Une catastrophe, une erreur dans son parcours de vie que Yami ne se pardonnerait pas. Elle exagérait peut-être mais c’était le sentiment qu’elle renvoyait. L’échec était encore inconnu pour la demoiselle qui travaillait tellement pour ne jamais faire d’erreur. Pourtant, cette fois non seulement elle perdait à un jeu, mais la gage qui s’en suivait la bloquait complètement. Elle avait le numéro du jeune garçon mais jamais elle ne l’avait encore utilisé. Que pouvait-elle bien dire, pouvait-elle dire quelque chose même ? Étaient-ils déjà dans ce genre de relation ? Ils s’étaient croisés plusieurs fois et avaient longuement parlé, certes, Yami avait même eut le droit à un cours de lecture des lignes de la main. Mais n’était-ce pas trop tôt ? Surtout que si la japonaise envoyait un message, il risquait d’être lu par Choi Mingwei qui ne quittait jamais Qintian d’une seconde et ça, c’était la dernière chose qu’elle désirait.

« Je suis toujours honnête, juste que là… C’est trop non ? »

Elle n’avait même pas tenté un simple bonjour depuis qu’elle avait ce numéro.

« Ok… D’accord alors... »

Elle reprenait son téléphone, peu sûre d’elle alors qu’elle virait dans ses contacts pour commencer le message pour Qintian. Elle hésita encore plus longtemps avant d’écrire rapidement et remontrer l’écran à son amie.

« Et si jamais il me répond ? »

Car envoyer un message était une chose, mais devoir tenir une conversation en était une autre. Yami n’était pas à l’aise avec les autres gens qu’elle ne connaissait que très peu, mais c’était pire au téléphone ou par message. Finalement, elle prit une grande inspiration et suivit les conseils de Sojin. Elle tapa sur son écran, créant les mots : Je pense à toi. Tout aussi rapidement, elle appuya sur le bouton envoyer et elle reçut tous les regrets du monde. Elle voulait annuler l’envoi, elle voulait éteindre son téléphone pour toujours et toutes ses pensées pouvaient se lire sur son visage.

« Sojin, c’est envoyé aide-moi, je fais quoi ! »

Elle avait tellement été chamboulée par cet envoi de message, qu’elle ne comprenait que maintenant les phrases de sa colocataire. Les pensées de la japonaise passèrent à autre chose et aussitôt elle était repartie pour taper sur son clavier.

« J’ai envoyé le message. Maintenant quoi avec Soli, tu l’invites à quoi ? Un restau ? Au bar ? »

Elle hésita un instant avant d’ajouter.

« A l’hôtel ? »

Et Yami se mit à rougir très fort avant d’éclater de rire devant ses propres gamineries.

Sojin comprend rapidement que Yami n'est absolument pas confortable à l'idée d'envoyer un message au garçon. C'est pourtant elle qui avait initié les paris, elle n'avait donc pas pensé à la possibilité qu'elle pouvait perdre? Même si la coréenne ne voulait pas la mettre dans l'embarras, elle se dit qu'il s'agit de l'occasion parfaite pour lui apprendre à prendre des risques. C'est ce qu'elle faisait elle-même avec Soli après tout. Elle secoue donc la tête, résignée.

Non. Tu l'as dit toi-même, il est gentil alors ça devrait lui faire plaisir, non?

Elle sourit en observant sa colocataire prendre son téléphone, quoi que toujours hésitante, avant de finalement lui montrer son écran. Sojin ne peut s'empêcher de rire maladroitement en lisant sa question.

J'espère qu'il te répondra! Qui sait, il pense peut-être à toi lui aussi?

Elle donne un léger coup amicale sur l'épaule de Yami pour l'encourager. Cette dernière envoie finalement son message mais ce n'est pas le soulagement qu'on peut lire sur son visage mais la peur. Ça avait quelque chose d'adorable de la voir ainsi paniquer pour si peu. Amusée et pour détendre l'atmosphère, elle s'empresse de lui répondre:

Tu attends, tout simplement. Dis moi, est-ce que tu as peur que tes sentiments ne soient pas réciproques? Ça veut dire que tu en pinces réellement pour lui?

Elle se demande si son amie allait enfin l'avouer, mais cette dernière ne tarde pas à diriger la conversation vers elle à nouveau et Sojin se surprend à rougir brusquement à la mention du mot hôtel, imitant ainsi la japonaise qui semblait embarrassée par sa propre question. Certes, ce n'est pas l'envie qui lui manque mais Soli s'était montré très clair à ce sujet la dernière fois.

Il n'a pas envie de moi. Pas comme ça.

Elle réfléchi un instant avant d'ajouter:

Pourquoi pas un restau? On s'est rencontré dans une boîte de nuit et... Disons que ce n'était pas le contexte le plus approprié.

