Je ne prête pas attention à l’alcool qu’il renverse sur le sol. A cet instant, ce n’est pas important. Ce qui compte, c’est ce que nous allons faire ou plutôt ce qu’il va me laisser lui faire. J’ai un certain nombre d’idée en tête mais reste à savoir si Kikunae en aura envie. Il semble si incertain et insécure. D’habitude, j’évite ce genre de partenaire. J’aime aller à l’essentiel sans prendre de gants ni de détour mais pour lui, j’ai envie de faire une exception. Peut-être parce que j’ai besoin d’être avec quelqu’un qui est tout l’opposé de Jae.

Sa question me fait sourire et au lieu de me refroidir, elle m’excite un peu. Prenant le temps de réfléchir un instant, je rapproche à nouveau mon visage du sien pour murmurer dans le creux de l’oreille, comme s’il s’agissait d’une confidence :
« Si tu me dis oui, je retirais d’abord ton t-shirt pour pouvoir presser mes lèvres sur d’autres parties de ton corps et si tu es curieux, je pourrais descendre plus bas. »
Sur ses mots, je pose d’abord ma main sur son torse, avant de la descendre lentement vers son pantalon au-dessus duquel je m’arrête pour ne pas me montrer trop intrusif.
« Et si jamais tu en veux encore plus, j’ouvrirais ton pantalon pour te faire une fellation. »
Sur ses mots, mes dents se referment sur son lobe avant que je ne niche mon visage dans le creux de son cou, y déposant au passage un baiser.
« On peut se contenter de ça ce soir. S’embrasser, se caresser, se masturber mutuellement et s’offrir des fellations. »
La pénétration n’est pas obligatoire surtout pour une première fois.

Son corps réagit naturellement sous les caresses et les baisers de Renji. C’est déstabilisant pour Nae. Il n’avait jamais ressenti cela avant… C’est la première fois que quelqu’un pose ses lèvres et ses mains sur son corps. Il ne sait pas quoi penser de cela. Est-ce qu’il se sent capable d’aller plus loin ? Il a envie de se persuader que oui. Il veut être normal pour une fois… Pourtant, plus Renji le touche, plus il ressent ce dégoût et ce malaise grandir en lui. Il sent qu’il va à l’encontre de ce qu’il désir réellement. C’est ce qu’il fait depuis le début de la soirée, depuis que son chemin a croisé celui de Renji. Il a quelque chose à se prouver à lui-même. Cependant, il est de moins en moins sûr d’en être capable. Il n’aurait pas dû demander à Renji ce qu’il comptait lui faire… Kikunae pensait être rassuré, c’est tout le contraire qui se produit. Il imagine le jeune homme lui retirer sa chemise, puis son pantalon. Il l’imagine embrasser sa peau, son sexe… Le malaise grandit encore. Son cœur s’emballe. Cette perspective lui fait peur et le met mal à l’aise. Qu’est-ce que Renji va penser de lui s’il le repousse maintenant ? Est-ce qu’il va l’accepter ? Depuis le début, il est patient avec lui et prend toujours le temps de s’assurer que tout va bien pour Nae, mais s’il lui dit clairement non, qu’est-ce qu’il va se passer ? Et même s’il l’accepte… Le musicien se sent déjà honteux.

Renji continue de l’embrasser dans le cou, de mordiller le lobe de son oreille. Kikunae pose ses mains sur son torse pour le faire reculer.

- A-attends…

Il prend aussi conscience de cette main sur sa taille, au-dessus de son pantalon. Il ne pense plus à la réaction de Renji maintenant. Il est agacé contre lui-même. Pourquoi est-ce qu’il réagit comme ça ? Pourquoi est-ce que l’idée de coucher avec quelqu’un le révulse autant ? C’est naturel, non ? Pour beaucoup ça l’est… Pour Nae, c’est une autre histoire… Il n’en a jamais ressenti le besoin, il n’en a jamais eu le désir. Il a déjà regardé des films pour adulte, mais ce n’était même pas de sa propre initiative. Il s’est déjà masturbé aussi, à l’âge où il découvrait son corps, il était curieux… Il n’a pas spécialement apprécié et il n’a pas réitéré l’expérience. La sexualité de façon générale, n’a jamais suscité d’intérêt chez lui, même adolescent… Nae s’est souvent senti en décalage avec les autres garçons de son âge à cause de cela.

- Je… Je ne suis pas sûr de…

Il ne sait pas comment dire ça. Il a honte, il est en colère. Il aimerait disparaître. Est-ce que Renji lui en voudrait s’il partait comme un voleur ?
 

Alors que je lui explique ce que je compte lui faire, Kikunae pose sa main sur mon torse et me repousse tout en me demandant d’attendre. Ce geste et ce moment, je ne le connais que trop bien même si en général, c’est avec les filles que je le vis. D’habitude, les mecs sont moins précieux mais j’ai cru comprendre que Nae était différent. Peut-être parce que c’est sa première fois.

