Assise à son bureau, Ye Won mettait un point final à cette énième lettre, à l’attention de son frère. Elle exprimait une fois de plus son désarroi, son incompréhension. Elle lui écrivait à quel point elle lui manquait, à quel point elle était prête à lui pardonner, si seulement il se décidait à revenir maintenant. Quelques mois déjà, qu’il avait quitté le paysage familial, sans aucune explication. Sans une lettre, sans un mot. Elle ne savait pas exactement comment le prendre, comment l’encaisser. Elle se sentait si désemparée, particulièrement en ce jour. Elle devait fêter ses dix-neuf ans. Elle aurait du passer la journée avec lui, à dépenser plus que de raison l’argent des parents, à s’amuser et rire avec lui. Au lieu de ça, elle était restée enfermée toute la journée, à tourner en rond dans sa chambre, laissant de côté ce téléphone qui avait sonné plus d’une fois. Même ses parents avaient oublié ce jour pourtant important, la laissant prendre son dîner seule, observant le balai des employés de la maison. Elle n’en était pas surprise, ils avaient toujours mieux à faire que de s’occuper de leurs enfants. C’était une habitude entre ces murs, en fin de compte. Alors elle était retournée dans sa chambre, son casque sur les oreilles, espérant que ces heures passent plus vite, qu’un nouveau jour arrive pour laisser celui-ci derrière elle. Elle avait cette mine triste, depuis quelques temps, malgré ces sourires qu’elle abordait au quotidien. Elle restait forte face à l’absence de Ye Jun, mais ce trou béant dans son coeur continuait de lui rappeler qu’elle était désormais seule face au patriarche. Tant de questions se bousculaient dans son esprit, mais ce soir, elle voulait les oublier. Les mettre de côté ne serait-ce que quelques heures. Allongée dans son lit, elle n’attendait rien, espérait pouvoir trouver le sommeil rapidement. Elle ne voulait plus penser à rien, et ne savait pas comment faire pour y parvenir. Sa respiration se faisait faible, délicate, alors qu’elle ouvrait les yeux, pour y découvrir une ombre à sa fenêtre. Une surprise, la peur qui l’envahissait d’un seul coup. Il lui fallut plusieurs longues secondes, avant d’oser approcher, découvrir au fur et à mesure de ses pas Il Kyang. Celui qui faisait battre son coeur, le seul qu’elle aurait accepté de voir en ce jour. Un sourire fin s’était dessiné sur ses lèvres à le voir, alors qu’elle laissait retomber son casque dans sa nuque, ouvrant la fenêtre pour qu’il puisse entrer. « Ilki ? Qu’est-ce que tu fais là ? »

« Joyeux anniversaire mon chéri. » j’écarquillais en grand les yeux devant cette voiture. Elle n’était pas parfaite, quelques bosses sur les côtés, quelques rayures aussi. Elle ne pouvait pas rivaliser avec celle de Min, mais… c’était la mienne. Je n’aurais jamais pensé que mes parents m’offriraient une voiture pour mes vingt ans. Vu la vie que je menais et le peu de fois où on se voyait, j’avais pensé qu’ils ne me feraient pas de tels cadeaux. Je leur avais demandé à plusieurs reprises s’ils étaient sûrs d’eux, mais aucun n’avait changé d’avis. Peut-être espéraient-ils ainsi que je reviendrais plus souvent à la maison... après ça, les discussions habituelles avaient repris leur cours comme toujours. Savoir si j’allais finir mon road trip, revenir dans le droit chemin… bref, des broutilles que j’avais vite laissées derrière moi en repartant avec Kitae. Un mois après, j’étais toujours sur les routes, mais cette fois j’avais mon propre véhicule. J’étais heureux, je me sentais surement encore plus libre ainsi à pouvoir voguer comme je le voulais. Aujourd’hui encore, j’avais décidé de rentrer sur Séoul. J’avais pris la route tôt ce matin. Kitae m’avait demandé plusieurs fois pourquoi je ne prenais pas le train, mais j’avais décidé ça sur un coup de tête… alors je n’écoutais que mon intuition. Jour important, jour de l’anniversaire de Ye Won. J’aurais voulu être là plus tôt, mais c’est en pleine nuit que j’arrivais enfin. Je voulais lui faire la surprise, je ne lui avais pas beaucoup parlé aujourd’hui. Je savais que ces derniers temps c’était dur pour elle, alors je ne voulais