Tenue - Un soupire, une image qui me brûle, son visage, ses gestes… ses yeux. Les mêmes que les miens. Mon cœur bat un peu plus vite. J’ai le souffle coupé, j’étouffe à mesure que j’avance dans ces ruelles en pleine nuit. J’ai quitté le festival il y a de ça plusieurs heures, sans me rendre compte de comment j’ai fait pour rentrer. Je suis perdu, dévasté par ce qui vient de se produire. J’ai la nausée, je n’ai plus la force d’avancer. Mes pas sont lourds, ma silhouette se traine parmi ces regards curieux et jugeurs. Mais ma vision se trouble, je ne vois plus rien. J’avance sans savoir où je vais, sous cette pluie battante, j’ai l’impression d’être un poids mort. Les gouttes ont fini par se mêler à celles qui roulaient sur mes joues. J’ai mal… si mal. Plus rien n’a de sens dans ma vie, je ne sais plus ce qui est réel ou ce qui ne l’est plus. Quand je l’ai aperçu, c’était comme dans un cauchemar, un mauvais rêve duquel je me retrouvais piégé. Mon regard posé sur lui, je n’avais jamais ressenti une telle douleur. Cette sensation de vide jamais aussi présente… comme une claque qui venait de ma frapper. Désormais je suis k.o, incapable de penser, de savoir ce qui s’est passé. Et si j’avais fini par délirer, par devenir fou avec toutes ces années de débauche. Je n’y arrive plus, ma tête tambourine un peu plus fort. Je ferme les yeux, désespéré, troublé par cette journée folle. Je ne sais pas où je vais, comme un automatisme je traverse ces rues. Mon esprit me mène là où il me pensera en sécurité. Mon téléphone dans ma poche, je n’ai trouvé le courage de répondre à Kitae. Lui qui m’a vu partir sans rien dire, sans comprendre ce qui se passait. Mais je ne sais plus qui je suis, ce que je fous là… j’ai si froid. La pluie a trempé mes vêtements. J’ère depuis plus longtemps que je ne le pense. Lorsque j’ouvre de nouveau les yeux, je suis à l’université. J’ai un haut le cœur en franchissant les portes, j’ai soudainement envie de m’arrêter. De me laisser tomber ici et d’attendre sur le sol froid. Je voudrais que tout ça s’arrête. Me réveiller en me disant que ce n’était qu’un rêve, une illusion… Machinalement je continue ma route, tentant de garder le peu de courage qui me reste. Dans les couloirs de mon dortoir, je suis mon chemin. Les portes défilent les unes après les autres, j’aurais pu m’arrêter avant, comme une vieille habitude que j’avais. Mais je poursuis, laissant ma tête décider pour moi. C’est un besoin qui me ronge de l’intérieur. C’est viscéral, seul ma douleur me guide jusqu’à cette autre porte. Je m’arrête devant, le cœur battant, si fragile… c’est les cheveux dégoulinant d’eau, tremblant que j’ose frapper... Et je nourris l’espoir fou de voir la seule que mon cœur blessé réclame… La porte s’ouvre, comme un mirage auquel je ne croyais plus… « Ye Won… » C’est douloureux, comme un murmure. Une supplique pour qu’elle ne referme pas. 

