Ils marchaient donc main dans la main, imitant ces couples qu’ils croisaient dans les rues de la capitale. Ils s’en jouaient et ça semblait bien les amuser. Des éclats de rire pouvaient s’entendre à des kilomètres, surtout lorsqu’il s’agissait de ceux que la vietnamienne. Elle n’avait pas autant ris depuis quelques mois et ça faisait du bien. Le sourire en coin, elle arqua un sourcil devant le commentaire de Renji sur sa galerie. « Ce n’est pas la taille qui compte ? » Elle gloussait déjà. « Est-ce que tu dis ça parce que tu essayes de te rassurer ? » Son regard descendit sur le corps du garçon avant de remonter et finir par un clin d’œil. Elle prenait beaucoup de plaisir à le taquiner, surtout qu’il ne se laissait pas faire. Ils étaient donc partis pour la forêt de Séoul, cet espace vert qui ressemblait quand même plus à un parc qu’une vraie forêt. C’était un lieu calme et qui arrivait à apaiser la vietnamienne. Encore très loin des campagnes et forêts de son pays d’origine, elle y retrouvait quand même quelques signes qui lui rappelait son enfance. La ville et ses richesses étaient bien, mais la beauté d’une campagne était mieux. « Je sais bien, je suis trop bonne tout le monde devrait être flatté que je leur accorde du temps. » Elle plaisantait forcément, car Liên n’était pas ce genre de femmes. Elle se savait belle femme et ne jouait pas sur la fausse modestie, mais elle ne se mettait jamais au-dessus des autres. Néanmoins, quelque chose interpella la jeune femme. Derrière les paroles de Renji, quelque chose de réel et plus triste s’y cachait et peina Liên. « Eh petit, ça arrive à tout le monde de faire des erreurs, le tout c’est de trouver la technique pour ne plus y penser. » Chez la vietnamienne, sa technique était de voir d’autres femmes, beaucoup de femmes d’un coup ou alors de se poser dans son canapé avec une bonne glace. De sa main libre, elle tapota sur le haut de son crâne pour le rassurer un minimum. Les rires étaient repartis alors que la vietnamienne s’accrochait un peu fort au bras de Renji. « Oh bébé, si tu savais. » Elle n’était jamais sortie avec une femme beaucoup pour jeune qu’elle, mais elle avait eu des relations avec beaucoup de femmes plus âgées. Parfois le double d’elle et ce, depuis ses dix-huit ans. Elle avait été ainsi logée nourrie et chouchoutée. « Mes copines comme tu dis savent à quoi s’attendre avec moi. Si je donne un ordre, elles se calment bien vite, tu verras. » Elle était celle qui dominait dans la majorité de ses relations. Entraînée par ses sugar mommies, elle savait s’y faire. Elle emmena le garçon jusque dans le métro pour rejoindre l’arrêt le plus proche du parc. « Du coup, ta peine de cœur, tu veux me raconter ? » Ça pouvait faire passer le temps du trajet, bien que le mettre mal à l’aise était la dernière chose qu’elle souhaitait.

La proximité des deux individus était spéciale et remontait jusqu’à un passé lointain. Liên emmenait Renji à la forêt de Séoul, sous plaisanteries et autres taquineries. Elle n’avait pu s’empêcher de sourire devant les airs choqués du garçon lorsqu’elle avait osé douter de son physique et ses capacités sexuelles. C’était aussi cette proximité soudaine entre eux qui lui avait fait poser la question. Elle avait senti qu’elle mettait les pieds dans le plat, qu’elle tapait là où ça semblait faire mal, mais elle était curieuse. Au moins, si ce n’était pas une peine de cœur, elle était rassurée. Elle avait déjà vu ce genre de tragédies arriver à des proches et elle ne le souhaitait à personne. Cela pouvait faire beaucoup de mal. Elle-même ne l’avait jamais vécu car elle-même n’était jamais tombée amoureuse. C’étaient les autres qui s’attachaient à elle alors qu’elle ne faisait de remplir son tableau de chasse. « Oh mon petit, tu as peur de tomber amoureux ? » Elle n’avait aucun conseil à lui donner si ce n’était de ne pas s’attacher. « Fais attention à toi. » Reprit-elle plus sérieusement. Elle ne releva pas le fait qu’il s’agissait de tomber amoureux d’un garçon car il serait bien hypocrite de sa part de faire la moindre critique dessus. C’était aussi normal pour elle que pour les autres il était normal qu’un homme soit avec une femme. Chacun était libre dans ses préférences sexuelles et elle pouvait dire que c’était une chose en plus qui les liait.

