Tenue | Encore une soirée comme les autres. Quelques nouvelles têtes, des couples ou des bandes d'amis qui ont entendu parler de l'ambiance feutré et apaisante de ton bar. Il y a toujours les habitués, ceux qui rêvent de pouvoir passer une nuit avec toi. Comme toujours ils se contenteront de te dévorer des yeux toute la soirée. Tu es comme ça, il aime voir le désir dans le regard des gens, cependant il y a peu d'élu pour accompagner tes nuits. Tu n'aimes pas être seul, mais tu ne te jettes pas sur tout ce qui bouge. Tu aimes que la compagnie soit bonne. Tu n'es pas du genre à coucher le premier soir ou à inviter un inconnu dans ton lit. Non, tu apprécies choisir tes partenaires et tu as souvent l'ambra du choix. Ce que tu cherches ce sont des personnes intéressantes avec de la conversation, un minimum de répondant et bien sûr une élégance et une grâce qui te plaisent. Aussi il est rare que tu sélectionnes tes conquêtes parmi tes clients, quoi que c'est arrivé. Enfin ce soir, personne ne t'intéresse. Oh tu as bien des partenaires que tu pourras appeler, mais pour l'instant tu te contentes d'observer les gens évoluent. Tu aimes voir des sourires sur le visages des gens. Ce bar est ton havre de paix, tu fais tout pour que tes clients laissent leurs soucis à la porte, se laisser porter entre tes murs comme sur un petit nuage. C'est pour cela aussi que tu te mets parfois au piano en fin de soirée, pour offrir une musique plus authentique et une ambiance plus chaleureuse. Pour l'heure tu es derrière le bar, ton endroit fétiche.

Lorsque la porte s'ouvre, tu observes dans cette direction, toujours soucieux de savoir qui entre et qui sort. Cependant en voyant la tête de Corvus, tes yeux s'écarquillent. Tu connais le jeune homme, cela remonte à quelques temps déjà. Tu l'as rencontré alors qu'il venait d'arriver en Corée du sud. Tu as été touché par son désarroi face au choc culturel. Vu l'écart d'âge il pouvait être ton petit frère et tu t'es pris d'affection pour lui. Il est devenu ce petit frère que tu n'as jamais eu. Tu as du mal à faire confiance et tu ne te lies pas d'amitié facilement. Si en apparence tu parais toujours souriant, véritable gentleman sans jamais un mot plus haut que l'autre, en réalité cette image n'est que ce que tu veux afficher. Au fond malgré ton attitude avenant, tu comptes tes vrais amis sur les doigts d'une main. Il en faisait partie, pas de ces amis de beuveries de jeunesse, non c'était plus profond encore. Tu te sentais lié à lui, comme si tu le comprenais sans qu'il ne dise un mot. Malheureusement il a disparu du jour au lendemain, sans un mot, sans laisser de traces. Tu t'es longtemps demandé ce qui avait pu lui arriver. En le voyant ce soir remettre les pieds dans ton bar, tu as l'impression de rêver. Est-ce que encore ton esprit qui te joue des tours ? Est-ce que c'est encore une vision, les mêmes que tu avais suite à son départ ? Est-ce que son fantôme venir s'asseoir à ton bar sans un mot ? Cela fait longtemps que tu n'as pas pensé à lui et pourtant à cet instant tout te revient, l'affection que tu lui portais, la douleur de son absence et la peur de savoir où il était, ce qu'il faisait.

En croisant son regard tu sais que ce n'est pas un mirage comme à l'époque. D'un regard tu avertis ton responsable de salle que tu lui laisses le bar. Tu t'approches de lui, au début rapidement, mais une fois devant lui tu t'es stoppé. Tu as tendu une main vers lui, hésitant à la poser sur son épaule. Ton regard cherche à comprendre, retenant les émotions qui envahissent ton cœur comme si sa disparition datait d'hier.