ootd// Doucement, tu te remets du choc. T'encaisses comme tu peux ce qui s'est passé. Tu n'arrêtes pas de penser à Hye Mi, au fait qu'elle a eu beaucoup moins de chances que toi. Et tu n'arrêtes pas de t'en vouloir, de te dire que t'aurais préféré être à sa place. Parce qu'elle ne mérite pas tout ça. Parce que ça te tue de l'intérieur, de voir que tu t'en sors aussi bien, comparé à elle. Comme s'il n'y avait aucune justice, en fin de compte. Tu penses aussi à Il Kyang, au fait qu'il vous ai sorti de là. T'as pas osé le voir, lui dire merci. Tu n'en as pas le courage. Parce que dans le fond, tu ne sais plus comment agir face à lui. Tant de choses se sont passées en si peu de temps. Ton anniversaire, cette soirée, puis cet accident... T'es perdue, la douleur qui t'empêche de dormir. Tes pensées qui restent obstruée, encore et encore. Et là, allongée dans ton lit, ça tourne en boucle. Une perle d'eau qui finit par rouler sur ta joue, que t'effaces d'un geste de la main. T'aurais passé quelques heures supplémentaires au chevet de ta meilleure amie si seulement on te l'avait accordé. Mais toi aussi, t'as besoin de repos. De te remettre de ce choc. Alors tu restes là, dans ce lit trop froid pour toi. Dans cette chambre, coincée. Tu suis les consignes des médecins contre ton gré. Tu finis par te redresser, difficilement, pour attraper de nouveaux cachets à avaler. Un soupire qui s'échappe d'entre tes lèvres, cette sensation que ton corps tout entier te fait mal. Que tu ne pourras pas passer outre la douleur. Car ton coeur meurtri reste le point central de tout ça, décuple les blessures physiques. Et tu restes perdue dans tes pensées, si tristes, si déprimantes. Tu ne t'attends pas vraiment à ce que quelqu'un frappe à ta porte, il te faut quelques secondes pour le réaliser. Quelques unes supplémentaires pour te lever de ton lit, pour aller ouvrir. Tu serais prête à t'énerver, lorsque ton regard se pose sur Il Kyang, tu redresses ta tête, avant que ça te frapper de plein fouet. Cette supplique, cet air qu'il affiche, cette douleur qu'il peut avoir au fond de lui, et que tu ressens toi aussi. Tu restes figée devant lui, interdite. Et pendant cet instant, qui semble durer une éternité, tu oublies tout. Dévastée, quelque part, à le voir comme ça. « Il Kyang… » souffles-tu, sans comprendre ce qui est en train de se passer. Sans un mot de plus, tu l'invites à entrer, fais de ton mieux pour attraper une couverture, la déposer sur ses épaules. Ton bras platré t'empêche de pouvoir le faire correctement, mais tu tentes, comme tu le peux. Enfin, tu fermes la porte derrière lui, et l'observe, sourcils froncés, une certaine inquiétude qui te gagne. « Qu'est-ce qui se passe... ? »

Tout tourne autour de moi, je perds pieds, je n’ai aucune lucidité sur ce qui se passe. Lorsque mon regard croise le sien, je suis engloutie, par la tristesse, le besoin d’être auprès d’elle. Je n’avais envie de voir personne. Je voulais parler à personne, si ce n’est, elle… triste réalité alors qu’elle me hait. J’avais peur qu’elle me rejette, que cette porte se ferme sur moi. Mais je suis surprit, son regard à l’air inquiet, bien que je sois trop loin mentalement pour m’en rendre compte. Je rentre, comme un automate qui suit une route toute tracée. Je me surprends à sursauter doucement en la sentant poser une couverture sur moi. J’en attrape un bout, la tire un peu plus pour la déposer sur mes épaules. Puis mon regard la suit, de peur de la perdre de vue, comme si ce n’était une illusion et que j’allais bientôt atterrir. Mais si tout ça n’est qu’une hallucination, alors elle est plus forte que toutes celles que j’ai déjà connues. J’ai presque envie de tendre les mains pour la toucher, pour savoir si je ne suis pas complètement fou. Revoir ce visage que je connais me rassure, cette chambre aussi, même si je n’y ai jamais mis les pieds avant. Je tente de me raccrocher à quelque chose, à quelqu’un… et cette personne c’est « elle ». J’ai le souffle coupé, je déglutis difficilement alors que sa voix trouble mes pensées. Je l’observe, le regard perdu et sans émotion. Je n’ai plus