La réponse de Hansol coupe l’amusement de Doha aussi radicalement qu’un ciseau bien aiguisé aurait coupé un fin fil de laine tendu. Ses sourcils se haussent en signe de curiosité, mais de toute façon, son frère ne le regarde plus, donc il y a peu de chance pour qu’il remarque le changement d’humeur. En revanche, il est obligé de remarquer le silence qui s’installe pendant quelques secondes, puis le changement de voix de Doha. « Pourquoi ? À cause de moi ? » Il n’y a plus rien de moqueur dans sa façon de parler ; au contraire, il trahit sans s’en rendre compte son sentiment d’insécurité, la peur qu’on le déteste, alors qu’il ne fait rien pour être aimé.
Il pourrait se contenter de se taire, d’attendre en silence que son frère lui dise qu’ils sont arrivés, mais il n’a pas envie de traiter Hansol comme un inconnu. Ne rien dire du tout, ou au contraire parler de façon aimable et polie, c’est ce qu’il aurait fait s’il avait été en présence d’une lointaine connaissance. Et l’idée de traiter son frère de cette façon le répugne, de la même façon que le traitement de silence que son frère semble lui donner depuis quelques minutes l’agace. Bon, d’accord, il a trouvé le discours de Hansol sur la philosophie franchement barbant, mais au moins il y avait un échange entre eux. Alors que maintenant, quoi qu’il dise, il a l’impression que ses mots rebondissent sur un mur en fer inébranlable.
feat. @lee han sol

Le silence qui s’installa fut confortable. Pendant l’espace de quelques secondes, Hansol se dit que ça y est, c’était terminé. Il n’aurait plus à parler à son frère, pourra le quitter en silence sans que ça ne soit étrange. Cœur pourtant emmêlé de conflits, Hansol ne comprenait pas pourquoi il se sentait aussi mal alors que le silence était enfin présent, chose qu’il voulait. Certes, il avait été blessé par les mots de son frère, mais il avait plus l’impression d’être blessé par le silence de Doha que par ses mots. Comme c’était étrange.

Pourtant, la voix de son jumeau qui finit par s’élever dans l’air ne le rassura pas non plus. Au contraire, les nœuds de sa gorge se renforcèrent. Il ne se sentait pas à l’aise. Avait envie d’arrêter le temps et de pouvoir s’enfuir. Peut-être parce que justement, il n’était pas à l’aise avec l’idée qu’il ait pu blesser son frère (quand bien même ce dernier l’ait cherché). « Tu serais peut-être plus à l’aise dans la fraternité si je n’étais pas là. » Écho direct à leurs rencontres nocturnes où ils se regardaient dans le blanc des yeux sans jamais s’adresser la parole. Moment gênant qui torturait Hansol chaque nuit. « Ce n’est pas comme si je voulais vraiment rester. » Il haussa des épaules d’un air détaché, presque s c a n d a l e u x. Scandaleux d’agir comme si ça ne lui importait pas alors que ça le déchirait de l’intérieur.

Quelques pas après et les voilà devant la porte du dortoir. Hansol avait envie de s’enfermer dans sa chambre, mais rien ne lui garantissait que ses colocataires n’étaient pas là. Il n’avait pas franchement envie de faire face à Kyungho ou Hoon (ou Sihan, si ce dernier n’était pas dans son humeur où il ignorait le monde entier). La bibliothèque des sangos lui semblait alors un bon choix pour s’évader. « Je vais à la bibliothèque. » Il ne dit rien de plus, se contenta de rester là, figé. Il aurait dû partir. Mais ses jambes ne l’écoutaient pas. Comme si son corps voulait rester ici, désobéissait à son cerveau, écoutait son cœur.
feat. @lee do ha

Pour Doha, essayer de comprendre son frère c’est un peu comme essayer de comprendre un animal domestique. Même quand il le regarde dans les yeux, il ne sait pas trop quelle émotion lire dans son regard. Il a beau essayé d’interpréter ses faits et gestes en se mettant à sa place, tout paraît abstrait et étrange. Sans se rendre compte qu’il est lui-même comme ça, il est frustré face à l’attitude de Hansol. « Je suis désolé de t’annoncer que tu n’es pas assez… on va dire, impressionnant, pour me mettre mal à l’aise. » Mais contrairement aux autres fois où il parlait à son frère, cette fois-ci, sa voix n’a pas une seule teinte de moquerie. Il ne dit pas ça pour le rabaisser, ou même avec une quelconque autre mauvaise intention (pour sa plus grande surprise).

Arrivés devant la porte du dortoir, Doha fixe son frère silencieusement quand il lui annonce son départ imminent. « C’est plutôt toi qui est mal à l’aise avec moi. J’ai l’impression d’être un chat et toi une souris tellement tu trembles quand je passe plus d’une minute à côté de toi. » Non pas que ce soit surprenant cependant. Le regard planté dans celui de son frère – et il se rend compte à quel point il est petit à côté de lui, détail qui l’irrite particulièrement – il tend sa main vers lui. « Donne moi ton téléphone. » ordonne t-il en gardant la main tendue vers lui. « Mon téléphone n’a plus de batterie. Prête-moi le tien. » explique t-il après avoir vu une lueur d’inquiétude passer dans le regard de son frère.  
feat. @lee han sol

Hansol ignorait totalement comment réagir. Devait-il déceler du sarcasme dans la voix de Doha ? Une quelconque lueur de moquerie dans son regard ? Cette phrase avait-elle été dite dans le but de se moquer de l’absence de Hansol dans la vie de Doha ? Hansol pourrait y croire mais il en fut incapable. Comme si, là, ça lui semblait improbable que ce soit le cas. Car il n’était définitivement pas absent. « Oh, » lâcha t-il tout d’abord quand les secondes furent trop longues. « Okay. » Comme il n’avait pas idée de comment interpréter son message, il décida de simplement ne pas l’interpréter, de continuer à marcher. De toute manière, c’était déjà une évidence qu’il ne comprenait pas son frère.

Devant la porte du dortoir, Hansol n’avait qu’un seul souhait : se séparer de son frère. Mais ce dernier rebondit sur le sujet de discussion que le plus jeune avait décidé de clore. Hansol détourna alors le regard, ne niant pas les propos de Doha. Il en était même un peu vexé : comment pouvait-il se permettre de dire ça quand c’était justement Doha lui-même qui était la cause de ce comportement ridicule chez Hansol ? Après tout, c’était parce que Doha n’avait jamais répondu à ses messages que Hansol avait peur de venir vers Doha, maintenant. Parce qu’il ignorait si Doha voulait encore de sa présence. Et peut-être qu’il en voulait encore en fait, vu sa main tendue vers lui (qui faillit faire sursauter le plus jeune, ne nous mentons pas). Son téléphone ? Qu’est-ce qu’il voulait faire avec ? Hansol fronça des sourcils. Avec prudence, il sortit son objet électronique avant de le donner à Doha, toujours perplexe. « Pourquoi ? » demanda t-il finalement alors qu’il avait déjà donné son téléphone. Décidément, il ne comprenait pas son frère.
feat. @lee do ha