« Corvus....c'est bien toi ? »

Tu as finalement créé un contact, pour t'assurer que ton cerveau ne te fait pas de blague, en sentant son épaule sous tes doigts, tu l'as serré doucement avant de poser ta deuxième main de l'autre côté.

« Est-ce que ça va ? Tu as la tête d'un fantôme, viens… »

Tu ne lui as pas laisser le choix, refusant de le voir s'enfuir à nouveau. Tu as besoin d'explication et d'un verre, plus que tout tu as l'impression qu'il a besoin de manger, il a une tête à faire peur. Tu l'as amené dans ton bureau, l'invitant à s'asseoir.

« Qu'est-ce qui t'es arrivé Corvus ? »

Tenue | Il est évident qu'il ne va pas bien, tu n'as pas besoin d'avoir fait des années de psychologie pour le comprendre. Tu le ressens, plus que ça tu le vois sur le visage de ton cadet. Le faible sourire de Corvus te serre le cœur et tu l'entraines dans ton bureau. Tu as un million de questions à lui poser, mais pas ici, pas au milieu du couloir devant la salle qui observe tes moindres faits et gestes. Une fois en privé, tu le laisses s'installer pendant que tu sors deux verres et une bouteille de soju. Tu aurais pu choisir un alcool plus fort et surtout meilleur, cependant tu n'es pas certain qu'il soit en état de l'apprécier. Quand tu as mis ce qu'il faut sur la table basse, tu t'installes dans le canapé à côté de lui. Ton regard n'a pas arrêté de l'observer, essayant de comprendre ce qu'il a pu lui arriver pendant tout ce temps. D'ailleurs la question sort, mais tu sens qu'il ne va pas y répondre. Tu lis dans ses yeux qu'il panique et sa voix n'est qu'un autre indicateur pour te faire comprendre qu'il n'est plus le garçon que tu as connu, quelque chose s'est brisé et cela te fend le cœur. Tu attrapes le dossier qu'il te donne et l'ouvre pour le parcourir. Tu ne connais pas tout de lui, aussi les informations présentes t'intéressent. Ce que tu cherches en réalité c'est ce qu'il a fait ces derniers temps, mais forcement cela n'apparait pas. Tu reposes le tout en reportant ton attention sur lui.

Oui et tu es le bienvenue ici, tant que tu voudras.

Tu sens qu'il est fébrile. Tu redoutes de le questionner sur ce qui lui est arrivé, pourtant tu vas t'y risquer. Corvus a une place particulière dans ton cœur, autant comme petit frère que comme partenaire régulier. Vous avez été si proche lorsque vous parliez allongé au lit, les yeux perdus dans ceux de l'autre. Il fait partie de ces personnes avec qui tu aimes coucher, mais plus encore avec qui tu aimes passer du temps. Aujourd'hui tu t'inquiètes pour lui, tu viens même lui attraper la main pour le tirer sur le canapé près de toi. Tu plonges ton regard dans le sien, comme à l'époque. Tu sais que tu vas appuyer là où ça fait mal. Tu as conscience d'aborder un sujet douloureux, celui de son jumeau. Tu le connais et il n'y a que ce sujet qui peut le mettre dans un état pareil.

Corvus, est-ce que c'est à cause d'Orion que tu as disparu tout ce temps ? Est-ce qui s'est passé entre vous ?

