Quand il me demande quel est mon cocktail préféré, je me contente de sourire et de lui répondre :
« Je te le ferais goûter la prochaine fois. »
Après tout, il faut bien cultiver un peu de mystère non ? Alors il en saura plus la prochaine fois, et je ne doute pas qu’il y ait une prochaine fois. Après tout, le courant passe bien entre nous, non ? Suffisamment pour que j’ai l’audace de lui dire que j’ai envie de l’embrasser. Je suis du genre direct et je ne m’encombre pas de manière. Depuis le début je le drague et s’il ne l’avait pas compris, c’est désormais chose faite.

Il hésite un instant, ce que je peux comprendre mais son choix est vite fait et sa réponse me fait sourire. Il est d’accord mais pas ici. Ce n’est pas un problème pour moi. D’ailleurs sans perdre de temps, comme si je craignais qu’il ne change d’avis, je referme ma main sur la sienne et le tire hors de son siège pour qu’il me suive et surtout que je ne le perde pas dans la foule.
« Allons chez moi. »
Comme tous les étudiants de l’université, je vis au dortoir mais je possède aussi un appartement dans le centre. En fait, il appartient à mon père mais il m’en laisse m’en servir le week-end et pendant les vacances. Ce n’est qu’à quelques pas d’ici et nous y serons plus tranquille pour nous embrasser et peut-être aller plus loin s’il s’en sent capable. Après tout, je n’ai jamais forcé qui que ce soit.
« Viens. »
Gardant sa main dans la mienne, je les glisse dans la poche de ma veste, alors que je pousse la porte du bar. Il fait plus frais dehors mais je ne m’attarde pas sur le paysage nocturne, j’entraine mon nouvel ami et peut-être amant vers un immeuble plus loin. Mes doigts restent serrés sur les siens pour l’empêche de fuir alors que mon pas est rapide, comme si je craignais qu’il ne change d’avis. Et pourtant, je lui laisse une dernière chance de le faire alors que nous arrivons devant mon immeuble. Il y fait un peu sombre et j’en profite pour le tirer vers moi :
« Dernière chance de t’enfuir. »
Je souris tout en rapprochant mon visage du sien, prêt à l’embrasser.

Kikunae a définitivement trop bu. Sobre, il ne se comporterait jamais de cette façon. Il n’aurait jamais laissé qui que ce soit l’approcher de si près. Il n’aurait jamais accepté que quelqu’un l’embrasse. Il n’aurait pas non plus sous entendu qu’ils pourraient se revoir, car il n’aurait pas eu envie d’avoir quelqu’un dans les pattes. Il lui faut du temps avant de se lier aux autres. Avec Nae, il ne faut pas mal prendre le fait qu’il reste distant un certain temps et qu’une amitié s’installe lentement au prix de quelques efforts. Il n’accorde pas facilement sa confiance et ce n’est pas une histoire d’avoir été trop tourmenté par le passé, car ce n’est pas le cas. Il fait juste partie de ces personnes qui ont besoin de temps pour nouer un quelconque lien, pour s’ouvrir à l’autre. Kikunae a bu et ses pensées ne sont plus cohérentes. Si la société presse tout le monde à avoir quelqu’un dans sa vie, se marier, fonder une famille, c’est peut-être que le problème vient de lui… S’il essayait peut-être que… Sobre, Nae n’aurait jamais eu de telles pensées. Il lui arrive de se dire que le problème vient de lui, que son manque de désir charnel n’est pas normal, mais ce n’est pas pour autant qu’il envisage de franchir le pas avec un inconnu. Ce soir, pourtant… Si Hayden savait ça…

