J'enfilais l'anneau de mon nouveau porte clef autour de mon index. Les clefs de mon prochain chez moi. J'avais hâte d'y arriver mais la Yonsei avait décidé que j'avais besoin de faire un véritable parcours du combattant d'abord…  Je me bagarrais avec le plan qu'on venait de me donner pour le déplier d'une main tout en trainant péniblement ma valise derrière moi. Cette université était vraiment immense et il m'avait fallu trois bonnes minutes avant de repérer l'endroit exact où se trouvait mon dortoir sur la carte. « Ok, ça a l'air d'être par là…. » Quelques mots murmurés pour moi-même pour me persuader que je prenais le bon chemin. « Hé toi là-bas !!! » Les sourcils haussés, je me retournais en regardant autour de moi pour voir si j'étais bien la personne qu'on venait d'interpeller. « Moi ? » Je me désignais d'un index hésitant, j'avais fait une connerie ? Marché sur la pelouse ? Enfreint un règlement que je ne connaissais pas encore ? « T'es un première année, non ? Viens par ici ! » La jeune femme me faisait signe de m'approcher d'elle et je regardais le chemin que j'aurais dû prendre pour aller jusqu'au dortoir. Ca allait devoir attendre un peu. Je repliais le plan pour le fourrer dans ma poche tout en pressant le pas pour aller la rejoindre, curieux de savoir ce qu'elle me voulait. « Oui, je suis un première année... Mais pourquoi tu... » Elle se mit à sourire. « C'est écrit sur ta tête, tu es complètement paumé et tu ne sais pas où aller. Et la valise c'est un bon indice. Je suis là pour rameuter les premières années égarées. Tu n'étais pas là ce matin, tu as loupé quelques trucs mais le plus intéressant va se passer maintenant. On va aller un peu s'amuser...! » S'amuser ? Devant ma tête d'ahuri qui ne comprenait rien, elle rajouta : « C'est la journée d'intégration des premières années. Et ça tombe bien que tu sois là, on était un nombre impair ! » Nos pas nous menèrent au stade de foot où il y avait tout un tas d'étudiants réunis et assis dans l'herbe. Je vo
yais la fille qui m'accompagnait analyser chaque visage présent, je la suivais sans trop savoir quoi faire, si je devais continuer de la suivre ou me poser là. Elle s'arrêta tout à coup devant un type et j'avais failli lui rentrer dedans : « Et voilà ton binôme ! Je vous laisse faire connaissance les nouveaux et encore bienvenue à la Yonsei. » Je regardais l'étudiant assis devant moi et sans un mot, je vins m'asseoir à côté de lui. Je me sentais complètement perdu. J'avais pas besoin d'un binôme, je voulais juste aller me poser dans ma chambre.... Rien qu'au soupir que je venais d'expulser, il était facile de comprendre que j'étais déjà saoulé. 