Tenue | Tu as conscience de réveiller le dragon qui dort. Tu sais que ta question va lui faire mal et pourtant au fond n'est ce pas le mieux ? Toi aussi tu aurais aimé qu'une personne te pose les bonnes questions pour que tu puisses exprimer toute ta détresse, ton mal être et hurler ce qui te ronge de l'intérieur. Alors oui c'est vrai que c'est surement brutale, comme lorsqu'on arrache un pansement, la douleur est vive, soudaine mais aussi rapide et éphémère. A cet instant c'est exactement l'impression que tu as en voyant Corvus hésitant. Il commence sa réponse et finalement explose et se met à crier. Tu ne lui en veux, le voir comme ça te déchire d'ailleurs le cœur. Tu as gardé une de tes mains sur ses épaules, lui offrant un contact continue pour qu'il se sache soutenu. Lorsqu'il se tient la poitrine et que des larmes apparaissent sur son visage, tu serres les dents, sentant la même émotion t'envahir. Tu as envie de le prendre dans tes bars, de le rassurer, de lui dire que tu comprends. D'ailleurs tu ne sais pas vraiment pourquoi puisque tu es fils unique, néanmoins tu as le sentiment concevoir ce qu'il peut ressentir. Tu le laisses exprimer toute sa colère et sa rage. Tu lui caresses doucement l'épaule en cherchant son regard.

« Tu sais que ce sont des choses qui arrivent...parfois tu te laisses emporter par la colère, la peur, ou les deux. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre vous Corvus mais je peux te dire une chose, les liens familiaux sont plus fort que ça. Tu as beau le détester, il reste ton frère, ton jumeau. Je suis sûr qu'il pense toujours à toi quand il se voit dans un miroir, pareil pour toi et ça vous ne pourrez jamais le changer. »

Après tes mots, tu décides de l'attirer vers toi. Tu imagines la peine qu'il ressent de s'être disputé avec la moitié de lui-même, d'avoir été abandonné par l'être le plus cher à ses yeux. Tu as toujours éprouvé le besoin de trouver une âme sœur, un être avec qui partager ce que tu es et qui comblerait ce vide en toi. Tu le cherches en amour là ou certains le trouvent dans un lien de sang. Tu lui laisses le temps de digérer les paroles que tu viens de lui dire et de s'exprimer librement. Tu ne veux pas lui poser trop de questions d'un coup, préférant lui offrir le choix de t'avouer ce qu'il veut, de te dire ce qu'il a envie, de sortir ce qu'il a besoin. Tu attends donc en silence, lui caressant le dos pendant cette courte étreinte chaleureuse.

Tenue | Voir Corvus dans cet état-là te déchire le cœur. C'est surement ton empathie qui te fait ressentir mille émotions. Tu as l'impression que ton propre cœur implose face à la détresse de ton ami. Il est en pleine crise de larmes, sanglotant, reniflant, cherchant son souffle sur les pents de ton t-shirt. Instinctivement tes bras s'enroulent autour de lui, le serrant contre toi. Tu lui laisses le temps de pleurer, sachant bien qu'il ne sert à rien de l'empêcher. Tu t'es toi-même retrouvé dans cet état-là, seulement tu n'y avait personne pour sécher tes larmes, c'est la fatigue qui a tari le flot de tes pleurs et le sommeil qui a stoppé ta crise, avec bien sûr beaucoup d'alcool. Quoi qu'il en soit, même si tu avais eu une épaule sur laquelle pleurait, tu aurais voulu qu'elle te laisse pleurer. Tu t'es rendu compte qu'il faut vivre une émotion plutôt que de l'enfouir, au risque qu'elle te ronge de l'intérieur. Tu as beau comprendre ce principe, tu ne l'appliques pas à toi. Cependant avec Corvus tu es patient et tu attends qu'il s'exprime. Lorsqu'il avoue aimer son jumeau autant qu'il le hait, tu lui caresses les cheveux espérant arriver à calmer un peu les spasmes qui secouent son corps

« Je crois que c'est normal....C'est ça la famille, on les aime autant qu'on les déteste mais quoi qu'il arrive ils restent notre famille. »