la force de souffrir je crois, ça me fait trop mal. Et pourtant une part de moi se sent dévasté en la voyant là. Si j’étais lucide je repenserais à nos derniers échanges, à ces choses horribles qu’elle m’a dites. Et cet accident… je n’ai rien osé lui dire, je lui ai caché mon inquiétude… ce plâtre me rappellerait ce qui s’est passé, mais je ne sais plus. Tout se bouscule, j’ai des tas de flashs qui m’envahissent la tête. Elle, moi… le festival, la musique qui bourdonne encore à mes oreilles, cette vision de lui parmi la foule. Je reste muet, durant un temps qui me semble s’éterniser. Baissant les yeux, je lâche « Il était là… juste devant moi… c’était moi ! Le même. » Rien n’a de sens, je ne suis plus sur des phrases que je dis. Mon regard cherche désespérément à se raccrocher à quelque chose. J’ai subitement peur de croiser le sien, alors que mes peurs me submergent. « Je suis pas fou ! On s’est parlé, je l’ai touché. » Et il était réel putain. Ce n’était pas une folie. Je finis par fixer un objet sur son bureau, une simple babiole qui m’aide à ne pas perdre pied. Et dans un souffle, je finis par annoncer « J’ai un frère… » C’est une parole pour elle, mais je prends conscience qu’en réalité je me parle à moi-même aussi. C’est comme si je venais de mettre un mot sur mon angoisse. Sur ce que je ressens depuis que je l’ai laissé derrière moi. Je relève la tête vers elle « un jumeau… » et si la lueur dans mes yeux étaient celles d’un homme perdue, elle est désormais triste et terrifiée. 

A le voir, dans cet état, tu n'arrives plus à réfléchir correctement. Cette soirée, ces regards noirs échangés, tout ça semble disparaître. Parce que dans le fond, si t'as autant été déçue, c'est que tu croyais, à tout ce qu'il t'a dit. C'est que t'as été blessée, d'assister à une telle scène. Les sentiments sont réapparus entre temps, cet amour que tu lui portais, qu'il s'éveillait à nouveau en toi, et la déception a ravagé ton coeur, plus violemment encore. C'est sûrement pour ça, que t'as été aussi blessante, aussi virulante. Davantage encore avec cet alcool qui coulait dans tes veines. T'as parfois certains regrets, mais change d'avis lorsque tu repenses à ce qu'il a fait. C'est stupide, mais c'est plus fort que toi. Mais là, face à sa détresse, c'est l'inquiétude qui prend place en toi. Qui efface tout le reste. Alors, comme tu peux, tu le laisses entrer dans ta chambre, dépose cette couverture maladroitement sur lui. Tes sourcils froncés, attendant une réponse, une indication sur les raisons de son état. T'aurais envie de le toucher, le prendre dans tes bras, mais tu n'oses pas, pas encore. Et tu tentes de comprendre le sens de ses mots, de ces bouts de phrase qu'il peine à dire. « J’comprends pas… » souffles-tu, avant qu'il pose de réels mots sur ce qu'il vient de vivre. Un jumeau, tes yeux qui s'écarquillent sous la surprise. Tu ne t'attendais pas à une telle révélation, ni même à le voir aussi chamboulé. Mais tu comprends, l'état dans lequel cette découverte peut le mettre. « Un… jumeau. » que tu répètes, si peu sûre de toi. « Tu l'as vu où ? » oses-tu à peine demander, de cette voix faible et remplie d'incertitudes. Quelques secondes de plus, avant de flancher en voyant cette lueur dans son regard. Et ton bras valide vient l'enrouler, le rapprocher de toi. Dans un geste timide, fébrile. « Ca va aller… » Les seuls mots que tu arrives à prononcer, sans laisser tes propres émotions t'envahir. C'est la première fois, que tu le vois comme ça. C'est la première fois que tu le découvres aussi terrifié, aussi... Triste ? Et tu n'arrives pas à savoir, comment agir. Tu te sens si désemparée, en fin de compte. Et tu finis par t'éloigner un peu de lui, lui prenant la main pour l'asseoir sur ton lit. Qu'importe qu'il soit trempé, tu ne peux pas le laisser comme ça, pas maintenant. Une main qui passe dans ses cheveux encore trempés, ce regard soucieux qui reste posé sur lui. T'es prise au dépourvu, encore plus lorsque tu t'installes à ses côtés. Et même malgré tout ce qui s'est passé, tu ne peux pas le laisser à son propre sort. Pas comme ça, pas maintenant.

