Encore une fois tu te retrouves en boite, accoudé au bar, seul. Tu aurais pu inviter des "amis" seulement tu n'avais pas envie de jouer la comédie ce soir. Pour une fois tu n'as pas envie d'être hypocrite et de faire des ronds de jambes toute la soirée. Cette fois tu veux juste boire pour oublier. Oublier que sous tes airs de fils parfait prétentieux se cache un gamin triste. Tu te donnes des airs matures, indépendants et forts, cependant la réalité est tout autre. Tu joues le jeu que tes parents veulent : soit le fils de bonne famille à qui tout sourit. Au fond tu n'as pas réellement de problèmes : bon élève, beau garçon et bien intégré. Pourtant au plus profond de toi, tu es blessé par la vie et tu n'arrives pas à te détacher de ta rancœur. C'est pour l'oublier que tu bois ce soir. Il t'arrive de fumer aussi et parfois de céder à la drogue pour tenir le rythme effréné que tu t'imposes. Seul au comptoir depuis un temps, tu as déjà vu défiler quelques filles. Aucune n'a attiré ton attention, il faut dire que tu es sélectif. C'est peut-être pour ça que tu es toujours célibataire, ça et ton aversion pour les sentiments. Quoi qu'il en soit après trois verres, tes exigences s'abaissent. Lorsque tu crois le regard d'une jeune femme à ton gout, tu lui fais un sourire charmeur.

Tu n'es pas le dernier lorsqu'il s'agit de draguer et en général tu n'es pas mauvais, même si ce n'est pas ton sport préféré. Avec l'alcool que tu as dans le sang de toute façon, il est clair que tu es plutôt désinhibé. Tu observes donc la jeune femme quelques secondes. Lorsque vos yeux se croisent à nouveau, tu décides de profiter de ce jeu de regard et de t'avancer vers elle. Elle pourrait faire l'affaire pour te tenir compagnie ce soir. Tu n'es pas du genre frivole pourtant de temps en temps tu as des besoins à assouvir. Tu gardes une distance raisonnable, ni trop loin, ni trop près. Tu as un sourire radieux accroché aux lèvres et une légère lueur brillante dans le regard, dû à l'alcool.

« Bonsoir miss, je vois que tu as les mains vides. Je peux t'offrir à boire ? »

Tu ne veux pas être trop entreprenant pourtant tu n'es pas du genre à y aller par quatre chemins. Tu es quelqu'un de franc, que cela plaise ou non. Tu n'es pas non plus du genre lourd et incitant, sauf lorsque tu as envie de jouer avec la personne en face. Ce soir ce n'est pas le cas, tu as simplement été attiré par le regard tout feu,tout flamme de cette jeune femme, son visage doux, son maquillage soigné et ses lèvres attirantes. Parfois la solitude fait des ravages et c'est bien le cas chez toi. Tu as juste envie de sentir quelqu'un près de toi, une main sur ton corps, des lèvres contre les tiennes. Tu ne veux pas plus, ni sentiment, ni amour, ni prise de tête. Pour une fois tu aimerais avoir un peu de compagnie, c'est assez rare de ta part. Il faut dire que les récents évènements t'ont rappelé combien tu es seul. Tu fuis donc ce sentiment comme tu peux, avec l'alcool et peut être avec cette charmante fille.