Elle était touchée de le voir si à l’aise avec elle, jusqu’à qu’il se laisse tomber sur son épaule, tous les deux bercés par les mouvements du métro. « Alors ne t’attache, arrête de le voir s’il faut. » C’était ce qu’elle faisait. Lorsqu’elle voyait sa dépendance à quelqu’un augmentait, elle allait voir ailleurs et au final elle s’était retrouvée avec plusieurs femmes plus âgées qui s’occupaient d’elle. « Il y a plein d’autres gars ou femmes très sympathiques sur Séoul, t’as le choix surtout avec ta bouille. » Elle passa de nouveau la main dans ses cheveux, cherchant à le rassurer. « Ça serait con de découvrir trop tard qu’il se joue de toi, alors prends du recul. » Elle ne voulait pas voir son nouvel ami blessé à cause d’un garçon. Elle savait aussi qu’au premier appel de détresse qu’elle recevrait, elle accourerait pour rencontrer ce mystérieux garçon et lui expliquer le fond de sa pensée et ainsi venger Renji. « Fais comme noona, une fille par soir, parfois plus et parfois en même temps. » Si son rire qui suivait ses paroles remettait de la légèrement dans la conversation, il était évident qu’elle ne mentait pas et que c’étaient là des expériences qu’elle avait réellement vécues. « Mais tomber amoureux c’est un nid à problèmes. » Et pourtant, il fallait qu’elle fasse attention elle-même, surtout depuis qu’elle avait posé les yeux sur cette belle femme qui venait régulièrement à sa galerie.

Elle savait ce qu’elle disait, bien que l’amour était un sentiment encore inconnu pour la jeune vietnamienne. Elle aimait sa mère, elle aimait ses amis et toutes les femmes qu’elle avait pu rencontrer durant toutes ces années où elle habitait sur la capitale sud coréenne. Néanmoins, jamais elle ne s’était laissée sombrer dans le sentiment qu’était l’Amour, avec un A majuscule. Elle n’en avait pas besoin alors qu’elle savait parfaitement séparer le sentimental des plaisirs charnels. C’était peut-être là un moyen de défense qu’elle avait élaboré inconsciemment. Peut-être un reste de ce rejet qu’elle avait subi avec sa mère de la part de sa famille. Elle disait pourtant que ça ne lui faisait ni chaud, ni froid alors que seule sa mère comptait réellement, à tel point qu’elle continuait de lui envoyer une partie de son salaire tous les mois même si la vieille femme ne manquait plus d’argent.
Alors elle tentait de préserver son nouvel ami, de lui donner des conseils afin qu’il se détache de cette mystérieuse personne au plus vite. Elle appréciait beaucoup Renji et Liên ne désirait pas le voir souffrir pour un sentiment tel que l’Amour. « Continue de profiter de lui tant qu’il peut encore te satisfaire sexuellement, mais après laisse tomber. » Dit-elle d’un ton neutre. Elle avait l’habitude d’en faire de même. Son tableau de chasse continuait toujours de s’agrandir à mesure qu’elle croisait de belles femmes et Dieu savait qu’elle en croisait beaucoup lors de soirées mondaines. Elle était tellement ancrée dans la conversation que la jeune femme n’avait pas remarqué l’arrêt approcher. Ce ne fut que lors que le jeune étudiant lui prit la main pour l’attirer hors du train, puis hors de la station qu’elle ouvrit les yeux sur la réalité. Elle eut une nouvelle fois une drôle de sensation, celle de revivre une même scène. Ce même garçon qui attrapait sa main pour qu’elle le suive vers un endroit non dévoilé. Liên avait donc ce sourire quelque peu béat sur le visage, avec certainement une pointe de mélancolie qui s’y mélangeait.

« Allez, suis-moi. » Cette fois, elle reprit les devants et mena la danse alors qu’elle entraînait Renji à l’orée du parc. « Ça fait du bien un peu de nature, non ? » Elle prit une grande inspiration. Parfois la campagne lui manquait, beaucoup, malgré le fait qu’elle se disait femme de la ville. Sur un rythme plus lent, elle lâcha enfin la main de l’étudiant et prit de l’avance sur leur marche. Peu de monde s’y trouvait et c’était tant mieux. Elle s’y sentait épanouie, heureuse. « Ne me regarde pas de travers mais j’ai peut-être eu une confirmation que l’on se connaît d’avant. » Elle finit par un léger rire alors qu’elle ne voulait pas entrer dans les détails. Elle voulait laisser le destin faire sa course et redistribuer les souvenirs comme bon il lui semblait.