouver Mason pour continuer de le voir … son amant ne s’en était jamais plaint jusqu’à ce soir. Mason s’étant bien évidemment arrangé pour faire taire tout début de complainte … détestant cette idée qu’il puisse attendre quelque chose du plus vieux … autre que du sexe. Après plus d’une heure à tourner en rond dans la chambre, Mason cède. Il descend là où il saura trouver Nova. Il n’a pas de mal à apercevoir son dos, saurait le reconnaitre entre mille et se sent incapable de lui donner ce qu’il veut à cet instant. Pas de s’asseoir à côté de lui. Il ne veut pas plier. Il en est incapable … quand bien même l’absence de son amant le brûle. Ses pieds refusent d’avancer. Butant, il n’a d’autre solution que de crier, attirant tous les regards sur lui. « Nova ! » ne vois-tu pas que j’ai déjà fait l’effort de venir jusqu’à toi ? Ne m’en demande pas plus … Pas trop d’un coup. Voilà ce qu’il voudrait lui dire mais il en incapable, Mason ne sait fonctionner qu’avec des ordres et des menaces. Une approche qui cache en réalité la faiblesse qu’il ressent face à Nova. « Maintenant ! » sa voix tonne à nouveau, comme un coup de tonnerre soudain. Les conversations se sont tuent et tout le monde le fixe, cherchant Nova du regard. Reviens, maintenant. Voilà ce qu’il veut lui dire. Mais Mason ne peut pas se dévoiler ainsi. Pas comme ça, pas ici. Il serre les dents et compte jusqu’à 20. Se promettant que si Nova ne le rejoins pas à ce compte à rebours final il retournera dans la chambre. Il ne peut lui donner plus. Donne-moi du temps. 

Ce soir, il avait envie de mette fin à ce cercle vicieux, ou du moins, s’assurer qu’il serait possible pour lui d’attirer un peu plus Mason dans ses filets et lui prouver à quel point l’attachement envers sa personne est devenu grand. Il ne désire plus d’étreintes rapides et violentes dans les allées sombres des ruelles, ni que Mason pense qu’il lui devait quoi que ce soit, et qu’il pouvait donc tout subir de sa part. Il n’est là que par envie et par plaisir. Et évidemment qu’il aimait cette violence, Nova l’avait gravé dans sa peau, souvent incapable d’atteindre l’osmose si ce n’était à travers ces extrêmes-là. Mais il tient bon, résiste et ne suit pas Mason vers la chambre d’hôtel tel le chiot docile que le vieux pense sans doute qu’il est. Il n’est pas un objet, il est apte à prendre ses propres décisions. Ses mains tremblantes entourent le verre de whisky qu’il finit d’une seule traite, il passera plus de temps sur le second, celui-là lui était juste nécessaire pour continuer à se contenir. Les minutes continuent de passer, les aiguilles de la grande horloge face à lui lui apparaissent sournoises, tant elles prennent tout leur temps à glisser d’un chiffre à l’autre. Il se sent devenir fou à chaque minute qui passe, et à la distance qui grandit entre l’ainé et lui.
Presque une heure s’égrène amèrement, il a les oreilles qui bourdonnent, la tête en chaos, entre l’ivresse et la clarté. Heureusement que le barman enlevait les verres de devant lui à chaque fois qu’il en finissait, parce que le nombre qu’il avait bu serait sans doute effrayant. Nova n’est soudainement plus sûre de rien. Faisait-il réellement les bons choix ? N’était pas trop tôt dans sa relation avec Mason pour qu’il lui impose pareils états d’âmes ? Il soupire bruyamment, l’agacement lisible sur ses traits d’enfant alors qu’il se commande un autre verre. Ce sera le dernier, Nova est décidé. Il remontera à la chambre et avisera de son prochain acte une fois qu’il sera face à l’homme, pour l’instant, il se sent incapable de réfléchir convenablement. Finalement, il ne peut que sursauter quand son nom vibre dans la salle, peu commun pour qu’il soit dirigé vers un autre que lui, de toute façon, la voix de Mason est reconnaissable entre mille autres. Sa voix est un ouragan qui l’attise et l’attire, pourtant, plus jeune, Nova avait toujours eu peur des orages et des cris nocturnes du ciel qu’il devait subir seul. Jusqu’à présent aussi, ses nuits étaient souvent plongés dans la solitude, mais il a si rarement l’esprit lucide pour les entendre et que la peur se propage dans son sang. Il lève la tête et se tourne, rencontre les orbes froids de Mason ; non, il n’a pas peur de cet ouragan-là. Il veut s’y plonger et se laisser entrainer de part et autre de ses souffles profonds et puissants. Il se redresse et glisse sa carte au barman pour rapidement payer. Puis il marche vers cet homme qui ne devait être qu’un jeu dans son quotidien, un pion pour la perte de sa famille, alors pourquoi son cœur se gonflait d’une joie sincère, presque innocente, de le voir faire l’effort de revenir vers lui. Mason ne l’avait pas abandonné comme tant d’autres avant lui, son propre géniteur ne s’était jamais retourné sur son passage. Il ne l’avait jamais ainsi cherché. Un sourire ravit les traits de son visage, il n’avait rien de conquérant, bien qu’il célèbre presque une victoire, juste apaisé. Son bras autour celui du plus âgé et il se rapproche de lui, l’entrainant déjà en direction de l’ascenseur. « Je suis là. » murmure-t-il finalement, constat stupide, Mason n’avait pas besoin de cette information pour le réaliser. Il était là, le regard félin et charmant, et le corps penché vers Mason, prêt à donner vie à toutes ses envies.