Le suivre chez lui ? Nae aurait rit si on lui avait dit qu’il se comporterait aussi bêtement ce soir. Est-ce qu’Hayden va le chercher quand il constatera que son meilleur ami n’est plus là ? Il tentera peut-être de l’appeler, s’il n’est pas trop ivre pour utiliser son téléphone. Il ne réagit pas lorsque Renji prend sa main. Il ne réagit pas non plus lorsque le vent frais de la nuit lui fouette le visage. C’est l’été, il ne fais pas froid dehors, mais la température extérieur contraste tout de même avec la chaleur étouffante à l’intérieur du bar. L’alcool a prit le dessus. Kikunae n’est plus en pleine possession de ses moyens et il le regrettera amèrement demain matin. Il se laisse entraîner tout contre le corps de Renji. Il ne reconnaît pas le quartier où ils sont. Il ne s’en formalise pas. De s’enfuir ? S’il avait moins bu, il aurait pu réagir à ces quelques mots. Prendre cette opportunité pour partir. Au lieu de cela, il s’agrippe d’une main au bras de Renji. Il a la tête qui tourne, ses pieds ne sont plus fermement ancrés dans le sol et il doit prendre un appui pour ne pas perdre son équilibre.

Il relève la tête et se retrouve nez-à-nez avec Renji. Son visage est si proche du sien. Kikunae cligne plusieurs fois des yeux sans détourner son regard. Il laisse le jeune homme faire le premier pas, incapable de bouger. C’est la première fois qu’il embrasse quelqu’un. Renji va peut-être le remarquer et pour le coup, c’est lui qui prendra la fuite, car il ne voudra pas de quelqu’un d’inexpérimenté. Ou il se sentira coupable ? Pourtant Nae n’a aucun geste de recul, il le laisse totalement faire. L’alcool désinhibe comme on dit.
 

Il ne saisit pas l’occasion que je lui offre de changer d’avis. Au contraire, il referme sa main sur mon bras, comme pour m’encourager à continuer. Kikunae a tout du garçon timide sans expérience mais s’il est sûr de lui, je ne me priverais pas pour aller plus loin. J’ai besoin de fréquenter d’autres hommes pour oublier mon chagrin d’amour et cette nuit, s’il m’en laisse l’opportunité, je pourrais le faire avec lui.

Lorsqu’il relève le visage vers moi, j’y vois un signale pour l’embrasser. Il n’attend que ça, du moins je le suppose et c’est lentement que j’efface la courte distance qui nous sépare. Mes lèvres frôlent doucement les siennes avant que le contact ne devienne plus ferme et insistant. Kikunae ne réagit pas particulièrement, comme si c’était son premier baiser et je ne peux croire que le peu d’alcool qu’il ait bu l’ait déjà rendu saoul. M’écartant doucement, j’observe son visage à travers l’obscurité et puisqu’il ne semble pas faire quoi que ce soit pour me repousser, je décide de l’embrasser à nouveau, cette fois-ci j’approfondis un peu plus notre baiser, glissant pour cela une main derrière sa nuque alors que ma langue cherche à se glisser entre ses lèvres pour explorer sa bouche et trouver sa jumelle. Si c’est son premier baiser, ce n’est pas grave, il lui suffit de se laisser guider. Ensuite ? On verra s’il est curieux au point de me suivre jusque dans mon appartement et sauter le pas. Clairement, je ne l’y forcerais pas mais s’il ne me dit pas non, je n’aurais pas de scrupule à lui voler sa première fois.

Kikunae n’a pas assez bu pour être saoule, mais assez pour prendre de mauvaises décisions… Ces derniers temps, il se cherche. Il alterne entre les phases où il accepte de s’avouer à lui-même qu’il pourrait être asexuel et même aromantique. Les relations sexuelles et/ou amoureuses ne l’intéressent pas. Il n’en ressent ni l’envie, ni le besoin. Puis il y a d’autres phases… Celles où il doute, celles où il se dit que c’est lui qui a un problème. Pourquoi la plupart des gens pourraient être attirés par les autres, sur le plan sexuel ou romantique, et pas lui ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez lui ? L’alcool l’encourage à avoir ces pensées sombres et dévalorisantes. Alors qu’il en a déjà discuté… Avec Seung Hwan par exemple, qui semblait partager son ressenti sur la question. En réalité c’est la société qui lui impose cette pression, cette fausse « norme » d’être en couple, de fonder une famille et de faire semblant d’être heureux. Sa mère n’aidant pas… Il a beau arrivé sur ses 23 ans, il est plus perdu que jamais. Y a-t-il vraiment un âge pour se poser ce type de questions ? Nae n’y avait juste jamais pensé, car avant sa mère ne lui faisait pas de remarque peu subtile sur l’éventualité qu’il lui présente enfin une petite-amie, qu’il se marie un jour, qu’il devienne père. Plus il grandit, plus elle devient le miroir de cette pression de la société. Il ne lui a évidemment jamais avoué ce qu’il pensait réellement de tout cela.