Le regret était fort présent. L’angoisse et le stress aussi alors que Yami avait envoyé ce fameux message. Voulait-elle voir une réponse de la part de Qintian ou allait-elle rester déçue si elle n’avait rien ? C’était épuisant la manière dont elle ne contrôlait pas ses sentiments et ne pouvait même pas les nommer. C’était trop tôt, le chinois était une bonne personne avec laquelle la japonaise s’entendait bien, mais est-ce que ça irait au-delà ? Elle ne désirait pas se tromper et confondre de l’amitié avec de l’amour. N’étant pas habituée à tous ses sentiments et les autres en général, elle pouvait facilement se tromper.

« Il pourrait aussi ne pas comprendre... »

La panique continuait de monter alors qu’elle ne pensait qu’à une chose : retourner en arrière et ne jamais envoyer ce fichu message. Elle avait l’impression d’avoir fait une erreur, de s’être complètement trompée sur toute la ligne.

« Pourquoi une connaissance enverrait ce genre de messages, je suis stupide ! »

Car, au fond, c’était ce qu’ils étaient seulement ? Des connaissances. Alors pourquoi cette simple pensée rendit la japonaise déçue. Le coup sur l’épaule lui redonna un léger mais ce n’était pas toujours ça. Elle cherchait à se rassurer et oublier ce qu’il venait de se passer. « D’accord, j’attends. » Elle répétait les mots de son amie en marmonnant pour se donner du courage. Néanmoins le message de Sojin eut le don de lui retourner toutes ses pensées. Elle attendait quelque chose, c’était sûr mais elle ne l’avouerait jamais. Elle ne connaissait pas l’amour et ne le connaîtrait peut-être jamais, alors qu’est-ce que cela pouvait bien être.

« C’est un ami… Mais on ne se connaît pas tant que ça... »

Elle tentait de se justifier, de se dire que ce n’était rien et qu’elle se prenait la tête pour rien. Alors pour ne plus y penser, elle détourna la conversation pour la reporter sur l’autre couple du moment. À savoir Sojin et ce musicien mystère. Elle pensait la taquiner mais sa timidité avait eu raison d’elle.

« Ça s’est mal passé au début.. ? »

Yami n’avait jamais mis les pieds dans une boite de nuit, ni même un bar. Elle profitait seulement de temps en temps de restaurants qui servaient du soju, seulement elle ne connaissait pas ce côté de la vie étudiante. Celle de sortir faire la fête avec ses amis.

« Un restaurant pourrait être bien, c’est un endroit neutre sans… de tentations. »

Elle continuait de rougir, d’avoir chaud alors que le scénario de l’hôtel restait dans ses pensées mais, avec elle et un autre garçon à la place.

« Donc tu penses qu’il est sérieux avec toi, s’il ne veut pas de toi… Comme ça. »

Même par message c’était compliqué pour Yami. Elle donnait l’impression d’avoir douze ans et parler d’amourette avec son amie.

Sojin hausse légèrement les sourcils, surprise par cette inquiétude de la part de Yami. Comment ne pas comprendre ce genre de message? La seule explication serait que le jeune homme en question ne veut pas comprendre ce qui, selon elle, est une grande nuance. Et si c'était le cas, ne valait-il pas mieux que sa colocataire le sache avant d'investir plus de sentiments qu'elle peinait à refouler?

Tu n'es pas stupide. Quelle est la pire chose qui pourrait arriver de toute façon?

Instinctivement, elle glisse une main dans les cheveux de son amie pour la rassurer, sachant qu'elle était à l'origine de cette inquiétude avec ce fameux défi. D'ailleurs, pour détendre l'atmosphère, Sojin se permet de souligner:

Si tu avais perdue le premier pari, tu aurais du l'inviter à un rendez-vous... Un simple texte, c'est beaucoup mieux non?

Elle se permet également de confronter gentiment Yami quant à ses sentiments puisque, à la voir aussi nerveuse pour si peu, elle se dit que le jeune homme doit représenter quelque chose de plus important pour elle qu'elle n'oserait l'admettre.

Alors ce sera peut-être l'occasion de devenir plus que des amis.

Sojin lui fait un clin d'oeil, espérant que la japonaise retrouve une certaine paix d'esprit suite à ce message. Lorsque le sujet revient sur elle est Soli, elle hausse les épaules tout en acquiesçant.

On peut dire ça. Disons qu'entre nous, c'est un ascenseur émotionnel. Un instant on veut s'arracher la tête et l'autre, j'ai envie de...

Elle laisse sa phrase en suspend alors que son visage prend des couleurs qui laissent clairement voir la suite. Elles devaient avoir l'air ridicules toutes les deux à s'échanger des messages sur leur téléphone en rougissant bêtement. Sojin se devait bien pourtant d'avouer à son amie:

Il m'a repoussé la dernière fois.

Détail peu glorieux qu'elle n'oserait sans doute pas révéler à qui que ce soit d'autre.

Tu vois, je dois me faire des idées. Tu as déjà été repoussée toi? Non, certainement pas.

Elle tentait de calmer l’angoisse qui grandissait en elle depuis qu’elle avait envoyé ce message. Elle prenait de grandes inspirations, lentes et contrôlées. C’était pourtant le jeu qu’elle avait elle-même démarré et elle n’en assumait même pas les conséquences. C’était ridicule, mais c’était aussi Yami. Son téléphone serré entre les mains, elle ne pouvait s’empêcher de jeter des coups d’œil à l’écran toutes les quelques secondes, au cas où le garçon lui répondait.