Un jumeau, du moins c’est ce que je pense car je n’en sais rien. Mais c’est impossible autrement, personne ne peut se ressembler autant sans ce lien aussi fort. Je suis désemparé, sans m’en rendre compte je repense à mon enfance, à ces instants douloureux que je vivais chez le psy. A ces discussions qu’avaient mes parents à mon sujet. Ma mère était si inquiète… Ne pas se souvenir de son passé, c’est compliqué. Je n’avais aucune base solide, ce sont eux qui me les ont apportées. Une des raisons pour lesquelles je leur dois tout. Et si ce passé c’était lui ? La question me brûle de l’intérieur, tandis que je me perds un peu plus. Je la regarde, ce grand vide au creux de mon ventre. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle vienne me serrer contre elle, mais cette étreinte me réchauffe le cœur. Ça me réconforte, juste assez pour me calmer lentement. Je n’ose plus bouger, j’ai si peur qu’elle s’en aille. Lorsqu’elle s’éloigne, je la regarde sans oser rien dire, je me laisse guider jusqu’à son lit et m’y assoit. Je reste figé, interdit. Le moindre geste m’effraie, je suis terrifié à l’idée que tout mon monde s’écroule. J’ai l’impression qu’il ne me reste qu’elle, ma seule source de lumière dans cet endroit lugubre et sombre. Je déglutis, réfléchis à sa question sans savoir quoi lui répondre. J’ai tellement de choses en tête. Des questions, des images… des souvenirs. « Au festival… » celui dont je lui avait parlé quand nous étions de nouveau proche. Je ne sais pas si elle s’en souvient, je ne pensais pas y aller en plus. Je m’étais forcé pour accepter, pour me dire que ma vie devait retrouver un sens. Et finalement je suis tombé sur lui… « Dans la foule… j’ai cru que j’étais en train d’halluciner… j’ai quitté la scène avant même qu’on est terminé… » mes propos sont plus censés, sans m’en rendre compte, je me suis saisi de sa main libre. Nerveusement, je joue avec ses doigts fins, les fixant avec insistance. « Et je l’ai revu, plus loin.. il était là… aussi perdu que moi… enfin je crois. » il m’a rejeté, il avait l’air aussi déboussolé que je l’étais. Je ne me souviens pas de tout, juste de son image… la mienne. Son apparence, nous étions les mêmes à quelques détails prêts. Des marques, des cicatrices ou des tatouages, mais ça n’était finalement rien. Ce qui m’a le plus troublé ce sont ses yeux… et plus j’y repense, plus j’ai cette sensation de vide qui revient. Celle que j’avais de si nombreuses fois repoussées quand j’étais gamin. Je croyais l’avoir semé, pour qu’au final elle me rattrape aujourd’hui. Et je la sens, sous mes pieds, prête à m’engloutir. « Je me sens si seul Ye Won… si tu savais… » il a laissé un trou béant. Sans que je ne puisse me l’expliquer. Je voudrais garder la tête froide, affronter ça comme si j’étais assez fort. Mais je n’ai jamais été aussi troublé de toute ma vie. Je n’arrive pas à gérer, je n’ai jamais été bon pour les émotions. Gardant sa main dans la mienne, je relève les yeux vers elle « Est-ce que tu crois que c’est possible ? D’oublier qu’on a un frère ? » Parce-que ça me ronge Ye Won. Je ne sais pas ce que ça fait d’avoir quelqu’un dans sa vie qui est du même sang que le sien. Comment j’aurais pu faire pour l’oublier ? J’avais six ans lorsqu’on m’a trouvé… j’ai cette soudaine impression que j’ai dû partager un peu de ma vie avec cet inconnu. Alors pourquoi ?