pas la laisser seule ce jour-là. Me garant non loin de chez elle, j’approchais d’un pas feutré. Hors de question de passer par la porte d’entrée. Je connaissais sa chambre et comment y accéder en escaladant. Alors j’étais déjà prêt, à grimper pour arriver jusqu’à sa fenêtre. Il était tard, j’avais presque peur qu’elle dorme déjà. Essayant de voir à l’intérieur, je toquais sur le carreau. Quelques secondes à peine, je la voyais m’ouvrir, un sourire qui se dessinait sur mes lèvres. « Surprise ! » Passant mon sac à l’intérieur, je rentrais à mon tour, avant de venir lui attraper le visage et l’embrasser. Elle m’avait manqué ! Même si je n’étais pas un vrai romantique, je devais admettre que j’aimais la retrouver. Notre relation à distance était un peu particulière. Je m’occupais davantage de ma musique que d’elle je pensais. Mais lorsque je la retrouvais je profitais toujours à cent pour cent à ses côtés. Je me détachais, juste assez pour venir lui souffler « Tu m’as manqué. » et je venais à nouveau lui donner un baiser, tout en l’emmenant vers le lit. Je n’allais pas déjà lui sauter dessus, mais je voulais juste retrouver la chaleur de ses bras. Alors je la fis basculer en arrière pour venir la surplomber et frotter mon nez contre le sien « Joyeux anniversaire Yeki. » parce-que je ne lui avais pas dit, j’avais fait comme si c’était un jour normal.

 

Elle ne s’attendait pas à une quelconque visite ce soir. Elle n’avait envie de rien, au fond d’elle. C’était étrange de passer cette journée sans son frère, lui qui rendait ses anniversaires inoubliables. Celui-ci le serait aussi, d’une certaine façon. Le premier sans lui, seule, à ne rien faire d’autre qu’écrire, gribouiller quelques dessins sur un carnet. Elle savait Il Kyang loin de Séoul, avait échangé quelques messages avec lui, mais jamais elle n’aurait pensé qu’il soit là, à sa fenêtre. Une surprise qui réchauffait son coeur, qui laissait pour la première fois de la journée un sourire s’étirer sur ses lèvres. Difficile de cacher sa joie, de savoir qu’il avait parcouru de nombreux kilomètres pour être avec elle ce soir. « J’arrive pas à y croire… » avait-elle soufflé, alors qu’elle pouvait le voir passer la fenêtre pour enfin lui faire face. Ses bras s’enroulaient déjà autour de son cou alors qu’il lui offrait un baiser. Un simple geste qui faisait toujours gonfler son coeur de bonheur. Plusieurs jours déjà qu’ils ne s’étaient pas vus, et elle pouvait jurer qu’il ne lui manquait jamais autant que lorsqu’il était sur les routes. « Tu m’as manqué aussi… » soufflait-elle contre ses lèvres, dans un sourire encore empli d’une certaine surprise. Son front collé au sien, elle se laissait guider jusqu’à son lit, retirant son casque pour le déposer au passage sur sa commode. Elle se sentait mieux à la seule idée de retrouver le contact d’Il Kyang. Sa chaleur et son odeur. Parfois, elle avait du mal à croire qu’elle avait pu tomber si rapidement amoureuse de lui. Mais c’était comme une évidence à ses yeux. Depuis le premier jour, le premier regard. Tombant sur son lit, son regard ne pouvait se dévier de lui, ses lèvres restaient étirées aux quelques mots qu’il osait prononcer. Elle murmurait un faible « merci », attrapant son visage pour l’embrasser une nouvelle fois. « Tu pouvais pas me faire de plus beau cadeau. » avouait-elle sans honte. Il n’y avait qu’à la voir pour comprendre que ce simple geste la comblait entièrement. Elle n’avait pas besoin de gâteau ou de cadeau, alors qu’il était là. Qu’il était le seul qu’elle aurait réclamé de toute façon. Même si elle avait gardé cette pensée sous silence, refusait l’idée de lui demander l’impossible, alors qu’il vagabondait pour vivre de sa musique. Mais il l’avait fait, comme si quelque part, ils étaient assez connectés pour savoir ce dont l’autre avait besoin, ce qu’il voulait. Une idée qui lui plaisait, bien plus encore qu’elle ne le montrait. Dans un geste fin, elle glissait ses mains dans son dos pour le rapprocher un peu plus encore d’elle. Pour profiter pleinement de son odeur et de sa présence. Et ça, ça n’avait pas de prix, elle le savait.