Tenue | Kô avait passé toute l'après-midi bloqué dans le studio de mannequinat. En effet, il avait eu une longue séance car il s'agissait de présenter la nouvelle collection qui ne tarderait plus à sortir. Il posait pour une marque japonaise, ici, en Corée et c'était quelque chose qu'il adorait. Cela lui permettait d'avoir lui-même de nouvelles idées pour fabriquer sa propre ligne de vêtements, mais aussi d'avoir de plus en plus confiance en lui, en l'image qu'il renvoyait. Durant plus de six heures, il avait été coiffé, maquillé, habillé et changé un nombre incalculable de fois tant et si bien qu'il en avait eu un mal de crâne en sortant. Une cigarette coincée entre ses lèvres toujours peinte en rouge, il se massait doucement les tempes, les paupières mi-closes. Pourtant exténué, il n'avait pas envie de rentrer tout de suite chez lui. Il fallait qu'il prenne du bon temps, qu'il se détende et se pose quelques minutes.
Etudiant ambitieux en stylisme, le japonais ne travaillait néanmoins pas plus que le nécessaire afin d'obtenir de bonnes notes. Il avait toujours été de ceux qui pouvaient se permettre de ne pas trop forcer car les choses venaient naturellement à lui. Pas surdoué, mais avantagé, en quelque sorte. C'était une chance pour lui qui avait eu des problèmes, plus jeune, ainsi cela lui avait permis de s'en sortir avec une aisance toute particulière. Kô adorait ce qu'il faisait, ses études et le mannequinat.
Il rouvrit les paupières, termina sa cigarette avant d'attraper son sac qu'il avait mis au sol puis commença à se diriger un peu au hasard dans les rues de la ville. Les lumières clignotaient partout, sur tous les buildings, dans toutes les allées et, du haut de ses chaussures à talons compensés, le jeune homme avait l'impression d'être plus majestueux que tout cela. Un poil narcissique ? Sans doute. Après tout, il venait de passer six heures à se faire photographier, cela voulait bien dire quelque chose. Il ne traîna pas bien longtemps avant de pousser la porte d'un établissement. Kô était déjà venu quelques fois ici, dans ce nightclub. C'était le bon coin pour les étudiants qui avaient envie de se prélasser et c'était exactement ce qu'il recherchait en cette soirée.
Kô balaya quelques secondes l'endroit du regard... même regard qui sembla s'attarder sur un visage qui le contemplait. Avait-il déjà du sucès à peine arrivé ? Voilà qui était agréable et lui permettrait vraiment d'oublier cette journée fatiguante. Joueur, il glissa avec grâce l'une de ses mèches blondes derrière son oreille avant de revenir croiser les pupilles de ce fameux interlocuteur. Kô voulait s'amuser un peu, d'autant plus qu'en tant qu'homme attiré par les hommes, il était rare de croiser l'un d'eux aussi facilement. A moins que...
Un "o" délicat se forma sur ses lèvres aux paroles du dragueur qui s'était rapproché, pour se transformer ensuite un sourire enjôleur. C'était donc ça. Et ce n'était pas la première fois. Jouons. Sans se brûler les doigts, Kô.

« Bonsoir, répondit-il alors, je ne peux pas refuser une telle invitation. J'ai eu une longue journée et j'ai besoin de me détendre... »

Kô avait déposé le bout de ses doigts vernis sur l'avant-bras de son interlocuteur, continuant de lui sourire avec le même plaisir. Il était sans doute vrai que la confusion se faisait, mais c'était ce côté-là qui divertissait grandement le japonais.

« Je prendrais la même chose que toi », ajouta-t-il en se penchant vers lui pour qu'ils puissent s'entendre à travers cette foule d'étudiants.

Tenue | Tu détailles la jeune femme, de ses larges bottes, en remontant sur son corps élancé, à sa coiffure colorée. Lorsqu'elle croise ton regard et joue avec ses cheveux tu as l'impression que tu as toutes tes chances. Tu l'as donc abordé et son sourire ravi te conforte dans l'idée qu'elle est plutôt réceptive. Lorsqu'elle te répond, tu ne prêtes pas attention à sa voix, trop envouter par les doigts qu'elle dépose sur toi. Hors contexte, tu n'es pas spécialement quelqu'un de tactile. Tu apprécies sauter sur tes victimes, les coincer sous ton bras pour leur ébouriffer la tête. Sinon en général tu es plutôt distant, préférant une bonne tape sur l'épaule. Avec les filles tu es plus diplomate, mais tu sais mettre les formes pour refuser une approche. Cependant à cet instant tu es bien heureux qu'elle soit si tactile. A sa première réplique tu affiches un sourire amusé, étant persuadé qu'elle comprend parfaitement le sous-entendu qu'elle vient de lâcher. Tu n'es pas bête et un léger haussement de sourcil indique que tu es curieux de relever le défi sous jasant. Lorsqu'elle se penche vers toi, tu tournes légèrement la tête pour lui lancer un regard en coin. Décidément cette fille en a dans le pantalon et n'est clairement pas farouche. Tu entres dans son jeu et termine le chemin réduisant la distance entre tes lèvres et son oreille.