S’il essaie… Il se rendra peut-être compte qu’il se trompait depuis le début ? Qui sait, cela va peut-être débloqué quelque chose chez lui… Enivré par l’alcool, il se laisse plus que jamais influencé par ce qu’on attend de lui. L’alcool, mélangée à ses doutes, c’est ce qui le pousse dans les bras de Renji, à suivre ce baiser. Il ne trouve pas cela spécialement agréable, il n’a pas de papillons dans le ventre contrairement à ce qu’on dit… Il ne repousse pas Renji pour autant. Il plisse le nez. Sentir la langue de quelqu’un d’autre contre la sienne est une sensation étrange. C’est peu romantique décrit de cette façon, mais c’est ainsi qu’il ressent ce moment. Quand il se sépare enfin, Kikunae a le réflexe de passer sa langue sur ses lèvres.

- C’est la première fois que j’embrasse quelqu’un comme ça… il reconnaît.

Renji va peut-être le trouver nul et le laisser en plan. Est-ce que c’est ce qu’il veut ? Il n’en sait rien. Il doute encore. Une partie de lui veut fuir et une autre veut foncer tête baissée. C’est bête, mais s’il essaie et qu’il n’aime pas, on lui fichera peut-être enfin la paix. Ou il pourrait juste se moquer du regard des autres. Il pourrait. Nae le fait souvent, mais parfois… C’est plus difficile.
 

Je m’en doutais et son aveu n’est pas vraiment une surprise pour moi. Je suis donc son premier baiser ? Intéressant.
« Et tu n’as pas de regret d’avoir eu ton premier baiser avec un inconnu ? »
De toute façon c’est trop tard mais en fonction de sa réponse, je pourrais déterminer s’il est vraiment chaud pour sauter le pas, car j’imagine que si c’est son premier baiser alors, il est encore vierge. Est-ce que j’ai vraiment envie de me lancer dans un plan pareil ? D’habitude je me pose beaucoup de moins de question. Je suis moi-même surpris par mes propres états d’âme.
« Tu veux qu’on monte ? Promis, si tu ne veux pas aller plus loin, je ne t’y obligerais pas. On va juste boire un coup. Tu pourras rentrer chez toi quand tu veux. »
Car on ne va pas se galocher ici toute la nuit, non ?

Après avoir tapé le code d’accès à l’immeuble, je lui fais signe de me suivre. Mon invitation ne l’engagera à rien. On n’est même pas obligé de continuer à s’embrasser et il ne sera pas non plus obligé de boire. Je n’ai pas sommeil et maintenant qu’on est là, je ne me sens pas le courage de retourner dans un bar alors autant profiter de mon appartement, non ?

Kikunae ne parle jamais de cela, sauf avec Hayden. Il a honte. Enfin, ce n’est pas le bon mot… Il se sent en marge de ce que la société attend, de ce que la norme dicte. À son âge, il devrait déjà avoir échangé son premier baiser. Il devrait déjà avoir eu des histoires d’amour, une relation sexuelle… Tout cela, il ne le vit pas mal. Il ne se sent pas malheureux quand il y pense, mais il a parfois l’impression de ne pas être normal. Quelque chose doit clocher avec lui pour n’être attiré par personne, à moins que cela ne soit qu’une conséquence de sa personnalité casanière et peu sociable. Des regrets ? Il en aura probablement. Demain, quand il n’aura plus d’alcool dans le sang et qu’il aura de nouveau les idées claires. Comme le soir où il a embrassé Jae Won… Il le fuit comme la peste depuis. Oui, Nae n’a jamais embrassé personne de « cette façon », mais ce n’était pas la première fois que ses lèvres en rencontraient d’autres. Par contre, c’était la première fois que sa langue en effleurait une autre. Pour le moment, Nae se contente d’hausser les épaules. Ce n’était pas la plus agréable des expériences, mais il le garde pour lui.