Je n’avais pas besoin de mots avec elle pour me sentir bien. Avec Ye Won tout était simple. Pour la première fois de ma vie j’étais vraiment attaché à quelqu’un. Je l’aimais… bien. On s’entendait bien tous les deux. Quelques embrouillent parfois, mais rien qui me faisait la détester. Peut-être parce-que nous partagions toujours des bons moments ? Je n’en savais rien. Je ne me prenais pas la tête. J’étais bien et ça me suffisait. Pourtant, je rencontrais pas mal de fille sur la route… je ne lui disais pas tout, mais je ne lui cachais rien de mauvais. J’évitais juste de lui dire que des groupes de filles nous draguaient après les concerts. De toute façon je passais plus de temps au téléphone avec elle, qu’à véritablement parler avec ces filles. Kitae avait peut-être du mal à me suivre parfois. Il fallait profiter selon lui, mais il voyait aussi que j’aimais cette relation. Elle était simple, sans prise de tête. Je ne rêvais pas aux prochaines années. Je vivais le moment présent avec elle. Cette fougue qu’on avait quand on était tous les deux. C’était ça que j’aimais ! Alors impossible pour moi de la laisser ce soir. Puis je mourrais d’envie de la revoir. Ça faisait un moment qu’on ne s’était pas vu. Pressé contre elle, je souriais un peu plus, laissant ma main se perdre dans ses cheveux. Approchant mon visage du sien, je venais à nouveau cueillir ses lèvres qui m’avaient manqués. Puis je m’amusais à déposer un baiser sur son nez « ça aussi ça m’a manqué », sa joue, son front, ponctuant toujours chaque phrase par un « ça ». Riant, je me laissais glisser plus bas pour venir attraper le tissu de son haut et le soulever. Puis j’en profitais pour venir embrasser la peau de son ventre en lui disant la même chose. Chaque parelle de son corps m’avait manqué, c’était certain. Je m’amusais juste et en profitais un peu. Mais il faisait sombre ici, à tel point que je décidais de me redresser doucement « Attends, j’allume. » Je ne pensais pas que ses parents se demanderaient ce qui se passait. Vu le peu d’attention qu’ils lui accordaient. Cherchant la lumière « Je veux te voir. » amusé par ma remarque je finissais par trouver l’interrupteur et la regarder. Je soupirais d’un coup, m’approchant d’elle « Tu me fatigues… t’es trop belle. » et rien qu’à moi. Même si je n’étais pas possessif. Mais j’aimais bien l’idée que nous soyons un vrai couple tous les deux. Je venais à nouveau cueillir sa bouche qui m’avait manqué, tout en l’incitant à se redresser. Me détachant juste un peu, je me calais contre les oreillers et l’attirais entre mes jambes pour coller son dos à mon torse. « Tu faisais quoi ? » je savais qu’elle n’avait surement pas fêté son anniversaire. Elle était restée seule, encore plus après le départ de son frère. Elle n’en parlait pas beaucoup, alors je n’insistais pas… mais je savais qu’elle devait surement être triste. L’enlaçant un peu plus à cette idée, j’avais envie de retrouver toutes nos habitudes. C’était instinctif, même si on ne se voyait pas souvent, dès qu’on était ensembles, chacun reprenait sa place. Jouant avec ses doigts, je venais enfouir mon visage dans son cou. Son parfum… lui aussi il m’avait manqué.