« Tu ne sauras pas déçu. Suis moi...»

Tu lui effleures le bras, laissant tes doigts glisser vers sa main pour la saisir doucement et l'entrainer à ta suite. Une fois au comptoir tu commandes deux whisky. Pas la qualité bas de gamme qu'on coupe pour pas se décaper la gorge. Non, tu demandes ce qu'il y a de mieux, car tu n'as jamais lésiné. Tu sais que c'est risqué de s'afficher et pourtant tu le fais toujours. Quoi qu'il en soit, en attendant la commande tu te tournes vers elle, t'accoudant au bar.

« Tu n'as rien contre le whisky sec ? Ça serait dommage de le refroidir avec des glaçons. »

Un sourire espiègle se dessine sur tes lèvres. Tu joues sur les mots et tu es sûr qu'elle est loin d'être bête. La commande ne se fait pas plus attendre. Tu prends les deux verres tout en lui proposant.

« Tu veux aller dans un coin plus calme pour discuter ? »

Loin de toi l'idée de l'amener dans un coin sombre pour abuser d'elle. Tu n'es clairement pas comme ça. Si certains ont des âmes d'exhibitionnistes ce n'est pas ton cas. Tes parents t'ont appris à te tenir à la hauteur de ton rang. Tu n'es pas non plus un gentleman tous les jours. Ce soir par exemple tu t'es passé des politesses d'usages, de la courtoisie mal placée et des faux semblants romantiques. En réalité chacun de vous sait dans quoi il s'embarque...

Ce jeune était indubitablement beau et attirant, alors Kô n’avait pas hésité longtemps à entrer dans son petit jeu. Tâchant de le charmer à son tour, ses doigts fins et vernis étaient venus se déposer avec délicatesse sur l’avant-bras de son interlocuteur. Il sut qu’il avait bien fait, car ce dernier sembla en vouloir davantage. Il s’approcha ensuite à son tour de Kô pour lui parler à l’oreille, lui procurant une délicate sensation de bien-être. Il sentait déjà les efforts de sa journée bien loin derrière lui et il sut tout de suite que cette soirée allait lui réserver de satisfaisantes surprises.
Un nouveau sourire vint orner ses lèvres rouges à la réponse du jeune homme qui l’entraîna ensuite vers le bar pour y commander. Kô adorer se dévoiler aussi doux, se montrer à l’aise sans pour autant être soumis sans son bon vouloir à la personne qu’il avait en face. Après tout, depuis ces dernières années, il avait réussi à développer ses différents sens pour se permettre de jouer sans trop s’y brûler les ailes.

« En effet, ce serait bien dommage... »

Il appuya ses reins contre le tabouret près du bar, en hochant doucement le visage. Non, Kô n’était pas idiot et comprenait avec aisance le sous-entendu de ce garçon. Et bien qu’il n’était pas du genre à boire fort, il se laissa amadouer pour cette fois. Il serait plus léger avec les autres verres. Ou peut-être qu’il n’y en aurait qu’un, ce qui ne le dérangeait pas, car son interlocuteur avait l’air déjà dans son petit nuage. Il fallait trouver le juste milieu.
En gentleman, il attrapa les deux boissons pour les porter.