Le jeune homme suit à peine les paroles de Renji et ce n’est pas seulement à cause de l’alcool. Il est perdu dans ses pensées. Ses émotions se mélangent, toutes contradictoires, l’empêchant de réfléchir clairement et l’alcool n’aide en rien. Kikunae se tourne vers son compagnon d’une nuit, qui vient d’ouvrir la porte de l’immeuble. Sans réfléchir plus, il s’engouffre à sa suite. Boire un coup ? Est-ce vraiment raisonnable ? Il ne tient pas bien l’alcool et il a déjà fait plusieurs écarts cette nuit. Il déteste vraiment les sensations de l’ébriété. Il n’aime pas perdre le contrôle de ce qu’il fait, ni de ce qu’il dit. Il n’a jamais assez bu pour que ce soit le cas, mais il a déjà eu la désagréable impression qu’il parlait trop facilement, que les mots lui venaient sans qu’il n’ait besoin de les choisir. Quoiqu’il y a eu cette fois avec Ha Neul… Il n’allait pas bien… La jeune femme a dû le raccompagner jusqu’à son dortoir. Au moins, cela le rend plus loquace, mais Kikunae préfère tout contrôler, savoir ce qu’il fait et ce qu’il dit avec exactitude. Ils prennent l’ascenseur et il en est intérieurement reconnaissant. Il n’a pas la force de monter des escaliers pour le moment.

- C’est sympa chez toi… il dit en entrant pour faire la conversation.

Habituellement, Nae ne se sent jamais obligé de combler les silences. Il déteste les conversation sans intérêt, mais rien ne semble habituel ce soir…
 

Il décide de me suivre alors on monte chez moi. Une fois l’ascenseur et la porte d’entrée passés, il ouvre la bouche. Je souris à son commentaire, soufflant un simple :
« Merci. »
Je retire me déchausse et me mets à l’aise, lui disant d’en faire autant avant de passer dans le coin cuisine. Elle est ouverte sur le salon, comme les cuisines américaines. J’ouvre le frigo et en sort une bière avant de lui dire :
« J’ai de la bière, du soda, des jus de fruit et de l’alcool fort si tu préfères. Fais ton choix. »
Je ne veux rien lui imposer. Il a l’air d’avoir déjà eu son compte en termes d’alcool. Moi j’ai une bonne descente et ce n’est pas une bière de plus qui me fera perdre mes moyens. D’ailleurs j’ouvre un placard pour en sortir un paquet de chips. Je l’ouvre, en pioche une dedans avant de le pousser vers lui, l’invitant ainsi à se servir.
« On va s’installer dans le salon. Ensuite, on fera ce que tu veux. »
On discutera, on boira en silence, on s’embrassera ou on se découvrira plus intimement. Bref, on ira à son rythme. On a tout notre temps et toute la nuit pour ça. Au passage, je bois une longue gorgée de bière avant d’emporter dans le salon les chips et la bière. De son côté, il ne lui reste qu’à prendre ce que je lui ai servi et à se décider sur la suite.

Une fois installé dans le canapé, je lui demande, sans pudeur ni détour :
« Tu veux que je t’embrasse encore ou tu as eu ton compte ? »

Kikunae n’est pas à son aise. Ce comportement ne lui ressemble pas et pourtant une petite voix lui chuchote de continuer, de tenter, qu’il n’a rien à perdre après tout. Une petite voix désinhibée par l’alcool. Il n’a pas assez bu pour perdre ses moyens, mais il a assez bu pour prendre de mauvaises décisions, suffisamment pour écouter ses démons plutôt que sa raison. Pourtant, elle résiste. Kikunae est partagé et ce combat intérieur le fatigue. Pour une fois, il pourrait être normal… Côtoyer des gens… Les conversations banales, ce n’est pas on truc non plus. Kikunae ne déteste pas le silence. Il le préfère à un échange de banalités agaçantes. Il essaie de faire un effort. Il ne veut pas que Renji le trouve bizarre.