Leur relation était simple, sans trop d'accroche. Et au fond, elle s'y était attendu. Elle avait rapidement compris qu'il avait besoin de sa liberté, et elle lui donnait, sans appréhension. Après tout, dès le premier jour, elle avait su qu'elle pourrait lui faire confiance. Il avait beau être loin, la plupart du temps, sur les routes à parcourir le pays pour jouer sa musique, elle appréciait chaque fois un peu plus tous ces instants qu'ils partageaient ensemble. Tout comme ce soir. Il était là, contre elle. Il avait pris le temps de venir la voir, et cette simple idée réchauffait son coeur. Un léger rire s'échappait d'entre ses lèvres, à chaque baiser qu'il déposait sur sa peau. Un contact qui la soulageait de ses peines, qui lui faisait oublier bien rapidement ces longues heures passées seule dans cette chambre. Elle n'avait pu contenir un léger gémissement, lorsqu'il se relevait pour allumer la lumière, faisant mine d'être aveuglée par celle-ci. « Arrête de dire des bêtises... » soufflait-elle alors qu'elle cherchait une nouvelle fois son contact. Il l'avait tant manqué, elle aurait pu le dire et le répéter, ça n'aurait pas été assez suffisant. Mais à chaque fois qu'il était là, elle ne faisait que profiter pleinement de sa présence, pour ne jamais oublier cette histoire si particulière qu'ils vivaient. Un autre baiser, avant qu'elle ne s'installe contre lui, profitant de la chaleur de ses bras. C'était là ou elle se sentait le mieux, plus encore depuis que son frère avait disparu. Tout contre lui, elle jouait avec les mains d'Il Kyang. Pendant un instant, elle était restée silencieuse. Elle avait encore du mal à encaisser le choc, à parler de son frère. Ses parents refusaient de dire quoi que ce soit, d'exprimer à voix haute ce qu'il s'était réellement passé. Alors il était difficile pour elle d'avancer un tant soit peu. « J'écoutais de la musique. » avait-elle simplement répondu, tournant la tête vers lui pour pouvoir l'observer. « J'ai fait quelques croquis aujourd'hui d'ailleurs, mais ils sont loin d'être parfaits. » Elle était une éternelle insatisfaite, lorsqu'il s'agissait de créer par elle-même quelque chose. Elle pouvait y passer des heures sans trouver réelle satisfaction. Pourtant, elle continuait toujours, à tenter d'atteindre un objectif abstrait. « Et toi, t'as fait quoi aujourd'hui ? » finit-elle par demander, ce léger sourire sur ses lèvres. Sa tête se nichait un instant dans son cou, pour mieux encore se rendre compte de sa présence, tout contre elle.

Je n’avais pas besoin d’être quelqu’un d’autre avec elle. J’étais ce que j’étais, avec mes qualités et mes défauts. Il était vrai que je n’avais pas toujours tout pour moi. Je ne prenais pas le temps d’être toujours là. J’étais parti pour vivre de ma musique et vivre mon rêve… sans me soucier de mes proches. J’avais pour excuse de me dire qu’elle savait à quoi s’attendre avec moi. Mais Ye Won ne m’avait jamais demandé plus, alors ça m’allait. Tous les deux trouvions notre équilibre dans notre relation. La blottissant contre moi, je me demandais comment elle avait passé cette journée. Je savais que ce n’était pas facile pour elle… « Tu me les montreras ? » parce-que je voulais voir ses dessins, même si j’étais certains qu’elle ne les aimait pas. Elle était un peu dure avec elle-même… Me collant un peu plus à l’oreiller « Pas grand-chose, j’ai pris la route assez tôt pour venir ici. » Toute ma journée avait été prise par ces heures de routes et mes pauses. Au final ça avait mis du temps. « Hier soir on a finit le concert très tard. Je suis épuisé. » Et sur ces mots je m’étirais les bras. Il y avait eu des soucis techniques puis on avait rencontré des gens alors forcément nous avions passés la soirée à rire, discuter et boire. Me déplaçant, je me finissais par me mettre à côté d’elle avant de la regarder « Mais maintenant que je suis là, ça me rebooste. » j’étais toujours motivé à tout quand elle était là. J’en oubliais la fatigue que nos trajets pouvaient nos procurer. Je souriais, venant attraper sa main pour déposer un baiser délicat dans sa paume. Dire que je ne ressentais rien pour elle serait idiot, mais jamais je ne parlais d’amour entre nous. C’était surement… trop tôt et puis, je n’étais pas familier avec ces choses-là. Mais ça nous allait je pensais. Nous n’avions rien besoin de plus. On se comprenait, dans nos gestes, nos démonstrations… Cependant je n’avais rien prévu pour son anniversaire. Pas de cadeaux… ce n’était pas mon truc. Je n’aimais pas offrir des choses, même Kitae n’avait jamais eu cet honneur. M’en voudrait-elle ? Je chassais cette idée de ma tête, l’observant avant de lui demander « Dis Yeki… comment tu te sens ? » parce-que si j’avais fait ce chemin là, ce n’était pas avec l’espoir que ma simple présence puisse la sauver. Je n’étais pas prétentieux à ce point. Je le voyais au fond de ses yeux, cette lueur qu’il y avait… cette tristesse. Je restais face à elle, l’observant du coin de l’œil sans rien oser dire de plus. J’aurais aimé qu’elle soit plus heureuse, mais même si je comptais dans sa vie, je savais que son frère était plus important. C’était logique et quelque part je voyais bien qu’elle n’était pas totalement heureuse… espérait-elle qu’il revienne ? Surtout un jour comme celui-ci ? Je ne savais pas, c’était difficile pour moi, parce-que je n’avais pas ce lien. Je vivais pour moi, en me souciant seulement de moi-même… alors oui, ça devait être douloureux de ne pas pouvoir voir son frère le jour de son anniversaire. Ils étaient proches tous les deux, bien assez pour partager trop de choses et souffrir de son absence.