« Bien sûr, répondit-il, allons là-bas, il y a une table libre au fond de la salle. »

Il y aurait moins de bruit et un peu plus de proximité. Kô s’y dirigea donc le premier, traversant la foule pour s’installer à la fameuse table visée. Il déposa son sac au pied de celle-ci et s’assit en croisant les jambes. Le jeune homme le rejoignit aussitôt en faisant glisser sa boisson sur la table. Kô le remercia avant de poursuivre :

« Est-ce que je peux demander ce que faisait un si bel homme seul au beau milieu de tout ce monde ? »

Il arrangea une mèche de cheveux derrière son oreille, laissant son regard fixé en coin sur son vis-à-vis. Sa main vint alors se saisir du verre qu’il leva en direction du garçon.

« Trinquons à cette délicate coïncidence », lui sourit-il tandis que son autre main revenait trouver celle du jeune homme pour se poser dessus.

Comme la caresse d’une feuille, légère mais chaude, présente.

Tout en elle t'émoustille. Tu as la douce impression qu'elle est habituée à jouer. Ta raison essaye de t'avertir, mais tu ne l'écoutes pas. Tu aurais peut-être dû, cette situation est trop belle pour être vrai. En réalité tu es conscient de la sournoiserie humaine. Tu es coutumier des manipulatrices et des manipulateurs. Tu es convaincu que l'être humain est bien pire qu'un animal. Le règne animal il n'y a que la loi du plus fort. Les êtres humains, eux, ont la loi du plus riche et cette guerre bien plus meurtrière. Malgré ton pragmatisme, ce soir tu n'as pas envie de te prendre la tête. Tu apprécies la compagnie de l'inconnue à tes côtés. Tu sais qu'elle pourrait être dangereuse. Tu ne peux pas t'empêcher d'anticiper le pire avec les gens. C'était une façon pour toi de relativité lorsque ces derniers te déçoivent, car c'est toujours ce qui arrive. Tu rumines une seconde tes querelles familiales avant de reporter ton attention sur elle. Tu préfères te laisser captiver par ses lèvres, plutôt que par tes souvenirs. Tu lâches furtivement un sourire sincère, en la suivant.

Tu ne perds pas une miette de sa démarche évoluant facilement pour rejoindre la table. Une fois installé, tu t'adosses avec désinvolture sur le canapé. Lorsqu'elle reprend la parole, tu esquisses un sourire la remerciement pour le compliment. Tu n'es pas forcement du genre à user de compliments pour plaire. Tu es un peu un handicapé des sentiments. Tu passes tellement de temps à lutter dans cette société mondaine que tu vois un ennemi en chacun. Si ce soir tu étais seul c'était bien pour éviter d'avoir à jouer la comédie. Cependant comment l'expliquer ? En as-tu seulement envie ?

« Je ne chercherais pas vraiment de compagnie mais j'ai croisé ton regard. »

Est-ce que c'est cliché ? Totalement pourtant c'est les seuls mots qui sont parvenus à sortir. Tu peins un visage charmeur sur tes traits alors qu'elle te regarde en coin. Evidement que tu interprètes encore un rôle. C'est la seule chose que tu sais faire et c'est devenu instinctif. Quand elle lève son verre, tu te laisses envouter par son regard, te perdant dans ses yeux. Tu trinques avec elle affichant ta confirmation au mot délicate. Tu ajoutes, sans réellement penser à la référence littéraire.

« Puisse le sort nous être favorable. »

Lorsqu'elle effleure ta main, tu laisses ton sourire s'élargir, signe que tu apprécies cette chaleur partagée. Tu retournes ta main, déroulant tes doigts sous son poignet pour la caresser à ton tour. Après avoir trinqué tu sirotes une petite gorgée du breuvage. Tu apprécies clairement l'alcool, étrangement tu ne tiens pas si mal. Après trois verres, tu es loin d'être saoul, pourtant pas totalement sobre non plus. L'art de la boisson est une tradition et il t'en faudra plus pour oublier toute la soirée. Cependant tu vas faire durer ce verre pour apprécier la compagnie de la jeune femme.

« Et toi, qu'est-ce que tu venais chercher ce soir ? »

Ta question à clairement double sens, celui poli qui s'intéresse à la vie de la jeune femme et celui sous-entendu. Tu es plutôt quelqu'un de franc. Tu  peux jouer avec les mots et les gens, cependant si tu pouvais t'en passer, tu éviterais. Tu sais parfaitement le mal que cela peut faire d'être manipulé et abandonné. Tu lui affiches un fin sourire, gardant tes yeux sur son minois angélique.

