Une simple, très simple explication sur ses origines et Liên savait qu’elle allait devoir s’en contenter. Elle pourrait toujours chercher des informations plus tard si le destin les faisait se rencontrer à nouveau. Elle était, elle-même, hors de son pays d’origine après tout. Et pour être tout à fait honnête, elle n’avait rien à rajouter. Et s’il préférait la Corée au Japon ? Elle aussi préférait le pays au matin calme à sa petite campagne pauvre et où sa famille étroite d’esprit logeait. Continuant leur conversation, elle mentionna rapidement sa galerie, non sans rajouter quelques détails, comme le fait qu’il pouvait y faire de belles rencontres. Puis elle l’observa. Quelque peu plus intensivement, quelque peu attentivement. Elle ne le connaissait pas, elle ne l’avait jamais rencontré, elle en était sûre. Pourtant, la vietnamienne ne pouvait s’enlever cette impression de la tête. Ce sentiment qu’il possédait quelque chose en plus, comme si un lien invisible les liait. Rien d’ambiguë cependant, elle n’était aucunement attirée par le jeune étudiant et savait que seule une amitié pouvait se créer entre eux. Néanmoins, gênée par cette impression, elle ne put s’empêcher de poser la question s’ils s’étaient déjà croisés par le passé.

Un sourire en coin se forma alors. Elle qui ne rougissait que rarement face aux compliments. Elle ne dirait pas tout haut qu’elle y était habituée, mais c’était le cas. Elle se savait belle et élégante car elle faisait tout attention l’image qu’elle renvoyait. Bien que ce jour-ci, elle était un peu moins bien habillée que lorsqu’elle se pavanait dans les rues chics de Gangnam. Puis elle rit, elle aussi. Elle appréciait de plus en plus le jeune homme, lui et son humour. « Tellement séduisant que je suis sûre que toutes les filles sont à toi, dommage il va falloir partager avec moi. » Son sourire en coin, moqueur ne la quittait pas. Si elle devait se lancer dans une compétition avec l’étudiant sur qui ramènerait le plus de filles dans un lit, elle le ferait. « Donc pour te répondre, oui j’aime les femmes. Et je n’ai pas l’impression que ça te gène alors tant mieux. »  Car des remarques homophobes, elle en avait déjà reçues. Elle n’y faisait plus attention, trouvant simplement les personnes qui les crachaient tristes.

Sa dernière question surpris la jeune femme. Elle aurait très bien pu parler d’un ami perdu par le passé peu lointain. Pourtant, elle mentionna les vies antérieures, chose qui fut reçue comme un autre signe que quelque chose les liait. « Qu’est-ce qui te fait dire ça ? » Elle n’avait jamais caché y croire, tout comme elle n’avait jamais caché son homosexualité et sa croyance des esprits. « Je suis bien curieuse moi aussi, je t’avoue que je ne sais pas encore. Mais quelque chose nous lie. » Son sourire s’était adouci, comme si elle retrouvait un ami d’enfance, d’une enfance si éloignée. « Mais ne te méprends pas, il ne s’agit pas de tes charmes légendaires ! » Elle rit la bouche grande ouverte, puis reprit une gorgée de sa boisson. « Les vies antérieures c’est compliqué. Tu me dirais folle toi aussi si je t’avoue que je n’en suis pas à ma première réincarnation ? » C’était comme si elle tentait de se cacher derrière sa boisson, le regard fuyant, attendant une réponse qui pourrait la faire changer d’avis sur le garçon.

Cacher son homosexualité n’avait jamais été dans ses plans, mais ce n’était pas non plus ce qui la définissait en tant que femme humaine. Alors ce n’était pas non plus ce qu’elle disait aux premières impressions. Elle ne forçait pas l’information, mais ne la cachait pas non plus. Cependant, c’était toujours agréable de voir que c’était aussi une information bien reçue. Liên ne pouvait s’empêcher de sourire, appréciant toujours un peu plus le jeune garçon. L’idée de lancer une compétition avec lui pour voir qui pouvait faire tomber le plus de femmes était tentante. La vietnamienne respectait toujours ses partenaires, seulement elle restait toujours claire avec celles-ci qu’il s’agissait seulement de sexe et rien de plus. Elle n’embrassait d’ailleurs jamais sur la bouche, comme un principe malsain qu’elle traînait derrière elle. Depuis toute petite, elle savait différencier les sentiments et les plaisirs charnels et n’avait jamais mélangé les deux jusqu’à maintenant. Tout n’avait été qu’un jeu pour elle, un moyen de faire passer le temps et prendre du plaisir en même temps. C’était Liên, qui ne cachait pas sa libido et son amour pour ces jeux.