La révélation suivante te choque et tu écarquilles les yeux. Tu te retiens de faire reculer Corvus pour capter son regard. Tu as blanchis lorsqu'il a ajouté qu'il était resté dans le comas de longs mois. Tu n'es pas certain que bien comprendre. Tu n'as pas assez d'élément pour ça. Est-ce qu'Orion l'a frappé à mort ? Est-ce qu'ils ont eu un accident ? Est-ce que Corvus a essayé d'attenter à sa vie ? Trop de questions auxquelles il n'est surement pas en état de répondre pour le moment. Tu en veux à Orion, que tu ne connais pas, pour ce qu'il fait subir à son jumeau. A tes yeux les liens familiaux sont les plus importants et qu'ils soient bafoués comme ça te brise le cœur. Tu serres un peu plus Corvus pendant quelques instants, pour le rassurer, le réconforter et lui prouver que toi tu seras toujours là pour lui. Tu viens ensuite lui relever la tête en glissant ta main sous son menton pour plonger ton regard dans le sien.

« Corvus est-ce qu'il le sait ? Est-ce que tu l'as revu depuis ? Tu sais s'il te fait vraiment souffrir ça serait préférable que tu t'éloignes un peu de lui. Prends un pas de recul ne signifie pas être faible, parfois ce recul te permet de prendre l'élan nécessaire pour faire quelque chose d'important. »

Tenue | Tu restes en soutient à Corvus alors qu'il parvient à se calmer et à t'expliquer un peu plus ce qui lui est arrivé. Tu es abasourdi d'apprendre pour son accident et soulagé quand il dit que c'est son jumeau qui a alerté les secours. Finalement malgré la dispute qu'ils devaient avoir, son jumeau ne l'a pas abandonné, ce que tu ne manqueras pas de rappeler à Corvus. Pour l'instant tu l'écoutes, préférant garder le silence pour ne pas interrompre ses paroles déjà clairsemées. Tu avais cru comprendre que la relation des deux jumeaux n'étaient pas faciles. Tu n'imaginais, par contre, pas que l'amour et la haine puissent créer de tels ravages. Tu as l'impression de n'apercevoir que le sommet de l'iceberg et cela te fait un peu peur. Si tu es fils unique et que tu ne sais pas ce que ça fait d'avoir un frère, cette dualité de sentiment tu la connais bien pour la vivre avec toi-même. Tu ne te soustraits pas au contact que réclame Corvus, le laissant t'agripper, gardant une main dans son dos pour lui offrir des caresses rassurantes.

L'écouter te déchire le cœur, d'autant plus lorsqu'il t'avoue avoir déjà essayé de s'éloigner de lui. Tu réalises que tu ne connais qu'une infime partie de sa vie, ce qui ne t'aide pas à rassembler les pièces du puzzle. Néanmoins tu ne comptes pas laisser Corvus dans cet état et tu feras tout pour l'aider, quel que soit ce qu'il te demande. Quand il t'annonce qu'il a fait quelques choses de mal, tu fronces les sourcils, inquiet de la révélation qui va suivre. Lorsque tu comprends qu'il s'est fait passer pour mort, tu es soulagé, tu t'es imaginé bien pire. Pour le rassurer, ta main est venue se poser sur sa joue, essuyant ses larmes du pouce.

« Corvus...Regard moi....Ce n'est pas grave....Tu sais pourquoi ? Parce que tu es bien vivant et même si tu lui as caché, je suis sûr qu'il sera heureux de l'apprendre. Aprés tout, c'est lui qui a appelé les secours, ça veut dire qu'il tient à toi. Peut-être que lui aussi t'aime autant qu'il te déteste. J'imagine que tu as peur de réaction, mais je crois que tu devrais lui dire. »

Tu supposes qu'il n'a pas encore révélé la supercherie à son jumeau. Tu supposes aussi qu'il en a envie, autant que ça doit lui faire peur. Il vient de te dire qu'il ne peut pas vivre sans lui et pourtant c'est la punition qu'il s'inflige. Il doit se blâmer de quelque chose, quelque chose qui t'échappe. Malgré tout tu es honnête avec lui et comme souvent tu privilégies le dialogue plutôt que le silence, même si tu fais, toi-même, totalement l'inverse.