Tu te sens si faible, si désemparée. Il y a plusieurs années en arrière, t'as le sentiment que t'aurais su, comment réagir, comment faire pour l'aider, le calmer. Mais pas aujourd'hui. Alors que ton esprit lui-même est embué par tant de pensées. Pourtant, il faut que tu occultes tout ça, parce que tu sens, qu'il a besoin de toi. Malgré ces mots horribles que vous avez pu échanger. Tu lui dois bien ça, surtout. Il vous a sorti de cette voiture, Hye Mi et toi. Tu n'as même pas eu la force de le remercier pour ça, alors qu'il a très certainement sauvé la vie de ta meilleure amie, et qu'il a été présent pour te sortir de ce cauchemar aussi. Tes lèvres qui se plissent, cette étreinte que tu lui offres, sans pour autant être sûre que c'est de ça, dont il a besoin. Alors tu t'asseois à ses côtés, sur ton lit. Tente maladroitement de trouver une position qui ne te sera pas douloureuse. Et tu le laisses parler, te dire ce qu'il a sur le coeur. T'es surprise, même si tu ne le montres pas vraiment. Ta main dans la sienne, alors qu'il joue avec, et tu ne le quittes pas du regard. « T'es pas seul Il Kyang… » Puis, tu te souviens. De cette fois ou il a réussi à se confier à toi. Ce jour où il t'a avoué, ressentir parfois ce grand vide au fond de lui. Ca te ramène à ta propre situation, au manque inexplicable que t'as, depuis que Yejun n'est plus là. Vous n'êtes pas jumeaux, pourtant, tu peux sentir, à chaque instant, son absence. Et tu te dis que peut-être, ce qu'il avait osé t'avouer il y a des années serait lié à ce jumeau qu'il aurait vu. Ca pourrait paraître improbable, et pourtant. « Tout peut arriver, tu sais... » T'essaies d'avoir ce ton réconfortant, mais ta voix se brise un peu plus à ce simple constat. Comment lui dire, comment lui parler de ces pensées qui te viennent, en entendant tout ça ? Tu ne voudrais pas le brusquer, au contraire. De ton pouce, tu caresses sa main, essayant encore de trouver un moyen de le calmer, sans être sûre d'y parvenir. « Est-ce que tu crois que... » Tu marques un temps, ne saurait trouver le bon moyen de lui en parler, mais il faut que tu te lances. « Tu ressens encore, ce vide ? » T'as peur d'être trop brusque, de le renfermer sur lui-même en lui demandant ça. Mais tu oses malgré tout, peut-être trop naïvement. T'aimerais pouvoir l'aider, le sortir de cet état qui te fait du mal à voir. Mais t'es bloquée, face à lui. Tu n'es pas sûre d'avoir les bons mots, ni les bons gestes pour ça. T'en viens même à te demander pourquoi, c'est toi qu'il est venu retrouver après ça.