Le cul posé sur la pelouse, je pestais contre cette fille qui m'avait interpellé. Si j'avais su, j'aurais joué au mec sourd et tracé mon chemin. Je n'avais même pas eu le temps de déposer ma valise dans ma chambre que j'avais été obligé de la suivre pour rejoindre les autres premières années sur le terrain de foot. Moi qui n'avais aucune envie de jouer au mec sociable aujourd'hui, j'étais servi. J'étais entouré par des dizaines d'étudiants qui riaient et criaient comme des gamins de maternelle alors que je ne rêvais que d'une chose : prendre une douche et m'allonger dans un lit.
Je me grattais l'arête du nez, perplexe à cause de l'après-midi qui se profilait à l'horizon. J'espérais que ça n'allait pas durer des heures et qu'on allait vite chacun pouvoir rejoindre nos dortoirs respectifs.
« Ah pitié pas ça…. » Je soufflais en entendant le gars expliquer dans le micro ce qui nous attendait. Des jeux par binôme. Je jetais un coup d'œil à mon voisin dont je captais le regard sur moi. Et vu sa réaction, soit c'était un mec super timide soit il me matait depuis longtemps et me voir se retourner vers lui l'avait surpris. Les deux hypothèses me firent secouer la tête. J'avais une chance sur deux de lui avoir tapé dans l'œil… Me manquait plus que ça, tiens.
Lorsque l'accessoire de torture du jour me tombe sur les genoux, je soupire une nouvelle fois. On allait vraiment devoir s'attacher l'un à l'autre… Je fis glisser le morceau de tissu entre mes doigts et je me décalais à quelques dizaines de centimètres vers ma gauche. Collant ma jambe à celle de celui qui allait être mon coéquipier pour l'après-midi, j'enroulais le morceau de tissu autour de nos chevilles, sans serrer trop fort pour qu'on puisse avoir un peu de jeu, sinon ça allait être la chute assurée. Je terminais en faisant une boucle bien solide. Les autres binômes commençaient déjà à rigoler, certains n'arrivant même pas à rester debout côte à côte et se retrouvant deux secondes plus tard au sol dans un fou rire.
« Vraiment pas doués… » murmurais-je avant de jeter un autre regard à mon binôme. J'espérais qu'il soit un peu plus doué que les autres, et on allait vite le savoir. Les organisateurs demandaient à chaque binôme de rejoindre la ligne médiane du terrain de foot qui allait être notre ligne de départ.
Je décidais de me relever en premier, ma main prenant appui sur le genou de mon coéquipier. Une fois sur mes deux pieds, je lui tendais la main pour qu'il se lève à son tour, le tenant ensuite d'une main ferme autour de son poignet. Mais il s'était relevé plus rapidement que prévu… J'ai vu son visage se rapprocher dangereusement du mien et dans la panique, j'ai senti mon équilibre vaciller et chuter en arrière sans pouvoir rien faire d'autre que l'attraper par la taille et l'emmener avec moi. Me voilà allongé par terre dans une position des plus gênantes avec un mec dont je ne connaissais même pas le prénom.

Ca commençait fort entre lui et moi. Et son regard plongé dans le mien semblait vouloir dire la même chose.

Heureusement qu'on était sur le terrain de foot et pas en intérieur car la pelouse avait amorti quelque peu ma chute. Ce n'était pas le premier choc qui fut le plus rude mais lorsque ce mec percuta mon torse dans sa chute à lui. Cinq secondes plus tard, mes yeux plongés dans son regard surpris, je me posais sérieusement la question de savoir si ma respiration coupée était due à la chute ou à ce qui s'ensuivait. Je n'avais jamais été aussi proche d'un autre homme auparavant et je sentais la gêne m'envahir. Plein d'autres binômes venaient de s'écrouler par terre eux aussi après s'être attachés mais c'était beaucoup de binômes mixtes et j'avais remarqué que nous n'étions qu'un des rares binômes 100% masculins. J'avais peur du regard des autres s'ils nous voyaient, je n'avais qu'une envie, le pousser loin de moi pour qu'on soit à une distance respectable l'un de l'autre, même si on était lié par nos chevilles.
Je n'ai pas eu besoin de mettre ce projet à exécution, je sentais ses mains sur mon torse, poussant légèrement dessus afin qu'il puisse se relever. Yeah, je respirais enfin putain.
Il fallait vite que j'oublie cet épisode. Même toute cette journée. Ça me démangeait d'aller défaire le nœud de ce bout de tissu et de me casser dans mon dortoir. J'aurais dû être en train de commencer une sieste là, merde. Pourquoi je me retrouvais tout le temps dans des plans galères ? Il ne pouvait pas se passer une journée sans qu'il me tomber une couille dessus ? Là, c'était une paire de couilles qui venait de s'effondrer sur moi. Uuuuuurgh. D'ailleurs en parlant de lui, je me disais qu'il devait être vraiment couillu pour sortir ce qu'il venait de sortir. Il venait de répéter mot pour mot ce que j'avais sorti avant notre chute. Il était en train de se foutre de ma gueule ? Je sentais la colère affluer dans mes veines, putain il était gonflé celui-là. Je me relève légèrement, époussetant mon sweatshirt. Je sens deux mains m'attraper par les épaules et me remettre sur pieds. Mes yeux papillonnent. C'était quoi cette force ? Il avait l'air aussi costaud qu'une crevette et pourtant il m'avait relevé de là sans ciller une fois. Par contre, moi, mes cils s'en donnaient à cœur joie, ils continuaient de s'affoler alors qu'on se fixait à nouveau les yeux dans les yeux. Ça va qu'il venait de me demander. Eh non, ça n'allait pas. Y avait rien qui allait en cet instant. Aucune logique. Aucune envie de rester en sa présence. Mais on était condamné à être lié tout cet après-midi. Et je comprenais pas pourquoi sa proximité me gênait autant. Je le sentais pas ce mec.
« Ca va ouais... » grognais-je entre mes lèvres. Mes deux mains venaient d'enlever les siennes de mes épaules d'un geste sec. « Évite de recommencer ça steplé. J'ai pas envie de me vautrer par terre tout l'après-midi. » Et de me retrouver à nouveau avec son corps sur le mien. Ou de croiser le marron de ses grands yeux expressifs. Je lui montrais du bout de l'index le milieu de terrain où le jeu allait bientôt commencer. Rien que d'aller jusque là me paraissait être le bout du monde. « On va essayer de se coordonner ok ? » Nos jambes collées l'une à l'autre, il allait bien falloir qu'on arrive à s'entendre. Et c'était peut-être pas gagné....

