Les paroles de la jeune femme font écho en toi. Tu réalises qu'elle a très bien défini le but de ta soirée : t'évader dans un rêve. Ce n'est clairement pas dans tes habitudes. En plus de ne pas être maître de ta vie, tu ne contrôles pas non plus ton inconscient. Ce dernier s'occupe de te transporter au pays des songes pendant ton sommeil. Seulement tu ne peux jamais profiter de ces rêves parce que tu ne t'en souviens pas. Un bien pour un mal car visiblement ces derniers ne sont pas paisibles aux dites de ton colocataire. Quoi qu'il en soit, ce soir tu as besoin de vivre un rêve. Tu ne te préoccupes pas des conséquences, après tout à quoi bon si c'est juste une parenthèse dans ton quotidien. Tu admires le sourire de la jeune femme en répondant par le même rictus.

« Tu as raison. Alors disons que tout ceci n'est qu'un rêve...»

Tu lui caresses délicatement la joue en lâchant un soupire satisfait. Tu l'es d'autant plus lorsqu'elle te dit être un caméléon. Tu as l'impression qu'elle dit vrai, ce qui vous fait un point commun en plus de vos familles. Quand elle te demande le programme pour la suite, tu fais une moue ignorante. Il est clair que tu as une idée sur le dénouement de la soirée. Elle a évidemment la même idée, cependant tu ne t'attendais pas à ce qu'elle se fasse pressente, ce qui n'est pas pour te déplaire. En effet tu n'es pas du genre à précipiter les choses. Peut-être à cause d'une trace de timidité, que tu essayes toujours d'effacer avec les masques que tu portes. Tu allais lui répondre que tu étais prêt à lui offrir un nouveau verre. Tu n'as pas eu le temps puisqu'elle est venue s'asseoir à califourchon sur toi. Tu as une expression de surprise qui passe sur ton visage. Un hoquet de surprise est ta première réaction lorsqu'elle dépose ses mains sur toi. Elle détache sa chevelure dévoilant toute sa sensualité, ignorant royalement le reste du monde. A cet instant une partie de toi a envie de répondre à cet appel, l'autre partie te rappeler ton statut et l'image que tu dois préserver.

« J'ai l'impression que tu n'as pas envie de boire un autre verre, je me trompe ? »

Tu lui lâches un sourire amusé alors que tes yeux la dévore littéralement. Elle a réveillé ton instinct masculin. Néanmoins tu ne peux pas te permettre d'être aussi dévergondé en public. Tu déposes donc tes mains sur ses hanches pour la soulever et te dégager. Tu lui tends alors une main, comme un prince à sa princesse.

« Je t'invite au château princesse ? »

Il est clair que tu aurais aimé répondre à ces avances par un baiser. Elle avait mis tellement de tensions sexuelles entre vous en quelques gestes. A présent tu as envie de passer à l'étape supérieure dans un endroit plus tranquille. Tu ne risques pas de la ramener aux dortoirs, encore moins chez tes parents. En réalité ce que tu appelles château est ironiquement une chambre de motel. Tu ne peux pas l'amener dans un hôtel luxueux aux risques que les rumeurs circulent.

Avant de partir tu as terminé ton verre cul sec et acheté la bouteille de Whisky. En sortant tu as initié le pas vers un motel à deux rues. En effet tu n'as pas le permis puisque tu as toujours un chauffeur. C'est une façon pour tes parents de contrôler tes allers-venues. Il est évident que ce n'est pas pratique. Cependant tu essayes de donner un caractère romantique à cette promenade, te permettant de prendre la jeune femme par la taille en lui souriant. A cet instant tu es sur un petit nuage. L'ambiance te la boite te pesait un peu. Maintenant tu te sens plus libre et tu profites pleinement de ce corps chaud contre toi. Tu as rarement l'occasion d'être accompagné, surtout de façon aussi intime. Cela déclenche en toi un léger sentiment d'euphorie, comme si tu touchais du doigt ce que l'amour pouvait apporter à ta vie. Vous êtes rapidement arrivée au motel, ou tu as loué une chambre en liquide. En arrivant dans la chambre, tu la laisses un instant pour servir deux verres. Tu reviens vers elle lui tendant le sien. Tu ne veux pas l'inciter à boire, ton but n'est pas qu'elle soit ivre. Tu ne l'attends donc pas pour descendre le tien d'une traite. Non pas que tu ais besoin de courage pour passer à l'acte. Simplement que tu aimes embrumer ton cerveau pour éviter de te perdre dans des réflexions existentielles. Tu veux oublier que tu fais surement une erreur avec elle. Quoi qu'il en soit à cet instant c'est le dernier de tes soucis. Tu lui caresses délicatement la nuque tout en t'approchant pour l'embrasser.

Kô adorait se faire séduire tout en sachant qu'il était maître de ses faits et gestes. C'était pour cette raison qu'il buvait de l'alcool, mais seulement un verre ou deux. Il détestait abandonner tout contrôle et que ses sens soient trop engourdis. Il ne voulait plus que les douleurs du passé ressurgissent, alors c'était la manière qu'il avait choisi pour que ça. Il jouait beaucoup, touchant du doigt des points de non-retour ; il savait très bien où toute cette soirée les emmènerait, son partenaire et lui. Cependant, il ne fallait pas oublier la petite variable qui ferait peut-être tout basculer : son Don Juan était persuadé d'être face à une demoiselle un peu trop sûre d'elle. Quelle sera sa réaction lorsqu'il découvrira le corps de Kô ? L'excitation de ce dernier était à son comble, encore plus quand il sentit les mains du garçon sur ses hanches. Il était clairement temps pour eux de s'éclipser de cette soirée et de terminer leurs affaires sous des regards moins indiscrets.
Le Japonais rit à la proposition de l'emmener, en tant que princesse, au château. Cette appellation ne le dérangeait pas en tant qu'homme, au contraire, il voyait bien que sa supercherie continuait de fonctionner à merveilles. Une fois que son interlocuteur eut acheté une nouvelle bouteille, Kô avait récupéré son sac et glissa son bras sous celui du jeune homme. Ils quittèrent l'établissement qui les avait fait se rencontrer pour marcher un instant à l'extérieur, dans la fraîcheur de la nuit. Kô ne put s'empêcher de se dire que cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de s'amuser de la sorte. Un sourire ne fit que s'étendre un peu plus encore sur ses lèvres encore rouges.
Une fois arrivés dans la chambre du motel, tandis que son interlocuteur leur prépara un nouveau verre, le blondinet en profita pour déposer ses affaires et, surtout, retirer ses chaussures. Cela lui fit malheureusement perdre près de dix centimètres sur sa taille (qui le complexait souvent), mais il se sentit un peu plus à l'aise pour se rapprocher du brun. Il le remercia quand il lui tendit le Whisky. Tandis que son partenaire le vida d'un trait, lui se montra plus délicat pour n'y tremper que le bout des lèvres. Inutile, pour lui, d'en boire davantage. Néanmoins, il appréciait que les sens du garçon en face de lui en furent troublés.