Je ne suis pas seul… j’essaie d’y croire, de m’y accrocher comme si c’était vrai. J’écoute sa voix, malgré que mes pensées ne cessent de tambouriner mon crâne. Je suis perturbé, j’ai la nausée parfois, une partie de moi essais de se souvenir de ce garçon. D’un frère… un frère que j’aurais dût avoir. Mais je ne me souviens de rien. A l’orphelinat j’étais seul… jamais mes parents n’auraient séparés des jumeaux. Je ne les crois pas capable d’une telle chose et surtout ils m’en auraient parlé. Se pourrait-il qu’eux aussi ignoraient qu’il existait ? Je retiens un soupir, comme une mauvaise expérience qui remonte à la surface. Je n’ai pas envie de revivre ces séances de psy, à crier, à ne jamais savoir et comprendre. Je me sens minable aussi, comment oublier quelqu’un qui est censé être comme vous ? J’observe ses doigts fins, comme une façon de me réconforter, de m’apaiser. Je me sens de plus en plus lassé. Sa voix trouble mes demi-pensées, je relève la tête vers elle… le regard triste « Je pensais l’avoir oublié… mais depuis que je l’ai vu, ça me ronge de l’intérieur… » Je n’arriverai jamais à décrire ça. C’est comme si j’avais toujours eut un manque dans ma vie et j’ai soudainement peur de trouver une réponse à ce mal-être. Lui qui m’a suivi durant tant d’années. Je détourne à nouveau le regard, fixant le vide « J’avais peur qu’il parte… » Je lui avoue, j’étais comme un gamin qui craignait qu’on l’abandonne. Si lui m’a repoussé, je me suis senti attiré vers lui, avec ce besoin pressant de m’accrocher à lui. Tout s’est écroulé, quand nos chemins se sont séparés. Même si ça paraissait fou à accepter, je crois que j’étais celui qui nourrissait le besoin d’aller vers l’autre. « J’ai pas eut la force de le retenir. » au final, j’étais juste ahuri par la situation. Quand il s’est éloigné, je suis resté longtemps sur place à me laisser envahir par ces sentiments. Ceux que je ne connais pas… Je me tourne vers elle, presque timide avant de lui demander « Est-ce que toi aussi ? Tu ressens ce vide énorme en toi ? » Je sais qu’elle souffre de l’absence de son frère. Mais jamais je n’ai imaginé ce qu’elle pouvait ressentir. Parce-que je ne sais pas ce que c’est d’avoir quelqu’un qui partage votre vie ainsi. J’ai toujours été tout seul chez moi, pour jouer, pour lire, pour comprendre, apprendre. A l’école j’avais pleins d’amis, je n’ai jamais envié les autres enfants car mes parents compensaient ce manque. Mais je comprends où elle veut en venir… « Ce vide, c’est lui… » Comme quelque chose que je pourrais saisir, qu’elle pourrait m’apprendre. Parce-que elle mieux que quiconque sait ce que cela fait. Je lâche un soupir, le premier que j’ose laisser échapper. Les épaules affaissées, je viens jouer de nouveau avec ses mains. « J’ai jamais su d’où je venais… ». Et je me rends compte que peut-être cette personne le sait… et ça me ronge. Mais je n’ai pas la force de me projeter, encore moins de me poser davantage de question. 

D’aussi loin que tu t’en souviennes, c’est la première fois que tu le vois comme ça. Et ça te déchire le coeur. Ca te fait mal, bien plus que tu ne l’aurais imaginé. Parce que pendant des années, t’as tout fait pour le détester, et finalement, tu te rends compte que ce n’était pas forcément la haine qui parlait pour toi, mais une incompréhension si forte, qu’elle t’a fait passer par beaucoup d’émotions différentes. Au fond de toi, tu le sais, tu ne peux pas le laisser comme ça. Tu ne peux pas l’abandonner à ton tour, c’est inimaginable. Alors t’es là, toute ton attention portée sur lui, le lassant jouer avec ta main, le laissant prendre le temps d’ont il a besoin pour se confier. « Est-ce que… T’as pu lui parler ? Qu’est-ce qui s’est passé ? » t’essaies