Jouer, s'amuser. C'était peut-être avant tout ce qui ne cessait de pousser Kô à user de cette facette de sa personnalité. Il adorait se mettre en danger, en quelque sorte, toucher des choses du bout des doigts. Après tout, il avait tout l'argent qu'il souhaitait, il n'avait plus besoin de faire le moindre caprice pour obtenir ce qu'il désirait ; rien n'était plus drôle pour lui. Sauf quand des soirées comme celle-ci se présentait à lui. Kô ne risquait pas de partir en courant avant d'avoir eu ce qu'il voulait -- mais que voulait-il vraiment ? Était-il davantage en quête de sa propre recherche d'identité ou d'une simple aventure ? Ah, il n'avait bu qu'une seule gorgée et ses esprits commençaient déjà à s'embrumer. La fatigue était donc encore bel et bien présente en lui.
Ensemble, ils s'étaient donc installés à cette table un peu à l'abri des regards trop indiscrets. Kô remit encore une mèche de ses cheveux blonds qui s'était échappée de son attache derrière son oreille, son autre main jouant avec son verre. Après avoir trinqués, Kô laissa avec douceur la main de son interlocuteur lui procurer cette délicate chaleur par ses caresses. Cela faisait maintenant un petit moment que le japonais n'avait pas eu l'occasion de prendre ce genre de bon temps, ni même qu'il s'était fait draguer aussi ouvertement. Cela ne le dérangeait pas, au contraire, c'était une façon de faire qui l'amusait un peu plus encore.

« Je suis ravi que nos regards se soient croisés, lui sourit-il de ses lèvres rouges avant d'y porter son verre. Moi, je voulais juste me détendre un peu après le travail... »

Mais peut-être qu'il pouvait faire mieux. Alors, avec grâce, il quitta sa chaise pour rejoindre le jeune homme sur le canapé. Jambes croisées, légèrement penché vers lui, juste assez pour réduire la distance qui avait été instaurée, presque secret. Il releva ses pupilles pour apprécier davantage le charme certain de ce garçon. Kô avait-il vraiment le droit de s'amuser de lui ? De le tromper de la sorte en ne révélant pas qu'il était bien un homme et non une femme. Mais, dans le fond, ce n'était pas un mensonge, plutôt une réalité un peu déformée. N'est-ce pas.

« Alors... Est-ce que je peux savoir quel est ton petit nom, Don Juan ? »

Bien que Kô aurait très bien continuer de lui donner ce surnom qu'il venait de lui trouver. Il lui offrit un autre sourire, plus léger, avant que sa main ne vienne tortiller, de ses doigts vernis, une mèche des cheveux de son interlocuteur qui venait sur son oreille. C'était délicat, mais Kô se plaisait à être le premier à toucher l'autre. Cela venait d'une histoire de son passé, toujours difficile pour lui, mais ainsi, il pensait avoir le contrôle de la situation.

Tu réponds par un sourire à la réplique de la jeune femme. Il est évident que tu te réjouis toi aussi de la situation. En réalité, tu n'es pas beaucoup entouré. Tes amis se comptent sur les doigts de la main. Pour le reste du monde, tu te fais passer pour le sale con de service. Tu préfères éloigner les autres plutôt que d'être déçu. C'est pour ça qu'au milieu de la foule tu te sens toujours seul. Tu sais pertinemment que c'est cette solitude qui t'a poussé à aborder cette jeune femme. Ce soir tu n'as pas envie de finir seul. Peu importe que les bras qui t'entourent soient sincères ou pas. Tu as besoin de compagnie pour oublier tes soucis, et te concentrer sur autres choses. Après tout elle est un très bon moyen de t'occuper. D'autant plus qu'elle a l'air joueuse. Cela aurait dû te mettre la puce à l'oreille, mais son attitude tactile a raison de toi.