Je n'avais aucune envie de laisser ma valise sans surveillance. Toute ma vie tenait dedans. C'était dérisoire mais c'était la pure vérité. Il y avait mes quelques fringues balancées par ma mère à l'arrache, mon téléphone et surtout la lettre qu'elle avait écrite. Je n'avais rien d'autre. Même pas une photo d'elle. Je secouais vivement la tête. Il ne fallait pas que je pense à elle, ce n'était ni le lieu ni le moment pour me mettre à m'inquiéter une énième fois pour elle… J'embarquais avec moi ma valise et tant pis si on se foutait de ma gueule, rien à foutre de ce que pouvaient penser les autres, ils ne pourraient pas comprendre ce que cette foutue valise représentait à mes yeux.
Avec mon coéquipier bizarre, on essayait de marcher en cadence, un peu comme les soldats à l'armée et croyez-moi, c'était loin d'être évident pour moi de réussir à faire ça tout en trimballant ma foutue valise. On était pas loin de la ligne médiane et des autres binômes déjà bien en place et forcément, le fait qu'on soit les derniers avait attiré l'attention des organisateurs qui n'avaient rien trouvé de mieux que de jouer aux groupies et de nous encourager.
«Yi Hao ? » Je tournais la tête vers lui. Il s'appelait comme ça ? « T'es chinois ? » Je l'aurais jamais deviné pourtant à sa tête. « Tu comprends ce que je dis ? » J'étais con, il m'avait parlé en coréen à peine deux minutes auparavant… Moi qui d'habitude prêtais une extrême attention aux voix des gens, je n'avais pas détecté le moindre accent chez lui. Je vois tout le monde nous regarder et j'avais envie de tous les flinguer, ils avaient rien de mieux à faire sérieux ? Je fusillais du regard tous ceux qui se trouvaient devant nous et pour qui on était devenu le spectacle, j'ai même fait exprès de rouler sur le pied d'un gars avec ma valise sans m'excuser en retour. Quelques mètres plus tard, Je plantais ma valise là et elle avait intérêt à ne pas avoir bougé pendant que je faisais le jeu sinon j'allais exterminer du monde et on allait être vainqueurs par défaut Yi Hao et moi. Le coup de sifflet retentit et on entendait déjà les premiers cris de gens qui se vautrent autour de nous. Tant mieux. Nous, on arrivait à se démerder et c'était un miracle vu ce qui s'était passé quelques minutes avant. On courait en rythme et on arriva au plot sans se vautrer. La partie la plus délicate c'était de négocier le virage. Yi Hao me tenait par le poignet depuis le départ. Pas que ça me gênait mais ça ne facilitait pas trop mes mouvements. Je l'obligeais à me lâcher en mettant mon bras en arrière, le passant autour de sa taille à laquelle ma main vint s'accrocher. C'était la dernière ligne droite et il n'y avait personne devant nous.

Réussite : Ils courent jusque la ligne finale sans se faire doubler par qui que ce soit et sans tomber.
Echec : Perturbés par le changement de position (le bras de Shin passé autour de la taille de Yi Hao), ils s'emmêlent les pinceaux et se vautrent par terre, pile dans une flaque de boue.