Néanmoins, si le fait d’aimer les femmes pouvait rapprocher les deux personnes, Liên sentait autre chose. Perdue dans sa différence de pensée, elle n’hésita pas à parler de réincarnation, poussée par la question. Elle y croyait, selon sa relation taoïste. Mais aussi, au-delà de ça, elle savait qu’elle n’était pas à sa première vie. Elle avait été une impératrice, qui avait été trahie par son conseiller le plus loyal, puis avait été mendiante, par le passé. Un passé très lointain. Elle pouvait parfois sentir le poids des sagesses passées sur ses épaules, les trahisons, les peines et les joies. « C’est compliqué à expliquer. Je le sais, c’est tout ? » Tournée en question pour montrer son incertitude, Liên semblait gênée. Pour elle, tout avait semblé naturel mais il était vrai que c’était bien plus difficile de l’expliquer aux autres. « J’ai des souvenirs, des flashbacks ou impressions de déjà-vu. » Ceux-ci n’arrivaient pas souvent, mais assez pour qu’elle se pose des questions. « Et j’ai l’impression de te connaître, tout en sachant que je ne t’ai jamais rencontré dans cette vie. » Elle espérait surtout qu’elle ne passait pas pour une folle.

Une question toute simple pour une réponse tout simple. Liên était curieuse mais elle savait qu’elle ne pouvait s’attendre à beaucoup plus. Bien qu’elle mentirait si elle disait qu’elle n’aurait pas préféré une petite histoire originale, à coup de fuite, de poursuite de l’amour ou autres situations qui se retrouvaient plus dans la fiction que la réalité. « Je ne suis jamais allée au Japon. » Dit-elle alors, plus perdue dans ses pensées qu’une réelle envie de s’exprimer sur la question. « J’ai entendu dire que c’était un très beau pays. » Cette fois c’était dit vers le jeune garçon.

Parlant de destin, Liên n’avait pu s’empêcher de mentionner ses histoires de vies antérieures. Ce n’était pas un secret qu’elle y croyait dur comme fer et pourtant elle restait méfiante lorsqu’elle le mentionnait aux autres. Pourtant, cette ce garçon c’était différent. Elle le connaissait et savait qu’elle pouvait lui faire confiance selon des souvenirs qui lui appartenaient sans lui appartenir. Et pourtant si elle se fiait réellement à ces souvenirs, elle saurait qu’elle fut trahie de la pire des manières par le passé. Lorsqu’elle avait été une souveraine et que la personne qui lui avait été la plus proche l’avait poignardée pour la jeter hors du trône et prendre sa place, retournant la population injustement contre elle aussi. Malgré ces mauvaises pensées, la vietnamienne n’avait pu s’empêcher de rire devant les mots de Renji. « Une femme comme moi, uh. » Ça la faisait rire, mais ce n’était pas non plus très étonnant pour elle. Liên se savait attirante. Elle savait que beaucoup d’hommes ou de voir se retournaient à son passage dans la rue, et loin de s’en jouer, elle l’appréciait. Elle faisait tout pour. Simplement car elle aimait être bien habillée et attirer les regards mais jamais il n’y avait de la prétention en elle. Elle restait naturelle et simple. Comme aujourd’hui, où elle passait son temps dans une salle d’arcade. « Tu me sembles bien confiant, non ? Qui te parle de charme, qui sont tes victimes ? » Au final, elle ne pouvait s’empêcher de remarquer qu’ils se ressemblaient d’une certaine façon. Car s’accepter autant n’était pas forcément un défaut, au contraire c’était ce qui rendait la jeune femme si positive dans la vie. « Désolée pour toi Casanova, mais les belles courbes et les seins sont ce que je préfère, en effet. » Elle continua d’un clin d’œil alors qu’elle finissait sa boisson en grandes gorgées. « Tu croirais, toi, aux vies antérieures ? » Elle avait préféré lui retourner la question, évitant pour passer pour la folle de service. « N’as-tu pas cette impression de déjà-vu ? » Pourtant il lui avait déjà confirmé qu’il ne la connaissait pas. « Si je te dis que je suis vieille, très, très vieille. » Munie d’un sourire en coin, elle tentait de déceler la moindre réaction. « Malheureusement, même si tu fais bien partie de mon passé, je ne saurais dire qui tu étais exactement. » C’était un ton plus sérieux qu’elle avait pris, cherchant réellement cette identité manquée alors qu’elle attrapa tendrement la main du garçon, comme si le contact pourrait l’aider à faire revenir ses souvenirs.