- Tu as quoi comme alcool ?

Encore une mauvaise décision. Elles s’accumulent avec une facilité déconcertante ce soir. Un verre de plus fera peut-être taire sa raison une bonne fois pour toute. C’est sa raison qui le rend si anormal…

- D’accord.

Le musicien suit Renji jusqu’au salon, son verre à la main. L’odeur d’alcool se fait plus vive. Il ne sait pas si cela vient plus de son verre ou de lui-même. Il observe l’appartement. Regarder, ça, il sait faire. Kikunae est du genre à rester en retrait, à observer le monde qui l’entoure, les gens qui s’affairent autour de lui comme les ouvrières d’une fourmilière. Certains trouvent ça bizarre… Kikunae s’assoit non loin de son hôte. Il prend directement une gorgée d’alcool. Il refuse de laisser un moment de répit à son cerveau pour réfléchir aux conséquences de tout ça. Pour une fois, il veut juste vivre quelque chose de normal… Du moins, qui lui semble normal dans son esprit paumé, parfois trop dirigé par la société. Il reste humain après tout. La question de Renji prend Kikunae de court. Avoir une relation sans lendemain ne semble pas le perturber plus que ça. Comme si ça lui arrivait souvent. Ce que le musicien ne va pas juger, ça ne le choque pas, mais c’est si loin de son comportement habituel. Qu’est-ce qu’il veut ? Ne pas avoir l’impression d’être une erreur dans la matrice et que quelque chose cloche chez lui, ce serait pas mal… Sauf que Renji n’est pas là pour être son psy et de toute façon, Kikunae n’a pas envie de s’épancher sur ses états d’âme. Il veut juste faire taire cette p*tain de voix.

- Tu peux m’embrasser… il répond après avoir bu une autre gorgée de courage liquide.
 

Comme alcool, il a le choix. Alors quand il me questionne à ce sujet, je lui réponds :
« Whisky et vodka. Tu n’es pas obligé de le boire pur. Tu peux les couper avec du soda ou du jus de fruit si tu préfères. Ce sera plus agréable à boire comme ça. »
Je ne l’incite pas à s’enivrer mais puisqu’il m’a posé une question, autant y répondre. Il est majeur et libre de ses choix. Quant à moi, je ne suis pas son baby-sitter, ni la voix de la raison. Je me contente juste de lui laisser le choix et de respecter son consentement. D’habitude, je ne prends pas autant de gant mais avec lui, je sens que c’est différent. Peut-être parce qu’il manque d’expérience et que je suis d’humeur à être sympa ce soir.

Une fois servis, nous passons dans le salon. C’est un bon entre deux qui nous permettra de pouvoir prendre du bon temps sans pression ou juste passer une soirée à discuter si c’est ce qu’il préfère. Pour ma part je suis curieux de savoir s’il aura le courage de sauter le pas avec moi. C’est toujours un peu difficile la première fois quand on ne l’a jamais fait avec un mec mais il verra que sauter le pas ce n’est pas si terrible, si bien sûr il décide de le faire.

Il boit une première gorgée, puis une seconde avant de m’autoriser à l’embrasser. Je souris et avale moi aussi une gorgée de bière. Elle me fait du bien. Elle est fraiche et agréable. Une fois ma gorgée avalée, je m’approche de lui et glisse une main derrière sa nuque tout en rapprochant mon visage du sien. Lentement, je rapproche mes lèvres des siennes, lui laissant ainsi la possibilité de me repousser à tout moment même si quelque chose me dit qu’il ne le fera pas. Il a besoin de se prouver quelque chose. C’est en tout cas l’impression qu’il me donne.

Mes lèvres se pressent contre les siennes que je capture doucement, approfondissant peu à peu notre baiser alors que ma main libre se pose sur son flanc. Je ne cherche pas encore le bord de son vêtement. Pas tout de suite. Je prend d’abord le temps de l’embrasser, doucement, langoureusement, tout en rapprochant davantage mon corps du sien.