Lorsqu'elle est venue te rejoindre, se penchent pour augmenter votre proximité, tu n'as rien fait pour la repousser. Tu t'es plongé sans hésitation dans son regard avec un sourire charmé. Tu ne peux pas nier qu'elle est belle, sous cet angle avec ses cheveux blonds glissant à nouveau de son oreille. Tu ne réponds pas tout de suite à sa question. D'abord tu reposes ton verre, libérant ta main qui vient replacer sa chevelure blonde.

« Est-ce que c'est vraiment nécessaire ? »

Tu as employé un ton doux et suave, laissant ta main glisser dernière son oreille pour lui caresser la nuque. Tu n'es clairement pas là pour lui donner de faux espoirs. Tu ne cherches pas quelqu'un avec qui faire connaissance. L'amour n'a pas de place dans ta vie. Le mariage est la seule chose qui compte aux yeux de tes parents. Tu n'échapperas à un mariage arrangé. Les probabilités d'aimer cette personne sont quasi nul, tu ne te fais pas d'illusions. Quoi qu'il en soit ce soir tu ne veux pas t'encombrer de noms, d'âges ou de professions. Tu n'es pas certain qu'elle accepte ce jeu. Pourtant tu l'espères car tu n'as pas envie de la voir s'éloigner de toi. Tu lui fais comprendre en laissant ta main descendre le long de son bras pour gagner sa main.

« Appelle moi comme tu veux, beauté. Je répondrais à tous les noms. Ça te va ? »

Tu t'es adossé au canapé, attendant sa réponse. C'est évident que tu balayes tous les principes de courtoisie. Ce n'est pas que tu ne les connais pas, juste que tu ne les supportes plus. Alors c'est vrai que ce soir tu pars en roue libre. Faute à l'alcool mais aussi une rébellion contre les règles tacites qui régissent la société. C'est peut-être pour ça que tu la bombardes de questions très personnel, que tu n'aimerais pas qu'on te pose. Tu n'as pas envie d'avoir une conversation hypocrite et mondaine. Tu as juste envie qu'elle reste là.

« Parle-moi plutôt de ce que tu aimes ? C'est quoi ton rêve ? Si tu avais une baguette magique est-ce que tu changerais dans ce monde pourri ? »

Ça ne le dérangeait pas, à Kô, de ne pas avoir eu le prénom de son interlocuteur. Dans le fond, ce ne serait pas la première fois qu’il passerait la soirée avec un inconnu, jouant avec lui. Il trouvait même que, dans un sens, cela mettait un peu de piment à toute cette conversation. Ils savaient tous les deux où ils voulaient en venir et, après tout, pourquoi le cacher. Il adressa donc un nouveau sourire à son camarade en secouant légèrement le visage afin de lui signaler que non, ce n’était pas si nécessaire. Don Juan ferait très bien l’affaire. Kô en eut un petit rire amusé.
Il apprécia bien sûr le geste qu’eut le garçon envers lui, se sentant désiré. Il était le centre de son attention et avait réellement l’impression d’exister à cet instant. Cette sensation était avec exactitude ce qu’il recherchait depuis plusieurs années. Avec tout cet attirail, cette parure dont il s’équipait chaque jour. Il souhaitait qu’on le regarde, qu’on l’admire pourquoi pas et qu’on le désire certainement. Mais c’était parce qu’il le voulait lui-même. Ah, peut-être que les premiers effets de cet alcool pur commençait à se faire ressentir — doublé avec la fatigue accumulée par l’étudiant japonais.

« Je ne suis pas bien difficile sur ce coup-là, Don Juan », revint murmurer Kô à l’oreille du jeune homme qui avait repris sa main dans la sienne.