Elle ricanait, finissant sa boisson par la même occasion. Ce garçon l’amusait beaucoup et même avec cette sensation étrange d’avoir retrouvé une personne d’un de ses passées, Liên savait qu’elle ne l’oublierait pas. Du moins, dans cette vie. Quelle bonne idée avait-elle eu de venir à cette salle d’arcade, poussée par l’envie de s’amuser un peu, d’échapper à son quotidien qui se déroulait principalement à sa galerie d’art. Elle fut cependant déçue lorsqu’elle comprit que ce sentiment de se connaître n’était pas partagé. Peut-être se trompait-elle donc. Ou peut-être que leur âme était effectivement liées depuis leurs vies antérieures mais le garçon ne partageait pas la même sensibilité et n’avait donc aucun souvenir. De cette déception, la jeune femme repartit sur un léger ricanement alors que Renji lui parlait de prendre un verre à deux. « Quoi, tu veux vérifier si je m’en sors mieux que toi ? » Liên était toujours partante lorsqu’il s’agissait d’aller au bar ou au restaurant, partager une bouteille de soju, rien de mieux pour créer ou renforcer des liens selon elle. « Peut-être que tu retrouveras des souvenirs, oui. » Elle aurait voulu lui demander si le nom de Lý Chiêu Hoàng lui disait quelque chose, seulement elle ne voulait pas non plus donner l’impression de forcer le garçon. S’ils s’étaient vraiment croisé dans leurs vies antérieures, il était alors préférable qu’il ne s’en souvienne pas car les deux vies dont la vietnamienne se souvenait encore n’étaient pas des plus joyeuses. « Tu vois, tu ne peux déjà plus te passer de moi. » Elle préféra changer le sujet pour taquiner le jeune garçon. Elle entra son numéro dans le téléphone de Renji avant de s’auto-envoyer un message pour retrouver son numéro. Il était temps de bouger, alors que leur boissons étaient terminées. Liên se redressa et montra un visage offusquée par la remarque du garçon. « Non mais, Renji, un peu de respect pour ta noona. » Elle lui donna une petite tape sur le haut du crâne assez légère pour ne pas lui faire mal. « Je marche assez au travail, laisse mamie profiter de son temps libre. » Et pourtant elle ouvrait la marche, se dirigeant vers une destination inconnue. « Il y a un lieu particulier où tu voudrais aller ? Noona t’accompagne si tu veux, elle peut même te tenir la main pour que tu ne te perdes pas. » Un sourire en coin, elle adorait le taquiner.

Elle finirait pas avoir des abdominaux saillants à force de rire à la moindre remarque du garçon. Mais c’était plus fort qu’elle et au moins elle s’amusait beaucoup. C’était toujours aussi agréable, ce genre de rencontres. Bien mieux que ces personnes qui se contentaient de la regarder étrangement car elle parlait de vies antérieure et de fantômes et autres esprits. Au moins, elle ne passait pas pour la folle de service avec toutes ces histoires et bien qu’il y eut quelques taquineries, il n’y avait rien d’agressif. Les deux étaient prêts pour une petite balade, qu’il l’eut cru. Liên avait simplement voulu passer son temps à jouer aux arcades, oubliant le temps d’une journée son monde stricte de gens riches qui ne jugeaient que par les apparences. Elle répondit au clin d’œil de Renji, puis tendit la main pour attraper la sienne. Au fond, elle aussi était une étrangère dans ce pays et certaines personnes ne se retenaient pas pour le lui faire remarquer. « Il serait fâcheux de te perdre, mon pauvre petit. » Elle ricanait de nouveau, à croire qu’elle ne s’arrêterait jamais. « Noona est aussi étrangère, mais elle fera de son mieux pour te guider. » La vietnamienne avait beau dire ne pas aimer les hommes, avoir la main de cet étudiant dans la sienne ne la dérangeait pas le moins du monde. Ni même les regards curieux des gens qu’ils croisaient. Elle faisait clairement plus âgée que le garçon après tout et, il était facile de se méprendre sur leur relation lorsqu’ils avançaient main dans la main. « Tu veux voir la galerie où je bosse ? Elle est petite. » Elle pensa alors au lieu où elle pourrait l’emmener, le genre où elle se sentait connectée avec au moins une de ses vies antérieure. « Pourquoi pas la forêt de Séoul ? » C’était plus un parc qu’une vraie forêt, mais c’était un lieu où elle s’y sentait bien, qui coupait les sons de la ville pour ramener un peu de nature. La campagne lui manquait parfois. « Ça ferait presque une balade en amoureux, tu ne trouves pas ? Attention, ne tombe pas amoureux ! »