« Il pourrait répondre, voilà ce qui pourrait arriver. »

Elle savait qu’elle se cacherait, pendant au moins deux mois après un tel message. Bien qu’il lui était difficile, surtout au travail car Qintian était bien trop souvent au restaurant où la japonaise travaillait. C’était le problème d’avoir son meilleur ami qui travaillait au même endroit. La main dans ses cheveux eut le don de l’apaiser cependant et un sourire se glissa même sur ses lèvres alors qu’elle répondait à son amie.

« Je crois que j’aurais fait une crise cardiaque si j’avais du l’inviter. »

Elle rigolait, mais on sentait que c’était toujours pour faire évacuer le stress. Heureusement qu’elle n’avait pas eu à l’inviter, elle n’aurait fait que bégayer pendant tout ce temps. Et pourtant, ils en avaient déjà partagés des moments intimes, sans même s’en rendre compte. Qintian lui avait fait une lecture sur les lignes de sa main, moment où ils avaient été très proches physiquement, coincés dans cette bulle de bonheur devant laquelle ils étaient pourtant encore aveugles.

La conversation suit son cours alors que Yami ne peut s’empêcher de rougir encore plus devant la phrase non terminée de son amie. Elle avait chaud, mais surtout elle en était au point où elle utilisait ses mains pour cacher sa gène et ses joues. Néanmoins, après la gène, c’était la colère qui se présenta sur les trait du visage de la japonaise. Comment cet homme avait osé agir ainsi avec Sojin ?

« Il a donné une raison, ou... ? »

Elle tapait à vive allure, laissant la colère s’exprimer.

« Car s’il faut j’irai lui dire deux mots, on se refuse pas mon amie, si jolie. »

Le rouge sur ses joues restait bien présent cependant. Yami cherchait des raisons qui auraient pu faire que ce garçon ait repoussé sa colocataire, il y en avait tellement et elle n’avait pas la totalité de la situation en tête.

« Je ne me suis jamais fait repoussée, mais je n’ai jamais eu l’occasion de l’être. »

elle ne s’intéressait à personne depuis des années et restait toujours dans son coin, d’où le fait qu’elle était persuadée qu’elle resterait seule pendant encore pas mal d’années.

« Tu crois qu’il t’aurait repoussée parce qu’il te respecte justement ? Plutôt que… Tu vois, juste t’utiliser... »

Les mots avaient été durs d’être écrit alors que si ça avait été à l’oral, Yami savait qu’elle bégayerait beaucoup plus.

Malgré l'angoisse de Yami, Sojin ne pouvait s'empêcher de sourire en la voyant s'agripper à son téléphone en espérant y voir apparaître un mesage sur l'écran. Elle pose une main qui se veut rassurante sur l'épaule de l'autre demoiselle en acquiesçant avant de lui répondre à son tour:

Oui, c'est ce qu'on espère d'ailleurs non? Une réponse?

Il ne pourrait pas ignorer un tel message, n'est-ce pas? Sojin ne le connaissait pas mais elle osait espérer qu'il aurait la décence de ne pas laisser sa colocataire sur un message lu et sans réponse. Sa main voyage jusqu'aux cheveux de Yami, ce qui semble la calmer un minimum alors qu'elle réalise pour la première fois qu'elle était peut-être plus courageuse que la japonaise, au final. C'était une révélation pour Sojin qui avait l'habitude de se cacher dans les jupes des autres. Sa condition lui avait sans doute permis, avec le temps, de se créer une carapace qui lui permettait de prendre des risques sans se mettre dans un tel état de panique.

Alors compte toi chanceuse de pouvoir t'en tenir à un simple petit texte innoffensif.

D'ailleurs, Sojin n'hésite pas à lui révéler avoir elle-même été repoussée par Soli la dernière fois ce qui avait blessé son ego, évidemment. Yami semble d'ailleurs en colère de l'apprendre ce qui surprend l'étudiante qui réfléchit un instant à la raison qu'il lui avait donné. Bon, elle avait consommé un peu d'alcool à ce moment alors ses souvenirs n'étaient plus tout à fait clairs.

Je pense qu'il voulait bien faire les choses? Je ne sais pas, il est contradictoire.

Comme s'il ne voulait pas la brusquer parce qu'elle avait une certaine importance, mais qu'il tenait malgré tout à la repousser comme s'il espérait presque qu'ils ne se revoient plus jamais. Yami admet alors ne jamais avoir été repoussée. Sojin pouvait comprendre son hésitation e t sa volonté de ne pas se mettre dans une telle situation. Elle-même avait évité de s'attacher pendant de nombreuses années après l'incident avec Jisoo.

Tu as peut-être raison... Mais j'ai eu mal à l'ego.

Elle sourit en lui montrant son message parce qu'elle savait que les garçons n'avaient généralement pas cette délicatesse et qu'elle avait donc du mal à y croire.

Est-ce que ça te manque parfois? De ne pas avoir d'intimité avec qui que ce soit?