Avec cette proximité, Kô pouvait déjà imaginer dessiner les traits de son interlocuteur. Juste pour lui. Pour se rappeler de ce moment partagé. Il ferait des esquisses de ses pupilles sombres, légèrement dilatées sous l’effet de l’alcool, de l’arête de son nez et de ses lèvres rosées. Il ne partagerait pas ce souvenir, cela serait pour lui seul, bien rangé dans une pochette avec les autres dessins.
Kô finit par se redresser un peu afin de terminer son verre. Il se cala ensuite sur le canapé de sorte à ce que son dos soit appuyé contre l’accoudoir et ses jambes fines étendues par-dessus les cuisses de son vis-à-vis. Malicieux, il posa un doigt sur sa propre joue, comme réfléchissant aux interrogations qu’il venait de recevoir. C’était étrange qu’il lui pose de telles questions, finalement assez personnelles, tandis qu’il refusait de lui dire son nom. Mais Kô n’était pas du genre à s’en offusquer, il avait de la chance.

« Il y a beaucoup de choses que j’aimerais changer en ce monde, et ma famille en fait partie. »

Oserait-il lui poser davantage de questions là-dessus ?
Kô replia ensuite ses jambes pour revenir s’asseoir tout prêt de son Don Juan. Du bout des doigts, il vint les glisser dans le cou du jeune homme, jouant quelques secondes avec le haut de son teeshirt tandis que ses pupilles revinrent croiser les siennes.

« Mon rêve est un peu trop secret, qu’en est-il du tien ? Par contre, j’adore les beaux garçons. »

Tu esquisses un sourire ravi lorsqu'elle te fait comprendre qu'un prénom n'est pas obligatoire. Le diminutif beauté lui va très bien et c'est comme ça que tu l'appelleras pour le reste de la soirée. Tant pis si tu ne mets pas de nom sur son visage. En réalité ce soir tu n'as pas envie de te prendre la tête avec des conventions sociales superflus. Pour une fois tu as juste envie d'être accompagné pour éloigner ta solitude. Tu veux vivre l'instant présent, sans pensée au reste. C'est pour cette raison que tu laisses ton regard ancré dans le sien. Tu le trouves charmante, intéressante et joueuse, tout ce qu'il faut pour être subjugué le temps d'une rencontre. Son souffle au creux de ton oreille te fait vibrer et élargi le sourire déjà accroché à tes lèvres. Tu te sens bien, c'est surement l'effet de l'alcool. Tant pis que tu sois un peu éméché, cela te permet de te détendre plus facile. Tu te laisses donc porter par ces vagues de légèreté qui te parcourent.

C'est sans réfléchir que tu l'as questionné, totalement désinhibé de complexes. Pendant une fraction de seconde, tu n'étais pas certain d'obtenir une réponse. Au fond ce n'est pas réellement ce que tu cherches. Pourtant lorsqu'elle reprend la parole, après s'être installé confortablement, tu l'observes attentivement. A cet instant tu n'as pas envie d'être déconcentré par son corps méthodiquement exposé. Tu as bien jeté un œil à ses longues jambes étendues, remontant vers son visage en la détaillant. Nul doute qu'elle est attirante et qu'elle le sait. Cependant sa réponse t'intéresse plus et particulièrement lorsqu'elle mentionne sa famille. Tu soupires sans retenu en surenchérissant.

«  Je déteste aussi ma famille...malheureusement comme on dit on ne choisit pas sa famille. »

Etrangement tu t'es confié de façon naturelle, te sentant proche de la jeune femme sur le sujet. En vérité il y a bien peu de monde qui peut dire aimer toute sa famille. En tout cas à tes yeux tu envies ces rares chanceux. Qu'importe le statut social, tu aurais aimé connaitre la vraie signification du mot famille : des personnes qui sont toujours là, qui ne vous abandonnent pas. Heureusement qu'elle te sort de tes pensées en s'approchant. Ses caresses te donnent des frisons et tu soupires de satisfaction. Sa dernière réplique te faire sourire. Elle sait rester mystérieuse tout en terminant sur une note flatteuse.