Elle se sentait toujours mieux lorsqu’Il Kyang prenait du temps pour elle. Elle savait comment il était, l’avais compris rapidement, et jamais elle n’aurait eu l’audace de lui demande davantage encore. Ce qu’ils vivaient la comblait bien assez, et dans le fond, elle savait que lorsqu’il était avec elle, il n’y avait qu’eux qui comptait. Et ça, elle ne pouvait pas s’en lasser, bien au contraire. Elle profitait pleinement de ces moments volés, de cette proximité qui les liait depuis près d’un an. Elle s’en contentait en appréciant chaque fois un peu plus sa présence. Et c’était d’autant plus vrai ce soir-là, alors qu’elle venait de passer la journée la plus longue de sa courte vie, à attendre quelque chose qui n’était jamais venu. Le retour de son frère. Elle se sentait stupide de croire qu’il serait apparu devant elle, alors que depuis plusieurs mois, elle n’avait eu aucune nouvelle de sa part. Pendant un instant, elle occultait son frère de ses pensées, se concentrait sur Il Kyang, la douceur dont il savait faire preuve avec elle. Un sourire s’était dessiné sur ses lèvres, riant de ce baiser qu’il déposait dans la paume de sa main. Elle s’était rapprochée, collée un peu plus à lui, enfouissant sa tête dans son cou. Sentir son odeur l’apaisait bien plus encore ce soir. Elle ne se sentait plus seule, et ça lui faisait du bien. Pendant un instant, elle restait silencieuse face à cette question, hésitante. Elle ne savait pas quoi répondre, tant les sentiments qu’elle pouvait ressentir étaient confus. « Je sais pas trop… » avait-elle tenté de répondre. Mais ce n’était pas suffisant, elle le savait. Elle avait surtout besoin de se confier à quelqu’un, d’exprimer ce qu’il se passait elle, même si tout semblait encore confus. « J’espérais qu’il puisse revenir mais… Je savais que ça n’arriverait pas. » Et elle repensait, à tous ces anniversaires passés en compagnie de son frère. Il faisait toujours en sorte de marquer le coup, de rendre cette journée inoubliable. « En fait, c’est surtout que je comprends pas pourquoi il est parti, et pourquoi il ne m’a rien dit. » C’était ça le plus douloureux au final, être dans l’ignorance, ne pas savoir ou il se trouvait, ce qu’il faisait. Ils étaient pourtant si fusionnels, depuis toujours, et désormais il ne restait plus rien de ce qui les liait. « J’aurais aimé qu’il soit là. » avait-elle fini par ajouter, jouant presque nerveusement avec la main d’Il Kyang. Elle l’avait au moins lui pour se rassurer, se dire qu’elle n’était pas totalement seule. Mais Ye Jun et elle vivaient la même chose, se comprenaient et se soutenaient. Désormais, il n’y avait plus qu’elle pour subir cette pression familiale, ce monde ou les apparences primaient toujours. Et elle détestait ça, elle détestait le fait de devoir tout affronter seule désormais.