Ma langue entre en contact avec la sienne. Le baiser est agréable. J’ai toujours aimé embrasser de toute façon et lui ? Je crois que c’est encore nouveau pour lui. Alors quand le souffle vient à manquer, je mets fin à notre échange même si je reste tout près de lui pour lui murmurer :
« Est-ce que tu en veux plus ? »
Ma main posée sur sa hanche cherche alors le haut de son vêtement sans pour autant se glisser immédiatement dessous. Je me contente de jouer avec, tout comme je m’amuse avec ses lèvres que je frôle, mordant par moment sa lèvre inférieure.

Nae est le premier à dire qu’il n’a rien à prouver à personne et qu’il se moque du regard des autres. Ce n’est pas toujours vrai… Dernièrement il se pose beaucoup de questions et il a des choses à prouver… À SE prouver. Il veut se convaincre que rien ne cloche, que lui aussi peut être attiré par quelqu’un. Tout est contradiction dans son esprit. Il pense à sa conversation avec Seung Kwan, à ces baisers échangés qui ne lui ont pas donné autant de papillon dans les ventres qu’on le vente dans la fiction… Il n’est pas naïf, il sait bien que la plupart des œuvres romantiques sont édulcorées et c’est bien parce qu’il ne supporte pas le genre qu’il lit pas, ni n’en regarde, mais… Il avait espéré apprécier un minimum. Il n’a peut-être pas assez bu… Ou peut-être trop. Il ne sait plus à ce stade.

Quitte à entrer dans le moule, Nae aurait pu choisir une femme, mais… Il n’a pas choisi en réalité. L’opportunité s’est présentée. Il avait assez bu pour prendre des décisions qu’il n’aurait pas prises en temps normal. Et voilà où ça le mène… Dans l’appartement d’un homme qu’il ne connaît pas, prêt à boire un autre verre. Heureusement qu’il n’est pas du genre paranoïaque, il aurait pu commencer à s’imaginer que Renji l’a attiré là avec de mauvaises intentions et qu’il fera bientôt les gros titres du prochain fait divers, mais son esprit est à des années lumières de cette hypothèses farfelues.

- Je veux bien du soda avec.

Avec un peu de chance les bulles atténueront le goût âpre et désagréable de cet alcool fort. Kikunae continue de s’enivrer espérant trouver du courage. Son regard ne quitte pas Renji qui s’approche progressivement. Le musicien appréhende qu’il envahisse son espace personnel. Il n’est pas tactile et encore moins fan qu’on s’impose trop proche de lui… Mais Renji ne s’est pas imposé, Nae ne l’a pas repoussé… Alors il continue. Il ne peut pas deviner les débats intérieur qui tourmente son amant d’une nuit. Il essaie d’être moins passif cette fois. Ce n’est plus son premier baiser, Renji l’a embrassé de cette façon un peu plus tôt dans la soirée. C’est maladroit, il ferme les yeux pour se distraire, il y prendra peut-être davantage plaisir de cette façon.

Le souffle court, Nae ouvre de nouveau les yeux et son regard ne lâche pas Renji, qui s’est reculer pour les laisser respirer. Il ne faisait pas attention à ses mains. Au contact de ses doigts sur sa peau, il frémit. Renji l’a pris par surprise sans le vouloir et il sursaute. Son verre contenait encore un peu de boisson alcoolisée, qui se renverse un peu par terre, mais le musicien ne s’en préoccupe pas.

- Qu’est-ce que tu vas faire… Si je dis oui ?

C’est sa façon de faire taire cette appréhension qui le gagne. Il n’a jamais couché avec personne, homme ou femme. Il n’est pas né de la dernière pluie, il sait comment on fait et il ne fait pas partie de ceux qui pensent que ça se passe exactement comme dans les films pour adultes, pour le peu qu’il en a regardé. La seule fois c’était à cause d’Hayden… Encore. Cependant, il veut pouvoir anticiper les mouvements de Renji pour ne pas se laisser surprendre...