Kô se sentait presque coupable de cette soirée en entendant les paroles murmurées de son interlocuteur. Il savait qu'il ne devait pas rester, que rester signifiait "commencer", en quelque sorte. Et ni lui, ni son partenaire d'une nuit ne désirait commencer quoi que ce soit. Oui, Kô se sentait "presque" coupable que le brun allongé près de lui se soit fait prendre dans ses filets, ne se soit finalement pris qu'à son propre piège. Il lui sourit alors du bout des lèvres, déposant une dernière fois sa main aux doigts fins sur son torse avant d'extraire son corps gracile des draps prisonniers. A quoi est-ce que cela avancerait de demeurer plus longtemps ? Chacun avait eu son compte, et Kô ne pouvait pas donner à son interlocuteur ce qu'il désirait ; ce n'était pas à lui de le faire. Tout comme ce beau garçon ne pouvait pas non plus lui offrir davantage. Ceci dit, la parenthèse fut bien agréable.
En des gestes habiles, il se revêtit, se parant une nouvelle fois de cet accoutrement particulier qui donnait aux yeux un peu trop curieux l'impression qu'il était une personne tout à fait différente là-dessous. Devant le miroir, il renoua correctement ses cheveux teints en blond et saisit ensuite son sac qui traînait dans un coin. Une fois ses chaussures compensées lassées, il se retourna vers l'homme qui se reposait dans le lit et dont il sentait les yeux rivés sur lui. Un instant, il voulut lui dire quelque chose, mais il demeura silencieux, ses pupilles rencontrant les siennes quelques secondes. Puis, dans sa poche, son téléphone portable vibra et le tira de ses songes. Il sourit alors en déclarant :

« J'espère que tu ne m'oublieras pas de si tôt... »

Joueur jusqu'au bout, il lui souffla un baiser ajusté d'un clin d’œil complice. En tout cas, pour Kô, c'était certain qu'il n'oublierait pas cette soirée assez authentique. Ce jeu entrepris depuis des années le régalait encore plus quand il parvenait à s'amuser avec un homme à priori davantage attiré par les femmes de premier abord. Il poussa la porte de la chambre et ne se retourna pas en s'engouffrant dans le couloir. Ce ne fut qu'une fois à l'extérieur, ses mains fouillant dans son sac à la recherche de son paquet de cigarettes, qu'il sentit cette douleur comprimer sa poitrine un peu plus fort. Il avait pris du bon temps, mais le poids qu'il portait en lui semblait prendre un peu plus de place encore. A cet instant, il détesta un peu plus fort encore l'homme qui lui avait fait créer cette apparence.
Mais demain serait un autre jour ; et Kô était loin de se douter que son partenaire de la soirée finirait par recroiser son chemin.

Les yeux d'Azriel étaient rempli d'espoir. En effet il s'était fait piéger, mais il espérait avoir en compensation, un câlin final ou peut être juste un dernier baiser pour qu'il se sente un tant soit peu aimé. En réalité il n'avait obtenu qu'une caresse délicate qui l'avait fait frissonner. Il n'avait pas quitté des yeux l'homme qui s'était éloigné. Azriel avait compris en le voyant se rhabiller qu'il s'était fait berner. Ce dernier avait eu ce qu'il désirait et allait le laisser seul. Sa conscience lui avait hurlé toute la soirée que c'était une erreur et il ne le réalisait que maintenant. Précédemment il était trop subjugué par ses envies. Malgré cette dure réalité, Azriel était trop fatigué pour s'énerver ou pour insulter l'homme qui se recoiffait. Après tout, celui-ci lui avait offert une expérience qu'il n'imaginait pas possible. Il avait découvert quelque chose de nouveau et à cet instant il ne savait pas trop s'il retenterait l'expérience ou pas. Les mots de l'inconnu avaient résonné dans son cerveau encore embrumé. Il n'avait rien répondu, incapable de trouver une réplique digne de la situation. Il se sentait idiot et surtout terriblement seul à nouveau. Il avait serré les dents en observant l'homme disparaitre par la porte.

Il n'allait clairement pas l'oublier de si tot, c'était une évidence. Il venait de faire sa première fois avec un homme et celui-ci était parti sans plus de cérémonie que ça. Allongé nu dans le lit, il observait le plafond en se demandant s'il était bisexuel. Il ne s'était jamais posé la question, il avait toujours aimé les femmes. Seulement après ce soir, il était en droit de s'interroger, est-ce qu'il aimait les hommes ? Jusqu'à maintenant la réponse avait toujours été non. Après ça, il n'était plus sûr, dans un sens il avait envie de répondre non. Il n'avait jamais été attiré par la gente masculine. Ce soir était une exception, il avait eu besoin de réconfort et l'avait trouvé avec cet homme aux allures de femmes. A présent que faire ? Il n'avait pas envie de rentrer, au moins ici personne ne pouvait le voir pleure. Parce que c'est ce qu'il faisait. Il s'étaient recroquevillé dans le lit, les larmes silencieuses roulent sur ses joues. Comme toujours il terminait seul...