Poussant un profond soupir je m’écarte et l’écoute lorsqu’il me dit qu’il n’est pas sûr. A vrai dire, je m’y attendais un peu. Je m’écarte pour le laisser respirer et je reprends ma bière pour en boire une longue gorgée avant de lui répondre :
« Tant pis. Je ne vais pas te forcer t’en fais pas. »
Bien sûr, je suis un peu frustré. Moi qui pensais pouvoir oublier Jae dans les bras d’un autre, on ne peut pas dire que ce soit une grande réussite. C’est à croire qu’une espèce de malédiction me poursuit où que j’aille et peu importe avec qui j’essaie de le faire.
« Tu peux rester ou t’en aller, fais comme tu veux. »
D’ailleurs je ne m’occupe plus vraiment de lui. Je me suis levé pour récupérer un peu d’herbe dans un tiroir. Je me roule un joins et lui dit :
« Est-ce que tu veux tirer dessus avant de t’en aller ? »
J’allume mon joins et le lui tends. Ça non plus ce n’est pas obligatoire mais à défaut de sexe, je vais m’embrumer l’esprit avant d’aller dormir.

Au moins Renji ne cherche pas à le forcer. Nae est soulagé de le réaliser. Pas qu’il pensait le contraire, depuis le début le jeune homme se montre patient. Kikunae pourrait presque s’en vouloir de le planter maintenant… Il ne se sent jute pas capable. Pas prêt. Il réalise alors qu’il ne le sera peut-être jamais… Est-ce que c’est normal que la simple idée que quelqu’un le touche de cette façon ne lui évoque que du dégoût et du malaise ? Rester ou partir ? Est-ce que Renji a pressenti que le Japonais était tenaillé par l’envie de détaller comme un lapin sans demander son reste ? Il le suit du regard. Il n’a jamais fumé de sa vie et n’a pas suffisamment traîné avec des fumeurs pour comprendre que Renji ne roule pas qu’une cigarette. Il a complètement détourner son attention de Nae, ce qui ne le dérange absolument pas. Il peut reprendre ses esprits et réfléchir. Enfin, en théorie… En réalité, il ne cesse de penser à ce qu’il allait faire… Il en frissonne. Pourquoi est-ce qu’il a été aussi stupide ? Et pourquoi est-ce qu’il a autant bu ?

- Non, merci, ça ira. Je crois que je vais y aller.

Il se lève du canapé, sa chemise encore à moitié ouverte, il prend seulement la peine de remettre son pantalon correctement. Ses gestes sont précipités et lourds à la fois. Il voudrait se dépêcher, mais l’alcool le ralenti.

- Je suis désolé, je ne peux pas…

Il laisse sa phrase en suspend. Il récupère aussi son manteau et ses chaussures dans l’entrée.

- Passe une bonne soirée quand même, ne t’embête pas pour moi, je vais retrouver mon chemin.

Il ne lui dit même pas au revoir. Est-ce qu’il a envie de le revoir ? Renji a été correcte avec lui, mais Nae aurait tellement honte… Ses chaussures tout juste mises, il ouvre la porte et quitte l’appartement. Il descend la volée de marches de l’immeuble quatre à quatre. L’air frais de l’extérieur lui fait du bien, mais son premier réflexe est d’attraper son téléphone portable.
 

Je ne lui en veux pas. A vraiment, je m’y attendais un peu. Bien sûr, je suis déçu. Je pensais me changer les idées et surtout oublier Jae dans les bras d’un autre. Il faut croire que c’était un plan voué à l’échec dès le départ. C’est peut-être même pour ça que j’ai autant insisté avec ce type. Parce que je savais qu’on n’arriverait à rien.

Je lui propose de tirer sur mon joint avant de s’en aller mais il est bien trop pressé pour ça. Pressé et peut-être un peu innocent.
« T’excuse pas. C’est pas grave. »
Un profond soupir traverse mes lèvres. En réalité, ça m’est déjà arrivé mais qu’avec des filles. C’est la première fois qu’un mec me plante comme ça mais il faut bien une première fois à tout. Je me lève, comme pour le raccompagner mais il me dit qu’il n’en a pas besoin. Il semble pressé. Il fuit littéralement et je dois me retenir de rire de la situation et aussi un peu de moi. Mais à quoi est-ce que je m’attendais ? Vraiment…

Je reste donc debout, au milieu de mon salon, le suivant du regard lorsqu’il s’en va. Il me fait de la peine mais dans l’histoire, le plus pathétique, c’est quand même moi. Ce n’est pas en ramenant n’importe qui chez moi que j’oublierais Jae.