Je voulais qu’elle me parle, qu’elle me dise ce qui lui traversait l’esprit. J’avais toujours pensé qu’entre nous c’était facile pour ça aussi. Le fait de pouvoir s’exprimer, sans avoir peur de l’autre. J’aimais nos discussions, passer des nuits à juste parler ou refaire le monde. C’était peut-être un peu idiot, mais je trouvais que ça comptait. Plus que n’importe quoi. C’était aussi cette idée-là qui me réconfortait sur nous. Et aussi surement pourquoi je voyais cette relation aussi différente des autres. Elle et moi nous savions communiquer. On s’attirait, mais à côté de ça nous avions tellement plus. Même des moments quotidiens, ça me plaisait. Juste me réveiller à ses côtés, l’entendre rire… alors oui, je voulais qu’elle me parle de ce qu’elle ressentait. Même si je savais que c’était difficile pour elle. Je voulais l’aider, comme je pouvais. Que je pouvais être là pour elle… et ça me faisait mal au cœur, de voir qu’elle gardait encore de l’espoir. Je n’avais pas compris le geste de Ye Jun. Je savais que leur famille était parfois trop dure, trop difficile… mais comment avait-il pu la laisser toute seule ? Je lui en voulais je crois. Parce qu’il n’avait pas été capable de s’expliquer, de lui dire ce qui n’allait pas. J’étais persuadé que Ye Won aurait compris, peut-être même l’aurait-elle soutenue. Mais il n’avait rien fait. Je faisais la moue en la regardant. Toujours démuni face à sa détresse. Elle devenait nerveuse et je m’en voulais presque de lui avoir posé la question. Mais j’étais là pour elle… même si ça ne suffisait surement pas. L’attrapant par la taille, je l’attirais vers moi pour la prendre à nouveau dans mes bras. Je n’aimais pas la voir triste. Encore moins la voir espérer. Plus les jours passaient et plus je la sentais décourager… « Je suis sûr qu’il reviendra. » et je ne lui mentais pas. Parce-que j’étais certains qu’il le ferait. Il l’aimait beaucoup trop pour ça pas vrai ? Je ne l’avais jamais rencontré, mais j’avais tellement entendu parler de lui. « Est-ce… il s’était disputé avec vos parents avant de partir ? » je ne savais pas ce qui s’était passé. Je ne lui trouvais pas d’excuse. Je voulais comprendre son geste… Comment avait-il pu laisser sa petite sœur toute seule ? Je pensais aussi intérieurement qu’il aurait dut lui envoyer un message. Juste quelques mots pour lui dire que tout allait bien. « Peut-être qu’il lui faut du temps avant de revenir… » je ne voulais qu’elle en arrive à le détester. A le haïr pour son absence. Il était encore trop tôt pour ça. Mais peut-être nourrissais-je ses espoirs ? Mais comment lui dire qu’il pourrait peut-être ne jamais revenir. J’en étais incapable. Je ne voulais pas la voir souffrir.

Depuis le début, Ye Won avait offert à Il Kyang une confiance aveugle. Elle arrivait à se confier, savait au fond d’elle que même loin, il pensait à elle. Et ça lui suffisait, de savoir que quelque part, il y avait au moins une personne qui l’aimait. Et ça la réconfortait d’autant plus ce soir, alors qu’elle avait ce sentiment d’être seule, de ne plus avoir personne pour partager cette journée si spéciale. Mais il avait changé la donne, simplement par sa présence. Ca lui faisait un bien fou de pouvoir le sentir tout proche d’elle. Et même si les mots lui manquaient encore pour parler de son frère, elle tentait. Parce qu’elle savait quelque part que ça pourrait la libérer d’un poids. Que ça pourrait conforter ses espoirs de le voir revenir. Se pressant un peu plus contre Il Kyang, elle soupirait. Elle ne voulait pas se morfondre, mais l’absence de son frère la pesait aujourd’hui. « J’espère que t’as raison… » avait-elle soufflé, avant de redresser son visage vers lui. Elle avait essayé de lui offrir un sourire, bien que maladroit, mais c’était tout ce dont elle était capable à cet instant précis. Si jusqu’à maintenant, elle n’avait que très peu parlé du départ de Ye Jun, c’était aussi parce que ça la blessait. L’incompréhension était toujours bien présente en elle. « Je sais qu’ils se sont disputés, plusieurs fois … Mais personne n’a voulu me dire pourquoi… » Et c’était certainement ça, qui lui faisait le plus de mal. De les voir se déchirer sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Peut-être que si elle avait un peu plus insisté, elle n’en serait pas là aujourd’hui, à se demander ou son frère pouvait bien être. Elle n’aurait pas à subir son absence, son silence. Mais il était trop tard pour ça, elle le savait. Alors pour palier à ça, elle se raccrochait aux mots d’Il Kyang. Elle avait envie de croire qu’il avait raison, que son frère avait juste besoin de temps pour revenir. Mais les jours passant, l’espoir s’estompait peu à peu, bien malgré elle. « Je sais pas… J’aimerais vraiment, mais j’en doute. Il peut être assez têtu parfois. Alors s’il est parti à cause de nos parents, je doute qu’il remette les pieds ici. » Une triste réalité, alors qu’ils avaient souvent eu le sentiment de vivre dans un enfer déguisé en bonne famille. Ils n’avaient manqué de rien, sauf d’amour, tout au long de leur enfance, puis de leur adolescence. Peut-être qu’elle leur en voulait aussi, alors qu’elle les voyait déjà comme les seuls responsables de cette situation. Mais c’était surtout plus facile pour elle de le voir ainsi.