«  Au moins tu as un rêve qui t'appartient...Je ne suis pas sûr de pouvoir en dire autant. »

Tu lâches un rire cynique avant de te plonger ton regard dans le sien. Tu apprécies ses grands yeux dans lesquels tu cherches des étoiles. Faute de pouvoir réaliser tes rêves et décrocher la lune, tu vas te contenter d'observer les étoiles et ce soir la star c'est elle. Tu n'as d'yeux que pour elle. Tant pis si c'est dangereux. Peu importe les conséquences de tes actes. Ta raison a beau te retenir, tu ne l'écoutes pas. Tu viens caresser son visage en souriant.

« Est-ce que tu veux être mon rêve pour ce soir ? »

Tu aurais du plutôt lui demander : est-ce que tu peux me faire rêver ce soir. Au final c'est bien ce que tu attends, fuir cette réalité et briser les chaînes de ton quotidien. Si elle a terminé son verre, ce n'est pas ton cas, mais à cet instant tu n'as pas envie de briser cette proximité pour le terminer.

Le jeu était le jeu, et le but était tout simple : s'amuser. A l'évidence, il semblait également y avoir une toute autre dimension, et c'était pour celle-là également que Kô ne s'était pas encore trahi. Se faire passer pour une femme lui conférait un certain pouvoir, quelque part. Il avait cette possibilité infinie de jouer à fond, jusqu'à ce que ça tourne au vinaigre, qu'il se lasse, ou qu'importe d'autre, avant de révéler sa véritable identité. C'était pour cette raison qu'il était à la fois fauve et caméléon ; possédant une certaine douceur derrière une assurance voulue peut-être parfois démesurée. Mais cela faisait fort écho à sa famille.
Ce fut pour cette raison qu'il acquiesça doucement du visage aux paroles de son interlocuteur. Il était d'accord avec lui, malheureusement attristé de ce constat. Il ignorait même s'il avait encore une famille, haïssant sa mère avec encore plus de force que son père. Comment avait-elle pu ne pas voir, ne rien savoir. La chair de sa chair, Kô... Néanmoins, il était hors de questions de demeurer plus longtemps dans ces pensées. Ses pupilles revinrent se tourner vers le jeune homme devant lui, et ses lèvres s'étendirent en un sourire. Oui, et quel beau rêve il avait réussi à avoir là.

« La vie n'est pas un rêve, alors il faut bien s'en créer pour tenir la route, tu ne crois pas ? »

Il soutint son regard avec douceur. Oui, pour sa part, c'était grâce à ses rêves qu'il avait réussi à se relever et à aller de l'avant. Après tout, il était un artiste depuis ces dernières années, alors c'était tout naturel que ses idées fusent dans tous les sens. Souvent, c'était pour s'imaginer sur le devant de la scène, sous les feux des projecteurs, en présentant toutes les collections qu'il aurait créé. Mais c'était un peu dévier de sa préoccupation principale.

« Je peux être absolument tout ce que tu veux, crois-moi », murmura Kô avec sensualité.

Le double-sens était évident pour lui seul dans l'immédiat, mais cela n'eut pour effet que de renforcer cet air malicieux peint sur son visage.

« Alors, Don Juan, quelle est la suite de cette délicieuse soirée ? »

Toute l'atmosphère autour d'eux, le bar, les nombreux étudiants, et surtout, le bruit ambiant, semblait avoir complètement disparue. Il ne restait plus qu'eux, et la bulle dans laquelle ils avaient réussis à s'enfermer avec une certaine aisance. Peut-être était-ce donc le meilleur moment afin de voir jusqu'où cette petite bulle tiendrait.

« Tu m'offres un nouveau verre ou tu as envies de passer aux choses sérieuses ? » ajouta alors Kô sur le ton de la complicité.

A ces mots, il se releva pour venir s'asseoir à califourchon sur les jambes du jeune homme, sans gêne aucune, s'amusant à jouer avec ses bijoux puis minaudant en glissant une main dans ses cheveux blonds pour en détacher la queue de cheval. Il les amena sur son épaule gauche, les faisant ainsi cascader le long de son torse. Etait-ce suffisant pour parfaire son jeu de séduction et son charme ?