de reprendre le fil, pour comprendre au mieux la situation. Pour tenter de l’aider au mieux, ne pas le mener sur de mauvaises pistes, de mauvaises idées. Sa question te fait réfléchir quelques secondes. Parce que tu n’as pas de jumeau, et ne pourrait certainement pas voir les choses de la même façon. Mais t’as perdu ton frère, vous aviez une relation fusionelle tous les deux. Les liens du sang qui peuvent finalement être plus forts qu’on ne le croit. Et oui, tu peux dire que t’as cet énorme vide en toi, depuis qu’il a disparu. Mais tu sais d’où il vient, de quoi il est composé. Tu te doutes surtout, que ce n’est pas tout à fait la même chose pour Il Kyang. « Souvent, oui. » oses-tu finalement répondre. La plus grande différence, entre ta situation et la sienne, c’est que toi, t’as tous ces souvenirs qui entraînent cette sensation. Qui la font plus violente parfois, lorsque tu te retrouves à un endroit qui te fait penser à Yejun. Qui l’amenuisent, quand tu décides parfois de ne pas y penser, aussi difficile que cela puisse être. « C’est possible… » répliques-tu à sa remarque. Tu ne bouges pas, reste là à ses côtés. Tu te demandes vraiment si tes réponses peuvent lui être utiles, si t’es la mieux placée pour qu’il en parle, se confie. Tu te sens bloquée quelque part. Par tes propres blessures. Physiques, qui t’empêchent de bouger, d’avoir cette attention que t’aimerais avoir à son égard. Psychologiques, qui te laissent avoir une certaine réserve, qui te font hésiter sur tes mots, ce que tu pourrais lui dire, lui demander. « Peut-être qu’il est temps de chercher d’où tu viens ? Tu trouveras beaucoup de réponses. » Tu te doutes, que ça ne doit pas être facile pour lui. Tu te demandes même si c’est ce qu’il a envie d’entendre. Mais il y a cette franchise dont t’as trop souvent fait preuve, qui revient au galop, quelque part. T’aimerais pouvoir lui dire que tu peux l’épauler s’il en a besoin, s’il se décide à sauter le pas. Mais tu ne sais pas comment faire. Interdite, quelque part, ne sachant plus quel rôle avoir auprès de lui.

Ses mots me font du bien, je me sens plus apaisé. Tout semble retomber, malgré que l’avenir me semble bien sombre. Tout comme mon passé. J’ai peur de m’y perdre, peur de comprendre et savoir. J’ai vécu durant tant d’année à faire semblant, à laisser ça de côté. Ce vide m’a pourri, mais au final j’en ai fait une force. Grâce à lui j’ai avance, je me suis forcé à toujours vivre au présent, à être positif aussi. Je crois qu’en réalité ça m’a servi. Malgré que depuis quelques années je me suis perdu… j’ai finis par y croire de nouveau en la revoyant. Je ne sais pas si elle se rend compte de ce qu’elle est, ce qu’elle représente pour moi. La distance qui nous sépare est minime, pourtant j’ai parfois l’impression qu’un fossé s’est mis entre nous. Et celui qui me sépare d’un éventuel frère est encore plus grand. Pourquoi faut-il toujours que les choses se compliquent ? J’ai souvent été responsable de ce qui m’arrivait. Mais cette fois je dois subir… sans vraiment savoir quoi y faire. Me confier à elle était surement la meilleure des solutions. J’ai l’esprit encore embrumé, mais j’écoute ses paroles, me concentre sur sa voix rassurante. Mon attention portée sur elle, je lâche un petit soupir, lassé alors que je sais qu’elle a raison. Il serait temps oui que je sache d’où je viens… je lâche un petit rire nerveux. « J’ai peur de savoir… » Parce-que finalement l’inconnu c’est effrayant. Un sourire triste au coin des lèvres, j’ose à peine réfléchir plus loin. Parce-que je n’ai pas envie de revivre ces moments stressants. Je n’arrive pas à me projeter, tout est encore si confus dans ma tête « Je suis fatigué… ». Je baisse de nouveau la