Ma présence ne serait pas suffisante à la faire sourire. Je savais qu’elle était triste… et j’étais impuissant face à cette peine. Quoi lui dire ? A part lui donner un peu d’espoir, j’étais soumis à ce qui arrivait. J’aurais aimé être plus fort, pouvoir même le retrouver pour elle. Ce sourire qu’elle essayait de m’offrir me faisait frissonner. J’avais mal pour elle… je me sentais maladroit. Loin d’être habile avec les mots. J’avais peur de la blesser encore. De ne pas être celui qu’il fallait pour une telle situation. C’était difficile pour moi. Je prenais tellement tout à la légère. Je trouvais ça plus facile, de ne jamais s’investir à cent pour cent dans quelques choses. Ça ne faisait pas de moi quelqu’un de méchant. Je préférais juste que la vie soit plus simple. Grimaçant discrètement, je restais à son écoute sans trop savoir quoi penser. Si Ye Jun c’était disputé avec ses parents, j’aurais trouvé ça normal qu’ils lui en parlent. Mais ça n’avait l’air d’être le cas. Sa famille était un peu… étrange. Loin d’être comme la mienne. Même si je voyais que parfois je les contrariais, ça n’avait rien d’oppressant. Le pire pour Ye Won était qu’elle restait à l’écart. Mise de côté dans cette histoire. Et ses parents ne devaient être le genre d personne à vouloir discuter de tout ce qui arrivait. Ils devaient occulter ça, comme une vulgaire tâche sur une nappe. Une petite moue sur les lèvres. « Peut-être qu’il ne reviendra pas ici. Mais il ne pourra pas te laisser sans réponse. » Je n’y croyais pas. Ye Jun et elle étaient trop proches pour ça. J’essayais de comparer ça à ce que je vivais avec Kitae. Même lorsqu’on s’engueulait on finissait par se reparler. Impossible pour lui et moi de rester fâché. Et je ne pensais pas que Ye Jun soit différent. Il l’aimait trop pour ça… « Vu votre relation, il doit déjà s’en vouloir. » j’en étais sûr. Désolé pour elle, je la gardais tout près de moi, avant de lui souffler à l’oreille « Je suis désolé pour toi Yeki… je sais que je ne pourrais jamais le remplacer. » et je la blottissais un peu plus pour lui offrir la seule chose que j’avais… un peu de chaleur. Je ne ferais pas le poids face à lui. Mais je ne lui en voulais pas. J’espérais juste pouvoir apaiser un peu son cœur. Je décidais de m’allonger, l’entrainant avec moi dans ma nouvelle position, je la laissais se placer sur mon torse. Caressant ses cheveux, je me laissais porter par nos retrouvailles. « Parle-moi de lui. Dis-moi ce que vous aviez fait l’année dernière pour ton anniversaire. » je ne trouvais pas ça malsain. L’aider à se rappeler les bons moments c’était positif. Ça lui remonterait peut-être le moral parce qu’elle se souviendrait qu’ils étaient trop proches pour en rester là. « Est-ce que vous aviez un rituel ? » quelque chose qu’ils aimaient faire obligatoirement ce jour-là. Et si c’était le cas, alors je me promettais de le faire à mon tour, pour combler ce vide dans son cœur… pour elle.