tête, sans trop avoir la force de repenser à tout ça. Je suis soudainement vidé, de ma main libre je viens tirer un peu plus la couverture sur moi. Dire que ça ne devait être qu’un festival. Je ne pensais pas y rencontrer un autre moi. Je n’ai pas la moindre idée de comment vont se dérouler les choses désormais. J’ai juste envie de souffler, de ne plus penser à rien. Je n’aurai jamais pu rentrer dans ma chambre, être seul face à ces craintes. Je pense… je pense que j’aurais surement fait une connerie… et je ne sais pas si elle s’en rend compte. Je relève doucement le visage vers elle. J’ai encore les cheveux trempés, je suis dans un sale état et je me rends compte que tout est plus difficile quand elle n’est pas là. J’ai passé des journées horribles, depuis notre dernière dispute. « Ye Won... » C’est un murmure, parce-que j’ai le cœur brisé. J’ai peur de demain, peur d’affronter les jours sans elle. J’aimerais lui dire qu’elle m’apporte tellement. Elle me calme, me stabilise alors que tout part en vrille dans ma vie. Mais je n’ai pas la force, alors d’une voix douce et presque interdite « Serre-moi dans tes bras… » parce-que plus que jamais, j’ai besoin de sa chaleur. Elle n’a pas besoin de parler, de trouver des mots qui seraient juste. Je ne lui en demande pas autant, je ne veux qu’elle. Mon cœur saigne, son absence me hante… Je veux juste qu’elle me serre dans ses bras pour ne penser à rien.

Tu peux comprendre, sa peur de découvrir la vérité. Le stress que cela peut parfois provoquer. Ca t'est arrivé, trop souvent. Avec lui, avec Wen Yi récemment. Mais surtout, avec Yejun. Parce que lui, il n'est toujours pas revenu dans ta vie. Il a laissé un trou béant dans ton coeur, et t'as bien souvent trop peur de découvrir la vérité, celle qui l'a éloigné de toi. Celle qui a fait de sa fuite, une disparition que tu n'aurais jamais cru possible. « Je sais que ça fait peur... Mais c'est parfois bon de connaître la vérité. » Comme avec lui, si on ne tient pas compte de cette dernière soirée. Ca vous a fait du bien, de vous livrer, ça a changé la donne. Ne serait-ce que lors de ton anniversaire, ces matins ou vous vous retrouviez. Vous avez retrouvé un peu de vous, sans savoir à quoi tout cela allait mener. Mais il était important au final, que la vérité soit exprimée, une fois pour toute. Ca a soulagé ton coeur d'un poids, ça t'a rassuré sur l'avenir qui se dessinait. Mais ces pensées sont rapidement chassées, lorsque tu l'entends prononcer ton nom. Il y a cette tristesse dans sa voix qui fait rater un battement à ton coeur. T'as l'impression d'entendre un cri de désespoir, sans savoir comment réagir à ça. Alors tu te rapproches timidement de lui, ne pense plus à la douleur que tu peux ressentir dans tes côtes. Sur tes traits, l'inquiétude qui se dessine, qu'on devine sans l'ombre d'un doute. Ca n'a rien à voir avec toutes ces fois ou tu l'as récupéré dans ces soirées, chez lui. C'est beaucoup plus fort que ça, beaucoup plus poignant de le voir comme ça. Tu finis par lâcher sa main, enrouler ton bras valide autour de lui. Et tu le serres lentement contre toi, sourcils froncés, cette angoisse qui te prend. Comment l'aider à se calmer ? Comment l'aider à faire face à cette nouvelle épreuve ? Tu n'as pas les réponses à ses questions, ni même les mots qui te viennent pour ça. « Je suis là... » oses-tu à peine murmurer. Au fond de toi, tout se mélange, alors que tu tentes de laisser échapper toutes ces pensées qui te viennent. Comme si tu n'arrivais plus à penser correctement, alors qu'il est là, dans tes bras. Alors que votre dernière étreinte remonte à si longtemps maintenant. Et dans cette douceur que tu avais perdu depuis, ta main caresse son dos, lentement.